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Titre du blog : La Nation
Auteur : africanostra
Date de création : 13-11-2009
 
posté le 31-07-2010 à 23:47:36

Des hommes lisses, où rien n'adhère

 

 

POUR LUTTER CONTRE LE SYNDROME DU "CHIC TYPE" OU DE L'HONNETE-HOMME

 

 

"Parmi les stratégies proposées et détaillées:

s'affirmer, apprendre à déplaire et à décevoir,

ne plus redouter les conflits..."

 

Christophe ANDRE,

Préface à Trop gentil pour être heureux,

Payot & Rivages, p.13

 

 

***

 

A la fin d'un mois de Juin particulièrement fécond pour notre site, je n'ai pu vous faire part de ma "lecture du mois". Pourtant, l'ouvrage était bel et bien lu. Mais j'ai pensé choisir patiemment l'angle d'attaque, tant le livre en question est dense et riche d'enseignements. Ceci signifie que ce qui fera l'objet du présent exposé, en cette fin Juillet 2010, annonce d'autres réflexions inhérentes à un mal, un complexe, un étonnant mode de vie qu'un chercheur et praticien américain appelle "le syndrome du chic type" (Robert A. GLOVER, Trop gentil pour être heureux ( Le syndrome du chic type), Payot & Rivages, Paris, 2004, 237 p.)*. Il en résume ainsi l'une des caractéristiques à la page 73 de son ouvrage:

 

"Les êtres humains communiquent. En cachant son humanité et en essayant de projeter l'image de la perfection, on devient flou, anguille sans vie et sans intérêt. Je qualifie souvent les chics types d'hommes téflon. Ils se donnent tellement de mal pour paraître lisses que plus rien n'adhère."

 

Donc, selon le Dr GLOVER, l'amour qu'une femme peut éprouver pour un homme, l'obéissance que les enfants doivent à leur père, le respect que des employés ont à l'endroit du patron, les devoirs d'un peuple envers le Souverain ne dépendent en aucun cas des défauts, maladresses et autres vices des personnes intéressées. Bien au contraire. Ces traits de caractère, ces apparentes imperfections ou, simplement notre "humanité", agissent comme des aimants qui attirent à soi d'autres individus cherchant à nous découvrir, à nous éprouver, à nous soutenir et à nous aimer. A preuve, Roosevelt et Churchill avaient un mode de vie plus dissolu que Staline et Hitler. Pourtant, ces derniers ont commis les pires attrocités que l'humanité n'ait jamais connues.

 

Aussi, l'auteur préconise-t-il un certain nombre d'exercices pratiques à l'usage de tous ceux qui auraient l'impression d'avoir de tout temps été considérés comme lâches, indécis, naïfs, influençables. Bref, sans personnalité. Il s'agit de conclusions discutables, certes. Et, je me ferai un plaisir d'en attaquer quelques thèses dans les semaines à venir. Mais ce qu'il importe de souligner, ici, c'est un triptyque de comportements que les enseignements des psychologues et psychiatres présentent comme nuisibles à notre épanouissement personnel et à notre énergie vitale. Le grand maître de la chanson gabonaise, Hilarion Nguéma l'a chanté en des termes moins policés: "Trop bon, trop con"!

 

A ce sujet, GLOVER appelle les hommes soucieux de manifester ou redynamiser  leur estime de soi, à exprimer leur masculinité (I). Un homme est, avant tout, un être fort, rustre et spontané. Ensuite, le brillant thérapeute prescrit d'explorer ou redécouvrir le pouvoir du NON (II). Ces deux éléments constitueraient le préalable indispensable à la conquête de la force intérieure (III).

 

 

I-EXPRIMER SA MASCULINITE

La première caractéristique du "chic type" ou de l'honnête homme, c'est qu'il ne "veut pas faire de vague". Il fuit, comme la peste,  l'esclandre et le scandale (qui désigne en grec: le vilain "petit caillou dans la chaussure"). Aussi, se refuse-t-il à user de violence pour régler ses problèmes ou communiquer. La conséquence est immédiate, car ce type d'homme est généralement considéré comme un spécimen de la très sérieuse confrérie des femmelettes ou carrément une "femme" (mwéito), comme on le dirait dans une langue bantoue.

