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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 21-02-2010 à 04:10:22

LA MANUA OU THE UNAMA

LA MISSION D’ASSISTANCE DES NATIONS UNIES EN AFGHANISTAN

 

 

 

 

 

 

 

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La Conférence de Londres du 28 Janvier 2010 relative à la poursuite et à l’adaptation de l'action de la Communauté internationale en Afghanistan, invite à faire un point sur la présence des Nations Unies dans ce pays. Afin d’en avoir une idée plus large de l’action médiatique menée depuis les attentats du 11 Septembre 2001 et la conclusion de l’Accord de Bonn sur la construction d’un régime démocratique, il convient de consacrer quelques lignes à la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan.

Cet exposé préliminaire permettra de mieux évaluer les tâches et perspectives de l’ONU dans le relèvement d’une Souveraineté et la restauration d’un pays qui est à la fois une scène d’affrontements politiques et un théâtre de combats de grande intensité. Aussi, convient-il d’examiner le mandat de la MANUA(2) après avoir brièvement rappelé le précédent de la Mission Spéciale des Nations Unies en Afghanistan (1).

 (1)-Le précédent de la Mission spéciale des Nations Unies en Afghanistan

L’Afghanistan est un cas de conflit mi-international, mi-civil insuffisamment résolu ; de feu dévorant mal éteint. Lorsque la pression combinée des Nations Unies, du Bloc occidental et des quasi-cobelligérants régionaux tels que le Pakistan aboutit au retrait du corps expéditionnaire de l’U.R.S.S. en Février 1989, nombre d’observateurs s’attendaient à un retour à la paix et à la restauration de la pleine souveraineté de l’Afghanistan.

 

 

*Ce fut un leurre. Les plaies profondes, qui rongent la classe politique et la société dans sa majorité depuis l’abolition inconstitutionnelle de la monarchie, l’un des trois piliers de l’Etat afghan, les 16/17 Juillet 1973 débouche sur un cycle de violences ininterrompu : coups d’Etat militaires sanglants, intervention puis invasion et occupation soviétiques ; appuis, assistance et ingérences étrangères systématiques.

 

En effet, sous la cape de l’Accord de Genève du 14 Avril 1988 et l’apparent retour du pays à la paix, couvent un problème bien plus profond : la désorientation de l’appareil étatique pour perte de boussole et l’ouverture de la Boîte de Pandore d’où se sont échappés tous les démons afghans : lutte violente pour le pouvoir, affrontements confessionnels, fondamentalisme auto-mutilateur, instabilité gouvernementale. Comme il fallait le craindre, la guerre civile éclate en 1992 : les anciens résistants à l’occupation soviétiques, deviennent, par la force des choses : frères-ennemis.

 

Sans avoir pu, dans le cadre du présent exposé, le dater avec précision, je me souviens que les Nations Unies décident, entre Décembre 1993 (résolution 48/208 de l’Assemblée générale, du 21/12/93)* et Mars 1994, de mettre en place une présence internationale afin d’aider à la Concorde nationale. Cette présence est matérialisée par la Mission Spéciale des Nations Unies en Afghanistan ; de son sigle anglais : UNSMA (voir rapport intérimaire de Juillet 1994, A/49/208-S/1994/766)*. Notamment à tour conduite, sans éclat, par MM. Mestiri et Brahimi, l’UNSMA redore opportunément son blason sous la houlette du diplomate algérien, Lakhdar Brahimi, rappelé de toute urgence à sa tête à l’automne 2001, au moment où les Taliban sont en ligne de mire des Forces anglo-américaines.

 

Le coup de génie du Représentant personnel du Secrétaire général est prodigieux : faire entériner son Plan de paix en cinq (5) points par le Conseil de sécurité (résolution n°S/RES/1378(2001) du 14 Novembre 2001). Car l’Accord de paix, conclu au château de Petersberg en Allemagne par quelques délégations afghanes jugées « représentatives » de l’opinion publique nationale et internationale, en est une pâle copie.

 

 Or, ledit Accord ayant retenu le principe d’une présence substantielle de l’Organisation universelle dans le cadre du processus intérimaire et transitoire enclenché après le démantèlement de l’Emirat islamique d’Afghanistan, l’UNSMA est alors abolie pour faire place à la MANUA : Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, dont il importe d’examiner le mandat. 

 

 (2)-Le mandat de la MANUA

Il convient de se référer à trois sources à caractère juridique et politique, pour déterminer le mandat de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan. Selon l’Accord de Bonn (S/2002/278)*, un certain nombre de tâches sont confiées par les délégations afghanes à l’ONU, après le démantèlement des Taliban en Octobre-Novembre 2001. Au titre de l’annexe II, on en dénombre quatre (4) essentielles:

 

ü      Conseiller les nouvelles Autorités quant à l’organisation de la Grande Assemblée coutumière d’urgence devant entériner les structures provisoires et désigner les institutions transitoires du pays ;

 

ü      Offrir ses bons offices en cas de différend grave, par le truchement du Représentant spécial du SGNU ;

 

ü      Enquêter sur les atteintes aux droits humains, avec possibilité de recommander des sanctions ;

 

ü     Promouvoir le développement et la mise en œuvre d’une dynamique pédagogique en matière des Droits de l’Homme.

