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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 22-10-2010 à 02:44:58

Soyouz s'installe près d'Arianespace

 

Coopération Europe/Russie

 

 

 

 

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Je suis heureux, pour la première fois depuis la création de notre rubrique "Missions spatiales", de me pencher sur un pan important de la coopération Europe/Russie au travers de la France, en matière d'industrie spatiale. En effet, tel qu'on a pu le lire à travers la presse (Cf. Le Figaro-N°20 594 du 18-10-2010, en Une et page 28)*, "Soyouz s'installe en Guyane française".  Cet article de Véronique GUILLERMARD nous permet de rappeler les principales articulations de l'aventure spatiale en Europe lato sensu. Commençons donc par voir l'état des cosmodromes (1), avant de souligner les implications de ce partenariat pour la Russie (2) et ses retombées pour Arianespace (3).

 

 

1)-L'état des cosmodromes

L'investissement russe en matière d'activité spatiale se déploie, respectivement, sur la base de Baïkonour, sur le projet du nouveau cosmodrome de Sibérie et la réhabilitation du site militaire de Plesetsk. Les obstacles temporel et stratégique de ces derniers sites ouvrent la voie à une fructueuse coopération euro-russe à travers le pas de tir de Sinnamary en Guyane française.

 

 

a-La base de Baïkonour

Résultat de l'héroïsme ayant prévalu à la conquête spatiale et des passe d'armes autrefois observées entre l'URSS et les Etats-Unis, le cosmodrome de l'industrie spatiale russe est jusque-là demeuré au Kazakhstan.

 

Conséquence de l'éclatement de l'URSS en 1991 et de la naissance d'une multitude d'Etats indépendants, la gestion de ce privilège revenu  à la Russie ne semble plus aller de soi. D'où la recherche de nouveaux débouchés pour l"industrie spatiale russe.

 

Ainsi, la station de lancement des engins russes, dont les fusées Soyouz, se prépare-t-elle à quitter sa base historique de lancement de Baïkonour où elle aura réalisé jusqu'à présent tous ses tirs sous la gestion de l'agence spatiale russe Roscosmos et les auspices de la compagnie Starsem. Deux options s'offrent alors à la Russie pour tenir compte des nouveaux paramètres de souveraineté apparus dans la région, à l'instigation des nouveaux enjeux de coopération internationale dans l'exploration de l'espace.

 

Parmi ces options, on note la construction d'un cosmodrome futuriste en Sibérie.

 

 

b-Le projet du nouveau cosmodrome de Sibérie

Dans la perspective d'un recentrage de l'industrie spatiale russe au coeur du territoire national, les organisations compétentes envisagent la construction d'un cosmodrome flambant neuf à Vostochny (Sibérie).

 

Ce pas de tir, que l'on annonce futuriste au regard des innovations suscitées par les carences du site de Baïkonour, entrera en service courant 2018, même si le bail liant la Russie et le Kazakhstan sur le site historique de la mythique steppe d'Asie Centrale est conclu jusqu'en 2050.

 

Or, en attendant que soit opérationnel le nouveau cosmodrome, les Russes onttrouvé  une solution intermédiaire à travers la réhabilitation du site militaire de Plesetsk.

 

 

c-La réhabilitation du site militaire de Plesetsk

Bâti à près d'un millier de kilomètres de la capitale russe, ce site est connu pour sa capacité à assurer 60% des lancements pour l'industrie militaire. Sa proximité avec Moscou est un gage de sécurité et de discrétion, même si l'hypothèse de "la guerre des étoiles" chère à Ronald Reagan apparaît aujourd'hui improbable.

 

La difficuluté avec ce site, c'est qu'il importe de ne l'ouvrir aux agences concernées qu'en raison de tirs spécifiques et secrets. Cependant, les Soyouz, bien que dérivés de l'ancien missile balistique R7 de Korolev, assurent plutôt des missions civiles et scientifiques. La recherche d'un cosmodrome de substitution et opérationnel devient alors urgente.

 

C'est tout l'intérêt que revêt le potentiel européen sur le site de Kourou en Guyane française.

 

 

d-Le pas de tir de Sinnamary en Guyane française

Le mois d'Avril 2011 est attendu avec un frisson de bonheur pour les uns, et de nostalgie pour les autres. Car il verra s'élancer le premier tir de Soyouz sur son nouveau pas construit en Guyane française, près du site d'Arianespace à Kourou.

 

Ce tir historique à tout point de vue consistera à mettre en orbite les bien nommés Pleiades HR, satellites d'observation terrestre. Ce moment consacreral'essor du partenariat efficace qui unit Arianespace à Starsem, marqué cette semaine par un lancement commun sur le site de Baïkonour aux fins de mise en orbite de six satellites privés de  téléphonie de pointe.

 

Une fois élucidés ces éléments préalables au sujet des cosmodromes, il importe de voir en quoi se résume ce partenariat pour la Russie.

