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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 23-04-2010 à 00:59:38

A LA RECHERCHE D'UNE NOUVELLE CITOYENNETE

LE GABON EMERGENT FACE A LA PROTECTION DES DROITS DE LA FEMME

    

 

« En tout ce qui ne tient pas au sexe, la femme est homme : elle a les mêmes organes, les mêmes besoins, les mêmes facultés ; la machine est construite de la même manière, les pièces en sont les mêmes, le jeu de l’une est celui de l’autre, la figure est semblable ; et, sous quelque rapport qu’on les considère, ils ne diffèrent entre eux que du plus au moins. » 

 

 ROUSSEAU, Emile ou de l’Education, Livre V in Œuvres complètes, Tome 5, sous la direction de Louis Barré, J. Bry, Paris, 1856-1857, p.280.  

   

 

 

 

INTRODUCTION

Le report des festivités de la Journée nationale des droits de la Femme au Gabon à une date indéfinie m’amène à tenir promesse vis-à-vis d’une amie. De deux amies.

Le 8 Mars de l’An 10, je suis honoré par un appel, de Paris, me reprochant de n’avoir pensé qu’à la « Femme Noire de Franceville », à l’occasion de la célébration de la Journée internationale de la Femme (Africanostra, le 08/03/X)*. Ce même jour, je suis également honoré par une invitation à assister à une soutenance de thèse à Metz. Chères amies J. et D., vous remerciant pour votre douce sollicitude, c’est à vous que je dédie ce bref aperçu des mécanismes de reconnaissance et de garantie des Droits fondamentaux de la Femme (DFF), à l’aune du Gabon Emergent, nouveau cadre politique d’expression et d’épanouissement des dynamiques juridiques et sociologiques de la République.

Voilà près d’un siècle, que l’Organisation des Nations Unies (ONU) sert de force centrifuge des efforts nationaux, aux fins de reconnaissance d’un statut de personne juridique à la Femme. Ainsi, la Charte du 26 Juin 1945 (préambule) et la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 12 Décembre 1948 (préambule, articles 2-1 et 16-1)* ; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (articles 2, 3, 4-1, 26)* et son pendant économique, social et culturel (articles 2-2, 3, 10-1, 12-2 alinéa a)*, adoptés le 16 Décembre 1966, ainsi qu’un certain nombre de résolutions (notamment la n° S/RES/1325 (2000) du 31 Octobre 2000)* du Conseil de sécurité donnent la mesure de l’engagement de l’ONU à limiter, corriger, apaiser dans le but de les éradiquer, les injustices et violences systématiques faites aux femmes.

Bien mieux qu’une action négative (volonté d’opposition aux discriminations de genre), l’Organisation universelle s’emploie à promouvoir et garantir l’implication de la femme à l’exercice de toutes les activités professionnelles, citoyennes et internationales naguère considérées comme l’apanage du Mâle. Il en est notamment ainsi du rôle de la Femme dans la Paix, la Justice, la Liberté, la Démocratie, le Développement et la Réconciliation des peuples.

C’est pourquoi, sous les auspices des Nations Unies est également adoptée la Convention contre l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 18 Décembre 1979 (résolution A/RES/34/180 de l’Assemblée générale, du 18/12/1979, annexe)*, dont le Préambule note « que les Etats parties aux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme ont l'obligation d'assurer 1'égalité des droits de l’homme et de la femme dans l’exercice de tous les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques ». Cet important instrument comporte un arsenal juridique, qui influe notablement sur les Pouvoirs constituants nationaux et les textes de Droits communautaires et régionaux, à l’instar du Protocole à la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples relatif aux Droits des femmes, adopté à Maputo (Mozambique) le 11 Juillet 2003*. Celui-ci consacre le paragraphe 10 de son Préambule à cette remarquable évolution, car il « [reconnaît] le rôle crucial des femmes dans la préservation des valeurs africaines basées sur les principes d’égalité, de paix, de liberté, de dignité, de justice, de solidarité et de démocratie ». On assiste ainsi à une marche irréversible, même si certains pas en sont compromis, vers la construction plus juste, plus équitable d’une Monde de tolérance et surtout, la construction d’une Société consciente de la valeur de toutes ses ressources humaines.

En tant qu’aiguillon de la Communauté internationale, l’ONU agit aussi pour la facilitation des grands forums dédiés à la promotion des droits de la Femme et de leur lutte pour l’égalité des genres. Telle est, notamment, la vocation de la Conférence mondiale sur le droit des femmes, organisée à Pékin (Voir Rapport de la quatrième Conférence Mondiale sur les femmes, Beijing, 4-15 Septembre 1995, Nations Unies, New York, 1996, Document A/CONF.177/20/Rev.1)*. C’est dans ce cadre qu’est renforcée la dynamique des approches « sexospécifiques » de la protection des droits et libertés de la femme, dans l’ensemble des sphères d’activité (politique, civile, sociale et économique) et des ordres juridiques (national, régional, communautaire et international) concernés.

Enfin, l’ONU s’investit en faveur de la restauration de la Femme dans ses dignités, au travers du Sommet du Millénaire, qui met en perspective un certain nombre d’objectifs à atteindre dans des questions qui touchent aux discriminations de genre. La Déclaration qui sanctionne les travaux exprime la volonté des Etats membres « à instaurer […] le respect de l’égalité des droits de tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion… » (résolution A/RES/55/2 de l’Assemblée générale, en date du 8 Septembre 2000, paragraphe 4)*. Ce principe est ensuite détaillé au paragraphe 6, point deux de la résolution 52/2, qui se veut, à cet effet, impérieuse : « L’égalité des droits et des chances des femmes et des hommes doit être assurée. » A l’horizon 2015, décision est prise d’offrir l’accomplissement des études primaires aux filles et garçons de tous les pays, avec, en prime, une égalité d’accès « à tous les niveaux d’éducation » (Résolution 52/2, Op. cit., paragraphe 19, second point)*.

 

N’ayant pas la maîtrise des données relatives à la mortinatalité, je m’abstiendrais volontiers d’évoquer l’engagement pris par la Déclaration du Millénium de réduire de ¾ le taux de mortalité maternelle (résolution 52/2, Op. cit., paragraphe 19, troisième point)*. Au premier point du paragraphe 20, il est décidé « [d]e promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, en tant que moyens de combattre la pauvreté, la faim et la maladie, et de promouvoir un développement réellement durable. » Les idées du professeur M. YUNUS, génie du Micro-crédit prioritaire aux femmes, et Prix Nobel de la Paix, sont passées par là.

Le Millénaire 2000 est, décidément, riche de promesses ; à en juger par une autre décision prise au paragraphe 25, point 4 de la résolution 52/2, consistant à « lutter contre toutes les formes de violence contre les femmes et d’appliquer la Convention pour l’élimination de toutes le formes de discrimination à l’égard des femmes », précédemment évoquée. Nouvel enjeu du dialogue des cultures ou résurrection d’un Lazare sociologique, « la parité entre les sexes » est désormais intégrée aux objectifs qu’il importe de poursuivre pour consolider la Coopération via les Nations Unies et les instances parlementaires nationales et internationale (résolution 52/2, Op. cit., paragraphe 10, in fine)*. Le Sommet du Millénaire, donnant lieu à la systématisation des éléments programmatiques, voit ainsi ses orientations propagées, apprivoisées, consolidées par un élan collectif spécifiquement consacré à huit (8) Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Et, trois (3) de ces Objectifs touchent plus ou moins directement à la question de la femme et de la fille. Il s’agit d’Assurer l’éducation primaire universelle ou pour tous (Objectif 2), de Promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes (Objectif 3) puis d’Améliorer la santé maternelle (Objectif 5).

A ceux-ci peut être adjoint l’Objectif 4, qui influe inévitablement sur la santé physique et morale de la mère : la réduction de la mortalité infantile en dessous de cinq (5) ans. L’Organisation universelle parachève son effort de restauration du genre féminin par l’instauration d’un programme d’aide spécifique : le Fonds de développement des Nations Unies pour la Femme.

 

Au regard de l’ampleur d’une telle entreprise, Son Excellence, Mme Alphonsine MBIE N’NA, Ministre de la Santé, des Affaires sociales, de la Solidarité et de la Famille a donc pris une sage décision, en s’investissant davantage dans les préparatifs de la commémoration de cette importante date qu’est le 8 Mars. Vu l’impact et le caractère fédérateur du sujet, les enjeux liés à la protection des droits de la femme dépassent le cadre étroit du temps calendaire, pour s’inscrire dans une perspective d’Unité nationale et de Réconciliation post-électorale. Noblesse oblige ! Les festivités y relatives doivent donc justifier d’un éclat particulier, qui appelle la République et la Nation, le Citoyen et la Citoyenne, l’UN et l’Autre à communier vers le suprême objectif qu’est la fabrication à tout prix d’un Etat de droit, à travers la dignité humaine. Le rôle de l’Emergence consiste donc à élaborer un cadre juridique propice à la protection de tous les maillons de la chaîne gabonaise, afin qu’il ne subsiste plus de « sexe faible » dans cette Société, qui ne tolère pas le droit à la Douceur.

 

Le chantier de la Femme est le champ transversal de toutes les institutions d’un Pays. Champ qu’il importe au préalable de déminer par une stratégie de consultations, de concertations et d’études approfondies. Quand on parle de l’homme, la suite est aisément prévisible : condescendance, volonté de puissance, conquête(s), commandement, guerre, pouvoir. Autrement dit, tout ce qui divise. Que l’on parle au contraire de Femme, qu’on en vient aussitôt et inévitablement à mettre à nu les turpitudes de l’homme et les flétrissures de la Société.

