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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 02-05-2011 à 14:09:19

La famille & l'Etat. Le conflit?

***

 

La famille et l’Etat

 

 

introduction

Au cœur de la société humaine, deux organisations se livrent à une lutte sans merci et sans relâche. L’une, préexistante, est la famille ; et l’autre, subséquente, est l’Etat.

Dans son acception la plus large, la famille est, en Droit civil, l’ « ensemble des personnes descendants d’un auteur commun et rattachées entre elles par un lien horizontal (mariage, mais aussi concubinage), et un lien vertical (la filiation) »Lexique des termes juridiques, 18e édition, Paris, 2010, p.367)*. Ceci implique donc, qu’au sens strict, la famille désigne cet exceptionnel « groupe formé par les parents et leurs descendants, ou même, plus restrictivement encore, par les parents et leurs enfants mineurs » (idem)*. L’élément biologique sert donc de primat à ces ensemble et groupe de personnes physiques ou individus. (

Nous avons là une forme de société humaine bien précise et distincte de la seconde : l’Etat, qui est sociologiquement parlant, une « espèce particulière de société politique résultant de la fixation sur un territoire déterminé d’une collectivité humaine relativement homogène régie par un pouvoir institutionnalisé comportant le monopole de la contrainte organisée (spécialement le monopole de la force armée) » (Lexique des termes juridiques, précit., p.349)*. L’Etat est, en ce sens, une institution de Droit public, où il apparaît en tant que « Groupement d’individus fixé sur un territoire déterminé et soumis à l’autorité d’un même gouvernement qui exerce ses compétences en toute indépendance en étant soumis directement au Droit international » (Vocabulaire Cornu, 6e édition, Paris, p. 369)*. L’élément psychologique, que BURDEAU (Georges BURDEAU, L’Etat, préface de Philippe Braud, Seuil, 1970, 2009, p.10)* appelle « idée », domine donc cette forme-ci de société humaine.

Toutefois, un point de contact existe entre les deux, au travers des deux groupements humains que sont la fratrie et la patrie, la famille et la nation, qui n’est autre chose que le substrat humain de l’Etat. Ainsi, le fond affectif (amour pour la famille et volonté de vivre ensemble pour l’Etat-nation), qui détermine la revendication plus ou moins unanime à une même ascendance ou collectivité humaine, est également le champ dans lequel la famille affronte l’Etat et vice versa. Il s’ensuit un double mouvement d’interdépendance et d’affaiblissement constants. Autant l’Etat, société d’apparition récente, emprunte à la logique et aux paradigmes de la famille, autant l’évolution de l’Etat met à mal le développement de la famille.

Quelles peuvent donc être les causes de cet affrontement permanent entre deux sociétés imbriquées l’une à l’autre ? Peut-on craindre, à terme, un divorce consommé entre la famille et l’Etat ? S’agirait-il d’un divorce à l’amiable ou avec pertes et fracas ? Des raisons d’une conciliation sont-elles à espérer, avant que ne survienne cette funeste occurrence ? En somme, le Siècle qui commence cette année avec le dépeçage de la Côte d’Ivoire et de la Libye ; avec l’émancipation de l’homosexualité et l’obstination des problèmes d’homoparentalité ; avec un mariage princier offert à l’humanité par la monarchie britannique comme bouffée d’air frais dans un monde en putréfaction, mérite d’être marqué par deux questions essentielles, symboliques d’un conflit : Où va l’Etat ? Où va la famille ? Telle est la problématique du Pouvoir, enjeu de la guerre tacite mais non moins persistante et désastreuse, qui oppose ces deux formes ou espèces de société.

C’est pour en examiner les ressorts et tenter un pronostic sur l’issue de cette lutte, qu’il importe d’adopter une approche comparative mettant en relief le pouvoir de commander et de gouverner (I) au sein de la famille et de l’Etat ; cette action préalable rend plus avisée l’analyse des variations de la capacité des deux sociétés à fédérer (II) les hommes et les esprits.

 

I-LE POUVOIR DE COMMANDER ET DE GOUVERNER

La Constitution gabonaise (CG) proclame que « La famille est la cellule de base naturelle de la société, le mariage en est le support légitime. Ils sont placés sous la protection particulière de l’Etat » (Loi n°47/2010 du 12 Janvier 2011 portant révision de la Constitution gabonaise (CG), Article premier, alinéa 14)*. Il en est de même de l’Article 54 de la Constitution afghane de Janvier 2004 : « Family is a fundamental unit of society and is supported by the state » La loi n° 2000-513 du 1er« [l]a famille constitue la cellule de base de la société. L’Etat assure sa protection. » Les dispositions de ces Lois fondamentales ne sont pas sans rappeler l’article 16,§3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) du 10 Décembre 1948, qui établit que « La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’Etat .» Or, au lieu d’en assurer et en assumer la protection, l’Etat s’est employé, tout au long de sa tumultueuse histoire, à piller la famille de ses atouts. Ainsi, le pouvoir de commander influe-t-il sur le pouvoir de gouverner en passant du chef de famille au chef de l’Etat (A), puis du père au PR ou « président de la République » (B). Août 2000 portant Constitution de la Côte d’Ivoire reconnaît, également, en son Article 5, que

A)-Du chef de famille au chef de l’Etat

L’Etat a tout volé à la famille : nos oncles, nos tantes ; neveux, collatéraux, germains, consanguins, utérins. Il a tout volé. Comme si cela ne suffisait pas à nous appauvrir de nos sens et significations, l’Etat viole notre imaginaire, nos codes de vie, nos modèles de représentation. Il viole tout. Pourquoi donc cet acharnement de l’Etat contre la famille ? Eh bien, au commencement était la famille, laquelle, devenue puissante, s’est élargie en dynasties puis en seigneuries. La famille, les dynasties, les seigneuries sont les premiers espaces d’expression et de gestion du Pouvoir. En les dépassant, l’Etat ne les peut tolérer qu’à condition de les cannibaliser, dans leur essence. Ainsi, la figure tutélaire du « chef de famille », détenteur de la force, tête de proue, poutre qui soutient l’ensemble de l’édifice social en lui insufflant son énergie vivifiante, est-elle cannibalisée par la nouvelle organisation politique pour donner : le « chef de l’Etat »*.

