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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 04-08-2010 à 17:25:35

FAUT-IL QUITTER L'AFGHANISTAN? (Première partie)

 

 

AFGHANISTAN

"Cimetière des Empires"

 

 

 

 

***

 

La résolution 1368 (2001) du 12 Septembre 2001, l'une des plus ambiguës qu'ait pu adopter le Conseil de sécurité des Nations Unies, reconnaît aux Etats-Unis un droit de riposte "inhérent à la légitime défense" face à des actes qualifiés de "terroristes" commis à  New York, Washington et en Pennsylvanie.

 

Voilà comment l'impéritie, oui il faut l'appeler ainsi, car c'est l'impéritie de l'ONU qui amène le Conseil de sécurité à se détourner du programme de lutte contre l'essor de l'intégrisme religieux et le recèle de personnes accusées de terrorisme mené en Afghanistan sous le gouvernement de l'Emirat islamique, plus connu sous le nom de "Taliban" (pluriel de taleb ou "étudiant", "séminariste"). Ainsi, les bons offices du Secrétaire général et de son Envoyé Spécial pour l'Afghanistan, l'ambassadeur Lakhdar BRAHIMI sont-ils mis à contribution pour pallier une situation d'urgence fort incompatible avec le tempérament et l'âme des Afghans; mais surtout, non imputable à l'Afghanistan à qui les attentats du 11 Septembre 2001 ne sont pas expressément attribués.

 

Néanmoins, les pourparlers autrefois organisés sous les auspices de quelques pays voisins et amis comme le Pakistan, l'Inde, l'Iran, l'Ouzbékistan, l'Arabie Saoudite font désormais place un vaste mouvement d'interventions complexes et floues contre les Taliban et les membres du réseau Al-Qaïda installés en Asie Centrale. Ce qui confirme cette dérive des buts de paix et de réconciliation nationale jusque-là mené par l'ONU en Afghanistan, c'est la seconde résolution du Conseil de sécurité en date du 21 Septembre 2001 (1373 (2001)) reconnaissant sous l'empire du Chapitre VII de la Charte le "droit de légitime défense individuelle et collective" aux Etats-Unis. Ceux-ci sont donc présentés comme victimes d'une agression, car le régime de légitime défense prescrit par l'Article 51 de la Charte est ainsi formulé.

 

C'est ainsi qu'un pays déchiré par des conflits externes et internes catastrophiques, secoué par une instabilité politique chronique, étranglé par la pauvreté et les calamités naturelles va devoir endosser à ses frais une guerre surréaliste contre la coalition internationale (Enduring Freedom ou "Liberté Immuable") conduite par la première puissance militaire du Monde. Dix (10) ans après le lancement des frappes sur les Taliban et les prétendues installations des groupes terroristes en Afghanistan, la situation de ce pays reste des plus confuses et incertaines sans que les peuples américain et des membres de Liberté Immuable soient garantis de vivre en sécurité et dans la quiétude que leurs gouvernants leur avaient promises après "le 11 Septembre".

 

Aussi, sommés par leurs opinions publiques et traversés par le doute que leur inspirent des pertes considérables de soldats, d'équipements et d'argent sur le théâtre afghan, les principaux Etats engagés dans la guerre annoncent-ils leur retrait. Aveu d'échec ou repli tactique? Nouvelle réjouissante ou triste résignation d'un immense pays face aux cartes de son destin, qui se dessinent ailleurs?

 

Le présent exposé tentera d'expliquer les raisons de l'échec de la guerre imposée à l'Afghanistan au travers des Taliban (I), en même temps qu'il s'appliquera à proposer quelques éléments essentiels au règlement pacifique du conflit afghan (II).

 

 

I-LES RAISONS DE L'ECHEC DE LA GUERRE IMPOSEE A L'AFGHANISTAN AU TRAVERS DES TALIBAN

Au terme d'une décennie de luttes infructueuses, il est difficile ne pas remarquer le brouillage institutionnel des registres de légitimité sous-tendant la guerre d'Afghanistan. Contrairement à l'Irak, où les Etats-Unis, assistés du Royaume-Uni, ont décidé de mettre un terme au régime de Saddam Hussein, l'Afghanistan fait l'objet d'une pluralité de registres d'intervention, au point où on devrait commencer par se demander: qui fait quoi en Afghanistan? (A). Dun autre côté, le flou des objectifs militaires est si manifeste, que les gouvernants élus après les Taliban sont en réalités des "agents" de la Communauté internationale. De ce fait, il y a lieu de sinterroger si l'exigence de démocratisation du pays n'est-elle pas passée au second plan (B).

 

 

A)-Qui fait quoi en Afghanistan

La politique a ceci de pernicieux, qu'elle peut aisément faire passer ses stratégies sous couvert d'échec. Là où ses agents veulent gagner du temps et préparer les opinions à une action, ils font croire à un insuccès. Le cas de ce type de manipulation est avéré en ce qui concerne l'action devant être menée en Afghanistan, au-lendemain de la destruction des Tours du World Trade Center et, dit-on, d'une aile du ministère américain de la Défense! La question des acteurs habilités à employer la force contre les Taliban est si délicate que je m'emploie à n'exposer ici que les plus emblématiques. En effet, si au Conseil appartient la définition du cadre légal (1), les Etats-Unis mènent la guerre sous le double spectre de l'Enduring Freedom (2) et de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (3).

