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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 15-03-2011 à 20:21:23

Fiche n°3: DROIT ADMINISTRATIF (partie I)

Le principe de libre administration des collectivités territoriales

 


 

UNIVERSITE OMAR BONGO (Libreville/GABON)

Faculté de Droit et des Sciences Economiques

DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC 

 

Travaux Dirigés de Droit administratif

 

LICENCE 2 DROIT 

Enseignant : M. Sylvestre KWAHOU

Assistant : M. Arthur BENGA NDJEME

   Fiche n° 3 : 

LE PRINCIPE DE LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

 

 

 

EXERCICES

Aux deux exercices que nous propose l’enseignant, il convient d’y ajouter un troisième, qui constitue d’ailleurs un préalable à la compréhension des autres. Ainsi, aurions-nous, successivement, à réfléchir sur la présentation du principe de libre administration des collectivités territoriales (1) ; à fabriquer les fiches de jurisprudence de deux arrêts du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat (2) ; puis à commenter l’analyse de la décentralisation faite par Maurice HAURIOU (3).

 

 1-La présentation du principe de libre administration des collectivités territoriales

Présenter le principe de libre administration des collectivités territoriales consiste, d’une part, à en fixer la définition (a) ; puis, d’autre part, à en rappeler les bases juridiques ou constitutionnelles (b), ainsi que la consécration jurisprudentielle (c).

 

 a)-Définition

La lexicologie et la doctrine juridiques regorgent d’éléments de définition de ce principe de droit public situé à la jonction du Droit administratif, du Droit constitutionnel et des Finances publiques.

 

**Selon Agathe VAN LANG et ses coauteurs (Dictionnaire de droit administratif, 5e édition, Sirey, Paris, 2008, p.235, p.236), le principe de libre administration des collectivités territoriales est une « Notion enrichissant celle de décentralisation puisqu’elle met l’accent sur les libertés locales et, à ce titre séduisante, mais qui reste d’une grande imprécision. »

 

**Aux yeux du doyen FAVOREU, le vocable de libre administration des collectivités territoriales, « désigne un certain nombre de prérogatives et de compétences dont la Constitution garantit l’exercice aux autorités des diverses collectivités territoriales (communes, départements, régions, TOM) non seulement dans les rapports de celles-ci avec l’Etat mais aussi dans leurs relations entre elles » (in O. DUHAMEL et Y. MENY (sous la dir.), Dictionnaire constitutionnel, PUF, Paris, 1992, p.591)*.

 

En somme, ce principe dit de libre administration peut être globalement compris comme l’élément structurant de la décentralisation (Michel de VILLIERS et Armel LE DIVELLEC, Dictionnaire du droit constitutionnel, 7e édition, Sirey, Paris, 2009, p.6)*. Il postule un transfert constitutionnel de compétences politiques et juridiques de l’Etat à ses démembrements locaux, en vue d’une gestion autonome soigneusement encadrée par les exigences de centralité, d’indivisibilité et de continuité de l’Etat unitaire.

 

Définir un principe est essentiel pour nous épargner toute hésitation dans l’assimilation du sens des mots. C’est pourquoi, en établir les bases juridiques revient à cerner davantage les nature et portée du contrôle administratif et/ou juridictionnel qu’il suscite.

 

 b)-Les bases juridiques ou constitutionnelles

Les bases juridiques du principe de libre administration des collectivités territoriales sont essentiellement constitutionnelles. On en voit l’expression à travers les anciennes Constitutions française et gabonaise (b-1), avant d’être repris par l’ordre constitutionnel en vigueur (b-2).

 

 b-1 : Dans les anciennes Constitutions française et gabonaise

**Si la Constitution française du 27 Octobre 1946 dispose, en son Article 87, que « les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus au suffrage universel », elle n’est pas la seule à proclamer ce principe. Nombre des Lois fondamentales des anciennes colonies françaises en sont tout autant imprégnées.

 

**Ainsi de la Constitution gabonaise du 15 Avril 1975, dont l’Article 81, alinéa 3, affirme que les collectivités locales « s’administrent librement par des conseils élus, dans les conditions prévues par la loi, notamment en ce qui concerne leurs compétences et leurs ressources. » Le système du « parti unique » fausse, il est vrai, l’idée même de l’élection de ces conseils. Mais on se contentera, ici, de mettre en relief les bases juridiques du principe de libre administration des collectivités territoriales en Droit administratif gabonais ; comme on en a relevé le principe à propos de la IVe République.

 

Il s’agit-là, de retracer le cheminement suivi par l’ordre constitutionnel en vigueur en matière de constitutionnalisation de la libre administration, tant au GABON qu’en France, dont les institutions publiques inspirent celles des anciennes colonies d’Afrique.

