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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 14-11-2009 à 01:00:02

Le deal passé entre Omar Bongo et la femme dans la gestion du Gabon

 

Introduction

 

 

L’exercice du pouvoir, de tout temps et de tous horizons, repose moins sur l’autorité d’un individu que sur un système d’alliances. Autant la gestion d’un pays est affaire de compagnons, réunis au sein d’une élite, d’une classe, d’une corporation ou, plus globalement, d’un Gouvernement ; autant les clés du pouvoir sont détenues par quelques personnes gravitant autour du chef ou choisies par lui pour asseoir son autorité. Au Gabon, on a longtemps et longuement ergoté sur le rôle de l’armée (on y reviendra !), des réseaux afro-français, des loges maçonniques et autres sociétés spirituelles africaines (N’djobi, O’Mbwiri).


Mais il importe de souligner également le deal ou l’alliance passée entre Omar Bongo et la femme dans la gestion du Gabon. Selon des témoignages recueillis auprès de quelques uns de ses compagnons de route  de très longue date et les livres écrits par l’auteur lui-même [notamment : Omar Bongo, Les Chances du Gabon pour l’an 2000. Le chemin du futur, Multipress, Libreville, 1998] sur sa vision du pouvoir, on perçoit en la femme, un pilier du système politique (I) et une chance pour le futur (II).

 

I-La femme, un pilier du système politique


Il est certain que la représentativité de la femme n’est pas équivalente à celle de l’homme au sein du Gouvernement, de l’administration et des grands corps de l’Etat. Néanmoins, un regard attentif de la place occupée par la femme dans le dispositif du président Bongo révèle son caractère indispensable. Il en ainsi du rôle moteur de la Première dame (I-1), du verrou représenté par la présidente de la Cour constitutionnelle (I-2) et de la place prépondérante de la présidente du Sénat (I-3).

 

I-1 : Le rôle moteur de la Première dame

 

Ceux de mon âge (40 ans) ont encore en mémoire la force mobilisatrice des Groupes d’animation dans l’essor du militantisme au sein de l’ancien parti unique. Du temps de Léon M’ba, la politique avait un caractère sérieux, stricte tel un rite réservé aux « initiés », alors que l’impulsion de  la Première dame sous le règne du parti unique donne à celui-ci la force de parti de masse qui a fait son succès. Le chantier de l'unité nationale s'en est trouvé renforcé, tout au moins par le désenclavement des cultures de l'arrière-pays, désenclavement favorisé par l'essor des Groupes d'animation, dont chacun vivait les prodiges le soir à la télévision le jeudi; jour de Jupiter, jour de joie, d'espoir et d'innocence!

 

En y prêtant plus d'attention, les chants de la Première dame elle-même étaient chargés de soutiens actifs et précieux à l'engagement de son époux (Congrès, Le 12 Mars, Yaya Bongo, Associé), au sursaut patriotique (Le Haut-Ogooué, Mbil'a Suku) ainsi  qu'au rassemblement des forces vives de la Nation (Bana ba lè Gabon). Il est même arrivé, dans certaines de ses chansons, que la Première dame attire plus personnellement l'attention de son époux sur l'impérieuse exigence de développement du pays. Ce double mouvement d'encouragements et de critiques à peine voilées du régime constitue le ferment le plus fertile d'un système politique dynamique, de l'intérieur!

 

Le rôle moteur de la Première dame s'est également illustré et affirmé lors des élections présidentielles de 1998 et 2005, lorsque l'épouse du chef de l'Etat s'est quasiment présentée en alter ego, en doublure de son conjoint. A travers son action caritative (Fondation Horizon Nouveau, clinique El Rapha?), son engagement humanitaire (lutte contre le SIDA) et nombre de ses discours dits "avec le coeur", la force d'attraction et d'adhésion des citoyens aux projets de son époux est inestimable.


Avec une Première dame dynamique, chaleureuse, sociable et membre de réseaux sociaux, l'Exécutif se dédouble! Il en est de même d'autres pouvoirs de l'Etat, car la femme joue un rôle tout aussi stimulant au sein, si ce n'est au sommet, du pouvoir judiciaire.

 

I-2 : Le verrou représenté par la présidente de la Cour constitutionnelle

 La Cour constitutionnelle est, aux termes de la Loi fondamentale (article 83), une institution aux pouvoirs exorbitants. D’un autre côté, ses décisions sont revêtues de l’autorité absolue de la chose jugée (C., article 92). Au regard des décisions rendues par la Cour constitutionnelle lors et à l’issue des scrutins présidentiels organisés au Gabon, on peut être certain de deux choses.