C’est pourquoi, les défis de l’Etat et du Gouvernement de l’Emergence sont, à ce titre, complexes et exaltants. Entre bonnes intentions et mesures concrètes de leur mise en œuvre ; entre proclamations et applications, il y a une abysse que nous envieraient les monstres marins. Certes, les Droits de la Femme sont reconnus (I). Mais, comment en assurer la garantie (II) ?

  

I-LES DROITS DE LA FEMME SONT RECONNUS…

Nombre de Sociétés sont encore ancrées à leurs particularismes culturels et religieux, et ne réservent qu’un statut marginal à la femme, en tant que sujet de droit(s), citoyenne, acteur politique et agent économique. Les yeux vitrés d’écailles, les membres de ces Sociétés vivent dans un passé vermoulu, qu’ils ne consentent d’ailleurs à vénérer qu’à condition d’en jouir des coutumes les plus perverses. Néanmoins, cette Oraison dédiée à la Femme, source vivifiante des valeurs de douceur et de tempérance, m’oblige à ne citer aucune Société en particulier, afin de privilégier l’Esprit d’harmonie et de paix qui caractérise les thématiques de cette nature. Je vais donc considérer le problème de la reconnaissance des droits de la femme à partir des cas où le bât blesse peu ou pas du tout. Je parlerai donc essentiellement du Gabon, avec quelques nécessaires références à l’Afghanistan, à la France et aux Etats-Unis. A cet égard, il importe d’évaluer le statut de la femme à l’aune des textes nationaux (A) et des textes à valeur conventionnelle (B).  

 

A)-Les textes nationaux

A l’instar d’autres Etats fondés sur les systèmes républicain et démocratique, le Gabon reconnaît les droits de la Femme, tant à travers la Constitution (1) qu’au moyen du Code du travail (2) et du Statut général de la Fonction publique (3).  

 

(1)-La Constitution

Les textes constitutionnels contemporains ne peuvent se soustraire à l’exigence de reconnaissance des droits de la femme. En Afghanistan, la Constitution du 4 Janvier 2004 affirme : « The citizens of Afghanistan – whether man or woman – have equal rights and duties before the law » (Article 22, alinéa 2 in afghanland.com)*. Tandis que le premier alinéa prohibe toute forme de discriminations et de privilèges au sein de cette République islamique d’Asie Centrale. Cet universalisme caractérise aussi la Constitution française du 4 Octobre 1958, en ceci qu’elle reconnaît, que « [l]a loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales » (Article premier, alinéa 2)*. Plus ancienne que toutes, la Constitution des Etats-Unis d’Amérique s’investit dans la protection de l’égalité politique entre genres, prescrivant que « [l]e droit de vote des citoyens des Etats-Unis ne pourra être dénié ou restreint pour cause de sexe par les Etats-Unis ni l’un quelconque des Etats… » (19e Amendement)*. Ces éléments de comparaison permettent de voir comment et à quel degré la Constitution gabonaise du 26 Mars 1991 proclame un certain nombre de prérogatives à l’égard de la Femme, en tant que sujet de droit(s), en qualité de parent(e) puis en tant que citoyenne et acteur politique.

 

*En tant que sujet de droit(s), la première des prérogatives que la Constitution reconnaît à la femme est son droit au travail ou d’égal accès au marché de l’emploi. Le texte constitutionnel dispose précisément en son Titre préliminaire, que « …[n]ul ne peut être lésé dans son travail en raison de ses origines, de son sexe, de sa race, de ses opinions… » (Article premier, alinéa 7)*. Cette disposition est d’autant plus essentielle, qu’elle fait des accusations de harcèlement sexuels au travail des actes anticonstitutionnels, qui devraient donc être punis avec la plus grande rigueur (cas de contrainte ou tentative de contrainte prohibés à l’article 5-a) du Code du travail)*. D’autre part, la Constitution proclame, à l’endroit de la femme, un certain nombre de droits d’ordre physique et moral.

 

*En qualité de parent(e), la femme est effectivement bénéficiaire de l’attention de « L’Etat [qui], selon ses possibilités, garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère […] la protection de la santé, la sécurité sociale, un environnement naturel préservé, le repos et les loisirs » (Article 1er, alinéa 8)*. Les obligations des Pouvoirs publics, en ce domaine, sont impressionnantes. Si elles devaient être suivies d’effets, la femme serait l’être le mieux protégé dans la noble fonction de mère quant à son épanouissement physique et moral. Ces obligations visent d’ailleurs à aider la Femme à assurer pleinement son rôle de parent, tant sa tâche est harassante, ardue et bénévole.En qualité de parent, non seulement la Femme est-elle reconnue comme l’égal de l’homme sur le terrain de l’éducation des enfants à tout point de vue, mais elle en attend un devoir d’assistance des Pouvoirs publics. En effet, « [l]es soins à donner aux enfants et leur éducation constituent pour les parents, un droit naturel et un devoir qu’ils exercent sous la surveillance et avec l’aide de l’Etat et des collectivités publiques. Les parents ont le droit, dans le cadre de l’obligation scolaire, de décider de l’éducation morale et religieuse de leurs enfants… » (Article premier, alinéa 16)*.

 

La reconnaissance des ces prérogatives à la femme est une preuve constitutionnelle de l’arrimage du Gabon à la station spatiale des sociétés civilisées. Toutefois, entre le dit ou l’écrit, et le fait ou le vécu, il y a souvent un fossé que la bonne volonté et les bonnes intentions ne suffisent toujours pas à combler. Qu’à cela ne tienne, ces droits reconnus à la femme par la « Mère des Lois » (autre métonymie personnifiée fort mythique !) participent à un statut juridique appelé Citoyenneté.

 

*En tant que Citoyenne, la femme est soumise aux mêmes devoirs que l’homme ; face aux « charges publiques [où] chacun doit participer, en proportion de ses ressources, au financement des dépenses publiques » (Article 1er, alinéa 20)*, et en matière de « solidarité de tous devant les charges qui résultent des calamités naturelles et nationales » (idem)*. A l’instar de l’homme, la Femme paie ses impôts ; et en qualité de citoyenne, elle est présumée participer à des prélèvements directs exigés par quelque catastrophe d’ampleur nationale (épidémie, tornade, séisme, inondation), voire à la reconstruction d’infrastructures dévastées.

 

Il s’agit donc du principe d’universalité des citoyens, qui implique une égalité de jure devant l’effort collectif.Une variante essentielle de cette égalité se manifeste également par la soumission de la Femme au « devoir de défendre la patrie et l’obligation de protéger et de respecter la Constitution, les lois et les règlements de la République » (Article 1er, alinéa 21)*.

 

Et, si cette disposition du Titre préliminaire relatif aux droits et libertés fondamentaux ne cite pas nommément la femme, le principe d’universalité des Gabonaises et Gabonais est clairement affirmé à l’Article 2, alinéa 2 de la Constitution : « La République gabonaise assure l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe, d’opinion ou de religion. » Laquelle universalité ou égalité de droit est-elle clairement reconnue en matière politique.

 

*Comme acteur politique, la Femme vote au suffrage universel, en toute garantie d’égalité (Article 4, alinéa 1)*. Le texte constitutionnel précise à l’effet, que « [s]ont électeurs […], tous les Gabonais des deux sexes, âgés de dix-huit ans révolus, jouissant de leurs droits civils et politiques » (Article 4, alinéa 2)*. L’importance du principe d’universalité des citoyens est à l’image des critères exigés de tout candidat à la présidence de la République. En effet, ce principe sert d’aiguillon à la procédure d’accession à tout mandat politique, car l’Article 4, alinéa 3 de la Constitution fixe une bonne fois pour toutes l’égalité entre la Femme et l’homme en prévoyant que « Sont éligibles […], tous les Gabonais des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. »

 

Bien évidemment, l’élection est soumise au respect de la législation en vigueur. Comme si cette disposition n’était pas assez claire, le constituant gabonais s’enflamme alors dans un accès de pédagogie à propos du droit de conquête de la Clef de voûte des institutions. Ce qui en dit long sur le consensus national et l’évolution des mentalités dans ce Grand Etat au sujet du statut à part entière de citoyen, reconnu à la femme. On peut, effectivement, noter avec bonheur et fierté, qu’aux termes de la Constitution : « Sont éligibles à la présidence de la République, tous les Gabonais des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques, âgés de quarante (40) ans au moins » (Article 10, alinéa 3)*.

 

En tant que source de la légalité républicaine, la Constitution remplit pleinement son rôle d’impulsion motrice à l’ordre juridique national.Quid alors des instruments juridiques subséquents au texte constitutionnel ? C’est la question des prescrits des Codes, à l’instar notamment du Code du travail. 

 

 (2)-Le Code du travail

La législation du travail adoptée par la République gabonaise est, en effet, établie sur la base de la protection des droits de la femme. Il en va ainsi dans la définition du travailleur, en matière d’égalité d’accès aux organismes compétents, d’autres formes d’égalité liées au travail et d’égalité compensatoire, puis de précision des immunités dues à la maternité.

 

*La définition du travailleur.-Aux termes de l’Article premier, alinéa 2, le Code du travail affirme : « Est considéré comme travailleur, au sens du présent Code, quels que soient son sexe et sa nationalité, toute personne qui s’est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et l’autorité d’une autre personne physique ou morale, publique ou privée, appelée employeur » (Loi n°3/94 du 21 Novembre 1994)*.

 

Cette définition n’a certainement rien de révolutionnaire, mais a ceci de particulier qu’elle exclut toute forme de discrimination du travailleur selon le genre et la citoyenneté. Le prolongement logique de l’égalité se trouve à l’article 8, qui prohibe toute forme de discrimination prenant notamment appui sur le genre du travailleur.