 

Le rejet des actes d'un père violent, sermonneur, inconstant dont la figure tutélaire risque d'influer négativement sur un fils est à la base d'une "féminisation" de l'éducation des jeunes garçons. A cela s'ajoute l'essor des familles monoparentales, que d'aucuns qualifieraient de "matriarcales", car l'éducation des jeunes gens n'est plus, comme au temps du scoutisme et de la guerre, considérée en tant que mode d'intégration des garçons dans la "case des hommes", autrefois assurée par des "maîtres" et des précepteurs.

 

Nous verrons dans des exposés ultérieurs si ces accusations sont vérifiées. Mais, pour l'heure, il importe de noter que certains d'entre nous se reconnaissent dans ce profil, même si les motivations des uns et des autres diffèrent quant à cette attitude ou ce caractère. Aussi, pour arriver à vaincre ce comportement auquel les experts attribuent le rejet et les échecs de ce type d'homme en amour, au travail et au sein des cercles d'amis, GLOVER recommande aux intéressés d'exprimer leur "masculinité". Il s'agit, grosso modo, de cette force de caractère qui consiste à vivre exactement comme bon nous semble; sans se soucier du regard extérieur, des appréhensions de l'entourage, voire de notre partenaire ou nos amis.

 

Comprende notre femme sans l'écouter. Se donner à sa tâche sans obséquiosité. S'excuser le moins possible. Eviter dans son langage parlé et écrit les mots tels que "sentiments" ou "impression" et "envie", pour les remplacer par d'autres, exprimant la puissance et la domination: "je veux"!

 

C'est pourquoi, l'auteur préconise à ses lecteurs/patients d'intégrer (s'ils sont solitaires) des cercles et activités d'hommes (clubs de sport, d'échecs; sorties au bar,  à la pêche, à la chasse; la guerre) pour apprendre ou renforcer leur "masculinité". Car ce caractère, semble-t-il, ne s'improvise pas. Ceci signifie qu'il leur faut être "doux" sans le proclamer ou par accident, lorsque la situation le nécessite; voire par stratégie, lorsque le brute prend le pas sur le romantique. Alors, cet individu "doit renouer avec les hommes, devenir fort, trouver des modèles masculins sains, réfléchir à la relation qu'il a eue avec son père"(p.136)*. Vivre en vase clos, en recherchant l'approbation des femmes est le moyen le plus sûr d'opérer une rupture dans les veines de sa propre "masculinité".

 

La leçon qui résulte de cette rubrique est toute simple: les femmes n'aiment pas les hommes faibles. Je pense qu'il en est certainement de même des Nations. Les gouvernants conciliants leur paraissent suspects et sans densité. Même Jésus-Christ, le roi de la Douceur, n'a pas manqué d'être violent à l'encontre des marchands qui occupèrent sauvagement le Temple à Jérusalem (Jean, 2, 14-15; Matthieu: 21, 12-17)*. C'est ici qu'apparaît le pouvoir du NON.

 

 

II-EXPLORER OU REDECOUVRIR LE POUVOIR DU NON

Au même titre que la perte ou l'absence de "masculinité", si ce n'est une conséquence de leur faiblesse, les "chics types" ne savent pas dire NON. Ce sont, non plus des serviles et des gentils. Mais des paillassons sur lequels tout le monde s'essuie... les pieds. Les synonymes qui les caractérisent sont aussi nombreux qu'évocateurs de leur pitoyable état: "sous-fifres", "têtes de turc", "bouc-émissaires", "souffre-douleurs", "riz-pain-sel" ou "mauviettes".

 

Ces hommes attirent particulièrement les femmes manipulatrices et dominatrices; celles qui sont en quête d'assurance sur leur capacité à séduire; les femmes fatales; les femmes qui sont plongées dans des problèmes jusqu'au cou (endettement, état dépressif, addiction à la drogue, à l'infidélité, à la prostitution...) En un mot, ils attirent des problèmes et des ennuis, du fait de leur absence de réactivité aux éventualités que la vie fait subir à chaque être au quotidien. Ils sont des sortes de "champs d'expérimentation" des desseins malveillants de tous  ceux qui ont quelque chose à tester en eux-mêmes ou en dehors.

 

Le remède que préconise GLOVER est clair et net. Savoir et pourvoir dire: NON. Non, je n'irai pas au parc aujourd'hui. Non, je ne viens pas me coucher. Non, je ne mangerai pas de cette soupe insipide. Non, j'arrête tout et je me retire de cette relation infructueuse et sans issue. Car dans la vie, chacun est toujours à la recherche de plus faible que soi. De "plus con" que soi. Eviter soigneusement d'être celui-là! Au sein du couple, le thérapeute appelle cette dynamique par un encouragement: "poser des limites".

