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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 19-02-2010 à 08:46:00

GRANDEUR ET DECHEANCE DES PEUPLES


 

Grandeur et Déchéance des Africains à travers l’épopée de Mamadou Tandja

 

 

 

Introduction

Quel paradoxe que celui qui consiste, pour des dirigeants africains à faire de la Liberté un slogan proclamé pour revêtir le label démocratique et paraître fréquentables à l’Extérieur ! Les tendances au marchandage de cette Valeur par M. Tandja ont souvent alimenté mes discussions avec des collègues, ainsi que nombre de mes réflexions anonymes. Car ce personnage a œuvré avec assiduité à la destruction des acquis que le Niger et l’Afrique avaient pu glaner de transitions démocratiques apaisées.

 

Alors même que la Constitution du 9 Août 1999, héritée de la Conférence nationale souveraine de 1991 et de l'assassinat de Barré Maïnassara puis révisée en Septembre 2004, offre au Niger une base solide de prospérité et de rayonnement international, ce patrimoine politique, juridique, culturel et social vole en éclat par la volonté d’un seul homme, désireux de s’éterniser au Pouvoir.

 

Après s’être mis à dos les forces vives de la Nation et les principaux membres de la Communauté internationale, dont la France, ancienne puissance coloniale, M. Tandja est tombé entre les mains des militaires hier à Niamey, dans ce qui ressemble à un coup d’Etat dont l’alerte est donnée depuis une semaine par des sources qui ont vivement requis l'anonymat.

 

Ayant appris la nuit dernière cette triste information pour le Niger et l’Afrique, mais aussi pour la Démocratie et le Progrès, je me propose de rappeler l’épopée de Tandja Mamadou à travers quelques considérations sur le destin de l’Afrique. Car il est une conviction inébranlable, que la Liberté est la cause de la Grandeur des Peuples africains (I). Et, en ce qui touche précisément à la désastreuse reconversion du président nigérien en apprenti-dictateur, on ne peut qu’admettre que la vertu de l’entêtement, c’est la déchéance (II).

 

I-La Liberté, cause de la Grandeur des Peuples d’Afrique

Les Peuples d’Afrique ne sont jamais aussi Grands que lorsqu’ils aspirent et respirent la capacité de jouir sans entrave de leurs Indépendance et Dignité. Ce sont « les amants de la Liberté ». Toute leur Histoire : travaux, luttes, alphabets, arts et sciences en témoignent. La Constitution du Niger la Constitution du Niger du 9 Août 1999, comportant le patrimoine démocratique de l’interminable Conférence nationale souveraine de 1991, et révisée en Septembre 2004, porte très clairement l’empreinte de la Liberté. Elle exprime la Volonté du Peuple nigérien Souverain (A) et prescrit l’Etat de droit comme noble objectif (B).


A)-La Volonté du Peuple nigérien Souverain

Le Préambule de la Constitution nigérienne, au demeurant mutilée par M. Tandja, se fonde sur les trois éléments fondateurs et fondamentaux de l’Etat du Niger ; tous issus de la Souveraineté du Peuple. Il s’agit, de prime abord, des « acquis de la République et de l’indépendance nationale » remontant au 18 Décembre 1958 et 3 Août 1960. Il s’agit ensuite de l’interminable « Conférence nationale souveraine » ayant mobilisé le Peuple nigérien entre le 29 Juillet et le 3 Novembre 1991.

 

Cette même Volonté souveraine du Peuple l’a conduit à adopter la garantie des Droits de l’Homme (Préambule et Titre II)* et la démocratie, régime de Liberté par excellence, comme codes de conduite de l’Etat. C’est pourquoi, la Constitution met en demeure les gouvernants du Niger à respecter le principe fondamental de la démocratie : « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » (article 4)*.

