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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 12-05-2010 à 07:20:46

RAPPORT BALKANY (ASSEMBLEE NATIONALE) SUR L'ACCORD DE "GESTION CONCERTEE"

N° 776

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 avril 2008.

 

 

 

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 729, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au

codéveloppement,

PAR M. PATRICK BALKANY,

Député

____

 

3

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION............................................................................................................... 5

I – LE PRÉSENT ACCORD S’INSCRIT DANS LE CADRE D’UNE RÉFLEXION

RENOUVELÉE SUR LES MIGRATIONS ET LE DÉVELOPPEMENT ........................... 7

A. – UNE APPROCHE GLOBALE DES MIGRATIONS ET DU DÉVELOPPEMENT............. 7

1) Une approche renouvelée au niveau mondial ............................................. 7

2) A l’échelle européenne, le cadre fixé par la conférence ministérielle de

Rabat .................................................................................................................. 9

B. – EN FRANCE, LA MISE EN PLACE D’UNE POLITIQUE INNOVANTE DE GESTION

CONCERTÉE DES FLUX MIGRATOIRES ET DE CODÉVELOPPEMENT..................... 10

1) Une stratégie globale de codéveloppement................................................. 11

2) Un dialogue approfondi en matière de gestion des flux migratoires ........ 12

II – FONDÉ SUR DES RELATIONS FRANCO-GABONAISES ÉTROITES, CET

ACCORD INAUGURE UNE NOUVELLE FORME DE PARTENARIAT......................... 13

A. – LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LE GABON SONT ANCIENNES ET

DENSES.................................................................................................................... 13

B. – UNE DIMENSION NOUVELLE : LA GESTION CONCERTÉE DES FLUX

MIGRATOIRES ET LE CODÉVELOPPEMENT ............................................................ 14

1) Favoriser la mobilité des compétences......................................................... 14

2) Renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration

clandestine......................................................................................................... 15

3) Soutenir les actions de codéveloppement.................................................... 16

CONCLUSION .................................................................................................................. 17

EXAMEN EN COMMISSION............................................................................................ 19

 

5

Mesdames, Messieurs,

Le 5 juillet 2007, la France et le Gabon ont signé un accord relatif à la

gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement. Il s’agit du premier

accord conclu dans le cadre de la nouvelle politique de gestion concertée de

l’immigration, axée notamment sur les pays d’Afrique subsaharienne.

Cette politique a pour objectif de promouvoir une approche globale

prenant en compte à la fois les politiques de développement et de

codéveloppement, l’organisation des migrations légales et la lutte contre

l’immigration irrégulière. Elle s’inscrit, par ailleurs, dans une démarche plus large,

entamée lors de la conférence ministérielle de Rabat en juillet 2006, visant à

mettre en place un partenariat entre pays africains et européens situés tout au long

des routes migratoires. Il s’agit, par cette approche commune, d’apporter des

solutions concrètes, efficaces et durables au défi des flux migratoires.

Dans ce contexte, la question migratoire est appréhendée sous deux

angles : d’une part, l’apport des migrants installés en France à l’économie de leur

pays d’origine ; d’autre part, la régulation des flux migratoires par des

mécanismes de réadmission et d’aide au retour.

Le présent accord entre la France et le Gabon illustre cette approche

dans la mesure où, s’il intègre des préoccupations de sécurité et de maîtrise des

flux migratoires, il vise également à encourager une migration temporaire, fondée

sur la mobilité et sur l’incitation à un retour des compétences dans le pays

d’origine. Enfin, il met l’accent sur le développement du Gabon grâce à la

migration, non seulement à travers l’épargne accumulée par les ressortissants

Gabonais en France mais surtout grâce à la formation qu’ils acquièrent lors de leur

séjour en France.

Votre rapporteur souhaite mettre l’accent sur cette approche innovante

avant de présenter le dispositif institué par le présent accord entre la France et le

Gabon.