 

Quant à l’annexe III de l’Accord de Bonn, trois (3) de ses recommandations assignent aux Nations Unies un rôle difficilement réalisable sans une présence effective sur la scène publique intéressée :

 

ü      Garantir la souveraineté afghane, l’intégrité du territoire, l’unité nationale et préserver l’Afghanistan de toute ingérence étrangère ;

 

ü      Réaffirmer, renforcer et exécuter l’engagement de l’ONU et de la Communauté internationale quant à l’assistance au processus de réhabilitation, de restauration et de reconstruction post-conflit ;

 ü     Coopérer avec l’Administration intérimaire aux fins de lutte contre le terrorisme et l’essor du pavot à opium, par l’instauration d’un système d’activités économiques de substitution (S/2001/1154, Op. cit.)*.

 

Au regard de ces tâches combien importantes, auxquelles on doit ajouter les préparatifs d’organisation des forums traditionnels de domestication des principes internationaux (Loya Jirga d’urgence et Loya Jirga constituante), les Nations Unies prennent les mesures appropriées pour créer un organisme doté d’un rayon d’action plus élargi et plus dense que celui de la Mission Spéciale.

 

Tel est l’objectif concordant des efforts du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Secrétaire général dans la gestion de la situation complexe qui prévaut en Afghanistan. Ainsi, revigoré par les résolutions 1378 (2001) endossant le Plan de paix de M. Brahimi, 1383 (2001) conférant force de droit à l’Accord de Bonn et 1386 (2001) prenant acte du changement de régime en Afghanistan, le Conseil de sécurité adopte la résolution n°S/RES/1401 (2002), qui crée la MANUA.

 

L’acte du 28 Mars 2002 entérine successivement les recommandations de l’AGNU (résolution 56/220 A du 21/12/2001)* ainsi que la composition, le fonctionnement et les objectifs de la Mission, tels qu’établis par le SGNU dans son rapport trimestriel aux organes pléniers sur les conséquences de la situation en Afghanistan sur la paix et la sécurité internationales (S/2002/278)*.

 

En effet, le rapport du 18 Mars 2002 fixe, au titre des structures de la MANUA, que le mandat de celle-ci consiste en une (1) tâche générale. Il s’agit d’appuyer la mise en œuvre de l’Accord de Bonn, tout en assurant l’assistance humanitaire et le relèvement politique, social et économique de manière à susciter un fort impact sur un processus de paix qui nécessite une approche intégrée de l’action internationale (S/2002/278, paragraphe 94)*.

 

Le mandat de la Mission, en soi-même, repose « essentiellement » sur trois (3) points, conformément au paragraphe 97 du rapport du Secrétaire général :

 

 

         -Diriger tous les programmes humanitaires, de normalisation et de reconstruction effectuées dans le cadre de l’ONU.

 

Entre Mars 2002, date d’établissement de la Mission ; et Février 2010, date de notre réflexion sur la stratégie de la Communauté internationale, le mandat de la MANUA a eu d’excellents prétextes pour s’adapter aux contextes politique et militaire du théâtre. Le mouvement qui attire plus précisément l’attention est, toutefois, celui de ces deux derniers mois, à l’aune des préparatifs de la Conférence internationale de Londres du 28 Janvier.

 

La question revient donc à se demander sur quel module la MANUA fonctionne-t-elle, en effet, au moment où ces importantes assises ont lieu, même si elles sont dominées par l’action de l’OTAN. Telle question appelle à scruter les principales articulations de son mandat actuel.

 

A la suite des recommandations de la Conférence internationale de La Haye du 31 Mars 2009, La résolution n° S/RES/1868 (2009) du Conseil de sécurité proroge de 12 mois le mandat confié à la MANUA par les résolutions 1662 (2006) et 1746 (2007). Les observations et recommandations du rapport du Secrétaire général en date du 10 Mars de la même année (S/2009/135) sur les implications internationales de la crise afghane ne sont pas non plus étrangères à cette décision.