 

Nulle prétention, nulle machination ou manipulation des hommes politiques ne doivent mettre en marge ces principes auxquels le Peuple souverain a clairement souscrit. Et, ce n’est qu’un juste arrimage du Niger « aux valeurs de civilisations qui fondent [sa] personnalité » (Préambule)*.

 

Tels sont les seuls instruments, principes et valeurs qui, avec l’Etat de droit, doivent régir la gestion des hommes et des biens au Niger.


B)-L’Etat de droit, noble objectif du Peuple nigérien

La Constitution d’Août 1999 n’est pas seulement le cadre d’expression du désir de démocratie du Peuple nigérien. Elle est aussi et surtout, la « Loi Suprême de l’Etat » à laquelle il confère le pouvoir de l’aider « à bâtir un Etat de droit, une Nation unie, digne, pacifique, industrieuse et prospère » (Préambule)*.

 

La notion d’Etat de droit se résumant actuellement par la subordination de la Puissance publique aux « normes supérieures » (Michel de Villiers, Dictionnaire de droit constitutionnel, 3e édition, Armand Colin, 2001, p.101)* d’ordre interne et à caractère international, la Constitution nigérienne offre aux gouvernants les moyens d’atteindre ce noble objectif.

 

On note, tout d’abord, la règle d’or, qui exige que la souveraineté nationale appartienne au peuple (article 5) ; et l’indépendance (articles 98-1 et 100-1)* puis la légalité (article 99-1)* de la Justice. Dans ce même registre, d’autres moyens de l’Etat de droit se développement à travers l’intégrité de la justice constitutionnelle, dont le rôle est capital dans le contrôle de constitutionnalité des actes internes et externes (article 103-1) et la régularité du contentieux électoral (articles 6, in fine, 36-4 et 103-2)*.

 

En ce qui concerne, plus précisément, le contrôle des actes de la Puissance publique, la Constitution dote le Niger d’un Conseil d’Etat, qui, comme le définit clairement l’article 116 bis, §1 : « le juge de l’excès du pouvoir des autorités administratives en premier et dernier ressort, des recours en interprétation et en appréciation de la légalité des actes administratifs ». La question qu’on ne peut s’empêcher, au lendemain du coup d’Etat prévisible perpétré contre Tandja Mamadou est de savoir : où est passé ce prodigieux acquis de la Conférence nationale souveraine ?

 

 

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L’obstination du citoyen Tandja, dans la conquête du Pouvoir à Niamey, en prenant des risques sur sa vie et la sécurité de sa famille a ému et passionné la jeunesse africaine à la fin des années 1990. Son élection à la présidence du Niger ne fut qu’un acte de réparation arrivé d’ailleurs un peu tard. Toutefois, les instruments, les causes de la Grandeur du Peuple nigérien ont tourné à la désillusion, suite à l’entêtement disposant pourtant de tous les atouts pour sortir ce Pays de la pauvreté et de l’instabilité politique.


II-La vertu de l’entêtement : la déchéance

La seule vertu que M. Tandja ait pu  tirer de son entêtement à s’éterniser au Pouvoir en dépit de la Constitution et des instances judiciaires habilitées, c’est sa déchéance et celle de la démocratisation et des institutions du Niger. Cet entêtement se traduit par une dérive autoritariste (A), dont le couronnement est le coup d’Etat constitutionnel (B) du 4 Août 2009.


A)-La dérive autoritariste

Effluve d’uranium ou folie du Pouvoir, M. Tandja se met à dos une bonne partie de la classe politique nigérienne en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale (article 48-1 de la Constitution)* et de la Cour constitutionnelle. Et pour cause ? Celle-ci donne un avis défavorable le 25 Mai 2009 à sa décision de convoquer un référendum dont le principal but est de réviser la Constitution pour s’offrir un troisième mandat à la tête du Niger.

