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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 10-02-2010 à 15:45:19

L'IVRESSE DE LA LIBERTE

L’AFRIQUE, UNE SERVANTE A LA RECHERCHE DE MAITRES ?

 

 

 

« …leurs révolutions les livrent presque toujours

à des séducteurs qui ne font qu’aggraver leurs chaînes .»

 

Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité, p.19 à 20.

 

 

 

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Une fois les indépendances « octroyées », car c’est ainsi qu’il faut les vivre, la situation de l’Afrique est, sinon stagnante, mais tout au moins ambiguë. La résolution pertinente de l’Assemblée générale des Nations Unies parle, effectivement, de l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux (résolution 1514 (XV) du 14 Décembre 1960)* et non de la conquête ou de l’accession à l’indépendance desdits pays et peuples.

 

Cette réalité se vérifie au regard du comportement des Etats appelés malencontreusement post-coloniaux (les analystes l’étudieront plus substantiellement). Car les règles de gouvernance, de protection de leur propres populations, d’exercice d’une souveraineté économique que les textes internationaux s’évertuent à proclamer sont dictées et même caricaturées sur les modèles étrangers, comme si l’Afrique n’était pas capable de se souvenir de ses modes de gouvernement ancestraux ou de s’inventer des dynamiques intrinsèques de gestion des hommes et des biens. Il s’en dégage, à mon humble avis, une double impression.

 

Après la période majestueusement appelée post-colonie, l’Afrique est arrivée à une situation d’Auto-colonisation (2), car l’évolution de sa coopération internationale laisse transparaître la propension d'une Servante à la recherche de Maîtres (1).

 

 

(1)-Une Servante à la recherche de Maîtres

Il est un truisme que de rappeler que les Constitutions des républiques créées en Afrique au lendemain du mouvement de la décolonisation sont des pâles copies des Constitutions françaises des IVe et Ve Républiques, pour les Peuples qui eurent la France pour « Maître ». Les Peuples qui furent dépendants du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sont, soit « inspirés » par le modèle français, soit « influencés » par les règles britanniques de la Common Law et de l’Equity.

 

Le sentiment qui se dégage des revendications des dirigeants et de certaines élites africaines à propos de leur souveraineté à préférer la Chine à la France, au Royaume-Uni, à l’Espagne, au Portugal, c’est celui d’une collectivité d’hommes et de femmes lancée à la recherche d’un nouveau Maître. Le fait de remplacer une ancienne Puissance coloniale ou la mettre en compétition avec une Puissance émergente en matière de coopération économique ne s’appelle pas exercer ou exprimer sa souveraineté.

 

Il s’agit, tout simplement, de remplacer un impérialisme par un autre ; disons-le, remplacer un Maître par un autre ! D’où viendrait donc ce manque d’inventivité et de créativité, qui semble condamner l’Afrique à rechercher frénétiquement un « Protecteur extérieur » et à confier les clés de son coffre-fort à des « amis », plutôt qu’à ses « frères » et « parents » ?

 

Lorsqu’on est dans cette situation (de plus en plus assumée par les intéressés), on peut comprendre que les Etats africains ne soient suffisamment Libres ni Souverains pour apporter une solution collective et responsable à la tragédie du Peuple frère d’Haïti. Ils ne Veulent pas être maîtres de leur propre destin.

 

Les Peuples d’Afrique seraient-ils donc si habitués à obéir aux ordres, orientations et autres conseils de l’Etranger qu’il leur est désormais impossible de se passer de Maîtres et de s’en remettre, au demeurant, à d’autres Puissances pour se donner le sentiment d’avoir rompu leurs premières « Chaînes » ? La posture d’auto-colonisation qui transparaît des mentalités des masses africaines porte à y répondre par l’affirmative.

 

 

(2)-Une posture d’Auto-colonisation

Cette curieuse tendance des gouvernements africains et de nombre de leurs Peuples à s’infliger de nouvelles Chaînes, à travers la livraison de leur destin à la Chine n’était, jusque-là qu’une simple impression.

 

Mais en prenant part à la dernière Assemblée générale ordinaire de l’Association Afrique Multiculturelle à Nancy le 23 Janvier 2010, son président le Professeur R. O., citoyen d’origine zaïroise, dresse une vigoureuse diatribe contre ce qu’il appelle alors dans une heureuse formule: la« posture d’auto-colonisation » des gouvernements africains.

