CASA
Tal vez ésta es la casa en que viví
cuando yo no existí ni había tierra,
cuando todo era luna o piedra o sombra,
cuando la luz inmóvil no nacía.
Tal vez entonces esta piedra era
mi casa, mis ventanas o mis ojos.
Me recuerda esta rosa de granito
algo que me habitaba o que habité,
cueva o cabeza cósmica de sueños,
copa o castillo o nave o nacimiento.
Toco el tenaz esfuerzo de la roca,
su baluarte golpeado en la salmuera,
y sé que aquí quedaron grietas mías,
arrugadas sustancias que subierondes
de profundidades hasta mi alma,
y piedra fui, piedra seré, por eso
toco esta piedra y para mí no ha muerto:
es lo que fui, lo que seré reposo
de tu combate tan largo como el tiempo.
Pablo NERUDA
***
Ma maison
Tu es peut-être cette maison où j’ai vécu
quand je n’étais rien et n’avais rien,
quand tout était lune, pierre et mirage,
avant que la lumière, figée, ne fût.
Peut-être même que cette pierre était
ma petite maison, mes fenêtres, mes yeux.
Cette rose de granit me rappelle
quelque chose qui m’habitait ou que j’ai habité,
une grotte ou un bouquet de rêves,
coupe, château, vaisseau, naissance.
J’évalue la forte tenacité de la roche,
dont le rempart est infiltré par la saumure,
et voilà que je sais qu’ici demeurent mes crevasses,
ainsi que les substances ondoyantes qu’elles ont levées
des abysses de la terre à mon âme;
je suis né pierre, et je retournerai pierre; c’est pourquoi
j’embrasse cette pierre qui vit en moi :
c’est ce que je fus et serai à jamais : soldat
invincible de la paix perpétuelle!
Version d’Arthur BENGA NDJEME : Nancy, le 02 Avril, l’An X, 10h 12