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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 23-04-2012 à 16:07:46

Cours Département Etudes Germaniques

 

 Suite définition du Droit International par René-Jean DUPUY


UNIVERSITE OMAR BONGO (UOB)

 

FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

DEPARTEMENT D’ETUDES GERMANIQUES  

 

Leçons de Droit International Public 

Et 

Initiation aux Questions diplomatiques   

 

 

 

 

Par Arthur BENGA NDJEME

Docteur en Droit international public

Assistant en Droit Public à l’Université Omar BONGO

Chargé d’Etudes du Ministre du Budget   

 

 

 Libreville, année 2011/2012

 

(suite)

 

2°/- Le Droit international régit « les rapports entre les Etats »

Le Droit International Public, affirme R.-J. DUPUY, régit « les rapports entre les Etats » (Le droit international, PUF, 12e édition, p.5, op. cit.)*. Ceci implique donc autant de justifications que de conséquences.

EN termes de justification, on peut alors expliquer cette affirmation par le principe suivant lequel l’ensemble des règles dont il est ici question n’ont pour vocation qu’à encadrer, coordonner et polir l’activité des Etats vis-à-vis d’autres Etats sur la scène internationale. En termes de conséquences, on indiquera à titre principal que cette assertion du professeur DUPUY exclut clairement, comme on le verra plus avant (infra, 4)*, d’autres variétés de sujets du Droit International en dehors des Etats.

 

Au tout début du siècle dernier, E. CATELLANI (« Le droit international au commencement du XXe siècle », RGDIP 1901, Tome 8, p.385)* définissait déjà le Droit international « comme la loi qui doit gouverner la vie sociale des Etats tels qu’ils existent et dans les rapports que l’histoire a développés entre eux ». Selon l’auteur, ce Droit poursuivrait donc la « mission de réaliser l’empire de la loi et de faire écouter la voix de la justice dans les relations pacifiques aussi bien que dans celles de la guerre » (idem)*.

On abandonne ainsi le préjugé regrettable d’un Droit International qui n’aurait pour seule mission que le règne de l’idéal de la Paix perpétuelle théorisé par le philosophe allemand Emmanuel KANT* et l’éradication de la guerre dans les relations internationales. Il est vrai que cette conception du Droit international relève de la doctrine classique telle qu’elle apparaît dans les écrits de Georges SCELLE, qui note, à cet égard, l’existence de deux sociétés internationales ; celle qui nous intéresse ici étant la « société internationale globale, formée uniquement de personnes juridiques collectives : les Etats, personnes morales d’une nature particulière, aux rapports desquels correspond le droit international public dont ils sont les seuls sujets de droit » (Voir « Essai de systématique du Droit international (Plan d’un cours de Droit international public) », RGDIP, 2e série – Tome V, Tome 30 – 1923, pp.116-142, p.117)*.

Fort des critères rigoureux de la définition de l’Etat, SCELLE, p.118, dénie même la nature d’Etat au « soi-disant Etat indépendant du Congo », conglomérat de territoires coloniaux placés sous l’empire de la France sous l’exotique appellation d’Afrique Equatoriale Française (AEF)*. Cette conception est cependant nuancée aujourd’hui avec la prolifération de personnes morales d’un genre nouveau : les organisations internationales, dont la nature, la vocation et la personnalité juridique en font autant de sujets du Droit international (CIJ, avis consultatif du 11 Avril 1949, Question de la réparation des dommages subis au service des Nations Unies ou Affaire du Comte Bernadotte)*.

Mais là est un autre débat, certainement départagé par la notion de souveraineté, qui sous-tend la nature des sujets de Droit international particuliers que sont les Etats. 