 

 

7

I – LE PRÉSENT ACCORD S’INSCRIT DANS LE CADRE D’UNE

RÉFLEXION RENOUVELÉE SUR LES MIGRATIONS ET LE

DÉVELOPPEMENT

Les migrations internationales constituent une réalité ancienne, qui a

contribué à un enrichissement certain des sociétés mais a aussi entraîné de

profondes mutations de leurs structures. Au fur et à mesure que les marchés du

travail et les sociétés se mondialisent, le phénomène des migrations a pris une

ampleur nouvelle qui le place au coeur des réflexions et préoccupations de la

communauté internationale.

A. – Une approche globale des migrations et du développement

Source d’enrichissement culturel, les migrations peuvent également être

à l’origine de déséquilibres, menaçant la stabilité du tissu économique et social et

susceptibles d’engendrer de fortes tensions. La question des migrations est donc

inséparable de préoccupations de sécurité, de contrôle des frontières et de maîtrise

des flux migratoires. Dans le même temps, il existe une corrélation manifeste entre

les migrations et le développement qui constitue l’objectif prioritaire que les

nouvelles stratégies de codéveloppement entendent promouvoir.

1) Une approche renouvelée au niveau mondial

On estime aujourd’hui à environ 200 millions le nombre de migrantsdans le monde, soit 3 % de la population mondiale. Sur ces 200 millions de

personnes, la moitié se trouve dans les pays de l’OCDE et l’autre moitié dans les

pays en développement. Les pays de l’OCDE accueillent ainsi 100 millions de

migrants, dont 40 millions originaires d’un autre pays de l’OCDE et 60 millions

de pays en développement. Sur ces derniers 60 millions de migrants, 7 millions

sont des Africains, dont la moitié provient d’Afrique subsaharienne et 1,5 million

d’Afrique de l’Ouest.

Le tableau ci-après illustre l’évolution du nombre de migrants

internationaux sur la période 1990 – 2005 et retrace leur répartition par grande

région du monde :

 

8

NOMBRE ESTIMATIF DE MIGRANTS INTERNATIONAUX ET RÉPARTITION PAR GRANDE RÉGION

(1990 – 2005)

Nombre de migrants

internationaux

Augmentation Répartition des

migrants internationaux

(en millions) (en %)

Grande région 1990 2005 1990 - 2005 1990 2005

Ensemble du monde 154,8 190,6 35,8 100 100

Régions développées 82,4 115,4 33,0 53 61

Régions peu développées 72,5 75,2 2,8 47 39

Pays les moins avancés 11,0 10,5 (0,5) 7 5

Afrique 16,4 17,1 0,7 11 9

Asie 49,8 53,3 3,5 32 28

Amérique latine et les Caraïbes 7,0 6,6 (0,3) 5 3

Amérique du Nord 27,6 44,5 16,9 18 23

Europe 49,4 64,1 14,7 32 34

Océanie 4,8 5,0 0,3 3 3

Pays à revenu élevé 71,6 112,3 40,6 46 59

Pays développés à revenu élevé 57,4 90 ,8 33,4 37 48

Pays en développement à

revenu élevé

14,2 21,5 7,3 9 11

Pays à revenu intermédiaire

(tranche supérieure)

24,7 25,7 1,0 16 13

Pays à revenu intermédiaire

(tranche inférieure)

24,8 22,6 (2,2) 16 12

Pays à faible revenu 32,7 28,0 (4,7) 21 15

Source : Migrations internationales et développement – Rapport du Secrétaire général des Nations unies, mai 2006

Ces données montrent que, dans les pays développés, le nombre de

migrants a augmenté de 33 millions entre 1990 et 2005, tandis que dans les pays

en développement, cette augmentation a été d’à peine 3 millions.