C’est donc pour protéger le travailleur, que ce principe se trouve étendu à la définition de l’apprenti, « toute personne, sans distinction de sexe, admise dans une entreprise, un établissement, ou chez un artisan ou un façonnier, dans le but d’acquérir des connaissances professionnelles théoriques et pratiques lui permettant d’entrer dans la vie active » (article 1er, alinéa 4 de la Loi n°3/94, Op. cit.)*. Il est d’ailleurs étendu au droit d’admission aux structures spécialisées.

 

*L’égalité d’accès aux organismes spécialisés en matière de travail.-Au regard de l’article 103 de la Loi n°3/94, la femme et l’homme « ont le même droit d’accès à tous les organismes de formation, de perfectionnement et de reconversion professionnels. » On pense notamment aux centres des métiers et autres structures de « recyclage » agréées. A celle-ci, d’autres formes d’égalité caractérisent la protection des droits de la femme en qualité de travailleur.

 

 

*D’autres formes d’égalité inhérentes à la qualité de travailleur.-Dans la perspective d’assurer davantage la protection du statut juridique de la femme, la Loi n°3/94 est intraitable sur la considération des travailleurs en fonction de leur mérite. Car son article 140 dispose qu’ « [à] conditions égales de travail, de qualification et de rendement, le salaire de base est égal pour tous les travailleurs, quels que soient leur origine, leur opinion, leur sexe et leur âge. » Ainsi se décline en détail le principe souvent résumé par le dicton : « travail égal salaire ». (voir article 15 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples de Juin 1981, infra : (1)-B), partie I.)*.

 

Cependant, cette égalité comporte, toute proportion gardée, certaines exceptions. Celles-ci visent, justement, à indiquer que protection des droits de la Femme va de pair avec adoption de mesures préventives concourant à ménager les forces de cet être que d’aucuns qualifient imprudemment de « Sexe faible ».

 

 

*L’égalité positive ou compensatoire.-Tout en reconnaissant que la femme est l’égale de l’homme, le Code du travail de la République gabonaise admet, effectivement, que « [l]es femmes, sans distinction d’âge, et les enfants de moins de 18 ans ne pourront être employés pendant la nuit dans aucun établissement industriel, public ou privé, ni aucune dépendance d’un de ces établissements… » (article 167, prima facie)*. Ce qui démontre qu’il ne s’agit nullement d’une incapacité, mais d’une précaution certainement liée à l’éloignement supposé entre le domicile et le lieu de travail, c’est l’exception aménagée à ce principe qu’est le cas « des établissements où les seuls employés sont les membres d’une même famille » (article 167, in fine)*.

 

 

Sans oublier les nombreuses autres dérogations, déterminées par la force majeure, la nécessité et le caractère vital de l’activité contenues à l’article 168, rendant totalement inopérante la disposition précédente. En somme, la précaution prise à l’article 167 épargne la femme de l’éprouvant travail manuel (article 168-d) de la Loi n°3/94)*, pour lequel l’homme est présumé expert. Toute raison qui incite l’article 178, alinéa 3 du Code du travail à y apporter les précisions nécessaires : « La femme ou l’enfant ne peut être maintenu dans un emploi reconnu au-dessus de ses forces et doit être affecté à un emploi convenable. Si cela n’est pas possible, le contrat doit être résilié avec paiement des indemnités de rupture. » C’est pourquoi, la réglementation du travail de nuit de la femme dans les secteurs industriels restent à l’appréciation du ministre du Travail, en conformité avec les normes de Droit international (article 169, alinéa 1)*.

 

La formulation de la disposition suivante ne permet cependant pas de distinguer clairement les cas généraux du cas spécifique du travail de nuit dans les industries. Mais convient-il de noter que le Code fixe à « douze (12) heures consécutives » la durée minimale du repos journalier reconnue à la femme (article 169, alinéa 2)*. L’évocation du principe de repos me fait rappeler que la Femme jouit d’importantes immunités en période de maternité.

 

*Les immunités de la femme enceinte, en période d’accouchement et d’allaitement.-Le Code du travail aménage son chapitre IV au travail des Femme (et des enfants). Cette masse de normes prévoit, à l’égard de ce travailleur délicat, une batterie de mesures visant à le protéger dans ses droits au congé, à la santé gratuite, à l’entièreté du salaire et à d’autres prestations en nature (article 173)* en période de maternité, voire à lui reconnaître certains droits exorbitants dans la procédure normalement contraignante de rupture du contrat de travail.

 

La loi n°12/2000 du 12 Octobre 2000 modifiant celle du 21 Novembre 1994 y ajoute de nouveaux prescrits à l’article 174, qui en expriment l’étendue des immunités dont la Femme est revêtue à cette occasion :

 

 

« Pendant une période de quinze mois, à compter de la date de reprise du travail, la mère a droit à des repos pour l’allaitement. La durée totale de ces repos ne peut dépasser deux heures par journée de travail.« Ces repos font partie de la durée de travail et doivent être rémunérés comme tels.« Pendant cette période, la mère peut quitter définitivement son travail sans préavis et sans avoir, de ce fait, à payer une indemnité pour rupture de contrat. »

 

Au regard des droits ainsi reconnus à la Femme, héroïne du présente exposé, dans la Constitution et le Code du travail, on ne peut objectivement contester la volonté du constituant et du législateur gabonais à protéger les prérogatives de la Citoyenne. Pour être néanmoins complet en matière de législation nationale, il reste à voir ce qu’il en est du Statut général des agents publics.  

 

(3)-Le Statut général de la Fonction publique

Conformément à l’Article 47 de la Constitution (voir matières relevant du domaine de la Loi)*, la Loi n°1/2005 du 4 Février 2005 dispose : « L’accès aux emplois de la fonction publique est en (un ?) droit garanti à tous les citoyens, selon leurs capacités et sans autre distinction que celle de leurs aptitudes » (article 49)*. Ceci implique très nettement, que la Femme et l’homme y ont droit, sans aucune discrimination.

 

Le principe d’égalité y transparaît d’ailleurs avec autant d’évidence, que le législateur juge superfétatoire de le préciser. Toutefois, à l’instar de ce qu’il est dit au sujet des congés dans le Code du travail, le Statut général de la Fonction publique prévoit à son tour, que les femmes agents publics « bénéficient du régime de congé pour couches et allaitement prévu par la réglementation en vigueur » (article 185)*. Tout aménagement, qui leur permet de remplir convenablement leur noble mission, qui revêt d’ailleurs à certains égards, un caractère d’Utilité publique puisque participant pleinement à consolider la racine de l’Education du ou des futur(s) Citoyen(s) !

 

A cette étape de l’exposé, je déplore vivement l’absence d’un texte essentiel dans ma modeste bibliothèque : la Charte nationale des Libertés de 1990, invoquée par la Constitution en son Préambule. Mais je soupçonne ce texte à caractère interne, adopté en plein élan de démocratisation et de pluralisme politique soulevé par la Conférence Nationale, de faire la part belle à la protection des droits de la Femme gabonaise. Avec regrets, je me résous à prendre rendez-vous pour l’avenir à ce propos.Ainsi peut être résumé l’essentiel du dispositif gabonais en matière de textes nationaux à valeur juridique reconnaissant les droits de la Femme, en qualité de personne juridique, de citoyenne, d’agent économique et public puis d’acteur politique.

 

Cause ou conséquence, il importe d’évaluer, à présent, l’articulation qui unit les textes juridiques internes avec les instruments internationaux relatifs au statut de la Femme en droit et en dignité.  

 

B)-Les instruments à valeur conventionnelle

Les textes à valeur conventionnelle qu’il me semble essentiel d’invoquer à propos de la reconnaissance des droits de la Femme sont d’abord à rechercher parmi ceux qui consolident le Préambule de la Constitution (1). Or, tout essentiels qu’ils soient, ces instruments ne suffisent pas à couvrir le vaste champ des prérogatives reconnues à « l’Homme ». C’est la raison pour laquelle, il convient d’y ajouter des textes internationaux récents relatifs aux droits des Femme (2).

 

(1)-Les textes consolidant le Préambule de la Constitution

Aux termes du Préambule de la Constitution gabonaise, trois (3) textes d’inspirations française, onusienne et africaine font autorité en matière de reconnaissance des droits et libertés fondamentaux de la personne humaine. Il me paraît donc évident d’y trouver des dispositions relatives aux droits de la Femme.

 

*La Déclaration française des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.-La clef d’ouverture de la Déclaration du 26 Août 1789 est, en effet, essentielle pour décrypter la solution des maux de toute société humaine. Celle-ci commence précisément par considérer « que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements » (Michel de VILLIERS, Dictionnaire de droit constitutionnel, Annexe, 3e édition, Armand Colin, Paris, 2001, p.237)*.

 

Une fois saisi ce précieux sésame, on peut alors « embrayer » sur le principe d’égalité, qui constate tout simplement que tous les êtres humains, en l’occurrence la Femme et l’homme, « naissent et demeurent libres et égaux en droits » (article premier, prima facie)*, sans que cela ne soit incompatible avec leurs situations matérielles ou réelles respectives.Un peu plus loin, cette Déclaration prescrit ce qui apparaîtra comme le principe d’universalité des citoyens, évoqué précédemment. En effet, en son article 6 in fine, il est énoncé à propos de la Loi, que « [t]ous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » On y retrouve déjà la récusation que j’ai faite sur le prétendu sentiment d’incapacité qui semble planer sur la prohibition du travail de nuit des femmes dans les industries par le Code du travail gabonais.

 

 

Toutefois, le revers de cette égalité étant le partage de l’effort public, on en trouve bel et bien l’affirmation à l’article 13, qui parle d’une répartition équitable des charges de l’Etat « entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » En l’absence d’une indication explicite des mots « homme » et « femme » dans les 17 articles de la Déclaration de 1789, je confesse que la lecture qui est ici faite se veut théorique.N’ayant pas une idée précise du statut des femmes à l’époque de la Révolution française, il me revient néanmoins qu’un auteur ou une auteur a pu proposer une autre déclaration, consacrée cette fois, à la Femme en tant que Citoyenne quelques années plus tard.