 

 

3°/-Le Droit international est le champ d’action de sujets « souverains »

La définition donnée par R.-J. DUPUY affirme à son début que les Etats, sujets de Droit international, se déclarent souverains et « ne reconnaissent aucune autorité au-dessus d’eux » (Le droit international, op. cit., p.4 ?)*. Ceci amène à rappeler les différentes acceptions de la notion de souveraineté, qui intéressent les présentes Leçons. Il importe, dès lors, de voir la Souveraineté sous ses acceptions classique et moderne, au prisme des dictionnaires Calvo (Charles CALVO, Dictionnaire de Droit international et privé, Tome second, Berlin, Paris, 1885, p.226, p.227)* et Salmon (Dictionnaire de Droit international public, sous la direction de Jean SALMON, Préface de Gilbert Guillaume, Bruylant, « Université Francophones », Bruxelles, 2001, p.1045 à 1047)*.

 

La souveraineté des Etats est, selon CALVO, p.226, « le pouvoir qui appartient à toute nation de déterminer sa manière d’être, de formuler ses conditions de droit, en un mot de constituer l’Etat et le gouvernement selon l’idée qu’elle représente ou le but humain qu’elle poursuit, forme ce qu’on a désigné par le terme de souveraineté de la nation ou de l’Etat. » En tant que somme de droits spécifiques, on peut observer par ailleurs que « La souveraineté consiste dans l’ensemble des droits qui appartiennent à un Etat indépendant » (idem)*.

Ainsi, les notions d’autodétermination et d’indépendance et d’autodétermination impliquent une double signification de la souveraineté au sens général : « souveraineté extérieure, par rapport aux puissances étrangères ; souveraineté intérieure, par rapport au régime intérieur de l’Etat » (CALVO, op. cit., p.226)*. S’agissant précisément de la Souveraineté des sujets du et de Droit international que sont les Etats, l’illustre juriste argentin apporte une nuance. En effet, « si l’Etat exerce la souveraineté intérieure à partir du moment de sa constitution, il n’en est pas de même à l’égard de sa souveraineté extérieure ; celle-ci doit être sanctionnée par les autres Etats, et jusque là l’Etat nouveau ne fait pas partie de la grande société légale des nations. Chaque Etat reste sans doute libre de reconnaître l’Etat nouveau qui vient de se former ; mais il est, dans tous les cas, obligé de subir les conséquences de la détermination à laquelle il s’arrête » (CALVO, op. cit.)*.

Tel est l’enjeu de l’épineux problème de la reconnaissance internationale des Etats, auquel Israël et la Palestine sont confrontés*. Dans tous les cas, jusqu’à la fin du XIXe siècle, lorsqu’est écrit le présent dictionnaire par CALVO, p.226 précitée, la souveraineté est, au sens générique, comprise en tant qu’ « Autorité suprême » et « exercice de cette autorité.» Cette conception de la Souveraineté contraste-t-elle peu ou prou avec l’actuelle ?  

C’est ce qu’il convient de voir à présent à travers les énoncés du dictionnaire Salmon, qui affirme que la souveraineté est, précisément, dans l’ordre international, le « caractère de l’Etat signifiant qu’il n’est soumis à aucun autre pouvoir de même nature » (J. SALMON (sous la direction de), p. 1045)*. Autrement dit, aucun Etat n’est situé au-dessus des autres. Quelles qu’en soient la puissance économique, la force militaire et la domination culturelle.

 

Mais cette définition précise de la souveraineté à l’échelle internationale n’exclut pas une évocation toute en filigrane des deux acceptions, interne et extérieure de cette notion consubstantielle à l’Etat moderne, comme en témoigne la définition qu’en donnent COMBACAU et SUR (Droit international public, p.227 ?)*. EN effet, la souveraineté ou « puissance suprême de l’Etat se définit en droit interne par son contenu positif de plénitude comme le plus grand degré possible de supériorité de son titulaire sur ceux qui lui sont soumis (…) Dans l’ordre international au contraire affirmer qu’il est souverain signifie qu’on ne trouve au dessus de lui aucune autorité dotée à son égard d’une puissance légale : la souveraineté internationale se définit négativement comme la non-soumission à une autorité supérieure, le fait de n’être le sujet (au sens d’assujetti) d’aucun sujet (au sens de personne juridique). »