Ce qui caractérise ce mouvement d’appropriation des codes de la famille et d’expropriation symbolique de celle-ci, c’est l’affaiblissement de la puissance de son « chef ». Hormis quelques irréductibles réunis au sein de groupements puissants (élites capitalistes et collectivités régnantes), l’idée de « chef de famille » (qu’une langue bantoue appelle : aïssa’ mbazza, « l’héritier, le successeur ») vole, jour après jour, en éclat. Alors que le « chef de famille » représentait l’idéal même de « premier citoyen », de modèle, de guide, ledit idéal est dorénavant incarné par « l’élu » et « le nommé » ; il est, politiquement, remplacé par la Grande figure du gouvernant. Parce que les codes ont changé. La marchandisation de tous les échanges, y compris cordiaux, place alors les possédants au sommet de la hiérarchie ; au détriment des valeurs de la famille.

Sous-entendue dans l’idée de « chef de l’Etat », la dépossession du « chef de famille » est accrue par la confusion savamment entretenue entre les « dignités » et les « grades » ; entre le Dignitaire et le diplômé ; entre le modèle et le « top model ». L’Autorité parentale, plus globalement exercée aujourd’hui par les deux parents, sauf dans nombre des codes civils des pays africains où elle reste l’attribut du mâle ; l’autorité parentale, disions-nous, trouve une translation en politique avec la désignation de l’homme ou de la femme qui nous gouverne comme « chef de l’Etat ». Les présidentes du Liberia, du Brésil et de l’Argentine sont « chefs de l’Etat », tout comme les présidents français, sénégalais, afghan et gabonais. Les codes de la famille ayant changé, ceux de l’Etat changent autant.

A la question de savoir : pourquoi avoir instauré cette espèce d’organisation qui sert aujourd’hui de support au pouvoir politique ? Georges BURDEAU répond : « les hommes ont inventé l’Etat pour ne pas obéir aux hommes » (L’Etat, Paris, Op. cit., p.11)*. La création de l’Etat a donc pour corollaire l’affaiblissement graduel, insidieux et inexorable de la famille. A preuve, la puissance paternelle, phénomène initial d’agrégation des collectivités humaines, a fini par émigrer de la famille à l’Etat.

 

B)-Du père au PR, ou « président de la République »

A l’instar de la famille, dont le père n’est pas que cet irresponsable semeur inaccessible à l’éthique du bon jardinier, l’Etat se veut aussi « descendant » d’un père ; PR comme acronyme de président de la République, ou simplement, père comme « père de l’indépendance », « père de la Nation », « père de la Révolution ». Il est insupportable à l’Etat, que Hans KELSEN (Théorie pure du droit, Dalloz, Collection « Philosophie du droit », Paris, 1962, pp.315-410, 496 p.)* tutoie comme une construction juridique et, au demeurant fictive (personne morale), de laisser errer au gré de la liberté, la collectivité humaine qu’il contrôle et domine. Il lui faut donc puiser dans le patrimoine affectif de la famille, la puissance du « père », afin d’ajouter à sa fiction un grain de sentiment, un zeste d’amour.

Franchement, avez-vous l’humble sentiment que nos Etats sont nés des œuvre et ou volonté d’un seul homme, d’une seule femme ? Pensez-vous que le destin de la famille soit, en dépit des proclamations constitutionnelles, en harmonie avec les desseins de l’Etat ? La confiscation des cotisations sociales et des retraites à la mort du père et de l’époux dans certains pays, la mort à petit feu du père et de l’époux par l’allongement de la durée légale de travail, le chômage chronique qu’entretiennent nos Etats, les politiques hasardeuses du planning familial ne montrent-ils pas à suffisance l’œuvre de déconstruction programmée de la famille par l’Etat ?

Le Pouvoir anonyme du chef se trouve ainsi mis à nu par l’institution, ou, précisément, par l’institutionnalisation : phénomène d’immortalisation des instruments de commandement et de gouvernement par un acte juridique. La méfiance congénitale de l’institution vis-à-vis de la seigneurie et de la dynastie n’a de cesse d’exposer la famille à la folie meurtrière de l’Etat, car deux identités, ici, se neutralisent, l’une puisant sa modernité dans l’Autre (Amin MAALOUF, Les identités meurtrières, Grasset, Paris, 1998, pp.55-96, 189 p.)*.

Toutefois, le problème essentiel est de rechercher, in fine, laquelle des deux formes de sociétés humaines examinées, menace fondamentalement l’existence et l’influence de l’autre. Telle est la préoccupation que suscitent les variations de la capacité de la famille et de l’Etat à fédérer les Idées et les Hommes.

 

II-LES VARIATIONS DE LA CAPACITE DES DEUX SOCIETES A FEDERER

 

(à suivre)

 

 

Arthur BENGA NDJEME

Owendo, le 30 Avril 2011.
 

Commentaires

berrejl le 04-05-2011 à 00:39:48
Mon cher Arthur. Je ne saurai te dire quelle coïncidence... mais hier, le 3 mai 2011, je parlait du même sujet avec à quelqu'un, avec la même approche! Je suis content de te lire.