 

 

(1)-Au Conseil de sécurité, la définition du cadre légal

Sur les champs militaire et politique, le cadre légal d'intervention en Afghanistan est effectivement défini par le Conseil de sécurité. Aux résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) évoquées plus haut s'y ajoutent d'autres, qui créent, d'une part, la Force internationale d'asistance à la sécurité en Afghanistan (a) et, d'autre part, la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan (b).

 

a-L'ISAF

Selon son sigle anglo-saxon, sous lequel elle est d'ailleurs mieux connue, la Force internationale d'assistance (FIAS) à la sécurité est créée par la résolution 1386 (2001) du 20 Décembre 2001, conformément à l'annexe I de l'Accord de Bonn. Bien que cette résolution soit adoptée sous l'effet du Chapitre VII de la Charte de l'ONU prescrivant ou prévoyant l'emploi de la force sur le théâtre d'opérations, sa mise en oeuvre n'est pas du ressort des Nations Unies.

 

Après un simulacre ayant permis au Royaume-Uni, à la Turquie puis à l'Allemagne et aux Pays-Bas, ainsi qu'au Canada d'assurer le commandement des premières éditions, l'ISAF est devenue une Force placée sous l'égide de l'OTAN à compter de 2003 (voir résolution 1510 (2003) du 13 Octobre 2003)*. Est-il seulement besoin d'être érudit, pour se demander si l'Afghanistan faisait-il partie de l'Alliance atlantique et si l'aire de compétence de l'OTAN s'étendait, en conséquence, à cette région? En d'autres termes, l'OTAN n'a pas compétence pour intervenir en Afghanistan. Mais les Nations Unies le lui autorisent par une résolution annuelle du Conseil de sécurité, dont la dernière date du 8 Octobre 2009 , prorogeant le mandat de l'ISAF jusqu'au 13 Octobre 2010(résolution 1890)*.

 

On peut raisonnablement souligner cette réalité comme une entorse à la légitimité de l'action internationale en Afghanistan. Non seulement les objectifs de la guerre imposée à l'Afghanistan par le truchement de la riposte exercée contre les Taliban et Al-Qaïda ne sont pas clairs. Mais on fait, en outre, de l'Afghanistan le terrain d'expérimentation d'une Alliance de défense régionale qui aurait dû disparaître avec l'effondrement du "Pacte de Varsovie", sa défunte concurrente de la Guerre froide.

 

Alors, tant qu'un seul soldat de l'OTAN restera en territoire, il faudra compter avec la détermination des insurgés pour lui porter l'estocade nuit et jour. Ce qui ne favorise pas une issue pacifique d'un conflit qui s'est superposé aux différends internes que les Afghans n'avaient pu régler d'eux-mêmes.

 

C'est à ce propos qu'il importe de noter l'action, dans le théâtre afghan, d'un second autre acteur, qui n'est autre que l'ONU. Tel est l'objectif de la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan.

 

 

b-LA MANUA

Là encore, l'ONU est maître du cadre légal à l'usage des acteurs internationaux. L'Accord de Bonn sur la transition afghane et la reconstruction post-taliban du pays est signé le 5 Décembre 2001 au château de Petersberg, près de Bonn en Allemagne sous les auspices de la Mission spéciale des Nations Unies en Afghanistan alors dirigée par M. Brahimi. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en excluant les Taliban, le cadre de l'Accord de Bonn est anti-démocratique. De plus, le travail de la MANUA manque de lisibilité dans un environnement hautement compétitif.

 

*En excluant les Taliban, le cadre de l'Accord de Bonn est anti-démocratique.-L'explication vient de M. Brahimi, artisan de ce processus. Aux XIe Journées internationales d'Aix-en-Provence où il prononce le discours d'ouverture, le brillant diplomate algérien affirme qu'il fallait à tout prix exlure les Taliban de la reconstruction du pays à l'aune de l'Accord de Bonn, parce qu'ils n'étaient pas disposés à abandonner les armes pour négocier la paix.

 

Or, ce que Brahimi oublie de souligner, c'est que tout Taliban qu'ils sont, ces individus sont avant tout: "Afghans"; et que, tôt ou tard, il faudra composer avec eux dans des questions engageant leur Patrie. Où a-t-on jamais vu un processus de réconstruction post-conflit viable se passer des principaux protagonistes? Quelle gestion de crise peut-elle être prometteuse de paix si elle ne tient nullement compte du préalable qu'est la Réconciliation nationale?

 

D'un autre côté, comment expliquer que, de l'Accord de Genève d'Avril 1988 amenant au retrait de l'URSS d'Afghanistan mais signés par le Pakistan, à l'Accord de Bonn, pâle copie du plan de paix proposé par Brahimi au Conseil de sécurité le 13 Novembre 2001, les Afghans n'aient jamais été autorisés à  disposer librement des rênes de leur propre destin? En quoi la détermination des Afghans à faire respecter sa Liberté et la Souveraineté du Peuple serait-elle donc illicite, lors même que chaque Etat engagé dans la guerre en Afghanistan prétend y être pour "protéger la liberté et la sécurité de leurs citoyens"?