 

 

Ceci signifie certainement que les droits de la Femme ne sont pas formellement pris en compte par le premier texte auquel se réfère le Préambule de la Constitution gabonaise.C’est peut-être pour cette raison que le texte constitutionnel tient également à s’épouser les valeurs de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.

 

*La Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948.-Il faudra donc attendre le paragraphe 5 du Préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 12 Décembre 1948, adoptée par la résolution 317 (III), pour entendre l’Assemblée générale affirmer expressément, qu’elle « [considère] que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi […] dans l’égalité des droits des hommes et des femmes… » (in Pierre-Marie DUPUY, Les grands textes de droit international public n° 8, Dalloz, p.65 à 66)*. Le constituant gabonais aurait donc mieux fait, comme en Afghanistan, de fonder prioritairement le bloc de constitutionnalité sur la Charte de San Francisco plutôt que sur la Déclaration du Palais de Chaillot, qui n’en est qu’un avatar.

 

Revenant à ce qui nous préoccupe, notons en outre, que l’article 2, §1 abonde aussi dans le sens des droits de la gent féminine à jouir des mêmes prérogatives que le genre masculin : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe… » A cet article doit-il être ajouté un autre ensemble de dispositions appelant à la reconnaissance de la volonté, comme élément déterminant pour la Femme et l’homme majeurs dans la décision de fonder une famille et de contracter mariage (article 16, §2)*.

 

 Le passage qui me paraît essentiel en matière de protection des prérogatives de la Femme reste celui qui établit, que les époux « ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution » (article 16, §1 in fine)*.

 

Qui dit référence à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, dit donc arrimage aux deux instruments conventionnels adoptés le 16 Décembre 1966, invoqués en Introduction de la présente étude et qui complètent la Charte universelle de 1948.En effet, la conformité aux normes internationales recherchée par le Gabon peut-être soutenue par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Celui-ci engage les Etats membres « à assurer le droit égal des hommes et des femmes de jouir de tous les droits civils et politiques » (article 3)* inhérents à la personnalité juridique de toute personne physique.

 

Ce qu’il y a de singulier avec les normes universelles, c’est qu’elles prennent le soin de préciser que les Parties « s’engagent à respecter à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation » (article 2)*. Il n’y a donc pas que les Gabonaises, qui seraient concernées par cette préoccupation. Les bavures tendant parfois à déroger au respect de ces principes, à l’égard des femmes immigrées en situation irrégulière invitent vivement à en renforcer l’application.

 

Même en situation de menace grave sur le fonctionnement des institutions constitutionnelles et la vie de la Nation, les Etats sont tenus de répondre à leur responsabilité internationale en cas de « discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale » (article 4-1 du Pacte sur les droits civils et politiques)*. Il en est de même du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont il est prescrit un droit d’égal accès et d’équitable jouissance entre la Femme et l’homme (article 3)* ; et qui sont tenus d’être exercés sans quelque forme de discrimination justifiée notamment par des considérations de genre (article 2-2)*. Au vu de ces exhortations adoptées dans le universel, quelle spécificité peut alors apporter les particularismes africains en matière des droits de la personne ?

 

Tel est le but de la stimulante lecture qu’il convient de faire de l’ultime instrument érigé en modèle par le Préambule de la Constitution gabonaise : la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples.

 

*La Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples de 1981.-On note, à l’alinéa 10 du préambule de la Charte de Nairobi (Kenya), que les Etats d’Afrique affirment être « [c]onscients de leur devoir […] d’éliminer le colonialisme, le néocolonialisme, l’apartheid, le sionisme, les bases militaires d’agression et toutes formes de discrimination, notamment celles fondées sur la race, l’ethnie, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’opinion politique… » On pourra toujours leur objecter la réalité sur le terrain, mais nul n’en voudra aux Africains de vouloir se doter d’instruments de protection des droits humains et d’idéaux de civilisation à faire partager à une cinquantaine de Souverainetés au demeurant improbables.

 

L’article 2 confirme le principe d’égalité juridique entre la Femme et l’homme, en proclamant fermement : « Toute personne a droit a la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »

 

Plus loin, la Charte africaine introduit un autre élément de protection des droits des personnes, nonobstant les genres, à  travers l’accès à un emploi et à une juste rétribution. En effet, l’article 15 reconnaît que « [t]oute personne a le droit de travailler dans des conditions équitables et satisfaisantes et de percevoir un salaire égal pour un travail égal » Ce qui n’est pas sans rappeler la formule déjà employée par la Déclaration universelle de 1948 en son article 23, §2 énonçant que « Tous [les êtres humains] ont droit, sans aucune distinction, à un salaire égal pour un travail égal. » Formule empruntée, in fine, par la législation gabonais, tel qu’elle est établie dans le Code civil gabonais (voir supra, (2)-A), titre I)*.

 

Ce mouvement crescendo annonce bien la montée en fermeté du texte africain, qui, plus incisif en matière de responsabilité des Pouvoirs publics, déclare en son article 18, paragraphe 3, l’élément crucial d’un instrument juridique multilatéral. Autrement dit, le recours ou retour à la Souveraineté : « L’Etat a le devoir de veiller à l’élimination de toute discrimination contre la femme et d’assurer la protection des droits de la femme et de l’enfant tels que stipulés dans les déclarations et conventions internationales. » Arbitre et stratège des Politiques publiques, l’Etat est donc ainsi mis face à ses responsabilités dans la garantie des droits d’un être dont la faiblesse est à l’image de son Soft power (« Force paisible »), en tant que cellule de base de la famille et, partant, de la société tout entière.

Est-il nécessaire de rappeler qu’un certain nombre d’Etats ont apporté des réserves à cette disposition lors de la ratification de la Charte ? Je pense notamment à l’Egypte, qui va estimer « que l’application […] du paragraphe 3 de l’article 18 devrait se faire à la lumière du droit musulman (la Charia) et non pas à son détriment… » (Recueil des Traités, enregistrés du 7 au 28 Décembre 1988 aux Nations Unies, New York 1997, Vol. 1520, I-26363, p.291)*. Au vu de ce climat, on comprend mieux le fait que cet instrument, adopté le 27 Juin 1981 ne soit entré en vigueur que le 21 Octobre 1986, et que le Gabon ne l’ait finalement ratifié que le 26 Juin de cette même année (Recueil des Traités, Op. cit., pp. 217-292)*.

 

Ainsi se noue et se dénoue le Préambule de la Constitution du 15 Mars 1991, en ce qui concerne les textes internationaux protecteurs des Droits de la Femme. Pourtant, ces références, qui certes n’ont pas pris une ride, doivent être complétées par quelques instruments de Droit international spécifiques adoptés à cet effet.

 

(2)-Les prescrits d’autres instruments spécifiques de Droit international

La prudence requise par la tentation d’une expansion des instruments de protection des droits de la personne m’invite à ne présenter ici, que les textes multilatéraux relatifs au Droit des femmes, dont l’influence est avérée sur l’ordre juridique gabonais. Je choisis donc d’en examiner trois (3), selon qu’ils présentent des caractères international et africain.

 

*La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDEF) de 1979.-La Convention adoptée sous l’égide de l’ONU le 18 Décembre 1979 vise à protéger les droits de la Femme dans l’ensemble des activités de la vie civile, économique et politique. Signée le 17 Juillet 1980, le Gabon l’a ratifiée le 21 Janvier 1983 (Convention enregistrée aux Nations Unies le 3 Septembre 1981, N° 20278, Treaty Series, vol. 1249, p.13)*. Aucune disposition ne me semble donc plus essentielle que d’autres, comme le laisse apparaître la structure de l’instrument international. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes comprend, outre le préambule, six (6) parties d’égale importance.

 

Néanmoins, comme en tout Traité, l’Article premier exprimant bien souvent la substance de la volonté des Parties, peut-il être noté à ce sujet qu’ « [a]ux fins de la présente Convention, l’expression « discrimination à l’égard des femmes » vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou d’interdire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine. » Ce propos liminaire donne une idée précise de l’engagement des Etats signataires à prévenir, corriger, améliorer leurs législations, ainsi qu’à renforcer les mesures internes et internationales en vue d’offrir une meilleure place à la femme et à la fille dans la société ; ce qui est, notamment, l’objet des Articles 2 à 14 de la Convention.

 

Autre mesure essentielle dans ce dispositif, utile à rappeler, c’est celle qui vise à « [i]nstaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétentes et d’autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire » (Article 2-c) de la Convention de 1979)*. Nous verrons plus loin, le caractère fondamental de cette disposition, qui participe, non plus à la reconnaissance des droits mais à leur garantie. Importe-t-il sans doute de souligner également la création d’un Comité pour l’élimination des discriminations à l’endroit des femmes (article 17, cinquième partie) et la mise en place des mécanismes d’administration de la Convention (articles 25 à 30, sixième partie).

 

La dernière partie de ce texte ayant ceci de particulier qu’elle statue sur l’impact de la Convention pour la lutte contre les discriminations subies par les femmes sur d’autres traités, il ne paraît donc superflu de noter que l’Article 23 est quelque peu décevant quant à la force contraignante de cet instrument international, car en affirmant que la législation nationale et d’autres normes conventionnelles intégrées aux ordres juridiques nationaux ont et sont des « dispositions plus propices à la réalisation de l’égalité entre l’homme et la femme », la Convention de 1979 s’auto-mutile de l’effet coercitif du Droit qui lui est attaché.

 

C’est peut-être la raison pour laquelle un instrument complémentaire est-il proposé quelques années plus tard à l’Assemblée générale des Nations Unies, sous la forme d’un protocole.

