La Nation

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posté le 03-12-2009 à 02:54:51 GMT +1

Le 17 Janvier. Un anniversaire anticipé: Hommage à 1 Héros

Emery

Je continue à regretter ta mort tragique

Et à intenter des procès à la Belgique,

Plusieurs années après ce feu du Katanga

Qui a fait tant ramollir nos meilleurs Atangas !

 

Les flammes voraces de ce feu endémique

Dévorent l’indépendance économique

Et tes combats pour la noblesse et la grandeur

Du Nègre face à ceux qui n’y voyaient qu’un glandeur.

 

Plusieurs années après tant de fusillades,

De crépitements de balles, de négrillades

Ou travaux forcés, le sang ruisselle au Kongo

Et nourrit les eaux du fleuve jusqu’au Loango.

 

Ce Kongo que tu as tant aimé, cette Afrique

Que tu as souhaité bâtir brique par brique

Se délitent sous le poids meurtrier de l’abus

De pouvoir et des éclats rugissants des obus.

 

Tu as décrété l’Unité nationale

Après ton héroïque lutte matinale

Pour la juste rémunération du travail,

Alors que nous étions des épouvantails.

 

Tu prônais encore la justice sociale

Face aux agents de la mission spéciale

Qui ont cru pouvoir t’écraser par l’assassinat

Et ces massacres qui plombent nos orphelinats.

 

L’impérialisme a échoué ! Figure

Historique, qui hantes, de bonne augure

La conscience de tes méprisables traqueurs,

Tu reviendras, la tête haute, en vainqueur !

 

Même aux dires d’un affreux témoin oculaire

De ton assassinat, tu restes populaire ;

Tu as fait d’un miséreux voleur de dentiers,

D’un fou, un criminel recyclé en rentier.

 

Pendant que tu veilles, telle une sentinelle

Sur nous, ce malheureux tremble dans sa tonnelle.

Les rugissements du Léopard, notre félin

Ubiquiste l’empêchent de faire le malin !

 

On fait commerce de tes dents, de ta moustache

Qui est partout agitée comme un panache ;

Tandis que ton âme traverse les continents

Et tourmente les mercenaires impertinents.

 

Sors de ta retraite de la forêt, Patrice !

L’Afrique a perdu sa fonction de matrice

Et s’est persuadée qu’après le Grand Lumumba,

Il lui reste une seule voie : Etumba !

 

La Bataille suprême ! la Lutte finale !

But ultime de l’Unité nationale

Chantée au Kongo pour libérer l’Humanité !

Chanson que le Monde approuve à l’unanimité !

 

Ô Emery ! ton beau continent est otage

D’infâmes projets de tutelle et de partage ;

Lorsque tu reviendras enfin le libérer,

Aide-nous également à moins nous obérer !

 

 Arthur BENGA NDJEME, Nancy le 29 Novembre 2009, 21h29.
 


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posté le 03-12-2009 à 00:59:12 GMT +1

LETTRE DES FILS DE MOABI AU MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

 

M. Séraphin MOUNDOUNGA

Ministre de l’Education Nationale et

de l’Enseignement supérieur du Gabon

 

 

Paris, le 02 décembre 2009

 

 

Lettre ouverte des fils de Moabi (Gabon)

 

Le bon sens le plus élémentaire plaide avec la force de l’évidence en faveur de l’implantation d’un lycée public à Moabi.

 

 

Monsieur le Ministre,

 

Les habitants de Moabi se proposent d’être maître d’oeuvre d’une cité scolaire regroupant collège et lycée. Pourquoi le gouvernement refuserait-il cette opportunité qui permettra des économies substantielles : viabilisation, personnel (techniciens, ouvriers et de service), dépenses pour le transport scolaire des parents d’élèves apaisé, restauration…?

 

Avoir accès à un lycée public de proximité pour les citoyens gabonais qui le demandent est un droit à respecter !

 

Les arguments qui légitiment la demande d’implantation d’un lycée public dans le département de la Douigny, à Moabi.

 

Vous conviendriez, certainement, avec nous, Monsieur le Ministre, qu’un nombre important de jeunes élèves de la province de la Nyanga, originaire du département de la Douigny et plus particulièrement de Moabi dans le sud du Gabon, se voient chaque année brutalement contraints d’estomper leurs études pour certains même après avoir obtenu brillamment leur BEPC au CES de Moabi.

 

Partant des explications consécutives et incessantes de ces jeunes privés de classes de Seconde, Première et Terminale, nul dans ce monde ne peux se douter de la douleur que vie cette jeunesse âpre à se développer et subitement privée du droit à l’éducation.