Les migrations depuis l’Afrique vers les pays de l’OCDE concernent

principalement les pays d’Europe, en raison des liens historiques et de la

proximité géographique. L’OCDE
(1) relève qu’en Europe, l’immigration nord

africaine est très largement supérieure à l’immigration ouest africaine et

subsaharienne en général. Dans les sept pays européens pour lesquels

l’immigration africaine est quantitativement significative, (Belgique, Espagne,

France, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni), les ressortissants nordafricains

sont de loin les plus nombreux, excepté au Royaume-Uni et au Portugal.

(1) Perspectives des migrations internationales – édition 2007.

 

9

Au-delà de ces flux humains, une attention nouvelle est aujourd’hui

portée aux flux financiers qui accompagnent les migrations. D’après la Banque

mondiale,
les montants des transferts de fonds des migrants vers leur pays

d’origine auraient atteint 232 milliards de dollars en 2005, soit nettement plus

de deux fois les chiffres de l’aide publique au développement (APD)
(1).

L’importance de ces volumes a conduit à prendre davantage en considération le

rôle des diasporas comme acteurs du développement de leur pays d’origine
via,

notamment, l’incidence des transferts de leurs épargne sur les économies locales.

Dans cette perspective, des représentants de haut niveau de tous les

Etats membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) se sont réunis, les 14 et

15 septembre 2006, en Assemblée générale afin d’étudier l’un des aspects les plus

prometteurs des migrations, à savoir leur rapport avec le développement. Cette

initiative a mis en lumière un certain consensus sur le fait que les pays peuvent

collaborer afin de rendre la situation avantageuse à la fois pour les migrants, pour

leurs pays d’origine et pour les sociétés qui les accueillent.

Une réflexion similaire a été engagée au niveau européen, qui a

débouché sur le constat d’un nécessaire dialogue entre pays d’origine, de transit et

de destination des migrations. Les efforts désespérés de migrants d’Afrique de

l’Ouest pour entrer clandestinement en Europe par la voie maritime et les pertes

humaines qui en ont été la conséquence ont accéléré la prise de conscience de

l’importance de ce dialogue et de la coopération régionale dans le domaine. Ces

évolutions ont conduit à une première conférence internationale ministérielle sur

la migration et le développement qui s’est tenue en juillet 2006, à Rabat,

réunissant environ 60 pays situés le long des routes migratoires d’Afrique centrale

et occidentale. Une autre rencontre a suivi, en novembre 2006, en Libye en vue de

formuler pour la première fois une approche des migrations commune à l’Union

européenne et à l’ensemble de l’Afrique.

2) A l’échelle européenne, le cadre fixé par la conférence ministérielle

de Rabat

Le présent projet de loi portant approbation de l’accord entre la France

et le Gabon sur la gestion concertée des flux migratoires et le codéveloppement

fait expressément référence à l’esprit de la conférence ministérielle euro-africaine

sur la migration et le développement qui s’est tenue à Rabat, les 10 et 11 juillet

2006.

(1) D’après la Banque mondiale, ces envois de fonds ont plus que doublé au cours de la décennie écoulée

dans la mesure où ils étaient évalués à 102 milliards de dollars en 1995. Une partie importante de ces

transferts emprunte des canaux informels, échappant ainsi à toute évaluation officielle, notamment en raison

du coût des transferts et de la faiblesse du système bancaire dans certains pays.

 

10

Cette rencontre a, en effet, institué un partenariat novateur sur deux

aspects essentiels : d’une part, il s’agissait de la première initiative associant les

pays d’origine, de transit et de destination des flux migratoires autour des routes

migratoires qui relient l’Afrique et l’Europe ; d’autre part, pour la première fois,

les politiques de développement et de co-développement, l’organisation des

migrations légales et la lutte contre l’immigration irrégulière étaient prises en

compte conjointement.

