L'AFFAIRE DES DIAMANTS SALES OU ROUGES
Les "Blood Diamonds" alimentent le contentieux relatif à la guerre civile de Sierra Leone entre 1991 et 2000, avec, au coeur du carnage, Charles Taylor, l'ancien président libérien, à qui l'on prête un soutien actif aux rebelles du RUF (Front Révolutionnaire Uni) de Foday Sankoh. En échange d'armements, qui circulent aisément dans la sous-région où le Libéria saigne à la suite de l'assassinat de Samuel Doe, l'ancien chef de l'Etat aurait reçu des insurgés une matière première tout aussi abondante en Sierra Leone: le diamant!
L'audition de Naomi Campbell par la justice internationale est l'un des épisodes de cette affaire, dont le procès se tient à La Haye (Pays-Bas) au siège du Tribunal pénal international. Il importe donc d'élucider le cadre juridique du contentieux, à travers la résolution S/RES/1315 (2000) du Conseil de sécurité (1), avant de rappeler les enjeux de l'audition d'une artiste dans un fait de guerre (2).
(1)-La résolution 1315 (2000) du Conseil de sécurité
Cette résolution du 14 Août 2000 est à la source (paragraphe premier) de la création du Tribunal pénal spécial pour la Sierra Leone. Compétente pour juger des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité perpétrés sur le territoire sierra leonais à partir de 1996, cette juridiction pénale internationale ad hoc est hébergée au siège du Tribunal pénal international.
Outre les faits graves qui sont reprochés aux protagonistes, sa création est aussi le résultat d'une humiliation publique infligée aux "Casques bleus" capturés et détenus dans leur plus simple appareil par les miliciens de Sankoh, par ailleurs accusés de cannibalisme. Attrait devant cette juridiction comme complice du désastre sierra leonais, M. Taylor est notamment accusé d'avoir entretenu un commerce particulièrement lucratif: diamants contre armes.
Ainsi se noue l' "affaire dans l'affaire", relative à la participation par prétérition de Naomi Campbell, dont il convient de voir les enjeux de l'audition par les juges de La Haye.
(2)-Les enjeux de l'audition d'une artiste dans un fait de guerre
L'un des chefs d'accusation impliquant M. Taylor reposerait sur l'échange ou la vente des diamants, dont serait pu être témoin Naomi Campbell lors d'un voyage de Taylor en Afrique du Sud. Aussi, l'audition du célèbre mannequin consiste à faire jaillir la vérité au détriment de l'ancien président, qui nie avoir partie liée avec la célèbre et ravissante anglaise. Cette audition a eu lieu le 7 Août et diffusée dans les écrans géants au Tribunal, sans que la lumière n'ait réellement été faite sur la vérité.
Entre les tribulations d'un commerce florissant en Afrique du Sud, où la police excelle de zèle pour avoir déterminé l'origine "sale" des pierres détenues par le top-modèle et la manifestation de la vérité due au travail du procureur de cette juridiction, il est difficile de se faire une opinion en toute sérénité. Car si ce lien est établi, la ligne de défense de Taylor tombe, puisqu'il s'agirait d'un élément substantiel dans l'établissement de sa culpabilité dans les faits qui l'accusent d'avoir soufflé sur les braises en Sierra Leone.
Pour ce procès qui met en cause un ancien dirigeant africain et pour le besoin de crédibilité de la justice internationale, il serait intéressant de suivre de près cette affaire, qui se déroule, qu'on le veuille ou non: en Sierra Leone, au Libéria, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud et au Pays-Bays.
Arthur BENGA NDJEME