VEF Blog

Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 10-10-2010 à 07:59:48

RUMEURS DE REMANIEMENT MINISTERIEL AU GABON

 

 

Les deux options d'Ali Bongo


 

 

 

***

Depuis quelques semaines, la rumeur enfle sur un probable ou imminent remaniement ministériel au GABON. Plus qu'un effet de rumeurs, cette optique est plutôt une nécessité.

 

Depuis la nomination, voilà presqu'une année, du Gouvernement dit émergent, le constat est aisé à établir: les ministres courent mais le Pays ne vibre pas.

 

Pourtant, contrairement à la pratique gabonaise, qui nous avait habitués  à une certaine instabilité gouvernementale, le Président de la République en fonction a fait preuve de constance dans la confiance accordée à ses collaborateurs une année après leur désignation. Ce fait est suffisamment rare, pour être tout aussi suffisamment souligné et mériter un satisfecit public au Chef de l'Etat.

 

Pour en venir à ce qui nous préoccupe dans le présent exposé, il me paraît essentiel de noter, au regard des insuffisances institutionnelles et des choix politiques pas toujours fructueux, que M. Ali Bongo a deux voies impératives qui s'ouvrent à lui, comme les eaux de la Mer Rouge devant Moïse, à l'occasion d'un éventuel ou probable remaniement ministériel: une option constitutionnelle (I) et une option politique (II).

 

 

I-L'option constitutionnelle

Contrairement à ceux qui pensent qu'elle n'est qu' "une barrière de papier", la Constitution est, pour un Etat, le socle solide et stable sur lequel reposent les édifices d'une Société. Sur elles se fondent à la fois la légalité et la légitimité des pouvoirs et de ceux qui les incarnent. Celle du GABON, au regard d'un certain "changement de mentalités" et à la lumière d'une "coutume politique constitutionnelle" qui ne dit pas son nom, n'est pas sortie indemne de la dernière élection présidentielle. Or, le président de la République en est le garant par excellence (Article 8, alinéa 1)*. Mais, puisqu'il ne faut jamais désespérer des dirigeants, le Citoyen attend donc que le remaniement ministériel à venir ou éventuel soit l'occasion de reconsidérer certains actes; qu'il s'appuie, notamment, sur le respect de la Constitution à travers la nomination du Vice-président de la République (A); et sur la revitalisation de la Loi fondamentale au moyen d'un changement du vivier humain de la Primature (B).

 

 

A)-Le respect de la Constitution: la nomination du vice-président de la République

J'ai déjà soulevé cette question dans cette tribune ( La Nation, 24-12-2009)*. Depuis l'accession à la fonction suprême de M. Ali Bongo Ondimba, la Constitution est quelque peu mise en veille; à en juger par les dispositions relatives au vice-président de la République.

 

En effet, la Constitution prescrit, explicitement, en son Article 14a: "Le président de la République est assisté d'un vice-président de la République" (alinéa 1). Elle insiste immédiatement après en précisant que "[l]e vice-président de la République est nommé par le président de la République qui met fin à ses fonctions, après consultation des Présidents des deux chambres du Parlement" (alinéa 2 prima facie). Il ne s'agit donc pas d'une "affaire" à traiter en catimini.

 

Le Citoyen, ou plutôt, comme on nous appelle désormais: "le commun des mortels", ne comprend donc pas qu'une année après la prestation de serment du nouveau Président (Article 12)*, sans révision constitutionnelle, le GABON n'ait toujours pas son vice-président de la République.

 

Pourtant, la marge de manoeuvre du chef de l'Etat est incommensurable; et la Constitution le lui rappelle expressément: "Le vice-président de la République est choisi au sein du Parlement ou en dehors de celui-ci" (Article 14a, alinéa 2 in fine)*. Il n'est pas trop tard pour s'en offrir un, comme cadeau d'anniversaire de l'investiture du 16 Octobre 2009!

 

Il s'agit, à la fois, d'un instrument de légalité comme d'un moteur de légitimité du pouvoir; à l'instar de l'autre attribut exclusif du président de la République qu'est la (re)configuration de la Primature.

 

 

B)-La revitalisation de la Loi fondamentale: le changement du vivier humain de la Primature

Aux termes de l'Article 15* de la Constitution, qu'il faut au demeurant revitaliser, "[l]e président de la République nomme le Premier Ministre" (alinéa 1). "Il met fin à ses fonctions, de sa propre initiative, ou sur la présentation par le Premier Ministre de la démission du Gouvernement, ou à la suite d'un vote de défiance ou de l'adoption d'une motion de censure par l'Assemblée nationale." (alinéa 2) Seul le premier aspect, relatif à l'action directe du Chef de l'Etat, entre en ligne de compte pour le présent exposé.

 

La question relève, bien évidemment, du pouvoir discrétionnaire du président de la République; et c'est justement  à cet égard, que le Citoyen est en droit d'attendre de l'Elu de la Nation un changement politique, qui agisse et résonne également comme une redynamisation de la Loi fondamentale.