Outre une déclaration finale, un plan d’action a été adopté à l’issue de la

conférence de Rabat afin de donner visibilité et crédibilité à la nouvelle

dynamique née de la tenue de la conférence. Les mesures adoptées concernent la

promotion du développement (mise en place d’instruments financiers favorisant le

codéveloppement, partenariats entre les institutions scientifiques et techniques,

renforcement de la coopération en matière de formation), la migration légale

(établissement de programmes de coopération en matière de gestion de la

migration légale, mesures facilitant la circulation des travailleurs et des personnes)

et, enfin, l’immigration irrégulière (coopération dans la lutte contre l’immigration

irrégulière, renforcement de la capacité de contrôle des frontières nationales des

pays de transit et de départ, coopération opérationnelle policière et judiciaire et

aide aux victimes).

Cette rencontre a été suivie d’une autre conférence ministérielle qui

s’est tenue à Tripoli, les 22 et 23 novembre 2006. A l’issue de cette réunion,

l’Union européenne et l’Union africaine ont adopté la « déclaration de Tripoli »,

stratégie commune visant à tirer le plus grand parti possible des migrations

internationales tandis que le plan d’action contre la traite des êtres humains,

élaboré à Ouagadougou en 2002, était formellement approuvé et intégré à cette

stratégie globale.

Ces avancées font partie intégrante du partenariat sur les migrations, la

mobilité et l’emploi, adopté au Sommet de Lisbonne qui s’est tenu, en décembre

dernier, et conclu par l’adoption d’une stratégie conjointe « Union européenne –

Afrique ».

B. – En France, la mise en place d’une politique innovante de

gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement

Dans le prolongement de ces préoccupations relatives aux migrations et

au développement, notre pays s’est doté, sous l’impulsion du Président de la

République, d’un ministère compétent à la fois pour l’immigration, l’intégration,

l’identité nationale et le codéveloppement. Ce nouveau ministère met en oeuvre

une politique qui envisage la question migratoire sous deux angles : d’une part,

l’apport des migrants installés en France à l’économie de leur pays d’origine ;

d’autre part, la régulation des flux migratoires par des mécanismes de réadmission

et d’aide au retour.

 

11

1) Une stratégie globale de codéveloppement

Comme votre Rapporteur l’a souligné précédemment, la relation

existante entre les migrations et le développement est au coeur des réflexions des

organisations internationales comme des pays d’origine et d’accueil des

populations migrantes, qui prennent elles-mêmes de plus en plus conscience de

l’importance de la contribution qu’elles peuvent apporter au service du

développement de leur pays d’origine.

Les migrants représentent, en effet, un potentiel important à un double

titre pour le développement de leur pays d’origine : d’une part, par les

compétences qu’ils ont acquises ; d’autre part, par l’épargne qu’ils accumulent.

S’agissant des compétences, le premier objectif est de lutter contre la

« fuite des cerveaux » qui constitue un frein au développement des pays du Sud.

Lors du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le

développement précédemment évoqué
(1), plusieurs exemples du coût de cette

fuite des cerveaux pour les pays du Sud ont été évoqués. Ainsi, la Conférence sur

le commerce et le développement (Cnuced) évalue à 184.000 dollars le coût pour

l’Afrique du départ de tout cadre ou membre des professions libérales. La

Commission économique pour l’Afrique (CEA) note, pour sa part, que le départ

des agents sanitaires de l’Afrique vers les pays riches a entraîné un important

déficit de compétences essentielles dans le secteur sanitaire. Ainsi, par exemple,

selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour 2006,

plus de 12.000 médecins formés en Afrique du Sud travaillent aujourd’hui dans un

pays de l’OCDE. Par comparaison, il y a un peu moins de 33.000 médecins qui

exercent dans le pays. Plus de 900 médecins formés au Ghana travaillent dans un

pays de l’OCDE contre 3.240 praticiens au Ghana, d’après les chiffres de l’OMS.