 

C’est naturellement émouvant d’entendre de la part d’un jeune élève fraichement breveté déclarer : « Je voudrais continuer mes études, mais on m’en empêche… ».

 

Mbadinga est dégoûté. À seize ans, ce jeune habitant de Mououna (quartier de Moabi) contraint et forcé s’apprête à sortir du système scolaire. Victime comme beaucoup d’entre eux du grand éloignement du Lycée. Mbadinga a pourtant fait un parcours scolaire normal jusqu’en classe de 3eme…

 

Réformer la pensée par l’éducation est l’un des enjeux majeurs pour notre pays. Il s’agit de former des esprits libres et autonomes pour forger des citoyens responsables et justes.

 

- Configuration géopolitique et économique de Moabi dans la Nyanga:

Le département de la Douigny est l’un des plus peuplés de la province de la Nyanga, avec une agriculture fortement réalisée par les autochtones en particulier, la production de la banane et de la palmeraie d’Agro-Gabon.

 

Moabi est la seule grande commune du Gabon à ne pas être encore dotée d’un lycée public, en comparaison avec les communes de Moanda dans le Haut Ogooué et de Ndendé dans la Ngounié, pour ne citer que celles là.

 

Par sa position très éloignée des deux plus grandes villes Mouila et Tchibanga qui la jouxtent, et vu l’état de la route, Monsieur le Ministre, les habitants de Moabi sont privés d’un service public essentiel : l’éducation.

 

En termes d’accroissement de population, outre le fait que les habitants de Moabi ont toujours eu un taux de natalité élevé, on remarque sur le département de la Douigny une poussée démographique en progression constante, donc tout porte à croire que les collèges et lycées viendront à point nommé dans les années à venir.

 

La Douigny est un département qui séduit, beaucoup de gens qui y ont grandi restent y vivre, pendant que d’autres viennent s’y installer, attirés par sa qualité de vie et son paysage attractifs. Il n’est plus possible, dans ces conditions, de continuer à priver sa population d’un service public d’éducation, qu’il s’agisse de la population locale ou des nouveaux arrivants.

 

La question qui se pose est donc : le département de la Douigny, dynamique et attractif, peut-il continuer à agrandir ses communes sans proposer les services minimums à sa population ?

 

- Des raisons stratégiques en faveur d’un lycée public à Moabi :

Dans un souci de respect et de défense des valeurs républicaines, les droits des habitants du département de la Douigny et donc de Moabi, en terme de liberté de choix scolaire après la classe de 3eme et d’égalité, ne sont pas respectés.

 

De plus, il est clair que « l’esprit » des habitants de Moabi est en train de changer, les mentalités évoluent et partout, des parents d’élèves se mobilisent pour réfléchir sur l’avenir de leurs enfants après seulement la classe de 3eme, pour ces parents d’élèves, faire ouvrir un lycée public, serait marquer l’émergence d’une demande croissante vers un droit à l’école et donc d’enseignement pour tous après la classe de 3eme.

 

- Choix de l’implantation :

Moabi, chef lieu du département de la Douigny, est la commune la plus peuplée et la plus attractive de la province de la Nyanga, en termes de services, qu’elle « centralise », et les gens ont tendance à venir s’y installer plus facilement qu'ailleurs.

 

D’aucuns avancent qu’il n’y a pas de demande de la population pour un lycée public. Nous nous inscrivons en faux contre cet argument. C’est l’offre de service public qui déterminera la demande.

 

- Des raisons d’ordre social

Le lycée public de Moabi est une nécessité sociale : quel autre lieu brasse encore des populations aussi diverses ? La scolarité obligatoire reste le seul lieu de rencontre. Ce lycée sera une petite société qui préparera la société de demain : voulons-nous en faire un lieu de compétition, ou un lieu d’entraide, de solidarité ? «Dites- nous quel est votre lycée, nous vous dirons quelle société vous préparerez»

 

- Des raisons pratiques et économiques

Monsieur le Ministre, nous le savons tous, pour une famille (généralement nombreuse) de Moabi, le coût d’une scolarisation dans un lycée de Tchibanga ou ailleurs est excessivement élevé.

 

De plus, scolariser un enfant dans un lycée en dehors de sa commune (surtout avec l’état des routes et la distance) est pénalisant pour les familles, par rapport aux services extra-scolaires et entraîne, à terme, un risque de désocialisation pour le jeune élève.

