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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 14-10-2010 à 01:47:18

OMAR BONGO A LA 32E AGNU (suite)

Annotations sur le discours du président de la République gabonaise, Président en exercice de l'OUA  à la 32e session ordinaire de l'Assemblée Générale des Nations Unies 

 

 

 

 

"Dans ce domaine des fauves qu'est la lutte pour la suprématie internationale, nul n'y consent d'un cœur léger" (Omar BONGO)
***

 

 

 

(II)-Des revendications révolutionnaires en matière de réforme du Conseil de Sécurité

Si le ton emprunté volontiers par Omar Bongo à la 32e session ordinaire de l'Assemblée Générale des Nations Unies apparaît déjà offensif en ce qui concerne le positionnnement du GABON et de l'Afrique en faveur de l'éthique sacrée du non-alignement, il l'est davantage au regard de ses revendications en matière de réforme du Conseil de Sécurité. En mettant en relief le fait que l'ONU doive désormais tenir compte des bouleversements qu'a connus la Société internationale, Omar Bongo remet publiquement en cause l'imperium des Grandes puissances européennes du Conseil de sécurité (A), avant de réclamer la démocratisation du droit de veto à travers l'attribution d'un siège permanent à l'Afrique (B).

 

 

A)-La remise en cause de l'imperium des Grandes puissances européennes du Conseil de sécurité

S'il est une question que seuls les initiés du Droit des relations internationales connaissent, c'est le contexte qui a prévalu à l'admission d'un certain nombre de pays dans le club très fermé des cinq (5) Membres permanents du Conseil de Sécurité.

 

Le président de la République du GABON, au demeurant Président en exercice de l'OUA, en rappelle clairement les intrigues à la Tribune même des Nations Unies en Octobre 1977. Car il s'agit d'un des ressort sur lesquels certains "Grands" dansent pour mystifier les pays qu'ils considèrent à tort comme des "petits".

 

La position, en faveur de l'Afrique et du Tiers-Monde, que défend M. Bongo s'exprime par une interrogation posée au Président de la 32e Assemblée Générale: "...comment ignorer, et l'expérience est là pour le prouver, que les 5 membres permanents du Conseil de sécurité armés d'un droit de veto négatif et paralysant ne considèrent pas nos intérêts comme s'il s'agissait des leurs?" Interrogation qui intervient après un lourd réquisitoire à l'encontre des 5 Grands face aux conséquences de l'impérialisme européen en Afrique que sont: l'abominable régime d'apartheid  et ses excroissances idéologiques dans l'ancienne Rhodésie.

 

Aussi, M. Bongo estime-t-il que  "la prééminence juridique" que détiennent les membres permanents du Conseil de sécurité " sanctionne simplement la suprématie de cinq puissances sorties victorieuses de la deuxième guerre mondiale" et non pas une donnée immuable devant s'imposer aux autres membres de la Société internationale comme une sanction divine.

 

C'est en ce moment qu'Omar Bongo souligne un fait têtu souvent occulté par les puissances européennes composant le club des Cinq: "Le droit de veto détenu par la France et l'Angleterre ne traduisait pas seulement leur participation morale ou militaire à la victoire des démocraties, mais aussi leur souveraineté sur d'immenses empires." Et, puisque ces empires ont cessé d'exister, faut-il continuer à les encenser par habitude comme de vieilles idoles au sein des Nations Unies?

 

La réponse qu'en donne le Président gabonais est assurément: NON! C'est la raison pour laquelle il réclame, au nom des territoires africains dont les ressources humaines et les richesses naturelles ont naguère nourri la souveraineté de la France et du Royaume-Uni, les mêmes pouvoirs en tant que membres à part entière du Conseil de sécurité de l'ONU.

 

 

B)-La démocratisation du droit de veto à travers l'attribution d'un siège permanent à l'Afrique

 

Dans la mesure où l'ONU s'est enrichie d'un nombre impressionnant d'Etats membres provenant d'anciennes colonies européennes d'Afrique ou, plus largement, de cet espace mythique autrefois appelé Tiers-Monde, il importe de reconnaître en conséquence que "le monde a changé" et que le contexte ayant prévalu en 1945 n'a plus cours aujourd'hui.