Afin de lutter contre ce phénomène, votre Rapporteur souligne qu’
une

carte « compétences et talents » a été instituée par la loi du 24 juillet 2006

relative à l’immigration et à l’intégration. L’objectif de ce dispositif est

d’accueillir en France des personnes ayant un profil et un projet utiles à la France

et à leur pays d’origine. Pour éviter tout pillage des cerveaux, cette carte ne peut

être renouvelée qu’une fois lorsqu’elle bénéficie à un étranger ressortissant d’un

pays en voie de développement inclus dans la zone de solidarité prioritaire (FSP).

Après six ans de séjour en France, son titulaire doit retourner dans son pays

d’origine, pour le faire bénéficier de l’expérience acquise en France.

En ce qui concerne l’épargne des migrants, les montants en jeu – 8

milliards d’euros par an – montrent que les transferts de fonds peuvent stimuler

considérablement les économies locales. Dans ces conditions, l’utilisation d’une

partie de cette épargne à des fins d’investissement productif est susceptible de

(1) Assemblée générale des Nations unies – 14 et 15 septembre 2006.

 

12

devenir un levier essentiel du développement des pays sources d’immigration.

C’est la raison pour laquelle des initiatives ont été prises, en France, afin

d’instituer des conditions favorables aux transferts d’épargne et à l’investissement

de ces fonds dans des projets de développement. La loi précitée du 24 juillet 2006

a ainsi institué
un compte épargne codéveloppement permettant aux migrants

résidant en France d’épargner en bénéficiant d’un avantage fiscal dès lors que les

sommes sont réinvesties dans leur pays d’origine. Ce dispositif s’est accompagné

de la mise en place d’
un livret d’épargne codéveloppement, ouvert à tous les

étrangers ressortissants d’un pays en voie de développement et résidant

régulièrement en France. A l’image d’un plan d’épargne logement, les sommes

placées sur ce livret sont bloquées pendant trois années et rémunérées par des

intérêts bancaires, augmentés d’une prime d’Etat.

2) Un dialogue approfondi en matière de gestion des flux migratoires

Ces mesures en faveur du codéveloppement prennent, par ailleurs, toute

leur place dans les accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires,

négociés par le Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale

et du codéveloppement.

Ces accords intègrent des préoccupations de contrôle des frontières, de

maîtrise des flux migratoires à une stratégie plus générale de soutien à des actions

conduites par les migrants dans les domaines de la santé, de l’enseignement

supérieur et de la formation, de la gouvernance et du développement économique.

Il s’agit de faciliter la circulation des personnes, d’encourager une migration

temporaire et d’inciter à un retour des compétences dans les pays d’origine, de

manière à favoriser leur développement, non seulement à travers des transferts de

fonds, mais surtout grâce à la formation et à l’expérience acquise. En 2007, quatre

accords de ce type ont été négociés dont le présent texte avec le Gabon
(1).

Afin de renforcer l’efficacité de cette approche globale des migrations,

la France entend lui donner une dimension européenne en plaçant la question

d’une nouvelle politique européenne de régulation des flux migratoires et de lutte

contre l’immigration clandestine au coeur de sa présidence de l’Union européenne,

au cours du second semestre 2008.

(1) Les trois autres pays concernés sont le Sénégal, le Congo et le Bénin.

 

13

II – FONDÉ SUR DES RELATIONS FRANCO-GABONAISES ÉTROITES,

CET ACCORD INAUGURE UNE NOUVELLE FORME DE PARTENARIAT

Le 5 juillet 2007, la France et le Gabon ont signé un accord relatif à la

gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement qui inaugure cette

nouvelle forme de partenariat que la France entend promouvoir avec les pays

d’origine, de transit et de destination de la migration.

A. – Les relations entre la France et le Gabon sont anciennes et

denses

Le Gabon est un partenaire traditionnel de la France avec lequel notre

pays entretient une relation privilégiée, dont témoigne la visite officielle du

Président de la République à Libreville, le 27 juillet 2007.