 

*Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1999).-L’Assemblée générale adopte, en effet, la résolution 54/4 du 15 Octobre 1999 portant en annexe le Protocole facultatif à la CEDEF, dont l’essentiel des vingt et un (21) articles traite des conditions de règlement des contentieux impliquant les femmes discriminées au sein des Etats, sur la base des communications qui sont adressées au Comité créé par la Convention en 1979. L’Article 2 en expose mieux la matière qu’un long propos, qui comporte d’ailleurs le risque d’omettre des éléments utiles aux usagers :

 

« Des communications peuvent être présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un État Partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet État Partie d’un des droits énoncés dans la Convention. Une communication ne peut être présentée au nom de particuliers ou groupes de particuliers qu’avec leur consentement, à moins que l’auteur ne puisse justifier qu’il agit en leur nom sans un tel consentement. » 

L’interdiction faite aux Etats signataires ou membres de ne point faire de réserve au présent Protocole (article 17) est un indicateur essentiel pour son autorité juridique ou, pour reprendre l’expression de l’article 18, sa « force obligatoire » ; le plus important étant que les victimes et les présumés protecteurs daignent le mettre en pratique. Et ce qui se dit du Protocole facultatif à la CEDEF vaut également pour le Protocole à la Charte de Nairobi.  

 

*Protocole à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatifs aux droits des femmes de 2003.-La succession de l’Union Africaine à l’Organisation de l’Unité Africaine amène l’UA à adjoindre le 11 Juillet 2003 un Protocole à la Charte africaine adoptée sous les auspices de l’OUA . Quelle en est la singularité ? L’élaboration d’un texte exclusivement dédié aux droits des femmes, au cas où l’expression « droits de l’homme et des peuples » donnerait a priori le sentiment d’une exclusion, d’une discrimination. L’opportunité que donne ce Protocole permet, en outre, d’adapter la législation africaine aux recommandations, décisions, résolutions, conventions récentes des Nations Unies relatives aux femmes.

 

Le point de départ du présent Protocole ou de la volonté ayant conduit à son adoption, est une sort de déclic qu’exprime le paragraphe 12 de son visa. Car les Etats africains sont « Préoccupés par le fait qu’en dépit de la ratification par la majorité des Etats Parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et de tous les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, et de l’engagement solennel pris par ces États d’éliminer toutes les formes de discrimination et de pratiques néfastes à l’égard des femmes, la femme en Afrique continue d’être l'objet de discriminations et de pratiques néfastes ». Le Protocole de Maputo est donc finalement une réaction à l’ineffectivité de la Charte de 1981.

 

On revient sur notre histoire de l’Article premier, car à l’instar de la Convention de Décembre 1979, l’acte additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dédie également le sien à la définition de l’expression « discrimination à l’égard des femmes », en prenant cependant soin de ne pas mentionner comme l’instrument international, la formule consacrée : « égalité de l’homme et de la femme » (article premier, e) du Protocole)*.

L'acte de Droit africain est aussi gagné par le mouvement visant à reconnaître davantage de droits à la femme et à la fille, puis à redynamiser les mécanismes de protection de ces droits. On en voit l’expression au travers de l’article 3 (Droit à la dignité), de l’article 4 (Droit à la vie, à l’intégrité et à la sécurité) et 8 (Accès à la justice et l’égale protection devant la loi). D’autres dispositions du Protocole de Maputo font lourdement écho en moi ; notamment, l’article 9 (Droit de participation au processus politique et à la prise de décisions) et 10 (Droit à la paix). Mais surtout, celles qui constituent de vraies réponses à des drames quotidiens dont l’Afrique est coutumière : les articles 11, 20 et 21, respectivement consacrés à la Protection des femmes dans les conflits armés, aux droits de la veuve et à leur cadre juridique global, le droit de succession.

 

L’œuvre du temps et les accidents de la vie aidant, je puis enfin féliciter les dispositions suivantes dédiées à la protection particulière des femmes âgées (article 22) et à celle tout aussi spéciale des femmes handicapées (article 23). 

 

 

***

 

Tant au regard de l’ordre juridique national qu’à l’aune des normes internationales, la reconnaissance de droits humains et des libertés fondamentales à la femme et à la fille participent activement à un acte et une technique juridiques : la Proclamation. Celle-ci est évidemment essentielle, mais pas suffisante en soi. La finalité d’un droit subjectif (prérogatives, libertés, sûretés) c’est que son bénéficiaire puisse en jouir de manière effective. Telle est la vocation d’un autre acte, d’une autre technique permises par le Droit : la Garantie. Aussi, convient-il de voir comment est-il possible d’assurer la garantie de la pléthore des droits reconnus à la Femme.   

 

 

II-…MAIS COMMENT EN ASSURER LA GARANTIE ?

Les instruments de reconnaissance des droits et libertés de la personne à la Femme portent en eux-mêmes les germes de leur garantie, tel qu’il apparaît des textes constitutionnels, législatifs et conventionnels étudiés dans la première partie du présent exposé. Deux de ces corpus normatifs ont retenu mon attention ; et c’est la raison pour laquelle, il me paraît pertinent de fonder la garantie des prérogatives proclamées en l’honneur de la Femme dans la nécessaire redynamisation du Droit du travail (A) et l’impérieuse réforme du Droit de la famille (B).  

 

A)-Une nécessaire redynamisation du Droit « du » travail et du droit « au » travail

En parcourant le Code du travail gabonais, il est loisible d’y trouver des dispositions qui instaurent les mesures de garantie des prérogatives reconnues aux femmes, conformément aux normes internationales déjà relevées dans les Déclarations de 1789 et 1948, la Convention de 1979 et son Protocole facultatif, puis la Charte africaine de 1981 et son Protocole spécifiquement consacré au statut des sujets féminins. Je voudrais donc m’appuyer sur quelques unes des dispositions du Code du travail pour inviter à la garantie des droits de la femme, au moyen de leur mise en œuvre effective. D’un autre côté, certains principes reconnus dans les textes internationaux devraient être érigés en normes constitutionnelles.

 

*L’effectivité de l’article 16 du Code du travail.-Aux termes de l’article 16 de la Loi n°3/94, un mécanisme de lutte contre les discriminations fondées sur le genre vise à protéger les femmes. On y apprend à l’alinéa 1, que « [l]es auteurs d’infractions aux dispositions des articles 4, 5, 6, 8, 14 et 15 seront passibles d’une amende de 300 000 à 600 000 F, et punis d’un emprisonnement de un à six mois ou de l’une de ces deux peines seulement. » Et, à l’alinéa 2 de poursuivre, qu’ « [e]n cas de récidive, l’amende est de 600 000 à 1 200 000 F, et l’emprisonnement de deux à douze mois. » Les articles 15 et 14 ont, respectivement, pour champ d’application le devoir de mise à disposition du Code du travail aux représentants d’organisations syndicales par un employeur d’au moins dix salariés, et à la garantie du droit syndical par les Pouvoirs publics.

 

Quant aux articles 5 et 6, il y est successivement question des vices de consentement et de l’interdiction d’employer les enfants pour certains types de travaux, à moins de justifier d’une dérogation légale ou judiciaire. Enfin, l’article 4 s’occupe de la prohibition du « travail forcé ou obligatoire », en dehors des menus travaux d’intérêt public ou nécessités par des actions civiques. Il ne nous reste plus que l’article 8 parmi les dispositions auxquelles l’article 16 du Code du travail rattache les peines énoncées plus haut. En effet, même s’il est déjà examiné dans la première partie (supra ?)*, l’article 8 du Code civil mérite d’être rappelé, pour en avoir présents en mémoire les sanctions encourues par un employeur qui serait tenté d’y déroger : 

 

« Tous les travailleurs sont égaux devant la loi et bénéficient de la même protection et des mêmes garanties. Toute discrimination en matière d'emploi et de conditions de travail fondée, notamment, sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale est interdite. »

 

Garantir cette égalité de statut et de traitement à la femme consisterait à donner pleine effectivité à l’article 16, car il nous revient des instances internationales que le Gabon a encore beaucoup de progrès à accomplir en matière de lutte contre les discriminations de genre, dont la femme est systématiquement victime. En l’absence de sanction, la norme juridique reste une intention et fait office de précepte de philosophie morale.

 

Afin de donner une impulsion motrice à la dynamique de consolidation du Droit du travail, il importe inévitablement d’activer l’ordre constitutionnel.

 

*La constitutionnalisation du droit « au » travail.-Parmi les textes internationaux sur lesquels se fonde la Constitution du Gabon se trouve la Déclaration universelle des droits de l’Homme, dont les principes relatifs aux droits des femmes sont énoncés dans la première partie du présent exposé. Or, ladite Déclaration comporte également une disposition, qui me semble fort utile pour doter les femmes du seul instrument promoteur d’autonomie, d’indépendance et d’égalité en droit et en dignité : le droit « au » travail. Si la femme accède au travail, il lui devient plus aisé de jouir de tous les droits inhérents à la citoyenneté.

 

A cet effet, l’article 23, paragraphe 1 de la Déclaration de 1948 en est un parfait point d’appui car il engage les Pouvoirs publics sur le fait que « [t]oute personne a droit au travail, a libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. » La constitutionnalisation du droit « au » travail et de la protection de la femme (comme tout autre personne) « contre le chômage » semblent être des garanties sûres pour que les sujets de genre féminin ou les citoyennes soient efficacement protégées des discriminations dont elles souffrent.

 

La formulation de l’Article premier, alinéa 7 de la Constitution gabonaise, qui n’est pas contestable en soi, inclut un élément ambigu donnant le sentiment que les Pouvoirs publics veulent se dégager de leur responsabilité dans la lutte contre le chômage : « Chaque citoyen a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi… » Or, en la matière, les obligations de l’Etat doivent être mises en relief ; notamment vis-à-vis des femmes, dont il importe de sécuriser les droits.