 

 

2)-Les implications pour la Russie

A travers la "délocalisation" de Soyouz près des installations d'Arianespace, la Russie entend confirmer trois axes essentiels dans sa coopération en matière d'industrie spatiale: l'ancrage à l'Europe, l'indépendance envers les Etats-Unis et l'affranchissement du Kazakhstan.

 

 

a-Ancrage à l'Europe

Puissance terrestre, maritime et spatiale, la Russie (soviétique ou pré et post-soviétique) entend résolument orienter sa coopération vers l'Europe, continent dont elle est partie intégrante.

 

Les enjeux communs en matières énergétique, technologique et stratégique trouvent ainsi à être consolidés par une recherche commune puis une activité concertée dans le domaine de l'industrie spatiale, à l'heure où les Américains annoncent un redéploiement de la conquête spatiale, avec pour objectif ambitieux d'explorer la planète Mars.

 

Ce partenariat sonne alors comme une volonté de relever ce défi, ou tout au moins, d'en équilibrer les ambitions. Arianespace et Starsem; Europe et Russie travaillant côte à côte (à défaut d'avance main dans la main) représentent un sérieux contre-poids à la puissance américaine.

 

 

b-Indépendance vis-à-vis des Etats-Unis

L'étroite coopération récemment notée en Américains et Russes au prisme des travaux relatifs à la Station spatiale internationale (ISS) aurait dû peser lourd dans le choix de "délocaliser" Soyouz en dehors de Baïkonour par une "location" provisoire des installations de la NASA.

 

Cette hypothèse semble avoir rappelé à la Russie son irrépressible volonté d'indépendance face aux Etats-Unis dans un domaine où la compétition entre les deux anciennes "Superpuissances" a atteint son paroxysme. Notamment, avec Soyouz à qui Soviétiques (re)devenus Russes doivent la mise en orbite du premier tout premier satellite baptisé Spoutnik en 1957 et le vol habité expérimental de Youri Gagarine quatre (4) ans plus tard.

 

Mais il n'y a pas que les relents de cette historique rivalité de puissance qui semble avoir prévalu dans le choix russe. S'affranchir du Kazakhstan est un objectif tout aussi essentiel.

 

 

c-S'affranchir du Kazakhstan

Malgré l'hégémonie de la Russie dans la cosmogonie des ex-républiques soviétiques, sa dépendance envers le Kazakhstan dans un domaine aussi vital que l'industrie spatiale devient de plus en plus menaçante pour la puissance internationale.

 

Les centaines de millions de dollars exigés par le Kazakhstan au titre du bail sur Baïkonour et l'instabilité des termes du contrat sont créateurs d'inquiétude pour les agences russes, qui n'en peuvent plus de gérer autant de pression alors qu'elles ont besoin de rester concentrées pour tenir la concurrence face à l'Europe, aux Etats-Unis et à la Chine dans l'activité spatiale.

 

Le desserrement progressif de cet étau passe donc par un affranchissement de Soyouz de Baïkonour. On a de plus en plus le sentiment que le compte à rebours a commencé.

 

Quid alors du côté européen? Que peut donc apporter la construction d'un pas de tir de Soyouz en territoire français?

 

 

3)-Les retombées pour Arianespace

Les raisons de l'affranchissement à l'égard de Baïkonour sont d'abord techniques, même si ces handicaps n'ont jamais empêché aux Russes de mener le bal pour la conquête de l'espace.

 

En effet, Européens et Russes prétendent que Baïkonour est devenu difficile à gérer en raison de sa position géographique, car situé à 45° de latitude nord et donc trop éloigné de l'équateur, qui facilite la navigation dans l'espace géostationnaire; alors que le site guyanais est situé à seulement 5° au nord de l'équateur.

 

Toutefois, côté européen, outre le prestige des lanceurs russes, la perspective d'éviter des assemblages trop coûteux d'équipement en direction du Kazakhstan et les nombreux arrangements que la Russie peut offrir en matière de carburant peuvent être considérés comme d'excellentes retombées d'une coopération tout à fait satisfaisante.

 

Une traduction, dans les faits, du fameux "gagnant-gagnant" que beaucoup tournent en dérision en matière politique.

 

 

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Bien entendu, le gigantisme de Baïkonour (6 700 km2) et le caractère sophistiqué des installations dont ce site dispose n'en feront pas d'aussi tôt un musée à ciel ouvert. De nombreux et importants lancements y sont encore prévus, pour considérer qu'il est déjà mis aux oubliettes.

 

Nous attendons donc d'avoir le plaisir de commenter les prochains tirs en souhaitant d'ores et déjà plein succès aux heureux partenaires.

 

Vivement la mise en service du nouveau port d'attache de Soyouz en Guyane française!

 

 

 

Arthur BENGA NDJEME,

Paris, le 22 Octobre 2010, 02:24