La présence française dans le pays est importante avec près de 10.000

Français immatriculés en 2007
(1). Cette présence se manifeste notamment par une

politique active de coopération, dont le cadre a été renouvelé à la suite de la

signature, le 7 octobre 2005, d’un Document cadre de partenariat (DCP) qui

définit, pour la période 2006 – 2011, ses axes stratégiques dans trois secteurs

prioritaires : la protection de l’environnement et le développement durable, les

infrastructures et l’éducation. Au total, plus de 60 % des concours extérieurs au

Gabon, qu’ils soient financiers ou techniques, sont d’origine française.

La coopération entre les deux pays est également de nature militaire, à

la suite de la signature, en 1960, d’accords de défense et de coopération militaire

qui prévoient le pré-positionnement des troupes françaises au Gabon (environ 800

hommes). Le dispositif français en place dans le pays s’inscrit dans un cadre

régional à destination des pays d’Afrique centrale. C’est ainsi que Libreville a été

utilisée comme base arrière pour l’opération militaire européenne EUROFOR en

République démocratique du Congo en 2006.

Sur le plan des échanges, la présence française est forte dans tous les

secteurs de l’économie (75 % des investissements étrangers au Gabon). La France

est le premier fournisseur du Gabon et son deuxième client. Les trois quarts des

exportations françaises vers le Gabon concernent les biens d’équipement

professionnel (31,9 % des ventes totales en 2006), les biens intermédiaires

(26,2 %) et les biens de consommation (17,6 % des ventes). Globalement, un peu

plus de 95 % des importations françaises en provenance du Gabon concernent les

(1) Sao Tomé et Principe inclus.

 

14

matières premières (brutes ou transformées) : pétrole, bois et manganèse. Enfin,

plus de 150 filiales ou succursales d’entreprises françaises sont présentes au

Gabon, qui représente le premier pays d’Afrique subsaharienne pour le « stock »

d’investissements français (IDE) avec 850 millions d’euros en 2006.

Ces relations étroites se manifestent également à travers le nombre

d’accords qui unissent nos deux pays dans de nombreux domaines, dont la

convention relative à la circulation et au séjour des personnes du 2 décembre 1992

et la convention d’établissement du 11 mars 2002 auquel le présent accord fait

référence.

Dans ce contexte de relations étroites, la signature du présent accord sur

la gestion concertée des flux migratoires et le codéveloppement témoigne d’une

volonté partagée d’approfondir, en lui insufflant une dimension nouvelle, le

partenariat entre la France et le Gabon.

B. – Une dimension nouvelle : la gestion concertée des flux

migratoires et le codéveloppement

Le présent accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et

au codéveloppement a pour objet de faciliter la circulation des personnes entre les

deux pays pour des motifs économiques, professionnels, familiaux ou médicaux. Il

vise également à renforcer la coopération entre les deux pays en matière de lutte

contre l’immigration irrégulière. Enfin, il est destiné à soutenir les initiatives de

codéveloppement, au profit du développement du Gabon.

La signature de cet accord a ouvert la voie à la négociation d’autres

accords de même nature avec un certain nombre de pays, notamment d’Afrique

subsaharienne.

1) Favoriser la mobilité des compétences

L’une des priorités de la nouvelle politique migratoire de la France est

de réorganiser les modalités de gestion de l’immigration légale et de rééquilibrer

ses composantes, en favorisant l’immigration de travail.

Dans cette perspective, le présent accord élargit les possibilités

d’obtention de visas de circulation, en prévoyant notamment une délivrance plus

systématique de visa de court séjour pour des motifs économiques, professionnels,

médicaux ou familiaux (
article 1er).

