VEF Blog

Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 03-08-2010 à 05:12:28

VICE ET VERTU

 

 

Le propre des Grandes âmes

 

 ***

 

L'une des questions, consubstantielle à l'éducation, qui tourmente la Jeunesse, est celle des vices et des vertus. Il s'agit, outre les leçons professées en famille, à l'école et dans d'autres instances similaires, d'un combat permanent qui opposent le Bien et le Mal; le Péché et la Sainteté; le Bon et le Mauvais; l'Admis et l'Exclu.

 

Pour s'en prémunir, certaines Sociétés se sont dotées d'instances gouvernementales et religieuses ayant vocation à départager les deux protagonistes. Il en est ainsi de l'Arabie Saoudite, de l'Iran et de l'Afghanistan, qui  ont institué une Autorité chargée d'un service dont les dénominations varient selon les interprétations: "Ministère de la Prévention du vice et de la Promotion de la vertu" ou "Ministère de la Promotion de la vertu et de la Répression du vice" ou encore "Département de la Protection de la vertu et de la Prévention du vice".  Singularité de l'espace musulman? Particularité des pays en développement, où le service public de l'Education; et surtout de l'Education civique est encore un sujet délicat?

 

Nul ne saurait l'affirmer de manière péremptoire. Le Vatican, dont beaucoup négligent le double statut d'Etat clérical, n'a pas une doctrine moins intransigeante face au couple vice/vertu. La question du mariage des prêtres, dont on s'éloigne chaque jour comme une ombre, participe à la prévention du vice et à une culture vertueuse. Ne pas exposer les ministres du cul...te à la convoitise des décolletés Versace et autres collants moulants des (in)fidèles n'est pas neutre! Ce que certains prescrivent en termes de Burqa, d'autres le font par l'exigence d'une tenue décente dans l'enceinte du Saint-Siège. Dans tous ces univers, islamique et catholique, le Voile est la chose du monde la mieux partagée!

 

Qu'on ne s'y trompe surtout pas.

N'en déplaise au bon principe de séparation du spirituel et du temporel; de laïcité et de sécularisation, les ministères de l'Intérieur comptent leurs priorités la lutte contre l'atteinte aux bonnes moeurs (répression de l'attentat à la pudeur, du racolage, de l'injure publique, de l'ivresse publique et manifeste) sous le joli programme de "protection de la morale publique". Autrement dit, le vice continue à occuper et préoccuper les Nations. Soit, qu'il contribue à corrompre le Citoyen. Soit, qu'il avilit les membres du corps social et en profite pour affaiblir les fondation de l'édifice commun.

 

Les autorités administratives gabonaises ont récemment stigmatisé le port de vêtements de plus en plus indécents en Ogooué-Ivindo (Nord-Est), du fait de la dépravation des moeurs, et donc du vice que ce mode vestimentaire véhicule.

 

Pourtant, l'un des plus grands esprits que la Terre ait porté, auquel est d'ailleurs adjoint l'adjectif "cartésien", synonyme de "rationnel", affirme sans ambiguïté le paradoxe, voire la distinction qui existe entre le fait d'être convaincu de vices et celui, tout différent, d'être une personne talentueuse et compétente. Ainsi, soutient-il à la page 9 de son oeuvre majeure ( René DESCATES, Discours de la méthode, Mille et une nuits, Septembre 2000)*, le propos qui suit:

 

"Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus..."

 

En commençant hier après-midi la lecture du livre d'un conscrit (l'auteur de La Société gabonaise de cour, L'Harmattan, Collection "Etudes Eurafricaines", 2010, 181 p.)*, j'ai eu le plaisir de retrouver cette citation en ouverture de son ouvrage. C'est dire combien elle sert d'appoint à ce paradoxe fécond.

 

Il n'est surtout pas question ici de rechercher chez Léonard de Vinci, Michel Ange ou Ernesto Guevarra, Shaka Zulu ou Omar Bongo la confirmation de ce que les hommes célèbres ont, de tout temps, chéri des vices qui surprennent encore nombre d'observateurs. Mais il s'agit de se demander en ce qui nous concerne, comment pourrait-on, perclus de défauts manifestes, se frayer malgré tout son chemin, creuser son sillon et avancer dans la réalisation des tâches que la famille, l'entreprise, l'Etat nous confient?

 

Telle est la question de la méthode, que DESCARTES privilégie à toute compétition quant à savoir qui arrivera le premier dans le coeur et l'estime de la Société. Le jeu de la vie et de l'existence ne consiste donc pas à chercher à plaire ou à décrocher l'approbation de notre entourage, comme le déconseille vivement le Dr Robert A. GLOVER ( in Trop gentil pour être heureux ( Le syndrome du chic type), Payot, 2003: Cf Africanostra du 31/07/2010)*.  Il est plutôt question de savoir déterminer le moment propice et le moyen le mieux approprié pour assumer ses responsabilités, sans que des situations personnelles et intimes n'affectent nos valeurs intrinsèques. C'est pourquoi l'illustre penseur renchérit:

 

"ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent et qui s'en éloignent.

 

 

Autrement dit, il faut, non pas courrir, mais savoir partir à point en identifiant bien le parcours qu'exigent nos devoirs. Le but poursuivi par DESCARTES et GLOVER revient donc à donner à l'Homme les clés de répartition d'une équation toute simple appelée la vie, qui ne sourit pas souvent à ceux qui s'imposent des "ligatures" à eux-mêmes, comme le dirait ROUSSEAU. La vie ne favorise pas ceux qui se plaignent, s'autoflagellent, se culpabilisent.

 

Robert GLOVER dit, à l'attention des chics types, que nul n'est parfait en ce monde. Rien ne sert à quiconque de dissimuler sa véritable nature, son humanité. "Des personnes imparfaites ne peuvent créer des liens qu'avec d'autres personnes imparfaites. La plupart des gens sont attirés par des individus qui ont de l'épaisseur et savent qui ils sont. Les caméléons n'intéressent en général pas les foules" (p.84)*. La (re)conquête de sa propre intimité, de son amour-propre, de son énergie vitale exige d'être soi-même (intègre) en toute circonstance et à l'endroit de tous, sans avoir conditionner ses actes à l'approbation des autres et à un conformisme auto-déstructeur.

 

Le vice et la vertu, malgré leur apparente opposition, ne seraient-ils finalement pas, à l'instar de la Haine ou la Mort (Tanatos) et de l'Amour (Eros), deux facettes d'une même médaille? Dans l'affirmative, laquelle privilégier? Et dans la négative, quelle facette brille-t-elle davantage que l'autre sans amener celle-ci à désespérer?

 

Nous avons toute la vie pour y répondre. Car tant qu'il y a la vie, il y a l'Espoir!

 

 

 

Arthur BENGA NDJEME

PARIS, le 03 Août de l'An X, 5:00