 

Dans la mesure où aucune disposition constitutionnelle n'oblige le chef de l'Etat à désigner son Premier Ministre dans une forme de "vivier humain" totalisant aujourd'hui les sept (7) chefs du Gouvernement que le GABON ait connus, on peut désormais se demander si ce choix est encore opérant. N'est-il pas symptomatique d'une panne politique? d'une spécialisation dont l'objectif n'est finalement pas l'enracinement de la démocratie? d'une pratique tout à fait anachronique quoique non obsolète? d'une impasse sur la capacité réelle de l'Etat à secouer l'ensemble des énergies dont regorge le Pays?

 

En attendant d'approfondir l'analyse sur les questions de coutume constitutionnelle dans un prochain exposé (La Nation: "Le Premier Ministre du Gabon émergent", à publier )*, je me limiterais ici à des interrogations formulées en forme d'inquiétudes. La seule prise de position étant d'appeler à un changement du vivier humain de la Primature.

 

Certains équilibres, pour ne pas dire les équilibres contemporains, ne sont plus d'ordre ethno-géographique. La quête et la conquête de l'émergence se traduisent par la mise en place d'instruments capables de stimuler la compétitivité, l'excellence et la performance; dans un climat qui exclut suspicion, frustration et naissance d'irrédentismes. Et le déploiement du spectre de l'Etat sur le corps physique, intellectuel et spirituel de la Nation en est un gage de succès.

 

Ces deux instruments constitutionnels (nomination à la vice-présidence de la République et changement idéologique à la Primature) m'amènent à voir, enfin, l'option politique qui échoit au président de la République.

 

 

 

II-L'option politique

S'il est un domaine qui n'a, certes, pas besoin de convenir ou réussir aux experts, mais où l'improvisation n'est nullement fructueuse, c'est la politique. Rajeunir l'équipe gouvernementale en termes de nouveaux visages et de sang neuf, oui. Congédier les personnes qui ont une assise, une expertise et un savoir-faire avérés par la victoire du candidat du Parti démocratique gabonais à une élection présidentielle aussi disputée, est un risque politique dont les effets peuvent être heureusement atténués, limités, voire éliminés à l'occasion d'un remaniement ministériel approprié. J'aurais conseillé au Souverain, en pareille circonstance, le rappel d'anciens Ministres à des postes techniques et stratégiques (A), avant d'envisager la perspective d'un Gouvernement élargi à l'opposition (B).

 

 

A)-Le rappel d'anciens Ministres à des postes techniques

Qu'est-ce qui garantit à l'actuelle majorité gouvernante de donner corps au concept de l'émergence prôné par le président de la République?

 

La maîtrise des dossiers aussi techniques et stratégiques que la Justice; l'Education au demeurant jumelée à l'Enseignement supérieur; l'Environnement et le développement durable; la Santé publique et ses corollaires que sont la sécurité sociale et la famille; les Energies renouvelables et toutes les technologies qui s'en échappent...

 

Pour employer un logos à la mode, je dirais: "il faut rappeler les Experts". C'est lorsqu'un haut dirigeant se trompe dans le choix des collaborateurs qu'il est le plus crédible!

 

Autre élément d'ordre politique à la disposition du président de la République, l'ouverture politique dont la Nation a tant besoin pour se sentir aimée par ceux qui prétendent parler, agir, décider en son nom.

 

 

B)-La perspective d'un Gouvernement élargi à l'opposition

Qu'est-ce qui garantit au PDG de gagner la bataille des prochaines élections législatives et locales?

 

L'opportunité qu'offre l'éventuel et/ou nécessaire remaniement ministériel annoncé et pressenti au GABON est trop belle pour répondre avec pragmatisme à cette interrogation. Les élections à venir se gagnent dès aujourd'hui; sous-entendu, dès le remaniement ministériel que nous espérons ou attendons; c'est selon.

 

En ouvrant le Cabinet (comme disent les Anglais) aux opposants, le chef de l'Etat s'approprie deux armes fort redoutables en période électorale et dans la dynamique d'une identification définitive des "piliers" et des "grues" du Gabon émergent:

 

1-jauger les forces du camp adverse;

 

2-éprouver l'engagement des ténors de l'opposition.

 

Bien entendu, ce que nous écrivons à ce propos dans le présent exposé est du devoir et du droit du Citoyen. A ce titre, il s'agit donc d'un avis, et non d'un visa. Il importe, simplement, de rappeler à celles et ceux qui souhaiteraient faire partie de la prochaine Equipe, que celle-ci a une durée de vie limitée, en attendant la reconfiguration de la majorité parlementaire et, éventuellement, du paysage politique du GABON.

 

Il faut donc que les Ministres du combat pour l'Emergence se comportent en légionnaires: accomplir leur mission en restant anonymes...

 

 

 

 

 

Arthur BENGA NDJEME

Paris, le 10/10/10, 02h39