 

 b-2 : Dans l’ordre constitutionnel en vigueur

Les actuelles Constitutions française et gabonaise reprennent, en chœur, l’héritage des Textes antérieurs au sujet du principe de libre administration ou de libre gestion des démembrements géographiques de l’Etat, dans le cadre de la décentralisation territoriale.

 

**En France

-D’après l’Article 34, alinéa 3, de la Constitution du 4 Octobre 1958 : « La loi fixe les principes fondamentaux […] de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ». Ces dispositions, concernant le domaine de la « loi », relèvent davantage des bases « légales » ou « législatives » du principe, que des bases purement constitutionnelles.

 

-Cette qualité est, effectivement, laissée à l’Article 72, alinéa 3, qui confirme que les collectivités territoriales « s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. »

 

**Au GABON

-De même qu’en France avec l’Article 34, l’Article 47, alinéa 1, tiret 18, de la Constitution du 26 Mars 1991 proclame : « …la loi fixe les règles concernant […] la création, le fonctionnement et la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences, leurs ressources et leurs assiettes d’impôts ».

 

-L’Article 112, alinéa 2, véritable fondement constitutionnel, y revient en précisant que les collectivités locales, « s’administrent librement par les conseils élus dans les conditions prévues par la loi, notamment en ce qui concerne les compétences et leurs ressources. » A quelques nuances syntaxiques près, certainement liées à des problèmes d’orthographe, ces dispositions sont les mêmes que celles des Constitutions antérieures. Notamment, en ce qui concerne les formulations du constituant gabonais.

 

Or, le « Droit » ne s’appliquant nulle part ailleurs qu’au « Tribunal » (compris au sens de juridiction), l’impératif de vérification de l’effectivité du principe de libre administration doit, enfin, être satisfait par la mise en lumière de sa consécration jurisprudentielle.

 

 c)-La consécration jurisprudentielle

Qu’il s’agisse du Conseil d’Etat ou du Conseil constitutionnel, les institutions juridictionnelles consacrent, en effet, le principe de libre administration des collectivités territoriales de l’Etat. Les décisions ainsi relevées peuvent servir d’appui au Droit administratif gabonais, en attendant d’y retrouver les équivalents.

 

 

 c-1 : CE, 18 avril 1902, COMMUNE DE NERIS-LES-BAINS, Rec. 275, GAJA n°9, 17e édition, pp.56-60

*Faits, procédure, points de Droit, solution.- L’interdiction des jeux d’argent sur la base d’un texte réglementaire désuet (décret du 24 juin 1806, entièrement abrogé par le Code pénal en février 1810 et la loi du 18 juillet 1836) oppose le préfet du Département de l’Allier au maire de l’une des communes intéressées. Tandis que l’arrêté préfectoral (du 8 août 1893) prévoit quelque dérogation de cette interdiction en faveur des stations thermales dans un Département comportant plusieurs villes d’eaux telles que Vichy et Néris-Les-Bains, la décision du maire de cette dernière (arrêté du 24 mai 1901) revêt, au contraire, un caractère absolu ou aggravant. D’où l’annulation de l’arrêté municipal par le préfet, en vertu de ce qu’il considère alors relever de son pouvoir de tutelle. Cette décision, déférée au Conseil d’Etat, est, elle-même annulée par le juge administratif, qui admet du coup la recevabilité de l’action du maire et la pertinence de son recours, en raison de l’étendue du pouvoir de police de l’élu local (article 91 de la loi du 5 avril 1884 ; devenu article L. 2212-1 du Code général des collectivités territoriales) et du droit de surveillance (et non pouvoir suprême) reconnu à l’autorité administrative supérieure en matière de police municipale (article 99 de la loi du 5 avril 1884 ; devenu L. 2215-du CGCT), du temps où le préfet l’était par rapport au maire. Cet arrêt peut, à maints égards, être considéré comme précurseur du principe de libre administration, dans la mesure où il consacre le pouvoir de police « aggravant » d’un élu territorial (maire) dans sa juridiction (commune).

 

*Mots-clefs.-Concours ou compétition d’une pluralité de polices administratives-Police spéciale et police générale-Recours pour excès de pouvoir-Qualité pour agir des autorités administratives-Conditions de recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir intenté par une autorité administrative inférieure contre les actes d’une autorité administrative supérieure.