 

Ainsi, s’excipant arbitrairement de l’article 56 de la Constitution, qui régit l’état exceptionnel au cours duquel « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et la continuité de l’Etat sont gravement menacés », M. Tandja s’adjuge les pleins-pouvoirs. La Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI), prévue par la Constitution (article 6-2)*, est mise en coupe réglée, pour une mascarade électorale qui n’a trompé que ceux qui ne voulaient pas voir.

 

En somme, le processus démocratique, que le Niger commençait à peine à restaurer et redorer, est subitement « privatisé » (Richard Banégas, « Enjeux et paradoxes de la démocratie en Afrique », Questions internationales n°33, Septembre-Octobre 2008, p.56)*.

 

Avec un Tandja assoiffé de Pouvoir, le Niger réussit à se mettre à dos la Communauté internationale. Les menaces de ruptures d’aide publique au développement et de sanctions pleuvent de partout : Organisation des Nations Unies, Union européenne, Union africaine et Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ; mais également, Etats-Unis d’Amérique, Belgique, même le tolérant Canada et la France s’indignent de cette dérive autoritariste.

 

Rien n’y fait. Le président du Niger campe sur ses positions. Il concrétise finalement son objectif par la perpétration d’un « coup d’Etat constitutionnel ».


B)-Le coup d’Etat constitutionnel

Depuis qu’il s’est accommodés au ores du Pouvoir, l’article 36 de la Constitution énerve M. Tandja : « Le Président de la République est élu pour cinq (5) ans au suffrage universel libre, direct, égal et secret. Il est rééligible une seule fois. » Une telle disposition n’est pas digne d’un pays démocratique comme le Niger ! Pense-t-il alors.

 

Aussi, organise-t-il ce référendum, qui entérine une nouvelle Constitution, dont les prescrits sont plus à son goût. Pérennité au Pouvoir, renforcement des prérogatives du Président de la République devant désormais cumuler les fonctions de Chef d’Etat et de Chef de gouvernement ; Chef suprême des Armées et du Pouvoir judiciaire…

 

Voilà le suicide politique, qui le conduit tout droit à la déchéance, lorsque les troupes de Salou Djibo et du Colonel Goukoye Abdoulkarim le mettent aux arrêts après le Conseil de cabinet d’hier, jeudi 18 Février 2009.

 

 

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Ce parcours de « dictateur sorti des urnes » n’est, hélas ! pas propre à Mamadou Tandja et d’autres dirigeants nigériens, moins chanceux comme Ibrahim Barre Maïnassara. Il est le signe d’égarement de la plupart des gouvernants d’Afrique. Le signe qui se mue fatalement en cause de déchéance et de paupérisation des Africains.

 

 

 

Conclusion : Lettre à Monsieur Tandja

« Monsieur,

« L’avantage d’un Etat libre est que les revenus y sont mieux administrés ; mais lorsqu’il le sont plus mal, l’avantage d’un Etat libre est qu’il n’y a point de favoris ; mais quand cela n’est pas, et qu’au lieu des amis et des parents du prince il faut faire la fortune des amis et des parents de tous ceux qui ont part au gouvernement, tout est perdu ». C’est en ces termes que Mollard écrit à Lamartine, en citant Montesquieu (Deuxième lettre à Monsieur de Lamartine sur son passage dans l’opposition, Editions Charpentier, Paris, 1843, p.31)*.

 

Mais pourquoi tout serait-il donc perdu dans un Etat qui n’est pas libre? Eh bien ! parce que :

 

« les lois y sont éludées plus dangereusement qu’elles ne sont violées par un prince qui, étant toujours le plus grand citoyen de l’Etat, a le plus d’intérêt à sa conservation » (Montesquieu, Considérations sur le causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, 3e édition, Par M. l’abbé C. BLANCHET, C. Poussielgue, Paris, 1907, Chap. IV, p.23)*. Vous auriez pu être un modèle pour la jeunesse africaine !

 

 

 

 

 

Arthur BENGA NDJEME: Nancy, le 19 Février 2009, 08h 39.