Si les plus grands peintres sont admirés à travers le monde pour leurs chefs-d'œuvre, ceux-ci
n'apportent en réalité que très peu d'indices sur la facture ou le style contrairement à leurs dessins. Gorgio
Vasari soulignait lui-même dès le XVIe siècle que « le dessin [était] le père de tous les arts ». Utilisé comme
outil de travail il permit aux artistes de se former et d'échafauder une multitude de projets. Devenu
progressivement un élément de collection à part entière pour les amateurs ou les musées, le dessin révèle
ainsi l'évolution d'une œuvre d'art et dévoile à travers de riches détails les caractéristiques essentielles d'un
mouvement artistique ou la « touche » d'un artiste.
La multiplication des fresques nécessitant de nombreuses études préparatoires entre la fin du XVe et
le début du XVIe siècle explique que le dessin acquiert alors un rôle capital en Italie. Devenue Technique à
part entière, la sanguine se diffuse progressivement parmi les artistes et répond aux préoccupations
humanistes des maîtres de la Renaissance. Composée d'argile, d'oxyde de fer et d'hématite, elle permet
effectivement un travail du corps humain plus élaboré grâce à de subtils contrastes et d'habiles effets
volumiques comme le montre le document 1. Sur celui-ci est représentée une étude très aboutie d'un corps de
femme vu de dos ainsi que des études partielles du visage, de la main gauche, du pied droit et de la position
des orteils du pied droit. La signature située en bas à gauche nous laisse penser qu'il pourrait peut-être s'agir
d'un dessin exécuté par Michel-Ange Buonarroti. On aperçoit également une rapide esquisse de la partie
supérieure de ce corps superposée à celle du visage. Ce dessin est vraisemblablement destiné à la réalisation
d'une fresque comme en témoigne le document 2 qui semble être la version finale de l'œuvre. Assise sur un
trône dans une posture digne de celle d'un contorsionniste, une femme est revêtue d'un somptueux drapé aux
couleurs lumineuses et harmonieuses. Celle-ci porte un imposant livre. Sa carrure athlétique et musclée est
subrepticement valorisée à travers un étonnant clair-obscur au niveau de la partie droite du corps et du drapé.
Elle est également entourée de deux petits garçons assis sur un escalier et dont celui qui est à sa droite pointe
l'un de ses doigts dans sa direction. Celle-ci se meut par ailleurs sur une surface architecturale antique en
trompe-l'œil où s'agitent sur chacun des deux pilastres deux putti ou statues d'enfants joufflus et moqueurs.
Au-dessous du piédestal, on devine un cartouche sur lequel est inscrit le mot « LIBICA ». L'espace quant à
lui est délimité de part et d'autre par deux pendentifs triangulaires curvilignes.
Si le culte du corps et des canons esthétiques de l'Antiquité gréco-romaine sont a priori au cœur des
préoccupations de l'artiste, quels sont les autres critères capables de montrer l'appartenance de ces deux
ouvrages à l'époque de la Haute-Renaissance ? Par ailleurs, dans quelle mesure la technique de la sanguine
va-t-elle révolutionner la vision artistique du corps humain ? De quelle manière ces deux documents
traduisent-ils la transition entre le courant Haute-Renaissance et le style maniériste de la première moitié du
XVIe siècle ? Pour répondre à ces questions, nous évoquerons dans une première partie les principaux
apports de l'utilisation de la sanguine, puis nous tenterons de démontrer en quoi l'étude préparatoire répond à
une représentation idéalisée de l'homme sous la Renaissance. Enfin nous essaierons de déterminer les
attributs précurseurs du maniérisme de cet élément de la fresque.
(à suivre)
Sandra WAGNER
Commentaires
jolie blog remplie d'histoire