 

 c-2 : Décision CC, du 23 Mai 1979, Territoire de Nouvelle-Calédonie

*Faits, procédure, points de Droit, solution.-Les 11 et 16 mai 1979, un groupe de parlementaires saisit le Conseil constitutionnelle sur la constitutionnalité de la loi modifiant les modes d’élection de l’Assemblée territoriale et du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances (articles 3, 8-I et 8-II). L’article 3 visé de la loi déférée au Conseil prévoit la restitution du financement public et le remboursement des frais de la campagne électorale en Nouvelle-Calédonie à l’obtention d’un certain pourcentage des suffrages par les candidats. L’article 8-I, quant à lui, précise les date et modalités d’entrée en vigueur des nouveaux modes d’élection des instances délibérante et exécutive de ce Territoire d’Outre-mer (TOM). S’agissant de l’article 8-II, il lui est fait grief de méconnaître l’obligation constitutionnelle de la procédure législative obligeant à obtenir l’avis préalable « de l’assemblée territoriale intéressée » en cas de définition et/ou modification de l’organisation particulière des TOM. Les demandes des requérants visent alors à protéger l’intégrité de la Constitution en ses Articles 4 (contribution des partis politiques à l’expression des suffrages en toute liberté) ; puis 20, 21, 34, 37 et 72 (séparation des pouvoirs) et 74 (avis préalable de l’assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie et dépendances sur les questions concernant l’organisation spécifique des TOM). L’article 8-I impliquant une mesure d’abréviation du mandat, et non une mesure de dissolution par la loi des institutions élues de la Nouvelle-Calédonie ; un amendement (devenu article 8-II de la loi attaquée) n’ayant pas à être soumis à avis à quelque conseil décentralisé ; et ne portant donc pas, de ce fait, atteinte à l’Article 74 de la Constitution, le Conseil constitutionnel déclare la loi modifiant les modes d’élection des instances dirigeantes de la Nouvelle-Calédonie et dépendances conforme à la Constitution, en vertu du caractère constitutionnel du principe de libre administration des collectivités territoriales et du pouvoir de sa mise en œuvre attribué au législateur. Cette conformité s’étend, en conséquence, à la définition des règles générales et des modalités de l’assistance logistique et financière contractuelle de l’Etat.

 

*Mots-clefs : Libre administration des collectivités territoriales-Interprétation stricte de l’Article 74 de la Constitution-Territoires d’Outre-mer-Règlements des assemblées parlementaires-Droit d’amendement à une loi-Constitutionnalité de la procédure d’amendement d’une loi-Délimitation des compétences des conseils territoriaux élus-Parallélisme des formes-Pouvoir du législateur en matière de fixation des conditions d’entrée en vigueur des règles législatives

 

c-3 : CC, 82-137, 25 février 1982, Loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, Rec. p.38

*Faits, procédure, points de Droit, solution.-Des parlementaires saisissent le Conseil constitutionnel sur l’inconstitutionnalité des dispositions de la loi n° 82-213 du 2 Mars 1982 préparée par le ministre Gaston Defferre, et couramment appelée « l’acte I de la décentralisation » en France. Il s’agit, précisément, des articles : 2, 3, 4, 45, 46, 69 et 70. Dès lors qu’elles s’opposent aux pouvoirs du représentant de l’Etat de vérifier le contenu des actes qu’elles visent au moment où ceux-ci deviennent exécutoires, puis de saisir dans l’immédiat le juge administratif (article 72, alinéa 3 de la Constitution), les dispositions des articles 2 (alinéa 1), 3 (alinéas 2 et 5), 45, 46 (alinéas 2 et 5) et 69, paragraphe I (alinéas 1, 3 et 6) de la loi n° 82-213 sont déclarées non conformes à la Loi fondamentale. Le Conseil constitutionnel saisit l’occasion que lui donne la décision 82-137 DC pour consacrer le principe de libre administration des collectivités territoriales en confirmant sa décision sur le Territoire de Nouvelle Calédonie (voir supra : CC, 79-104 DC, 23 mai 1979). Elle réaffirme la réforme de la « tutelle » de l’Etat sur les collectivités décentralisées ; et rappelle que le principe de libre administration est garanti par le juge constitutionnel, y compris à l’encontre du législateur si celui-ci est amené à y porter atteinte dans son activité . La décision du 25 février 1982 est également celle qui permet à la plus haute juridiction constitutionnelle d’affirmer le respect des prérogatives de la Puissance publique dans le cadre d’un Etat unitaire, faisant ainsi (définitivement ?) obstacle à un glissement de l’Etat français vers une structure fédérale ou quasi-fédérale. D’une part, le juge délimite les modalités de l’indispensable contrôle que l’Etat exerce sur ses démembrements. Et, d’autre part, il apporte d’essentielles précisions à l’exigence qu’impose la Constitution quant au contrôle des communes, départements et régions. 

 

*Mots-clefs : Décentralisation-Droit constitutionnel local-Indivisibilité de la République-Libre administration des collectivités territoriales-Contours de l’Etat unitaire-Limites des compétences du législateur en matière de décentralisation-Obligation constitutionnelle d’exercice du contrôle de l’Etat sur les collectivités locales 

 

 

2-Les fiches de jurisprudence de la décision du Conseil constitutionnel « Territoire de Nouvelle-Calédonie » et du Conseil d’Etat « Maire de Néris-Les-Bains »

 

 

(à suivre : mercredi 16 Mars 2011 à 20h)

 

 

***

 

 

 

  Monsieur BENGA NDJEME,

Assistant en Droit administratif à l'UOB