 

La famille est confrontée à des difficultés de transport et à un surcoût « ville extérieure et très lointaine ». Est-ce le prix à payer pour bénéficier d’un enseignement ?

 

Le lycée public de Moabi est une nécessité économique : le besoin d’une main-d’oeuvre intelligente, adaptable, ouverte est un impératif pour notre pays et si distillation fractionnée il doit y avoir (lycée de Tchibanga ou de Mouila), pourquoi ne pas la faire à partir du repérage des talents après le Bac ?

 

Monsieur le Ministre, cela relève maintenant de la responsabilité du gouvernement et des élus de prendre en compte ces difficultés d’accès au lycée, l’émergence de demandes d’ouvertures dans les communes qui ne sont pas équipées de lycées et la volonté de plus en plus affirmée des familles, de scolariser leurs enfants dans un lycée sur place.

 

Le lycée public de Moabi est possible, à condition de repenser son « architecture », oser affronter la complexité des situations afin de choisir les solutions les plus appropriées. Nous savons que le problème n’est pas technique, mais dépend de la volonté politique.

 

Ce lycée doit apparaître aux yeux des élèves et de leurs familles, comme un lieu de ressources dans une société en perte de repères ; nous n’avons pas le choix.

 

Faute d’oser la mise en place d’une nouvelle organisation, le chômage perdurera, s’amplifiera ; la société laissera s’échapper une partie de ses forces, de ses atouts pour le futur. Oui le lycée public de Moabi est possible, les outils et les moyens financiers existent, ... il suffirait d’amplifier ici, de minorer là, et avant tout de piloter en vue d’objectifs enfin politiquement clarifiés.

 

Nous vous prions, Monsieur le Ministre, de bien vouloir nous indiquer si notre démarche suscite votre intérêt ou, au contraire, vos réserves.

 

En vous remerciant d’avance de l’intérêt que vous voudrez bien lui porter et en nous tenant prêts à répondre à tout complément d’information que vous souhaiteriez obtenir, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre entier dévouement et de notre haute considération.

 

Le Représentant

Kevin DINZAMBOU DI-KASSE

 

 

Ampliation:

- Ministère de l’Education Nationale et de l’Enseignement supérieur du Gabon

- Ambassade du Gabon en France

- Consulat Général du Gabon en France

- Conseil des Gabonais de France

- La Presse gabonaise

 


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posté le 01-12-2009 à 20:24:56 GMT +1

Bilan de la causerie citoyenne autour du Chef de l'Etat à Paris

Analyse du discours du 21 Novembre 2009. Le Chef de l’Etat devant la diaspora gabonaise de France

   

« Sois le meilleur, quoi que tu sois ».Martin Luther KING   

 

Introduction

Une semaine après la causerie citoyenne organisée par la Haute Représentation du Gabon en France autour du Président de la République, Chef de l’Etat, il apparaît nécessaire d’en faire le bilan, du point de vue de la Famille gabonaise de France, qu’on appellera « diaspora » par commodité de langage. La volonté de communier avec la Nation, exprimée par le Chef de l’Etat lors du meeting de l’hôtel Le Westin à Paris, consacre l’enthousiasme d’un homme fier et heureux de servir son pays.

 

En s’engageant à privilégier le savoir et le savoir-faire, le discours du Président de la République s’accorde parfaitement avec la parole du Prophète de Khalil GIBRAN : « Le travail est l’amour rendu visible » [Khalil GIBRAN, Le Prophète, Librairie Générale Française, Collection « Le Livre de Poche », 1993, p.45], tant en ce qui concerne le mandat du Chef de l’Etat en soi, qu’en ce qui touche aux devoirs des citoyens à contribuer avec ardeur au développement du Gabon. La politique est « un acte de foi » [Voir Gérard SINDT, Le plaisir et la peur : les nouvelles sensibilités politiques des jeunes, Le Centurion, Collection « Champs nouveaux », 1979, p.217].

 

En tout cas, c’est ainsi qu’elle est assumée par le Chef de l’Etat devant la diaspora gabonaise en France le 21 Novembre 2009. En effet, la vision politique déclinée ce jour à Paris est rassurante aux yeux d’une jeunesse quelque peu soucieuse de lendemains incertains à l’intérieur, comme à l’extérieur du pays. Elle peut même paraître « futuriste » pour quelques collaborateurs du Président de la République.

