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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 16-03-2011 à 21:47:34

Fiche n°3: TD Droit administratif (II)

UNIVERSITE OMAR BONGO (Libreville/GABON)

Faculté de Droit et des Sciences Economiques

 

DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC 

 

Travaux Dirigés de Droit administratif

LICENCE 2 DROIT 

 

Enseignant : M. Sylvestre KWAHOU

Assistant : Dr BENGA NDJEME

   Fiche n° 3 : 

 

LE PRINCIPE DE LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

 

EXERCICES (suite)

 

 

2-Les fiches de jurisprudence de la décision du Conseil constitutionnel « Territoire de Nouvelle-Calédonie » et du Conseil d’Etat « Maire de Néris-les-Bains »

En guise d’introduction à cet exercice, déjà vu et revu en classe, il est utile de rappeler que la « jurisprudence administrative » peut aussi bien résulter d’un arrêt du Conseil d’Etat, que d’une décision du juge constitutionnel. L’essentiel n’est pas dans la nature de la juridiction, mais dans le contenu de la décision considérée. La fiche n°1 met ainsi en relief l’office du juge administratif, stricto sensu (a). Tandis que la numéro 2 relève du travail de la juridiction constitutionnelle (b).

 

a)-Fiche d’arrêt n° 1 : office du juge administratif, stricto sensu

 

(1).Référence : Conseil d’Etat, 18 avril 1902, Commune de Néris-les-Bains (ou « Maire de Néris-les-Bains »).

(2).Mots-clefs : Police administrative-Police générale et police spéciale-Qualité pour agir des autorités administratives-Condition de recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir

(3).Faits : Le 24 Mai 1901, un arrêté municipal du maire de Néris-les-Bains, une ville d’eaux, interdit sans aucune exception, les jeux d’argent dans toute sa commune. Or, un arrêté du préfet du Département de l’Allier en date du 8 Août 1893 édicte la même prohibition, mais assortie d’une dérogation du Ministre de l’Intérieur en faveur des stations thermales, conformément à l’article 4 du décret du 24 Juin 1806, abrogé par le Code pénal et la loi du 18 Juillet 1836, précurseur de l’actuel Code général des collectivités territoriales. Le préfet se fonde alors sur cette réglementation pour annuler l’arrêté municipal.

 par un arrêté préfectoral du 5 Juin 1901.

 

(4).Procédure : Elle s’inscrit en deux (2) mouvements :

-L’arrêté préfectoral du 5 Juin 1901 prononce l’annulation de l’arrêté municipal du 24 Mai 1901

-Recours pour excès de pouvoir du maire de Néris-Les-Bains auprès du Conseil d’Etat ; puis censure de la décision d’annulation du préfet du Département.

 

(5).Demande du requérant ou prétentions des parties : Le requérant (maire) défère devant le Conseil d’Etat un acte émanant d’une autorité qui lui est supérieure à cette époque, pour exercice excessif de son pouvoir hiérarchique de surveillance.

(6).Problème de droit : Plutôt qu’un seul problème de droit, l’arrêt Maire de Néris-les-Bains a le mérite d’en avoir au moins trois (3) :

-Une autorité administrative inférieure est-elle compétente pour opposer, postérieurement, à une autorité supérieure une mesure de police plus stricte ou aggravante dans le cadre clairement délimité de sa collectivité d’exercice?

-Dans quelles conditions l’élu d’une collectivité territoriale a-t-il qualité pour agir contre les actes jugés excessifs d’une autorité supérieure auprès du juge administratif ; et quelle est la clef de répartition des compétences de chacun dans la hiérarchie des actes ?

-Un acte de police spéciale est-il, en définitive, supérieur à un acte de police générale ?

 

(7).Solution : La solution de cet arrêt emprunte deux (voies) :

*Recevabilité du recours du maire contre l’excès de pouvoir du préfet

*Annulation de l’arrêté préfectoral du 5 Juin 1901

 

(8).Motivation : Pour annuler l’arrêté du préfet pour excès de pouvoir, l’arrêt Commune de Néris-les-Bains repose sur trois (3) motifs, distincts et complémentaires :

*De prime abord, l’article 91 de la loi du 5 avril 1884 reconnaît clairement que la police municipale appartient au maire et que ses pouvoirs obéissent à la surveillance hiérarchique du représentant de l’Etat ;

*En outre, l’article 99 de ladite loi, tout en autorisant le préfet à réglementer la police municipale de manière générale, n’interdit nullement au maire d’exercer les mêmes attributions dans la limite de sa commune, avec des effets bien plus rigoureux en vue du maintien de l’ordre public ;

*Enfin, le décret du 24 Juin 1806, sur lequel le préfet fonde le pouvoir supérieur de l’Administration pour justifier l’annulation de l’arrêté municipal, est soustrait du droit positif (normes en vigueur) par le Code pénal dès Février 1806 et par la loi du 18 Juillet 1836, dont l’article 10 prohibe définitivement les jeux publics à partir du 1er Janvier 1838.