 

Dans ce terrain aux intérêts mêlés, l'ONU n'exerce pas une action qui permet de lire avec clarté les traits de son travail; d'autant que d'autres acteurs multilatéraux et régionaux lui imposent une compétitition farouche.

 

*Le rôle discret de l'ONU l'expose à une concurrence farouche d'autres acteurs internationaux.-Quand on enlève au travail de reconstruction de l'Afghanistan les infrastructures (re)mises en place grâce aux PRT (Equipes de reconstruction provinciale) menée dans le cadre de l'OTAN et de la coalition Liberté Immuable, il ne reste pratiquement rien à l'action des Nations Unies dans ce pays depuis l'adoption de la résolution 1401 (2002) du 28 Mars 2002 créant la MANUA.

 

Cette Opération de maintien de la paix discrète et ambiguë  n'offre pas le cadre d'intervention internationale favorable à une pacification de la situation afghane et au désengagement des nombreuses forces étrangères qui combattent en Afghanistan; en tête desquelles: les forces américaines.

 

 

(2)-L'Opération Enduring Freedom mène le jeu

En considérant l'esprit et la lettre de la résolution 1368 (2001) du Conseil de sécurité, hâtivement adoptée en réaction aux attentats du "11 Septembre", on pourrait, sans grand-mal, l'interpréter comme support de l'intervention américaine en Afghanistan et en Irak. Non seulement, cette résolution ne désigne pas explicitement les Etats devant subir la légitime défense (qui peut aussi être préventive) reconnue aux Etats-Unis. Mais encore, les théâtres afghan et iraquien sont tous les deux couverts par ce programme d'envergure mondiale que l'administration américaine avait baptisé Enduring Freedom.

 

Il n'est donc pas fortuit que le nom de l'opération Liberté Immuable soit à la fois associé à l'Irak et à l'Afghanistan. Dans la carte tactique américaine, les deux théâtres répondent aux objectifs de luttre contre le terrorisme international, même si l'argument de l'administration républicaine sur le développement d'armements de destruction massive en Irak n'avait pas convaincu.

 

En somme, le fait de jouer sur le double spectre de leurs propres forces armées et du cadre que leur offre l'OTAN, on peut constater que l'essentiel de la guerre, et donc des objectifs de l'action internationale exercée en Afghanistan, est défini sinon déterminé par les Etats-Unis. La preuve la plus évidente, c'est que l'annonce de leur retrait du théâtre d'opération sème le trouble chez d'autres acteurs, y compris l'ONU elle-même, qui ne manquera pas d'appeler à une redéfinition de ses missions en Afghanistan, une fois entérinée l'idée de quitter l'Afghanistan par le Gouvernement de Barack OBAMA.

 

Ce n'est ici qu'un juste retour des choses au statu quo ante bellum. Car, avant cette guerre aveugle et meurtrière, les Nations Unies avaient des objectifs tous différents de l'emploi de la force contre des insurgés afghans ou de prétendus terroristes menaceraient la paix et la sécurité du Monde à partir d'un sanctuaire qui serait l'Afghanistan. Le retrait des troupes américaines va donc mettre l'ONU devant ses responsabilités. Notamment, celles que confère à son Conseil de sécurité l'Article 24, paragraphe 1 de la Charte.

 

Mais, pour l'instant, le dédoublement de la présence américaine sur la scène afghane profite plutôt à l'OTAN.

 

(3)-L'intervention de l'OTAN est aussi provocatrice qu'injustifiée

Ayant présenté l'essentiel de la question OTAN en Afghanistan dans le cadre de l'ISAF, il importe de ne noter ici que les conséquences de ces développements. En effet, l'obstination des grandes puissances à agir en Afghanistan sous le couvert au démeurant illégitime de l'OTAN, est à la fois une erreur stratégique et une provocation.

 

La Communauté internationale ne peut sereinement enraciner le processus démocratique enclenché par l'Accord de Bonn en maintenant, d'un autre côté, une présence militaire étrangère dont l'action est décriée par tous les Afghans. L'OTAN n'a rien à faire en Afghanistan, car le rôle de cette organisation est de protéger les Européens et les Américains du Nord d'un éventuel acte d'agression des "Etats ennemis" à la région de l'Atlantique Nord. Les mues subies par l'OTAN ou le "reformatage" de cette organisation ne suffisent pas à légitimer son intervention dans des théâtres étrangers et aussi éloignés que l'Afghanistan.

 

Aussi, après avoir brièvement exposé ce que je crois comme fondements de l'échec de la guerre absurde imposée à l'Afghanistan après le "11 Septembre", il me reste à explorer un certain nombre d'éléments en guise de solutions au règlement pacifique de la crise afghane.

 

(à suivre)

 

 

 

Arthur BENGA NDJEME

PARIS: le 04 Août de l'An 10, 17:22