 

Selon Omar Bongo: "En bonne logique, le fonctionnement de l'O.N.U. devrait se modifier aussi, et réproduire les nouveaux rapports de forces apparus depuis cette époque." A commencer par les organes les plus emblématiques et caractéristiques de la puissance internationale tel le Conseil de sécurité. Ainsi, ayant souligné la contribution des Peuples et territoires coloniaux à la souveraineté des anciens "maîtres", pose-t-il une autre question à la Tribune de l'Assemblée Générale, sous forme de pamphlet:

 

"En vertu de quels droits les privilèges qu'ils accordaient subsisteront-ils jusqu'à la consommation des siècles, quand un continent devenu libre comme l'Afrique ne dispose pas de pouvoirs équivalents?"

 

Sachant pertinemment qu'il n'obtiendrait aucune réponse dans l'immédiat, il entreprend d'y donner une solution par ses propres soins en endossant la casquette du Représentant de tout un continent en quête d'autres formes de reconnaissance que l'indolent consommateur de l'aide publique au développement dont tout le monde s'arrache les suppliques:

 

"A ce titre, poursuit-il, nous demandons solennellement qu'un membre de l'O.U.A. désigné pour un an par notre Organisation continentale, figure désormais parmi les membres du Conseil de Sécurité avec les mêmes droits et les mêmes devoirs."

 

Il s'agit-là de revendications absolument révolutionnaires, exposées avec fermeté à la face du monde à un moment où la logique des Blocs est encore des plus tendues entre les adeptes de la démocratie populaire et les partisans de la démocratie libérale.

 

Ces questions constituent cependant l'une des pierres d'achoppement des Membres des Nations Unies. Et, une année après la mort d'Omar Bongo, les débats de l'Assemblée Générale s'y sont encore prêtés, avec le succès que l'on connaît.

 

La réforme de l'ONU est si improbable, que certains ont cru voir dans l'impulsion donnée par M. K. Annan au Groupe des hautes personnalités dirigé par le Thaïlandais M. A. Panyarachun, le projet de la dernière chance (Pierre-Edouard DELDIQUE, Fin de partie à l'ONU (Les réformes de la dernière chance), JC Lattès, Paris, 2005, notamment, pp.19-30)*. On est, en effet, loin du rapport rendu le 2 Décembre 2004 ("Un monde plus sûr: notre affaire à tous", A/59/565)* par ces éminentes personnalités auxquelles fit partie Maître Badinter.

 

D'autres ont d'ailleurs perçu, dès l'élaboration de l'Agenda pour la paix de M. B. Boutros Ghali, la première alerte de la difficulté idéologique et structurelle à réformer les Nations Unies (Jean-François MURACCIOLE, L'ONU et la sécurité collective, Editions ellipses, Collection "Le monde: une histoire/Mondes contemporains", Paris, 2006, pp.131-139, notamment)*. Autrement dit, les revendications posées par Omar Bongo  trente-trois (33) ans plus tôt restent d'actualité.

 

Le défunt chef de l'Etat serait d'ailleurs le dernier à en être surpris. Car il faisait lui-même observer, en 1977, ce propos qui s'apparente à un doute quant à l'accueil favorable et, pis, l'issue satisfaisante d'un élargissement du nombre des Membres permanents du Conseil de sécurité:

 

"Notre réclamation surprendra. Elle traduit simplement l'impatience des pays neufs devant les hypocrisies de toutes sortes et le paternalisme mal déguisé d'un monde immobile."

 

Tels sont les trois mots de ces siècles jumeaux que sont le XXe et le XXIe: hypocrisie, paternalisme et immobilisme. Il s'agit d'ailleurs plutôt de "maux" que de simples "mots", car l'équilibre des Nations dépend intimement de leur instrumentalisation.

 

D'où le discours résolument offensif d'Omar Bongo sur les paramètres de la sécurité collective.

 

 

III-Un discours volontairement offensif sur les conditions de la paix et de la sécurité internationales

 

 

 

(à suivre)

 

 

Arthur BENGA NDJEME,

PARIS, le 14-10-2010, 01:00