 

(9).Portée : La portée ou l’impact de l’arrêt du 18 Avril 1902 peut-être recherché en matière de police administrative, mais aussi de libre administration des collectivités territoriales et du pouvoir de tutelle dans le cadre global de la décentralisation :

 

*« L’un des problèmes qui se posait au Conseil d’Etat et qui retiendra, essentiellement, notre attention est la possibilité, sur un même objet et dans un même ressort territorial, d’une coexistence de règlements de police générale émanant de deux autorités différentes, ici : le préfet et le maire » (Jean-François LACHAUME et al., Droit administratif. Les grandes décisions de la jurisprudence, Titre IV, 15e édition, PUF, Collection « Themis», Paris, 2010, p.333, p.334)* ;

 

 -« Le représentant de l’Etat dans le département et le maire peuvent donc réglementer, sur la base de leurs pouvoirs de police respectifs, la même matière puisque l’exercice de son pouvoir par le représentant de l’Etat n’exclut nullement la mise en œuvre par le maire du sien, de même que les compétences reconnues au maire ne font nullement obstacle, toujours en matièr de police générale, à l’exercice par l’autorité détentrice, à l’échelon national, du pouvoir réglementaire, de ses compétences (CE, 9 août 1919, Labonne analysée supra) » (idem, p.334)*. 

 

-« Il s’en suit que les concours de police générale ne constituent pas une hypothèse d’école d’autant que si, sur un objet déterminé, il existe un règlement de police, une autre autorité (notamment le maire) est dans l’obligation d’intervenir si le premier règlement est insuffisant en lui-même pour éviter des troubles à l’ordre public (en matière de camping, voir : CE, 23 octobre 1959, Doublet, R., 540 ; RDP, 1959, 1235, concl. Bernard ; RDP, 1960, 802, note Waline ; Départements et communes, 1960, 13, note Hourticq), la carence d’une autorité de police pouvant constituer une faute susceptible d’engager la responsabilité de la collectivité au nom de laquelle cette autorité agit (CE, 23 novembre 2003, Cne de Moissy-Cramayel, précité : abandon en la matière de l’exigence d’une faute lourde ; CAA Marseille, 13 avril 2006, Commune de Carcheto Brustico, JCP-A, 2006, n°40, note Deliancourt : faute lourde retenue à l’encontre d’une commune dont le maire n’avait pas pris de mesures suffisantes pour faire cesser la divagation d’animaux errants) » (ibidem)*.

 

-« L’arrêt maire de Néris-les-Bains présentait un autre intérêt important, en reconnaissant qu’un maire pouvait, devant le juge administratif, intenter un recours en excès de pouvoir contre la décision d’annulation prise par le préfet, agissant comme autorité de tutelle, à l’égard d’un arrêté émanant de ce maire. Une difficulté existait sur ce point, car un subordonné ne peut pas, en principe, attaquer les actes concernant l’organisation et le fonctionnement d’un service public édictés par son supérieur hiérarchique (CE, 26 octobre 1956, Association générale des administrateurs civils, R, 391 ;RDP, 1956, 1309, concl. Mosset ; AJDA, 1956, II, 491, chr. Fournier et Braibant : fonctionnaires irrecevables à attaquer un règlement organisant différents services d’inspection du ministère de l’Agriculture et créant un Conseil supérieur de l’agriculture, etc.). Mais à juste raison, s’agissant des rapports entre le maire et le préfet en matière de police, le Conseil d’Etat a jugé que le maire n’intervenait pas comme subordonné du préfet mais seulement, conformément à la loi municipale, sous sa surveillance. Il en résultait que le maire, agissant comme agent de la commune, donc comme autorité décentralisée, pouvait déférer au juge de l’excès de pouvoir une décision de tutelle illégale, prise à l’encontre de l’un de ses arrêtés par le préfet ou le sous-préfet » (ibidem, p.335)*.

 

*L’arrêt Commune de Néris-les-Bains « est tout d’abord intéressant en ce qu’il pose le principe que le maire peut aggraver, pour sa commune, les mesures de police prises par le préfet pour toutes les communes du département : ce principe devait être consacré avec plus de force encore par l’arrêt Labonne du 8 août 1919, généralement considéré comme l’arrêt fondamental en cette matière. Mais la fortune de cet arrêt est due surtout à ce qu’il a admis que le maire est recevable à attaquer, par la voie du recours pour excès de pouvoir, une décision prise par le préfet agissant en tant qu’autorité de tutelle et annulant un acte du requérant » (GAJA, 17e édition, 2009, n°9, p.57)*.

 

 

 

  *Pour réviser nos connaissances et approfondir le TD : 

-Quel est le lien qui unit l’arrêt Maire de Néris-les-Bains au principe de libre administration des collectivités territoriales ?

 

-Existe-t-il une différence entre "la libre gestion des collectivités locales" et "la libre administration des collectivités territoriales"?

 

-Que doit-on entendre par « pouvoir de tutelle » de l’autorité centrale sur une autorité administrative décentralisée ? La situation est-elle la même en droit français de la décentralisation qu’en droit administratif gabonais ?

 

 

  (à suivre : Jeudi 17 Mars 2011 à 12h)   

 

 

Arthur BENGA NDJEME

Assistant en Droit administratif à l’UOB