 

Ainsi, assure-t-il: "Quand un chic type met des limites à sa partenaire, elle en retire un sentiment de sécurité. En général, les femmes qui se sentent rassurées se sentent aimées. Elles en viennent également à se dire que si leur partenaire est prêt à leur tenir tête, il le sera aussi, le cas échéant, vis-à-vis d'autres personnes pour leur couple. Par ailleurs, les limites génèrent le respect" (p.164). Car, prévient-il, lorsqu'un homme "est incapable de fixer des bornes, il laisse entendre à sa compagne qu'il n'a pas beaucoup de respect pour lui-même. En ce cas, comment s'attendre à ce qu'elle en ait?" (p.164 à 165)*. Ce n'est pas une question; c'est de l'exorcisme!

 

Il serait peut-être difficile à un "béni oui-oui" de dire NON de suite. Mais il faut, progressivement, adopter une opposition de principe. Même pour éprouver sa propre disposition à s'estimer, à s'aimer, à se protéger. Une fois cette aptitude acquise, une fois sa "masculinité" recouvrée, il devient plus loisible de conquérir la qualité qui manque le plus à l'honnête-homme ou au "chic type": la force intérieure.

 

III-A LA CONQUETE DE LA FORCE INTERIEURE

Au terme de l'observation des spécialistes, le "chic type" est un malade de l'estime de soi. Il manque d'assurance et de densité. On le dit souvent "sans maturité". Un zéro en nombre! Alors, son seul salut dépend d'une descente, non pas aux enfers. Mais dans son for (t) intérieur, dans son puits intime afin d'y trouver la force nécessaire à son épanouissement.

 

Alors, finie la recherche systématique de l'approbation des femmes ou toute autre personne quant à ses propres initiatives. Fini le "qu'en-dira-t-on". Finies la crainte de blesser, de contrarier et la recherche permanente de plaire. Il leur faut, désormais, être eux-mêmes. Avec les défauts (et surtout les défauts) et les qualités qui vont avec l" être humain", et ETRE dans ses deux sens de créature et verbe. C'est à cet égard, que GLOVER définit lui-même la force intérieure en tant qu' "état d'esprit qui habite celui qui est sûr de sa capacité à faire face aux événements. Il ne se contente pas de venir à bout des problèmes, difficultés et épreuves, mais accueille l'adversité, l'affronte et s'en félicite. La force intérieure n'est pas absence de peur: même les plus forts ont peur. Elle est le pouvoir personnel qui anime celui qui a ressenti la peur mais ne s'y est pas abandonné" (p.110)*. Cela implique de la cultiver par des exercices quotidiens que la vie offre à tous ceux qui osent se confronter aux autres: amis, parents, collègues ou même employeurs.

 

Tels sont les trois points (impérieuse masculinité, puissance de la résistance et de l"opposition et force intérieure) qu'il m'a paru essentiel de voir avec vous, en tant que leçons à retenir de l'ouvrage de Robert A. GLOVER sur le syndrome du chic type; ouvrage traduit de l'anglais des Etats-Unis par Clémence MA, avec une excellente préface du Dr Christophe ANDRE. L'illustration de la couverture, où un sourire d'homme est exposé à une souricière évoque, sans ambiguïté, les dangers de la gentillesse en ces temps d'égocentrisme, d'individualisme et de défiance renaissants.

 

 

***

En vous remerciant pour vos encouragements tout au long de ce mois de Juillet, quelque peu difficile pour notre productivité sur le Site, je voudrais simplement rappeler à ceux qui se retrouveraient dans la peau du "chic type" qu'il ne s'agit pas d'une maladie honteuse. Mais d'une (dé) formation remontant à l'enfance, à l'éducation primaire, à l'environnement ou à la profession exercée. Cette maladie affective, comme tous les faits de l'homme, ne peut être traitée et soignée qu'à travers et avec les hommes. S'ouvrir aux autres, se donner des défis, se donner une chance en tout et faire des échecs des sources d'enseignements. Car le syndrome de l'honnête-homme n'est pas une maladie mortelle et handicapante. Souvenons-nous de Mao ZEDONG, qui disait dans son Petit Livre Rouge:

 

"L'échec est mère de réussite; et chaque échec nous rend plus avisés".

 

 

Arthur BENGA NDJEME: Nancy, le 31 Juillet de l'An 10; 23h 46