 

Pourtant, après en avoir digéré le message une semaine durant, un certain nombre de questions citoyennes commence à « émerger » des esprits. Les hommes politiques africains n’excellant point dans l’art d’allier l’acte à la parole, sur quoi reposerait la singularité du Gabon à vaincre « le signe indien » ? Et même si, par extraordinaire, le président gabonais parvenait, malgré les antécédents et la chape de plomb qui étouffe le vieux « berceau de l’humanité », peut-on pour autant affirmer que le discours de Paris tienne réellement compte des acquis et des enjeux du pays en termes juridiques, politiques, économiques et sociaux ? Existe-t-il une estimation chiffrée du coût des coupes sombres exécutées dans le corps social sous couleur des réformes audacieuses exigées par un appareil étatique et administratif inopérant ?

 

Les « grincements de dents » consécutifs au dégraissage de ce mammouth qu’est devenu l’Etat ne risqueront-ils pas de dégénérer en un « bras de fer » entre le Pouvoir et une bonne partie de la Nation ?Au lieu de conclure à un Wait and see aussi improductif qu’inapproprié, on va s’essayer à une brève analyse des questions précédemment posées.

 

On perçoit d’emblée la nécessité d’une réflexion équilibrée en deux mouvements, car les tentatives de réponse aux préoccupations qui taraudent aujourd’hui les esprits impliquent un examen nuancé des points saillants du projet présidentiel (I). En effet, il se dégage du discours du 21 Novembre, qu’en exposant avec ferveur sa vision politique devant la diaspora, le Chef de l’Etat gabonais a également mis en lumière les apories du concept de l’Emergence (II).  

 

I-Les points saillants du projet présidentiel

En inscrivant son discours dans le continuum de son programme de campagne, le Président de la République tient un discours éminemment volontariste devant un parterre d’étudiants, stagiaires, hommes d’affaires et officiels venus nombreux pour la circonstance. Le souci de donner, à brule-pourpoint, une réponse satisfaisante aux revendications de la diaspora amène le Chef de l’Etat à commencer son propos par la question de la gestion concertée des flux migratoires et du développement solidaire (I-1). Dans un second temps, il est fait un exposé passionné du nouvel agenda politique du Gabon (I-2). 

 

 I-1 :La question de la gestion concertée des flux migratoires et du développement solidaire

L’adoption de nombreux arrêtés préfectoraux enjoignant les étudiants gabonais à quitter sans ménagement le territoire français nourrit le sentiment d’une application à deux vitesses des traités engageant la France et le Gabon. La diaspora soupçonne ainsi l’Accord bilatéral sur la gestion concertée des flux migratoires et le développement solidaire du 5 Juillet 2007 d’être appliqué de manière inéquitable. Alors que les Français entrant, résidant et travaillant en territoire gabonais bénéficient d’un traitement privilégié, il semble que la réciproque n’est pas réservée aux Gabonais en territoire français.

En prenant la parole, à ce propos, le Chef de l’Etat assure l’assistance de sa volonté de revitaliser cet Accord, afin que des comportements qui peuvent être interprétés comme atteintes à la dignité des Gabonais soient rectifiés et améliorés. C’est la raison pour laquelle le Président de la République tient à rappeler les obligations des pouvoirs publics envers les expatriés (A) ainsi que les devoirs des citoyens émigrés à l’égard de l’Autorité (B). 

 

A-Les obligations des pouvoirs publics envers les expatriés

Le Gouvernement gabonais a l’obligation de protéger ses ressortissants en dehors du territoire national. L’article premier, alinéa 9 de la Constitution est claire à ce sujet : « Tout citoyen gabonais séjournant ou résidant à l’étranger bénéficie de la protection et de l’assistance de l’Etat, dans les conditions fixées par les lois nationales ou les accords internationaux ». Telle est, notamment, la fonction des missions diplomatiques et consulaires.

 

 Aussi, l’assurance donnée par le Président BONGO ONDIMBA à ses administrés de la diaspora à Paris met-elle sur la place publique la nécessité, pour chaque citoyen gabonais, de se munir d’une carte consulaire. Elle est, en territoire étranger, le complément indispensable au passeport mais qui assure à l’immigré des possibilités de protection plus élargies La carte consulaire est donc censée protéger les ressortissants d’un Etat des risques d’abus, de bavure, de brutalité et des traitements dégradants ou inhumains à l’extérieur.

 

En conséquence, une campagne de sensibilisation et d’information doit-elle être menée à l’endroit des concitoyens qui n’en auraient ni entrepris cette démarche, ni connaissance de l’intérêt que revêt la carte consulaire.En outre, le Chef de l’Etat a tenu à rassurer l’assistance sur sa détermination à saisir son homologue français sur le respect des Conventions bilatérales et la préservation de la dignité des Gabonais dans la mise en œuvre des politiques d’immigration et d’emploi de leur pays d’accueil ou d’adoption. Il a donc promis répercuter les préoccupations de la diaspora « à qui de droit ».