 

Toutefois, au regard de certaines institutions de pays étrangers, le fait d’inscrire dans le marbre des principes de protection des droits et libertés des femmes ne suffit toujours pas à en assurer la garantie. La Constitution d’Afghanistan de Janvier 2004, précitée, reconnaît le travail comme droit fondamental du citoyen, mais cela ne garantit pour autant pas l’accès des Afghans et des Afghanes à un emploi (Article 48, « Work is the right of every Afghan »)*. Qu’y a-t-il donc à faire ?

Changer de mentalités ! Et les meilleurs changements de mentalités sont principalement à rechercher dans la Famille, là où prend naissance toute institution sociale.

  

B)-L’impérieuse réforme du Droit de la famille

Pour avoir inscrit l’An X sous le sceau de la Famille (Africanostra, 22 Décembre 2009 ?)*, je persiste à croire que la construction d’une Société, d’un Etat limitant au mieux les risques d’injustice et d’inégalité dépend de l’équilibre familial. L’un des textes internationaux invoqués par la Constitution reconnaît expressément en son article 16-3, que « [l]a famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’Etat » (Déclaration universelle des Droits de l’Homme, in GTDI n° 8, Op. cit., p.68)*. La Constitution de Mars 1991 adapte elle-même cette disposition lorsqu’elle affirme, que « [l]a famille est la cellule de base naturelle de la société, le mariage en est le support légitime. Ils sont placés sous la protection particulière de l’Etat » (Article premier, alinéa 14)*. La force conjuguée du Droit, de la Famille et du Mariage incite à préconiser l’impérieuse réforme du Droit de la famille. Aussi, les Pouvoirs publics doivent-ils œuvrer à la systématisation du droit à la sécurité alimentaire (1), à un débat parlementaire sur une coutume praeter legem et contra legem : la dot (2) puis à la révision d’un Code civil, source d’inégalités entre les époux (3).  

 

(1)-La systématisation du droit à la sécurité alimentaire

La préoccupation qui se dégage du droit à la sécurité alimentaire touche aussi bien le bloc de constitutionnalité, que le Code civil dans ses dispositions relatives aux droits respectifs des époux.

 

*D’après le bloc de constitutionnalité.-L’instrument africain (la Charte de 1981) pris en exemple par le Préambule de la Constitution gabonaise, pour aiguiller et renforcer l’ordre institutionnel de la République, comporte un texte complémentaire qui proclame le Droit à la sécurité alimentaire des femmes (article 15, Protocole à la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples relatif aux Droits des femmes)*. Ce Droit, à la charge de l’Etat, consiste à faciliter l’accès des femmes à une alimentation équilibrée et saine. D’où l’obligation faite aux Pouvoirs publics pour l’assainissement de l’eau, l’accès aux sources d’énergies ménagères, aux sols arables ainsi qu’aux moyens de production agricole et alimentaire. D’où, enfin, l’obligation de mettre en place des système appropriés en matière d’approvisionnement et de conservation de ces produits.

 

Il est loisible d’y voir, malheureusement, des mesures ayant pour sujets des femmes rurales, car les moyens dont il s’agit ici concernent les problèmes de distribution des terres, d’aménagement des silos et greniers, de matériels agricole et, éventuellement, de lutte contre l’appauvrissement des sols. Je ne doute pas que l’Afrique soit essentiellement rustique. Mais je crois savoir que le droit à la sécurité alimentaire de la femme et de la fille africaines ne peut uniquement trouver ses solutions par l’amélioration du sort des bonnes fermières ! La domestication de cette dynamique par la Constitution gabonaise confirme cette vision kaléidoscopique du statut de la femme en Afrique, notamment au regard des applications politiques de courte vue qui en résultent.

 

Aussi, me paraît-il utile de rappeler les dispositions de l’Article premier, alinéa 8 de la Constitution, qui reprennent sous un prisme plus vaste les idées émises par l’article 15 du Protocole à la Charte africaine : « L’Etat, selon ses possibilités, garantit […] à l’enfant, à la mère, […] la protection de la santé, la sécurité sociale, un environnement naturel préservé, le repos et les loisirs ». On avait indiqué dans la première partie de la présente réflexion, que la garantie d’un tel Droit serait une révolution pour le Gabon tant elle emporterait une responsabilité effective des Pouvoirs publics dans la réalisation (et non seulement la promotion) de la Dignité des femmes.

 

C’est ici qu’apparaît l’un des chantiers auxquels le Gabon Emergent devra s’attaquer. De l’Ancien régime, le Citoyen garde le souvenir d’un Prix du Président de la République, récompensant les femmes talentueuses en matière d’agriculture, investies dans un projet de jardinage autour de Libreville. Le Citoyen a ainsi vu des dizaines de millions de francs cfa attribués à une infime partie du vivier féminin de la Nation, alors que la majorité n’a eu que ses yeux pour admirer et, certainement, pleurer. L’Emergence aura donc à cœur l’élaboration et l’application des mesures de Sécurité Alimentaire visant l’ensemble des femmes du Gabon, quitte à récompenser les plus entreprenantes par un Prix du Président de la République.

 

 Par ailleurs, sous un prisme plus modeste mais non moins essentiel à la garantie des Droits de la femme par l’équilibre familial, on peut également induire de la thématique du Droit à la sécurité alimentaire la question de la pension établie, entre les époux, par le Code civil.

 

*Au prisme de la pension alimentaire.-Elle désigne, en Droit de la famille, la provision « versée à titre d’aliments, c’est-à-dire en exécution d’une obligation alimentaire (ex. entre époux séparés de corps ou envers une ascendant dans le besoin) ou d’une obligation d’entretien (contribution parentale à l’entretien d’un enfant mineur)… » (Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 6e édition, Association Henri Capitant, PUF/Quadrige, Paris, 2004, p.661)*. Les deux cas qui touchent directement à notre étude sont l’obligation envers l’un des époux et l’obligation d’entretien à l’égard des enfants mineurs.

 

En attendant de me pencher plus substantiellement sur le Droit français de la famille, dont émane la présente définition, il me semble, en l’état actuel de mes lectures, que la pension alimentaire est à la fois reconnue en cas de divorce et de séparation de corps. Tels sont la lettre et l’esprit de l’Article 292, alinéa 1 et de l’Article 302 du Code civil gabonais (Loi n° 15/72 du 29 Juillet 1972)*. Qu’à cela ne tienne, la question qui taraude le Citoyen est la suivante : combien de pères, et donc d’hommes, sont-ils inquiétés par ces mesures au Gabon ? L’autre défi du Gabon Emergent réside donc dans sa capacité à briser le silence cultivé autour de ces drames et à légiférer aux fins d’une « paternité responsable ». Ce qui aurait le mérite, le prodigieux mérite de restaurer la Femme dans sa dignité de mère et non de souffre-douleur sous le couvert informel des familles dites « mono-parentales » ou « matrilinéarisées » : OMNI (objets matrimoniaux non-identifiés) !

 

Combien d’entre-nous n’ont-ils pas été élevés par leur seule mère, en pensant d’ailleurs que cela relevait du normal, quand bien-même l’auteur des œuvres était vivant, viable et souvent solvable ? Voilà une douleur collective ou, tout au moins majoritairement éprouvée, qui appelle l’Emergence à, justement, « sortir » de cette anarchie causée par l’insuffisante protection des Droits des femmes en raison d’un système de garantie et de sûretés fort pusillanime.

 

Il faut activer les mesures de prévention et de répression du délit d’abandon de famille !

 

La tâche du Gabon Emergent est d’autant plus exaltante, qu’à contre-courant du Code civil et du Code pénal de la République du Gabon, les Pouvoirs publics semblent avoir abdiqué, non seulement face à des « coutumes sauvages » comme l’abandon de famille, mais aussi face à des traditions dévoyées, telle la dot.

 

(2)-Une réflexion parlementaire sur une coutume praeter et contra legem : la Dot

En ce qu’elle complète le silence de la Loi sur la nécessité que ressent toute personne à sceller son union matrimoniale, la Dot peut être perçue comme une coutume praeter legem. Mais au regard de sa résistance, de sa persistance et de l’ascendance qui rendent inopérante la loi qui l’a supprimée, la Dot s’apparente bien à une coutume contra legem.

La devise de la République (Article 2 de la Constitution)* est : Union, Travail, Justice. Le caractère juridique et politique de ce sceau tend manifestement à faire oublier que la première Union, c’est le mariage ; le premier Travail, c’est l’enfantement ; que la première des Justices, c’est la justice sociale. La République et la Nations se trouvent dès lors nourries au sein de la « Maternité allaitante » ! Quelle place occupe alors celle-ci dans leur projet de société ? Quel projet le Gabon Emergent entend-il mettre en œuvre, pour que la Femme quitte enfin le statut périphérique et accessoire que l’ordre juridique et le système politique lui ont taillé sur mesure ?

L’excellente soutenance de thèse à laquelle Mademoiselle A. m’a convié à Metz interpelle la conscience au sujet d’une coutume, dont la Loi ne parvient toujours pas à saisir les contours et la puissance. Il s’agit de ce système d’échanges matériels, financiers, culturels et symboliques appelé à tort ou à raison la Dot. Petit-fils de deux Africains polygames, tout ce qu’il me plaît de dire de et sur la Dot me doit venir de l’intérieur, de l’expérience et non de mes Maîtres (les Doyens Isaac NGUEMA et Pierre-Louis AGONDJO-OKAWE). C’est pourquoi, je voudrais, ce soir, « la regarder avec le cœur. » Dans l’Ancien Régime français, le régime dotal consistait en une obligation faite à la famille de la femme de pourvoir ou « doter » leur enfant d’une cassette suffisante, afin de prétendre trouver mari. Cette provision était, en quelque sorte, l’héritage de la future épouse. Elle servait à l’éducation des enfants, à son propre entretien et à, bien entendu, à la prospérité du chanceux mari.