 

 En outre, la résolution du 23 Mars 2009 (paragraphe 4), se référant à celle du 20 Mars 2008 (n°S/RES/1806 (2008), paragraphe 4), confère neuf (9) tâches à la MANUA jusqu’en Mars 2010. Pour l’essentiel, la Mission des Nations Unies est appelée à :

 

·        Promouvoir une meilleure cohérence de l’action internationale, coordonner et assainir les efforts internationaux en matière d’assistance humanitaire, de reconstruction et d’aide au développement ; mobiliser les ressources extérieures ;

 

·        Œuvrer à l’application de tous les instruments stratégiques de financement et de développement de l’Afghanistan, au moyen d’un renforcement structurel et d’un élargissement géographique ;

 

·        Contribuer à l’enracinement de l’Etat de droit et de la démocratie, comme instruments de réconciliation nationale et de paix durable ;

 

·        Soutenir l’effort d’organisation et d’observation de l’élection présidentielle du 20 Août 2009 ;

 

·        Favoriser la coopération régionale aux fins de stabilité et de prospérité du pays ; sans oublier le retour, dans la dignité et la sécurité, des millions de réfugiés afghans d’Asie Centrale et d’ailleurs.

 

L’examen particulier de l’application de ce mandat mérite un exposé à part. Mais en attendant, on peut constater, au regard de la controverse nourrie autour de ce scrutin émaillé de fraudes flagrantes, que la MANUA y a quelque peu laissé de son efficacité et de sa crédibilité.

 

La recrudescence de l’insurrection, l’impasse dans laquelle se trouve l’action militaire des forces multilatérales, ainsi que l’inefficacité des mécanismes de protection de populations civiles déjà sinistrées par la pauvreté, invitent à réévaluer ce mandat et à se poser les bonnes questions : que faut-il à l’Afghanistan pour être à la fois un Etat souverain, un pays démocratique, un territoire stable et pacifié ?

 

Pour répondre à cette question, il ne suffit pas se réunir à grands frais à Bonn, Tokyo, Berlin, Paris, Londres et La Haye. Il faut encourager et aider les Afghans à se réunir chez eux, pour débattre, ensemble, sans être exposés à la curiosité du monde, sur la définition des dynamiques appropriées à la prise en main de leur Droit à disposer d’eux-mêmes.

 

Or, à ce propos, le Gouvernement afghan doit justifier des deux articles fondamentaux à la gestion d’un pays en proie à une crise politique et militaire protéiforme : la Volonté d’arrimer l’exercice du pouvoir aux principes de la légalité républicaine et la Capacité d’assurer la sécurité du territoire national, face aux mouvements insurrectionnels locaux et aux groupes terroristes qui ont fait de l’Afghanistan une base d’entraînement depuis des décennies. L’observation du Secrétaire général ne confirme pourtant pas cette dynamique :

 

« La capacité du Gouvernement à jouer ce rôle de manière plus efficace et plus convaincante contribuera  à consolider le partenariat entre le Gouvernement afghan et la communauté internationale » (A/64/364-S/2009/475, paragraphe 72 in fine)*.

 

S’agissant de cette dernière, le plus Haut fonctionnaire des Nations Unies fait, plus loin, une recommandation qui ne souffre d’aucune ambiguïté quant aux implications des acteurs, de part et d’autre :

 

« La communauté internationale devrait appuyer énergiquement les programmes permettant à l’Afghanistan d’assumer pleinement ses responsabilités en tant qu’Etat souverain, afin de faciliter un processus de paix sans laissés-pour compte et de donner forme au statut de l’Afghanistan dans la région » (paragraphe 76).

 

 La Conférence internationale de Rome de Janvier 2010 sur l’Afghanistan a certainement permis de mettre en œuvre ces dynamiques d’adaptation de la présence onusienne, qui n’est pas aussi nouvelle qu’elle veut paraître. Pourtant, la réévaluation du mandat de la MANUA et, en conséquence, le mandat des Nations Unies en général, dans le processus enclenché en Afghanistan en Septembre 2001 est souhaitée par l’ensemble des observateurs des questions afghanes.  

 

 

 

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Le problème afghan est l’un des écheveaux les plus complexes que l’ONU a tant de mal à démêler. En tant que point de convergence des efforts de la Communauté internationale, les difficultés de l’ONU ne manquent pas de rejaillir sur l’ensemble du processus instauré par l’Accord de paix du 5 Décembre 2001.

 

Néanmoins, il convient, « tout simplement » -si l’on peut parler de simplicité dans telle situation-, de souligner en même temps que l’action de la Communauté internationale en Afghanistan repose sur une double base : la prise de responsabilité des Etats membres des Nations Unies et des Organisations internationales face au défi du relèvement et de la reconstruction post-taliban, ainsi que l’exercice controversé de la légitime défense reconnue par le Conseil de sécurité aux Etats-Unis via la résolution n° S/RES/1368 (2001) du 12 Septembre.

 

 La question qu’il convient de se poser est alors toute indiquée : le repositionnement des Forces américaines et l’action civilo-militaire de l’OTAN sont-ils de nature à faciliter et clarifier le rôle des Nations Unies en Afghanistan ?  

 

 

 

Arthur BENGA NDJEME : Nancy, le 21 Février 2010, 03 h 06.