D’une part, que la haute juridiction, présidée autrement, aurait rendu des décisions fort différentes. Et, d’autre part, que si l’on ôtait la personne qui en assure la présidence du dispositif de l’ancien chef de l’Etat, le pouvoir et l’autorité du chef n’auraient vraisemblablement pas eu le même écho, la même puissance.

 

Ce rôle de consolidation du système politique en place semble avoir d’ailleurs survécu à Omar Bongo. Car les récentes décisions de la Cour constitutionnelle en matière électorale sont, pour le moins, surréalistes. Dans le même sens, la présidence de la Cour de sûreté de l’Etat par une femme participe à ce mécanisme de gestion « féminisée » du pouvoir au Gabon.

 

Mais le rôle de la femme gabonaise ne se limite pas qu’au renforcement de l’autorité du chef de l’Etat à travers la revitalisation du politique et du judiciaire ; le pouvoir législatif s’est également doté d’un pilier incontournable par le biais de la présidente du Sénat.

 

I-3 : La place prépondérante de la présidente du Sénat

 

La dernière clef, et non des moindres, intégrée au système Bongo, c’est une autre femme, appelée à présider le Sénat. Ainsi, en tant que chambre haute du Parlement gabonais, cette personnalité est, d’office, habilitée à présider la République, en cas de déchéance ou de vacance du pouvoir, conformément à l’Article 13 de la Constitution.

 

Le cas de vacance du pouvoir constaté en juin 2009 par la Cour constitutionnelle met en application cette disposition et ce dispositif savamment organisé. Car on se souviendra que le Secrétaire général du parti au pouvoir est allé prendre les instructions personnelles du chef sur la personne devant siéger à la tête du Sénat, alors que le président de la République se trouvait en séjour privé au Maroc.


 A cet égard, un certain nombre d’observateurs et de citoyens soutient l’idée selon laquelle la transition ayant fait suite au décès du chef de l’Etat aurait certainement pris une autre orientation si le défunt président du Sénat en avait (comme il en rêvait !) assuré l’intérim.

 

 Ainsi apparaît, dans toute sa splendeur, l’alliance (tacite ou délibérée) passée entre Omar Bongo et la femme pour la consolidation et la pérennisation de son régime politique. On peut d’ailleurs ajouter à ces personnalités plus en vue, d’autres, non moins capitales comme les anciennes vice-Premiers ministres, son ancienne Secrétaire particulière devenue ministre des Affaires étrangères puis de la Communication ainsi que sa fille aînée, successivement ministre et directrice du cabinet présidentiel.

 

Que dire, à ce sujet, du rôle de conseillères et diplomates de l'ombre joué par les veuves des anciens compagnons et collaborateur du chef de  l'Etat sur des problèmes sensibles de la Nation!

 

Conclusion du premier point 

Au regard du rôle non institutionnel joué par son épouse et les responsabilités confiées à d’autres femmes à la tête des institutions les plus prestigieuses du pays, le Président Bongo a vraiment fait de la femme un instrument indispensable à son dispositif d’exercice, de conquête et de conservation du pouvoir. La femme se présente donc en pilier du système politique. L’ancien chef d’Etat annonçait-il une prémonition, lorsqu’il vit en la femme, non plus un simple instrument, mais une « chance » du Gabon pour le futur ?

Telle est la question qu’il importe d’élucider dans le dernier point de notre exposé.

 

 

II-La femme, une chance pour le futur

 

A-t-on coutume de dire, et avec ironie :

 « la femme est l’avenir de l’homme ».

Il semblerait que cette ironie n’habite point la posture des dirigeants gabonais, qui, à quelque degré que ce soit, font de la femme un agent essentiel du pouvoir au point de l’envisager comme une « chance » pour demain. Telle est, en tout cas, la vision partagée à ses concitoyens par Omar Bongo à l’orée de l’élection présidentielle de 1998. Mais, qu’est-ce qui conduit à considérer que la femme est la chance du Gabon de demain ? Deux éléments semblent soutenir la vision d’Omar Bongo à ce sujet: une solution à l’échec des hommes (II-1) et une habile utilisation de l’intuition féminine (II-2). 

 

II-1 : Une solution à l’échec des hommes

 

L’ancien chef de l’Etat était le premier à s’indigner de l’état de sous-développement du pays, en prenant d’ailleurs à témoin la Divinité dans un soupir de contrition ! Comme tout dirigeant, il était forcément hanté par l’idée d’échouer. C’est pourquoi, dès 1998, il identifie un certain nombre de ressources (humaines, naturelles, économiques) qu’il érige au rang de chances du Gabon pour l’an 2000 –entendons par là le « futur ».