 

Aussi, les savants prétendent-ils dénier à la pratique africaine, ou tout au moins gabonaise, le caractère et les effets de la Dot, sur la base d’un malentendu ou, tout simplement d’une méprise, voir d’un mépris. Les Africains ne seraient certainement pas aussi raffinés pour pratiquer depuis la nuit des temps un régime matrimonial que d’aucuns prétendent avoir inventé et, au demeurant, délaissé. Donc, si on parle de Dot pour l’Afrique, ce serait naturellement considérée comme une pratique barbare et non une institution au codes philosophiques, juridiques, sociologiques, politiques et économiques complexes. Une institution si révolutionnaire, qu’il transparaît des dires des savants, que les Africains ne sauraient être dignes d’une telle ingénierie. Et pourtant !

 

En épousant une, puis deux et trois femmes, le plus loquace de mes grands-pères (Papy Yâyaa) m’a donné dix (10) raisons précises l’ayant motivé, non seulement à entrer dans l’ordre des Polygames, mais surtout à soutenir le système dotal. Selon les 10 clés de la nomenclature de mon grand-père, la Dot est :

 

1-Un indicateur de richesses, pour le mari ;

2-Un ascenseur social, pour la Femme;

3-Un Fonds de pension inépuisable, pour la belle-famille qui reçoit ;

4-Une stratégique d’alliances entre groupes sociaux ;

5-L’acte qui procure à l’Union et aux enfants toute légitimité ;

6-L’acte de pérennisation du mariage ;

7-Une ceinture de chasteté économique et morale ;

8-Une bourse des valeurs (responsabilité, respect, justice, paix, dignité, amitié, sincérité, fidélité, travail, prospérité, honneur, amour, félicité);

9-Une assurance-vie ;

10-Un Pouvoir.

 

L’observation du plus taciturne des deux (Pépère Êkoh) m’a permis d’affermir ces dires, devenus convictions personnelles. La Dot est une marque d’Amour et de Responsabilité. Sa mission est triple. En pays Kota, la Dot (Ikwêdji ou la Bourse) est composée d’une partie « mangeable » (Ibômô ou, au pluriel Mabômô, intérêts compensatoires) et d’une autre partie, « transmissible » au sein de la famille de l’épouse (Iloubou, le Capital). A travers les intérêts, la famille (Mwêyi), le lignage (Mbaza), le clan (Ikakâ), la tribu (Ikakâ ou Yali), la nation (Iyong) sont honorés. Tous ont droit à une part, pour le symbole ou la bénédiction universelle (Boténdé-édji).

 

C’est pourquoi, la Dot est constituée de somme d’argent (autrefois symbolique, et cela se comprend, à une époque où l’argent n’était pas roi !) ; d’outils et d’armes (herminette, sagaie, hachette, pierre de meule) ; de symboles de Pouvoir et de beauté (enclume, bijou pour pied et cou) ; de plantes agricoles, pharmaceutiques ou magiques (para-tonnerre, anti-sécheresse, filtre d’amour, dons de science, d’ubiquité, d’invisibilité, d’invulnérabilité). D’ailleurs, qui a dit aux commentateurs extérieurs, qu’à l’instar de la femme occidentale, la femme africaine n’apporte pas de cassette à son époux en se mariant ?

Je laisse aux « Mamas Africa » le soin de nous dire ce qu’elles ont offert à leur illustres maris en s’unissant à eux !

 

Toutefois, j’ai pu voir mon père recevoir des mains de son père, les bijoux ayant servi de Dot à mon arrière grand-mère et transmis de génération en génération en guise d’exemple, de trophée, de trésor, de félicité ! Et ces éléments de la vie d’un Africain sont loin d’être affectés par quelque recherche contraire, prétendument scientifique. La Dot est une ingénierie politique Totale. L’homme qui est capable d’épouser une femme en s’alliant une famille, un lignage, un clan, une tribu et leurs alliés à eux, a les attributs de Chef. Il est assez habile et talentueux pour conquérir, exercer et conserver le Pouvoir. Alors, ce n’est même plus lui qui va chercher femme. Ce sont des familles, des clans et des tribus désireuses de s’y allier, qui les lui offrent, honorés d’appartenir à son cercle et de bénéficier ainsi de son aura, de sa protection, de son amour.

 

Dans l’Afrique de la forêt vierge, le caractère légitime et la capacité d’hériter étaient déterminés par l’existence, la quantité, la qualité et l’origine de cette compensation. La Dot du chasseur (éléphants, tigres et hippopotames) n’avait rien à avoir avec celle du pêcheur; la Dot du forgeron (bijoux, armes, outils) était sans commune mesure avec celle du palefrenier (bêtes domestiques); aussi, la Dot d’un commerçant (sel, étoffes, poudre à canon) était nettement plus prisée que celle d’un cultivateur (têtes d’ananas et d’ignames).

 

Qu’en est-il de ce beau tableau aujourd’hui ? Ruine et confusion.

 

Signes ostentatoires de richesses, surenchère en dizaines de millions de francs cfa, de biens meubles et immeubles colossaux et en véhicules flambant neuf, folies en voyages de noces de note exorbitante, multiplication des foyers conjugaux. La course à la concupiscence et à l’enrichissement sans cause est désormais ouverte. Et la Femme dans tout cela ? La question est fondamentale. Ce que le Citoyen sait, c’est que parlementaires, juges, ministres, maires et bien d’autres « dotent » leur(s) femme(s). C’est qu’aucune femme du Gabon (juriste, parlementaire, haut fonctionnaire, magistrat, universitaire, médecin) n’est prête à s’engager dans une Union qui ne soit fondée, célébrée, consolidée dans l’allégresse, avec la Dot comme cerise sur le gâteau. C’est que les institutions formelles sont impuissantes à encadrer, pis, à réprimer ce système (voy. Aimé-Félix AVENOT, La décentralisation territoriale au Gabon. Entre mimétisme et mystification, L’Harmattan, 2008, pp.257, 258)*. Certaines femmes vont même jusqu’à aider leur conjoint à réunir la fameuse provision qui compense le vide laissé dans sa famille par la femme mariée, et surtout, la contribution substantielle qu’elle apporte à la prospérité de son époux. Ce qui revient au même résultat : l’appauvrissement de ses sociétés d’origine.

 

A travers ces dérives, qui ont d’ailleurs incité le Président Léon Mba à répudier la pauvre Dot de son foyer en militant pour un Code civil «dépassionné » et exorcisé des démons de « la traite des femmes », c’est tout un champ acquis aux droits de la Femme qui brûle à petit feu. Pour une vue plus approfondie de l’engagement du Père de l’Indépendance à la répression de cette culture d’oppression et d’asservissement déguisée, voir une étude spécialisée (Loi n°20/63 du 31 Mai 1963 réprimant la dot au Gabon, in Dominique ETOUGHE, Justice indigène et essor du droit coutumier au Gabon. La contribution de Léon M’ba - 1924-1938, L’Harmattan, 2007, p. 116 notamment)*.

 

La Dot, oui ; l’Anti-dote, non !

 

On est bien curieux de savoir, que fut le contenu des dispositions de la première partie du Code civil, adoptées par la Commission des Lois, des Affaires Administratives et des Droits de l’Homme de l’Assemblée nationale, en sa réunion du 23 Mars 2010. J’aurais tant souhaité que soient prioritairement traitées, en phase d’incubation de l’Emergence, les questions relatives à la Dot, coutume côtoyant le Droit écrit de la famille et, par ailleurs coutume unanimement observée par la Collectivité, en dépit de la norme juridique qui l’interdit expressément. Je pense, en effet, que les règles régissant les droits de la Femme dans cette cellule fondamentale de la société qu’est la famille, devraient constituer le chantier d’expérimentation et d’expansion du projet du Gabon Emergent.

 

Ainsi, en même temps que les Pouvoirs publics s’emploieraient à réfléchir sur la dérive qu’est devenue la Dot, statueraient en même temps à limiter, à défaut d’éradiquer les inégalités que le Code civil établit entre l’homme et la femme.  

 

(3)-La révision d’un Code civil source d’inégalités entre époux

La Constitution de la République, les normes internationales, les Codes et autres lois organiques auront beau proclamer, professer, déclarer, reconnaître des droits à la femme, ceux-ci restent vains tant que le Droit de la famille reste structurellement inégalitaire. Tel est le sentiment qu’inspire le Code civil gabonais, source intarissable d’inégalités entre époux. La question de la polygamie et le problème de l’autorité maritale m’aident à m’obstiner dans ce sentiment.

 

*L’escroquerie de la polygamie.-Nombreux sont les articles (177-5, 178, alinéa 1 ; 241, comme l’indicatif international du Gabon ; 260, 292) qui instaurent ou, plus exactement, codifient une coutume à palabres dans le Code civil : la polygamie.

 

En fait, plutôt que de polygamie, terme englobant une pluralité de conjoints au bénéfice de l’homme et de la femme, il s’agit en réalité de polygynie, cas de figure dans lequel l’homme épouse plusieurs femmes. Et ce nombre varie de deux (2) à quatre (4) épouses, si ce n’est davantage, comme en témoigne l’article 292, alinéa 3 de la Loi n°15/72 : « Dans les mariages polygamiques, le montant de la pension ne pourra être supérieur au quart du revenu du conjoint, s celui-ci est marié à deux femmes, au sixième, s’il est marié à trois femmes, au huitième s’il est marié à quatre femmes et, s’il est marié à plus de quatre femmes, au douzième de son revenu. » Mais qui a pu rédiger une norme aussi surréaliste ? En attendant d’en identifier les auteurs, c’est en raison de ce caractère étrange et rétrograde du Droit civil gabonais, que j’y vois une escroquerie !