 

C’est à cet effet que le Président de la République invite les autorités françaises au respect des droits des Gabonais émigrés, conformément à l’Accord bipartite du 5 Juillet 2007. Il s’agit tout particulièrement du chapitre 2, dont l’article 2 prévoit dans ses deux premiers paragraphes la possibilité pour les étudiants ayant achevé leur cursus, de postuler en vue d’un premier emploi et de bénéficier ainsi d’une autorisation provisoire de séjour de neuf (9) mois, renouvelable une fois.

 

Si les cas d’expulsion du territoire français font davantage de bruits et donnent le sentiment d’une application à la carte de l’Accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement, il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de Gabonais est aisément autorisé à séjourner en France après des études régulièrement suivies dans des établissements habilités à délivrer un diplôme national.

 

En Lorraine, par exemple, l’année 2008 enregistre un taux de satisfaction considérable à propos des demandes d’autorisation provisoire de séjour (APS) déposées auprès de la Préfecture de Meurthe-et-Moselle.Il est vrai que le Gabon n’a pas attendu la conclusion dudit Accord ou son entrée en vigueur, pour réserver une place de choix aux Français sur son territoire national. Mais les efforts des deux Parties méritent d’être soulignés et encouragés, dans des matières aussi complexes que l’immigration et le marché du travail.

 

Toutefois, quand bien même ils séjourneraient ou résideraient à l’étranger, les citoyens gabonais n’ont pas que des droits à mettre en relief. Ils sont aussi astreints à une série de devoirs à l’égard de l’Autorité., quelle qu’elle soit. 

 

B-Les devoirs des citoyens expatriés à l’égard de l’Autorité

Qu’il s’agisse de la législation gabonaise ou française, le Chef de l’Etat a clairement rappelé aux Gabonais de la diaspora leurs devoirs vis-à-vis de l’Autorité.Le titre préliminaire de la Constitution du 26 Mars 1991, qui traite des principes et droits fondamentaux, reconnaît les obligations de l’Etat en matière de reconnaissance et de garantie des droits et libertés civils et politiques du citoyen.

 

Cependant, cette responsabilité mise à la charge de la Puissance publique est assortie de deux principes tout aussi fondamentaux, portés à la charge du citoyen : le respect de l’Ordre public et de la souveraineté nationale. Pour ce qui concerne l’ordre public, on en trouve des cas de préservation en matière d’exercice des libertés de conscience, de pensée, d’opinion, d’expression, de communication et de culte (article C. premier, al. 2) ; de liberté de mouvement à l’intérieur du territoire national (article C. premier, al. 3) et de logement (article C. premier, al. 11 et 12).

 

Le respect de ce principe d’œcuménisme du Droit Public se combine avec celui de la souveraineté nationale dans l’expression du droit de se constituer en associations de la société civile, à caractère politique, syndical, commercial ou social et religieux (article C. premier, al.13).A ses devoirs d’ordre juridique, M. BONGO ONDIMBA exhorte les membres de la diaspora à adopter une éthique qui mette en honneur la parfaite citoyenneté et la bonne moralité du Gabonais à l’étranger :

 

« Quand on vous voit quelque part en France, au milieu d’autres communautés, il faut qu’on dise : Voila un Gabonais ! »

 

Cet appel à l’élégance, à tout point de vue, doit-il être entendu comme la voie ouverte à la définition de l’identité gabonaise ? Cette question est trop importante pour nécessiter une page de réflexion complète et dans un cadre tout à fait différent (on y reviendra).

 

Néanmoins, il ne fait aucun doute dans l’esprit des participants à la causerie citoyenne de Paris, que le Président de la République fit appel à nos devoirs de citoyens. Mieux encore, de citoyens modèles !   

 

Conclusion du point I-1 : Malaise sur le suivi de l’Accord de Libreville par la Partie gabonaise ?

Le discours du Chef de l’Etat ne fait preuve d’aucune complaisance à l’endroit des partenaires français et de la diaspora gabonaise en France. Parallèlement aux obligations des autorités, il faut aussi combiner droits et devoirs des citoyens pour parvenir au respect ou au sentiment d’application équitable et réciproque de l’Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement.

