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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 25-01-2011 à 01:53:51

Enrichissement illicite

 

"La Suisse ferme les comptes des dictateurs"

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Dans un article signé T.P, le quotidien Le Figaro du 21 Janvier 2011 nous informe: "La Suisse ferme les comptes des dictateurs" (p.5)*.Ce bref article comporte, en dépit de son allure accessoire, un intérêt majeur pour le devenir des Sociétés occidentales (bientôt assiégées par des hordes d'immigrés devenus étrangers dans leurs propres pays) et la survie de ces Peuples dits du "Tiers" ou "Quart" Monde, dont les dirigeants s'escriment depuis des décennies à la gestion des deniers publics. On rappelle, dans l'article de T. P.,  la pugnacité des autorités helvétiques à assainir les flux financiers qui viennent de l'extérieur vers les banques de la Confédération, à travers la LRAI (1). A ce sujet, le mot dictateur ne se prononcerait plus. Nom de code: PPE (2). Après la famille Duvalier, les opinions publiques des pays dont les populations broient du noir grâce aux effets désastreux de la mauvaise gouvernance s'interrogent, dans un frisson d'espoir mêlé de nervosité: à qui le tour? (3).
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(1)-La LRAI, glaive d'une administration fiscale démocratique?
Cet acronyme, bientôt célébre, est originaire de la Confédération hélvétique. Il désigne, mot pour mot: " La loi fédérale sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées." Cet instrument légal de lutte contre l'enrichissement sans cause entre en vigueur dès 1er Février 2011.
Loin d'être un moyen expérimental d'assainissement des flux financiers, la LRAI est remis en lumière grâce à une actualité récente en Haïti. Car cet instrument fut longtemps connu sous l'appellation peu flatteuse de "Loi Duvalier".
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La dense et tumultueuse jurisprudence suisse en matière fiscale devrait à "Baby doc" la rigueur qu'on lui connaît aujourd'hui. Le gel des avoirs de la famille Duvalier, estimés à 5,7 milliards de dollars dans les comptes de la Confédération, nourrit un contentieux houleux depuis près d'un quart de siècle.Tout porte donc à croire que l'argent ainsi gelé reviendra au vaillant Peuple  haïtien.
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Malheureusement, comme tout peuple, celui de Haïti n'est pas plus "souverain", pour évaluer, recevoir, gérer, redistribuer lui-même cette "manne" soustraite cahin caha à l'ancien dictateur...Ai-je dit: dictateur?
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(2)-On ne dit plus "dictateur", mais PPE!
 Seul bémol; et non des moindres, dans ce dispositif instauré par l'administration fiscale suisse: le mot dictateur est biaisé par une métaphore qui risque d'offrir à ces êtres sans coeur la part de poésie qui manque à leur cruauté: "personne politiquement exposée".

 
En effet, alors que nous reconnaissons tous en un dictateur, "une personne exerçant dans l'Etat, sous formes variées, un pouvoir complet et en réalité illimité" (Vocabulaire Cornu, 6e édition, Op. cit., p.303)*, le voilà désormais habillé d'une appellation qui ne manquera pas de brouiller un peu plus les mécanismes d'identification et de sanction par la Société internationale.
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Avant que cette dénomination n'offre aux "dictateurs" l'alibi visant à considérer la politique comme un métier à risque, il convient de supprimer de la LRAI cette expression ambiguë de "personnes politiquement exposées"! Tyrans, totalitaristes, despotes, autocrates, monocrates sont des termes qui conviennent encore  suffisamment à la désignation de celles et ceux qui font du pouvoir un instrument de torture, d'ostracisme et d'oppression. 
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Pas donc aussi démocratique que cela, la Suisse. Il semble que sa justice, pour ne pas la qualifier d'obscure, comporte de nombreuses lacunes. Notamment, en matière de vérification d'avoirs étrangers manifestement illicites et de restitution des biens gelés ou saisis aux ayants-droit. Pas si démocratique!
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Toutefois, après la série des procès faits à la famille Duvalier en Suisse; et à bien d'autres qui l'attendent en Haïti, quels autres mauvais gouvernants  seront-ils frappés par la rigueur de l'administration fiscale helvétique?
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(3)-Après la famille Duvalier, à qui le tour?
 A contre-courant des dynasties régnantes ayant construit leur prestige et leur légitimité sur des faits de bravoure et/ou de générosité, la plupart de celles qui prennent l'Afrique en capture sortent du néant. Et tiennent à perpétuer leurs pouvoirs illicites, malgré le désaveu du Peuple.  
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Le périple des Duvalier appelle donc à se demander si la LRAI sera également appliquée à d'autres oligarchies réunies en syndicat de vampires, qui sévissent aux quatre coins de la planète.
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A l'heure où la crise financière tend à devenir une maladie chronique, le destin des pays occidentaux n'a jamais été aussi dépendant du sort des populations pauvres. Si celles-ci se trouvent obligées d'émettre d'interminables  processions d'immigrés à travers les déserts et les océans, pour quérir bonheur dans les Etats riches, les territoires de ces derniers ne seront plus que d'immenses champs de ruines. Ils deviendront les nouveaux fronts de survie et d'exportation des ressentiments qui lézardent déjà  nombre d'esprits.
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Signe des temps, l'article de Thierry PORTES cite les familles Ben Ali et Gbagbo, pour la prochaine campagne de cette loi suisse susceptible d'être récupérée et renforcée par une instance à compétence universelle. Il est vrai qu'il serait souhaitable que les populations tunisienne et ivoirienne entrent en possession de leurs biens patrimoniaux. Mais la campagne à venir doit être élargie à tous les opprimés. Si les responsables politiques de pays ne disposant pas d'énormes ressources naturelles exploitées ont amassé autant de biens, quid de ceux dont les terres sont des "scandales géologiques"?
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En ce nouveau Siècle, où bonheur et misère s'universalisent, le malheur des uns ne peut plus faire, comme aux siècles derniers, le bonheur des autres. Du sanguinaire à l'humanitaire, la misère a constitué un gigantesque marché, pourvoyeur de titres et de devises à qui voulait se baisser pour ramasser.
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Quelle que soit donc la réponse à la question des conséquences de la loi suisse à l'encontre des PPE, il est à parier qu'elle fera grincer des dents à travers les Continents. Car il est de notoriété publique que derrière toute fortune (par surcroît illicite) se cache au moins un crime.

 

 

 

 

 

 


 Arthur BENGA NDJEME:
Paris, le 24 Janvier 2011, 05:29