 

Il serait difficile de développer ici l’ensemble des ressorts que cette observation a suscités en mon esprit. Mais on peut souligner que l’Auto-colonisation s’entend comme une propension à solliciter soi-même l’instauration d’une coopération internationale avec des Puissances émergentes, en hypothéquant l’avenir de l’Afrique par des contrats de mise en concessions de ressources naturelles, en contrepartie de quelques infrastructure à l'esthétique, aux normes environnementales et de sécurité douteuses.

 

Mais dites-moi ! La construction d’un stade de football peut-elle seulement équivaloir à l’exploitation, pour 99 ans, d’une mine de Fer ?

 

Est aussi de l’Auto-colonisation, la disposition qui consiste à ouvrir prioritairement le Secteur privé, le meilleur habitat et les conditions d’acquisition des domaines aux investisseurs étrangers. Il est incompréhensible que les dirigeants africains œuvrent avec autant de détermination à compliquer l’épanouissement de leurs concitoyens dans les Affaires, l’accès au logement et l’accès à la propriété.

 

Un collègue et concitoyen, recruté au Canada pour le compte d’un grand Groupe industriel et affecté au Gabon me l’a confirmé. Lors même qu’au téléphone, toutes les dispositions étaient prises pour qu’il s’installât dans un logement décent, avec cuisinier, majordome, chauffeur, voiture de fonction, chauffeur et autres privilèges dus à son statut de haut cadre, la désillusion fut totale, une fois arrivé sur les lieux.

 

Ayant constaté qu’il ne ressemblait pas du tout à ce que laissait présupposer son nom, le concitoyen en charge de ce dossier lui dit, à Libreville, sans autre forme d’égards : «Tu vas te débrouiller comme un bon Gabonais ! »

 

Peut aussi être considéré comme un symptôme d'Auto-colonisation, cette tendance des Africains à s'Auto-flagelelr. "L'enfer reste certainement l'Autre"(Sartre); mais le Diable est devenu soi-même!

 

Voilà ce qu’il est clairement permis d’appeler, avec le Professeur O.: l’Exo-centrisme. Maladie chronique, qui attaque les Sociétés africaines dans leurs capacité et discernement à cultiver la mise en valeur des talents propres et des ressources humaines nationales.

 

Peut-on voir dans ces dérives des gouvernants qui cultivent une dépendance à des évaluations étrangères une conséquence de la Traite négrière et de la Colonisation européenne ? Face à l’état critique que présente l’Etat post-colonial africain, aucun diagnostique n’est à exclure.

 

 

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Le demi-siècle d’apprentissage de l’Indépendance politique et économique est une véritable épreuve pour l’Afrique. Mais il ne faut juger, évaluer, apprécier l’Etat africain post-colonial sur la base de l’octroi de l’indépendance.

 

Il est un euphémisme, que de constater qu’Haïti, Première République Indépendantes des Caraïbes depuis le XIXe Siècle, n’est pas plus prospère que nombre d’Etats créés récemment. Le problème africain réside en une sorte de syndrome de Stockholm, car il est entièrement fondé sur le goût de la Liberté.

 

En revisitant Rousseau, on peut effectivement noter qu’ « il en est de la liberté comme de ces aliments solides et succulents, ou de ces vins généreux, propres à nourrir et fortifier les tempéraments  qui en ont l’habitude, mais qui accablent, ruinent et enivrent les faibles et délicats qui n’y sont point faits » (Voir Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Gallimard/Idées, 1965, p.19)*.

 

Autrement dit, Etre libre nécessite une pratique à long terme. On en viendrait presque à se demander si les Sociétés africaines ont-elles jamais été libres.

 

En attendant de consacrer une réflexion plus approfondie à cette préoccupation, il convient de reconnaître pour l’heure, encore avec Rousseau, l’entêtement d’une Histoire aussi complexe que celle des Peuples naguère placés sous domination:

 

« Les Peuples une fois accoutumés à des Maîtres, ne sont plus en état de s’en passer. »

 

L’Afrique développerait-elle aujourd’hui cette accoutumance? N'aurait-elle jamais renoncé à la dépendance ? Dans la négative, comment peut-elle alors s’exorciser de ce triste sort, afin d’assumer enfin le Droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes ? Tel est, me semble-t-il, le noble défi des élites émergentes : déclarer la Guerre à la Dépendance !

 

 

Arthur BENGA NDJEME : Nancy, le 10/02/2010, 15h 09.