Sur la scène internationale, Souveraineté rime alors avec  Egalité.Quelle peut donc être la conséquence de cette insoumission des Etats dans l’ordre international ? Comment se caractérisent alors les normes qui régissent les régulent le commerce juridique entre les Etats ? On se rappellera utilement la précision de R.-J. DUPUY, p.4 op. cit.,  insistant sur la nature souveraine des Etats : « Cette prétention donne aux normes juridiques qui commandent leurs rapports un caractère original qui les différencie des règles de droit interne. » Lequel place les personnes physiques, sujets de droit, dans une situation d’infériorité face à la puissance publique, qui élabore un système juridique composé de lois, de règlements et de contrats que ladite puissance fait respecter au moyen de la justice nationale et de la force publique.

 

A l’opposé, le Droit International Public apparaît comme un système juridique anarchique. 

 

 4°/- Le Droit international est anarchique

Anarchie est, au sens de Le Petit Robert, Edition 1993, p.89, un mot forgé du grec anarkhia ou « absence de chef .» Il s’agit, au plan politique, du « désordre résultant d’une absence ou d’une carence d’autorité. » Au sens large, l’anarchie évoque la « confusion due à l’absence de règles ou d’ordres précis. »

Dire donc du Droit International Public qu’il est un Droit anarchique traduit clairement sa nature d’ordre juridique ne reconnaissant que des sujets égaux ou souverains. Les Etats y sont, en effet, si égaux qu’ils « édictent en commun, par voie d’accord, la réglementation qui exprime leur commun intérêt » (DUPUY, op. cit.)*. Source par excellence du Droit international, l’accord, acte ou instrument conventionnel, est la traduction complète de la volonté des Parties dans un échange de consentement à se sentir liées dans un domaine ou une matière. Laissons aussi sommaire la définition du mot accord, en prévision à son approfondissement dans l’étude des sources du Droit International Public (supra, 1°/, a ; infra ?)*.

 

Notre attention est, pour lheure, toute soutenue par les conséquences du caractère anarchique du Droit International Public ; en l’occurrence, l’appréciation personnelle de l’étendue et des conditions d’exécution de l’obligation imposée aux Etats.

 

 

 5°/-L’appréciation personnelle de l’étendue et des conditions d’exécution des obligations

Le Droit international se définit également par cette faculté qui est laissée à ses sujets ; à savoir : l’appréciation personnelle de l’étendue et des conditions d’exécution de leurs engagements internationaux. Selon la formule du pr DUPUY, p. 4 précitée, l’Etat demeure, en Droit international, « maître d’apprécier la mesure de l’obligation qui lui incombe et les conditions de son exécution. »

C’est donc un Droit de négociations ou d’arrangements constants, obéissant au souci de ménager les Souverainetés. La maîtrise des contours de leur responsabilité internationale et des mécanismes de satisfaction de leurs engagements achève alors de convaincre sur le caractère anarchique de cet ordre juridique singulier.

 

Il reste à voir, dans le même ordre d’idées, un autre trait caractéristique du Droit international, que DUPUY qualifie volontiers comme un ensemble de règles visant à coordonner les rapports interétatiques par le truchement de la coopération internationale. 

 

6°/- « un droit de coordination qui se borne à favoriser la coopération entre les Etats »

Dans la mesure où un rapport de subordination n’est pas encore établi entre les sujets souverains et une quelconque autorité jouant le rôle que tient le Gouvernement dans l’ordre interne, le Droit International Public postule la coordination et favorise la coopération. Si la coordination évoque l’agencement de normes et d’intérêts disparates, la coopération signifie, à son tour, l’échange plus ou moins équitable de vues et d’intérêts dans l’ordre international.

 

C’est certainement dans ce cadre qu’agissent les organisations internationales, afin d’éviter un choc frontal et des discussions en tête-à-tête ou face-à-face entre les Etats, dont l’action volontaire est boursoufflée d’égocentrisme.

 

 

**MISE A JOUR REGULIERE