L’accord organise, par ailleurs, les conditions dans lesquelles les

étudiants gabonais peuvent compléter leur formation par une première expérience

professionnelle, en autorisant la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour

de neuf mois, renouvelable une fois, pour les étudiants ayant achevé avec succès

 

15

leur cycle d’études. Au terme de cette période, l’étudiant pourvu d’un emploi ou

d’une promesse d’embauche, peut séjourner en France sans que lui soit opposée la

situation de l’emploi, si son activité professionnelle est en lien avec sa formation

et sa rémunération au moins égale à une fois et demi le SMIC (
article 2,paragraphe 2). Il prévoit également l’ouverture de négociations en vue de la

conclusion d’un accord relatif à l’échange de jeunes professionnels de 18 à 35 ans

pour des périodes de 18 mois au plus (
article 3, paragraphe 1).

En ce qui concerne l’accès à l’emploi en France des ressortissants

gabonais, le présent accord prévoit la délivrance d’autorisations temporaires

permettant de travailler dans certaines professions – énumérées à l’annexe I de

l’accord – pour lesquelles la situation de l’emploi sur le territoire ne sera pas prise

en compte. Ces autorisations temporaires peuvent également être délivrées pour

un complément de formation en entreprise sur la base d’un contrat de travail d’une

durée inférieure à douze mois (
article 3, paragraphe 2).

L’accord ouvre, en outre, la possibilité de délivrer la carte

« compétences et talents », précédemment évoquée, au ressortissant gabonais

«
susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon

significative et durable au développement économique ou au rayonnement,

notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la

France
» (article 3, paragraphe 3).

Par ailleurs, il prévoit que la durée des titres de séjour accordés aux

Français au Gabon est portée à cinq ans (
article 3, paragraphe 5). Enfin, l’accord

précise l’offre de formation aux personnes concernées notamment par le

regroupement familial en France, dans le cadre des contrats d’accueil et

d’intégration, et d’un bilan de compétence professionnelle ou d’orientation (
article

3, paragraphe 6).

2) Renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration

clandestine

Ces dispositions relatives à la circulation des compétences sont

complétées par des mesures destinées à renforcer l’efficacité de la lutte contre

l’immigration irrégulière.

Le présent accord prévoit, en particulier, l’adoption de mécanismes de

réadmission, dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux, des

ressortissants français ou gabonais en situation irrégulière sur le territoire de

l’autre partie
(article 4, paragraphe 1) ainsi que des ressortissants d’Etats tiers

ayant séjourné préalablement sur le territoire d’une des parties (article 4,paragraphe 3

). Il précise les modalités d’identification des nationaux en renvoyant

à une annexe II qui énumère les documents permettant de constater le séjour d’un

ressortissant d’un Etat tiers sur le territoire de la partie requise. Ces mécanismes

sont complétés par une offre de formation policière par la France comprenant,

 

16

notamment, une formation des personnels chargés du démantèlement des filières

d’immigration clandestine (
article 4, paragraphe 7).

Au-delà de ces mécanismes, l’accord pose le principe d’un

renforcement de la coopération entre les deux pays en matière d’état civil et de

lutte contre la fraude documentaire (
article 5). L’objectif est de renforcer la

fiabilité de l’état civil gabonais en mettant à disposition des autorités gabonaises la

compétence française dans le domaine de la sécurité des titres. En ce qui concerne

la fraude documentaire, la coopération entre les deux parties portera notamment

sur la formation de spécialistes et des échanges d’information.

3) Soutenir les actions de codéveloppement

Comme votre Rapporteur l’a précédemment souligné, la stratégie de

codéveloppement vise à favoriser l’aboutissement d’un ensemble d’actions

multilatérales, bilatérales mais aussi individuelles qui passent par les diasporas ou,

plus généralement, les migrants résidant en France, au profit de leur pays

d’origine. Dans le prolongement des réflexions sur le lien entre migrations et

développement, ce volet est indissociable des aspects de régulation des flux

migratoires.

Le présent accord vise ainsi à soutenir les initiatives des Gabonais

résidant en France au profit du développement du Gabon (
article 6). Ce soutien

peut se manifester par le cofinancement de projets de développement local mis en

oeuvre par des associations de migrants, l’accompagnement des initiatives

économiques des migrants, l’appui aux diasporas qualifiées pour des interventions

au Gabon ou encore aux initiatives de développement des jeunes Gabonais

résidant en France.