 

Escroquerie en matière d’égalité des époux devant le devoir de fidélité (Article 252, alinéa 2)*, dont la violation constitue d’ailleurs une faute cause de divorce (Article 266-1)* ; bien que l’adultère reste une cause de divorce facultative.

 

Escroquerie en matière de protection des biens de la femme contre l’entretien de sa ou ses coépouse(s) par le conjoint, tel que semble le prohiber l’Article 260*. A ce sujet, si chaque époux est « tenu de contribuer à l’entretien des enfants, à proportion de ses facultés » (Article 295)*, le mari polygame ne contribue réellement qu’à une infime partie de cette obligation, dans la mesure où ses revenus sont éparpillés entre les enfants de mères éparses. Il est donc probable qu’un bon nombre en sort sacrifié.

 

Escroquerie, car la Femme fait ici face à un homme qui, sauf accident de la vie, ne sera jamais en situation de remplir pleinement ses obligations durant le mariage ou, pire, après dissolution du lien conjugal car cet homme ne sera jamais divorcé, tant il a de la réserve ! En effet, qu’est-ce que cela peut bien donner en termes d’épreuves, le divorce d’un mari polygame ? En vertu de quoi celui-ci viendrait à réclamer une pension à son ancienne épouse n° X en cas de divorce prononcé aux torts de celle-ci, si c’est pour entretenir, in fine l’autre ou d’autres conjointes ? Quel dispositif pourrait-il empêcher de violer l’Article 260 précité, interdisant l’utilisation des ressources d’une femme pour le bonheur des autres ?

Escroquerie, escroquerie…Escroquerie !

Autre norme, qui peut laisser le Citoyen perplexe, la reconnaissance et l’application d’un pouvoir unilatéral convenu d’être appelé autorité maritale.

 

*L’anachronisme de l’autorité maritale.-Le Code civil comporte une curiosité des Droits de la famille codifiés sur la base de coutumes autoritaristes et inégalitaires, autant dire, injustes. Tout commence avec les fameux articles dont Monsieur le Maire fait fièrement lecture lors de la célébration du mariage, juste avant le « oui final » (en attendant le « non définitif »). Notamment, de l’Article 252, alinéa 1 : « Par l’effet du mariage, le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéissance à son conjoint. » Que vient chercher l’obéissance et comment peut-elle persister dans l’administration des rapports unissant deux être égaux ? La Femme n’est-elle tout simplement pas assimilée à un enfant ? Ne serait-on pas dans une hiérarchisation des sujets et des fonctions, à l’image des rapports existant entre un Gouvernant et ses administrés ?

 

Tout tend à y répondre par l’affirmative, car une autre disposition énonce très clairement un principe utilisant un langage purement politique : « Le mari est le chef de famille. Il exerce cette fonction dans l’intérêt commun du ménage et des enfants »(Article 253 , alinéa 1)*. Qui est le « ménage » , si ce n’est l’union bâtie avec la femme, et donc la femme en elle-même ? Un rapport égalitaire a-t-il jamais besoin de « chef » ? Il faut croire que oui. L’alinéa 3 de l’Article 253 le confirme en apportant une importante nuance, suivant laquelle « [l]a femme remplace le mari dans ses fonctions de chef de famille… » On croirait être en présence d’un Chef d’Etat et de son Premier Ministre, vice-président de la République ou du président du Sénat, dans les cas d’incapacité, de démission et de vacance de pouvoir.

 

Dans cet ordre d’idées, on établit que « [l]e choix de la résidence de la famille appartient au mari [et que] la femme est obligée d’habiter avec lui, et il est tenu de la recevoir » (Article 254, alinéa 1 du Code civil)*. Quel sens donner à la notion de foyer conjugal, si la résidence appartient, tout compte fait, à l’homme ? Et que dit donc la Loi sur l’organisation de la résidence familiale en situation de polygamie légale (parce qu’il y en a qui sont anarchiques) ? On observe, par ailleurs, que la Femme est privée du droit de conserver le nom de son mari après dissolution du mariage (Article 290), alors que sous d’autres cieux, Mesdames M. Alliot-Marie et M. Aubry sont pourtant des vestiges d’unions dissoutes.

 

En outre, le droit de la femme au travail et à l’accès à un emploi sont également mis à mal, tel qu’on le note de la Loi n° 15/72, qui dispose que « [l]a femme peut exercer la profession de son choix, à moins que le mari demande au tribunal de lui interdire, dans l’intérêt de la famille, l’exercice de cette profession » (Article 261)*. Alors, reconnaissons donc que la fonction de mère est un contrat de travail, dont les charges devraient être supportées par des époux de ce type sous le contrôle de l’administration fiscale !  

 

***

Voilà ce qu’il m’a paru essentiel de noter dans la perspective d’adoption des mesures visant à garantir les droits et libertés de la Femme, proclamés avec insistance dans des textes nationaux et internationaux. Le cheminement de la République du Gabon dans cette dynamique participe à l’évolution des mentalités et à l’expansion des valeurs de la Civilisation. D’où l’attente, l’impatiente attente du Citoyen et de la Citoyenne envers le positionnement du nouveau régime politique installé à la faveur de l’élection présidentielle du 30 Août 2009, que le Chef de l’Etat désigne volontiers sous l’expression ambitieuse et fédératrice de Gabon Emergent. La conclusion de la présente réflexion se gardera de toute analyse aussi infructueuses qu’hasardeuses, pour se risquer plutôt à un certain nombre de suggestions en l’honneur de la Femme.  

 

 

 

 

CONCLUSION

Quelques propositions citoyennes au Timonier du Gabon Emergent

Qu’est-ce qu’on n’aura pas entendu sur la Femme: « l’emprunteuse de notre côte », « le sexe faible », « l’auxiliaire de l’homme » Par quelques heureuses réactions, on entend de l’autre côté : « l’homme est le brouillon de la femme », ou encore : « la femme est l’avenir de l’homme » ; puis, plus insurrectionnelle : « on ne naît pas femme, on le devient » ! Mais voilà, en dépit de ses malentendus, davantage liés à la lutte pour le Pouvoir, qu’à une hiérarchisation des genres, ROUSSEAU nous assure dans l’Emile, que « la femme est homme » (Œuvres complètes, sous la direction de Louis Barré, p.280, Op. cit.)*.

 

Le problème des femmes, c’est qu’elles sont majoritaires ; et l’écueil des Majorités, c’est qu’elles effraient et polarisent.

 

Si cet exposé est entièrement dédié à la Femme par le truchement de mes deux amies de Paris et de Metz, dont je m’honore de l’estime, on reconnaîtra tout de même du mérite à quelques hommes en cette fin d’étude. Tout d’abord, à Nicolas BOILEAU, qui, traduisant Horace, nous lègue une bien pertinente observation : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement ; Et les mots pour le dire  arrivent aisément » (L’Art poétique, Chant I, in Œuvres poétiques de Boileau-Despréaux, 4e édition : annotations par Ch. Gidel, notice de Sainte-Beuve, chez Garnier frères, Paris, 1883, p.212)*.

 

Ce que je puis concevoir de la présente réflexion, c’est l’impérieuse nécessité pour les Gouvernants, pour les hommes ; le Citoyen, la Citoyenne ; les Etats, les instances internationales d’œuvrer de concert à la Justice sociale à travers l’égalité des genres.Aussi, est-il bienséant de laisser la parole au Sage, qui mit en orbite la Femme comme véhicule intergalactique du Développement national (Omar BONGO ONDIMBA, Mon Projet, des Actes pour le Gabon, 2005, Synthèse, Multipress Gabon 4676/05, p.14)*. En effet, il est apposé au 3e pilier de ses Actes pour le Gabon une parole du Père de la Nation, qui mériterait d’être érigée en apophtegme :

 

« La justice sociale, c’est aussi veiller à ce que soit respecté le droit des femmes.»

 

C’est ici que le Citoyen s’applique humblement à faire trois (3) propositions concrètes au Pilote du Gabon Emergent au sujet de la Femme, ayant cru comprendre que le projet républicain en cours invitait la Nation à ouvrir des portes susceptibles d’aider le Pays à conquérir les instruments juridiques, politiques, économiques et culturels de la Puissance. Ainsi se déclinent ces propositions :

 

1-Institutionnaliser et rétribuer la fonction de Femme au Foyer (FAF), comme contrat de travail permanent ;

 

2-Instaurer des Parlements Décentralisés des Femmes (PDF) et, enfin,

 

3-Créer un Institut de Droit et de Sociologie de la Famille (IDSF).

 

 

Ces objectifs sont à la portée de la Collectivité, Pouvoirs publics et administrés unis. Il n’y a pas de fatalité, dans un système et une éthique politiques qui s’annoncent champions du Partage. Partage des responsabilités. Partage de la légitimité. Partage de l’espérance, des épreuves, des luttes et des Rêves. A l’instar des axes fixés par les Etats membres des Nations Unies à l’occasion du Sommet du Millénaire, « La réalisation de ces objectifs suppose, entre autres, une bonne gouvernance dans [le] pays » (Résolution 52/2 de l’Assemblée générale, Op. cit., paragraphe 13)*. Il n’y a pas de fatalité. Le respect des Droits de la Femme est un indice de santé démocratique et un indicateur de développement politique (IDP).

 

En espérant, Femmes, que vous soutiendrez vous-mêmes cette dynamique. Car, comme le rappelait Isidore Célestin DJENNO au cours du débat suscité par la Conférence nationale, « les femmes ne doivent pas attendre que les hommes leur cèdent allègrement un fauteuil où ils sont confortablement installés, sans se battre pour le mériter. »

 

Mesdames. A vous d’Agir ! 

 

  

Arthur BENGA NDJEME :

 PARIS, le 23 Avril de l’An X à Minuit