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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 03-12-2009 à 00:59:12

LETTRE DES FILS DE MOABI AU MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

 

M. Séraphin MOUNDOUNGA

Ministre de l’Education Nationale et

de l’Enseignement supérieur du Gabon

 

 

Paris, le 02 décembre 2009

 

 

Lettre ouverte des fils de Moabi (Gabon)

 

Le bon sens le plus élémentaire plaide avec la force de l’évidence en faveur de l’implantation d’un lycée public à Moabi.

 

 

Monsieur le Ministre,

 

Les habitants de Moabi se proposent d’être maître d’oeuvre d’une cité scolaire regroupant collège et lycée. Pourquoi le gouvernement refuserait-il cette opportunité qui permettra des économies substantielles : viabilisation, personnel (techniciens, ouvriers et de service), dépenses pour le transport scolaire des parents d’élèves apaisé, restauration…?

 

Avoir accès à un lycée public de proximité pour les citoyens gabonais qui le demandent est un droit à respecter !

 

Les arguments qui légitiment la demande d’implantation d’un lycée public dans le département de la Douigny, à Moabi.

 

Vous conviendriez, certainement, avec nous, Monsieur le Ministre, qu’un nombre important de jeunes élèves de la province de la Nyanga, originaire du département de la Douigny et plus particulièrement de Moabi dans le sud du Gabon, se voient chaque année brutalement contraints d’estomper leurs études pour certains même après avoir obtenu brillamment leur BEPC au CES de Moabi.

 

Partant des explications consécutives et incessantes de ces jeunes privés de classes de Seconde, Première et Terminale, nul dans ce monde ne peux se douter de la douleur que vie cette jeunesse âpre à se développer et subitement privée du droit à l’éducation.

 

C’est naturellement émouvant d’entendre de la part d’un jeune élève fraichement breveté déclarer : « Je voudrais continuer mes études, mais on m’en empêche… ».

 

Mbadinga est dégoûté. À seize ans, ce jeune habitant de Mououna (quartier de Moabi) contraint et forcé s’apprête à sortir du système scolaire. Victime comme beaucoup d’entre eux du grand éloignement du Lycée. Mbadinga a pourtant fait un parcours scolaire normal jusqu’en classe de 3eme…

 

Réformer la pensée par l’éducation est l’un des enjeux majeurs pour notre pays. Il s’agit de former des esprits libres et autonomes pour forger des citoyens responsables et justes.

 

- Configuration géopolitique et économique de Moabi dans la Nyanga:

Le département de la Douigny est l’un des plus peuplés de la province de la Nyanga, avec une agriculture fortement réalisée par les autochtones en particulier, la production de la banane et de la palmeraie d’Agro-Gabon.

 

Moabi est la seule grande commune du Gabon à ne pas être encore dotée d’un lycée public, en comparaison avec les communes de Moanda dans le Haut Ogooué et de Ndendé dans la Ngounié, pour ne citer que celles là.

 

Par sa position très éloignée des deux plus grandes villes Mouila et Tchibanga qui la jouxtent, et vu l’état de la route, Monsieur le Ministre, les habitants de Moabi sont privés d’un service public essentiel : l’éducation.

 

En termes d’accroissement de population, outre le fait que les habitants de Moabi ont toujours eu un taux de natalité élevé, on remarque sur le département de la Douigny une poussée démographique en progression constante, donc tout porte à croire que les collèges et lycées viendront à point nommé dans les années à venir.

 

La Douigny est un département qui séduit, beaucoup de gens qui y ont grandi restent y vivre, pendant que d’autres viennent s’y installer, attirés par sa qualité de vie et son paysage attractifs. Il n’est plus possible, dans ces conditions, de continuer à priver sa population d’un service public d’éducation, qu’il s’agisse de la population locale ou des nouveaux arrivants.

 

La question qui se pose est donc : le département de la Douigny, dynamique et attractif, peut-il continuer à agrandir ses communes sans proposer les services minimums à sa population ?

 

- Des raisons stratégiques en faveur d’un lycée public à Moabi :

Dans un souci de respect et de défense des valeurs républicaines, les droits des habitants du département de la Douigny et donc de Moabi, en terme de liberté de choix scolaire après la classe de 3eme et d’égalité, ne sont pas respectés.