L’ensemble de ces actions est mis en oeuvre dans le cadre du Fonds de

solidarité prioritaire (FSP).

Enfin, votre Rapporteur précise qu’un comité de suivi est institué,

appelé à se réunir au moins une fois par an, afin notamment d’évaluer les résultats

des actions mentionnées dans l’accord (article 7).

 

17

CONCLUSION

Le présent accord témoigne d’une vision globale des migrations qui

intègre à la fois des préoccupations de sécurité et de maîtrise des flux migratoires

et des préoccupations de développement dont les migrants eux-mêmes sont les

acteurs. Il illustre également une volonté d’établir un nouveau partenariat équilibré

avec certains pays avec lesquels la France entretient des relations privilégiées.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteur recommande l’adoption

du projet de loi n°729.

 

 

19

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion

du 2 avril 2008.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a eu lieu.

M. François Rochebloine s’est félicité que l’article 1er de la

convention consacre la dispense de visa de court séjour pour les titulaires de

passeport diplomatique et l’étende aux titulaires de passeport de service. Indiquant

être intervenu pour appuyer des demandes de visa d’un certain nombre de

ressortissants de pays africains (en particulier du Cameroun et du Sénégal), il a

déploré les difficultés auxquelles il s’est trouvé confronté. Il a notamment jugé

très regrettable que de jeunes camerounais, qui devaient participer à un tournoi

international de football récemment organisé dans sa circonscription pour la

troisième année consécutive, n’aient pas obtenu de visa pour se rendre en France.

La nécessaire marge de manoeuvre dont disposent les consuls pour délivrer des

visas doit respecter les textes signés et adoptés par la France. S’agissant de

l’article 2 de la convention, il a demandé au rapporteur s’il s’agissait d’une

application de la loi relative à l’immigration et à l’intégration, votée en 2006

lorsque M. Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur.

M. Jacques Remiller a fait état de difficultés similaires pour la

délivrance de visas à des ressortissants sénégalais devant se rendre en France dans

le cadre d’un festival folklorique. Les décisions d’octroi ou de refus sont laissées

au bon vouloir des consuls.

Le rapporteur a souscrit à l’observation de son collègue M. François

Rochebloine, reconnaissant l’insistance dont il faut parfois faire preuve auprès des

consuls pour qu’ils délivrent un visa. Il alors précisé que la carte de séjour

« compétences et talents » visée à l’article 3 de la convention comprenait bien les

sportifs. Ce qu’il faut, c’est faciliter la libre circulation des ressortissants qui ne

posent pas de problèmes et mieux surveiller les personnes indésirables. En effet,

une partie de l’immigration clandestine se nourrit d’étrangers arrivés

régulièrement sur le sol français, munis d’un visa de court séjour, mais qui ne

repartent pas de notre territoire. Evoquant ensuite les flux migratoires entre le

Gabon et la France, il a mentionné la présence de 8 200 ressortissants gabonais sur

le sol français. Puis il a indiqué que sur les 200 000 étrangers qui s’installent

chaque année en France, 60 % sont d’origine africaine, tandis que 100 000

étudiants africains poursuivent actuellement leurs études dans notre pays.

Le Président Axel Poniatowski a précisé qu’il existait trois autres

accords internationaux du même type que celui conclu avec le Gabon et qui

concernent le Bénin, le Congo Brazzaville et le Sénégal. En autorisant la

 

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ratification de la présente convention avec le Gabon, il s’agit de permettre l’entrée

en vigueur du premier de ces accords.

Suivant les conclusions du rapporteur,
la commission a adopté le projet

de loi (no729 ).

*

La commission vous demande donc d’
adopter, dans les conditions

prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

 

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 729).