 

Et au nombre de ces ressources, la femme occupe une place de choix. Elle est ainsi considérée, en cas d’échec des hommes, comme une forme d’« arme fatale » (M’bambou mwa mbiya nkôngô, en ikota).

 

Que l’on considère le fonctionnement des cabinets, ambassades du Gabon ou grandes entreprises publiques, l’idée de solution d’appoint à l’échec des hommes est palpable. A ce titre, la femme est un agent de développement économique, scientifique et politique à part entière du pays ; d’autant plus qu’au IIIe millénaire, toutes les énergies vives de la société sont libérées.

 

Rien qu’à considérer l’ensemble des femmes gabonaises occupant aujourd’hui des postes de hautes responsabilités en France, il est édifiant de voir à quel point leur gouvernance séduit efficacement l’Exécutif. Elles doivent certainement ces aptitudes au don naturel qui les distingue résolument des hommes : l’intuition féminine.

 

II-2 : L’intuition féminine

 Bien plus qu’elles les pensent et les calculent, les femmes « sentent » mieux les choses ! C’est la fameuse « intuition féminine », qui leur confère une forme de sixième sens.

 

Tandis que les hommes sont dévorés par l’instinct animal de domination et d’enrichissement effréné, les vertus de douceur et de tempérance font de la femme l’agent le mieux indiqué pour la gestion de lourdes charges de la République. Il n’est même pas besoin d’y avoir recours en tant que solution d’appoint, mais comme associée active des ces « torses bombés », plus prompts à guerroyer qu’à bâtir et à donner corps aux idéaux de sociétés au destin improbable.

 

Ce « sexe » prétendument faible rappelle à maints égard un beau texte d’espagnol étudié au Lycée (« Sexo débil, pero no tanto »). Lors qu’on croit les dominer, la subtilité des femmes les conduit souvent au bout de leurs projets, de leurs vocations. Bien malin serait, à ce propos, celui qui s’aventurerait à vouloir cerner la personnalité de la présidence par intérim et à déceler l’empreinte que cette dernière a bien voulu donner à la transition. On se méfierait bien à deux fois de la « Rose », belle et épineuse !

 

Au moment où le Gabon est confronté aux défis de la pauvreté, de la paupérisation, de l’insécurité, de l’injustice et du chômage, cette marque de confiance et d’estime, témoignée à la femme par le président Bongo, doit être rappelée. Lui-même pensait d’ailleurs que la femme applique, mieux que nul autre collaborateur, une règle du pouvoir qui a bâti les empires :

 

« Quand on sert un chef ou un souverain, on doit tout lui dire. Même si cela doit lui déplaire ».

[Citation de Confucius, in Omar Bongo, Confidences d’un Africain, Entretiens avec Christian Casteran, Albin Michel, Paris, 1994, p.28]

  

Conclusion du second point

La confiance se mérite, la chance aussi. Ceci appelle au sursaut patriotique, non pas la femme seule ; mais également l’homme, son partenaire pour le développement, la paix et la prospérité du monde. Son partenaire pour la vie. Etre une « chance » pour le Gabon ne signifie pas qu’on « laissât » aux femmes les commandes du pays (ce qu’elles ne réclament d’ailleurs pas !). Mais que la république et la Nation leur confient des moyens adéquats et conséquents pour assurer leurs missions publiques avec efficacité.

 

 

Conclusion

 

A l’aune des responsabilités que le nouveau gouvernement a confiées à la femme dans les départements aussi importants que la Défense nationale, la Justice, l’Economie numérique et la Santé publique, il importe à nos mères, sœurs et épouses de prendre leur courage à deux mains pour faire la différence.

 

En pays kota, il est un proverbe qui martèle depuis la nuit des temps:

 

Kadji, éboto ya ndomi , « la femme est plus sage que (l’aînée de) l’homme ».

 

L’exemple du Liberia fera-t-il école au Gabon et dans le reste du continent africain ?

 

En attendant les « lendemains meilleurs » pour notre pays et ce vieux berceau de l’humanité, il est sage d’être patients et d’accompagner, chacun à son niveau, l’accouchement aux forceps de l’Etat de droit en Afrique. Femmes ; Anges gardiens ; Sentinelles du Gabon ; l'Âme du pays, la Nation vous regarde !

 

 

 

Arthur BENGA NDJEME : Nancy, le 12 Novembre 2009.