 

De plus, il est clair que « l’esprit » des habitants de Moabi est en train de changer, les mentalités évoluent et partout, des parents d’élèves se mobilisent pour réfléchir sur l’avenir de leurs enfants après seulement la classe de 3eme, pour ces parents d’élèves, faire ouvrir un lycée public, serait marquer l’émergence d’une demande croissante vers un droit à l’école et donc d’enseignement pour tous après la classe de 3eme.

 

- Choix de l’implantation :

Moabi, chef lieu du département de la Douigny, est la commune la plus peuplée et la plus attractive de la province de la Nyanga, en termes de services, qu’elle « centralise », et les gens ont tendance à venir s’y installer plus facilement qu'ailleurs.

 

D’aucuns avancent qu’il n’y a pas de demande de la population pour un lycée public. Nous nous inscrivons en faux contre cet argument. C’est l’offre de service public qui déterminera la demande.

 

- Des raisons d’ordre social

Le lycée public de Moabi est une nécessité sociale : quel autre lieu brasse encore des populations aussi diverses ? La scolarité obligatoire reste le seul lieu de rencontre. Ce lycée sera une petite société qui préparera la société de demain : voulons-nous en faire un lieu de compétition, ou un lieu d’entraide, de solidarité ? «Dites- nous quel est votre lycée, nous vous dirons quelle société vous préparerez»

 

- Des raisons pratiques et économiques

Monsieur le Ministre, nous le savons tous, pour une famille (généralement nombreuse) de Moabi, le coût d’une scolarisation dans un lycée de Tchibanga ou ailleurs est excessivement élevé.

 

De plus, scolariser un enfant dans un lycée en dehors de sa commune (surtout avec l’état des routes et la distance) est pénalisant pour les familles, par rapport aux services extra-scolaires et entraîne, à terme, un risque de désocialisation pour le jeune élève.

 

La famille est confrontée à des difficultés de transport et à un surcoût « ville extérieure et très lointaine ». Est-ce le prix à payer pour bénéficier d’un enseignement ?

 

Le lycée public de Moabi est une nécessité économique : le besoin d’une main-d’oeuvre intelligente, adaptable, ouverte est un impératif pour notre pays et si distillation fractionnée il doit y avoir (lycée de Tchibanga ou de Mouila), pourquoi ne pas la faire à partir du repérage des talents après le Bac ?

 

Monsieur le Ministre, cela relève maintenant de la responsabilité du gouvernement et des élus de prendre en compte ces difficultés d’accès au lycée, l’émergence de demandes d’ouvertures dans les communes qui ne sont pas équipées de lycées et la volonté de plus en plus affirmée des familles, de scolariser leurs enfants dans un lycée sur place.

 

Le lycée public de Moabi est possible, à condition de repenser son « architecture », oser affronter la complexité des situations afin de choisir les solutions les plus appropriées. Nous savons que le problème n’est pas technique, mais dépend de la volonté politique.

 

Ce lycée doit apparaître aux yeux des élèves et de leurs familles, comme un lieu de ressources dans une société en perte de repères ; nous n’avons pas le choix.

 

Faute d’oser la mise en place d’une nouvelle organisation, le chômage perdurera, s’amplifiera ; la société laissera s’échapper une partie de ses forces, de ses atouts pour le futur. Oui le lycée public de Moabi est possible, les outils et les moyens financiers existent, ... il suffirait d’amplifier ici, de minorer là, et avant tout de piloter en vue d’objectifs enfin politiquement clarifiés.

 

Nous vous prions, Monsieur le Ministre, de bien vouloir nous indiquer si notre démarche suscite votre intérêt ou, au contraire, vos réserves.

 

En vous remerciant d’avance de l’intérêt que vous voudrez bien lui porter et en nous tenant prêts à répondre à tout complément d’information que vous souhaiteriez obtenir, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre entier dévouement et de notre haute considération.

 

Le Représentant

Kevin DINZAMBOU DI-KASSE

 

 

Ampliation:

- Ministère de l’Education Nationale et de l’Enseignement supérieur du Gabon

- Ambassade du Gabon en France

- Consulat Général du Gabon en France

- Conseil des Gabonais de France

- La Presse gabonaise