 

 Cependant, la question centrale n’est pas celle de la réciprocité. De ce qu’il ressort du sentiment diffus de non-respect de la Convention franco-gabonaise, le « citoyen lambda » se demande si la Partie gabonaise s’emploie réellement au suivi de l’Accord de Libreville. La question n’est pas anodine et anecdotique.

 

Aussi, en l’absence d’éléments probants relevant de la législation gabonaise, je me bornerai à rappeler que du côté français, on dénombre deux actes réglementaires de suivi dudit accord. Je pense, d’une part, au décret n°2008-900 du 3 Septembre 2008 portant publication de l’Accord de 2007 dans les organes de diffusion officielle ; et, d’autre part, au décret n°2009-477 du 27 Avril 2009 modifiant les termes de cet accord sur certains types de visas d’une durée supérieure à trois (3) mois.

 

La Nation est donc en droit de demander au Gouvernement : où en sommes-nous avec le suivi d’un texte conventionnel dont dépendent cette formation d’élite tant proclamée par les pouvoirs publics, l’intégration en règles des ressortissants gabonais désireux de s’installer en France et « l’atterrissage en douceur » de ceux qui souhaitent repartir au Gabon ?

 

La réponse à cette préoccupation est, sans doute, à rechercher dans le nouvel agenda politique décliné par le président de la République, Chef de l’Etat dans la seconde partie de son discours de Paris. 

 

I-2 : Le nouvel Agenda politique du Gabon

Entre le 17 Août 1960, date d’accession du Gabon à la souveraineté nationale et internationale, les gouvernement successifs ont multiplié, avec des fortunes diverses, les slogans susceptibles de porter au firmament les efforts de développement politique, économique, social et spirituel de la Nation. On se souvient encore de la Rénovation, du Progressisme démocratique et concerté, du Changement des mentalités puis du Nouvel Elan , de la Relance et, interrompu par la mort de l’ancien Président, du projet dits des Actes pour le Gabon, qu’un certain nombre d’associations avaient intégré dans leur programme d’activité. En écoutant le discours du 21 Novembre, on note un retour aux promesses du passé à travers l’idée de Changement des mentalités (A), entendue ici comme pré-requis à la construction d’un « Gabon émergent » (B).  

 

A-Le Changement des mentalités

Tout comme son illustre prédécesseur, qui invoqua un changement des comportements civiques et des méthodes de gestion des responsables administratifs des secteurs publics et privés afin de faire face à la conjoncture internationale des années 1980, le nouveau président de la République gabonaise invite au changement des mentalités.

 

Cet appel s’adressant aussi bien à la diaspora gabonaise qu’aux citoyens du terroir, se veut comme un appel au sursaut patriotique.Aux dires du Chef de l’Etat, les premières mesures de ce changement ont commencé avec la réduction des charges de l’Etat. A ce titre, on peut dénombrer comme actes du changement impulsé par l’Exécutif : la suppression de certaines fonctions attachées au cabinet présidentiel, aux départements ministériels et à d’autres administrations publiques et privées.

 

On ajoute également à ce mouvement que le président gabonais inscrit sous le sceau de la « réforme », l’audit réalisé sur les fonctionnaires et, conséquemment, sur la masse salariale de l’Etat. Le phénomène des « fonctionnaires fantômes » sévissant depuis une vingtaine d’années dans notre pays, son traitement efficace et global sont des preuves d’une quête de l’autorité de l’Etat, de l’égalité des citoyens devant les charges publiques et d’espérance pour les nombreux concitoyens qui frappent nerveusement à la porte de l’Administration.

 

Par ailleurs, en faisant allusion au refus des « CV » de complaisance pour les juteux postes les ministères de souveraineté (Finances et économies, Affaires étrangères, notamment), le Chef de l’Etat exprime la volonté de mettre également fin à certaines nominations qui ont tant alimenté la controverse au Gabon. Ainsi, la diaspora est-elle prévenue des nouvelles dispositions devant désormais présider au recrutement et à l’embauche des cadres de l’Etat.

 

Certains citoyens obstinés l’ont appris à leurs dépends, car leurs dossiers ont purement et simplement été rejetés dans les conciliabules privés ayant suivi la rencontre avec le président de la République.Les ressortissants gabonais de France accueillent avec satisfaction cette dynamique.

C’est à ce prix, et à ce prix seulement que peut être envisagée la construction d’un pays émergent. 

 

B-La contruction d’un « Gabon émergent »

Si le Gabon n’a pas inventé la roue, le concept de l’émergence (infra : point II) semble néanmoins obéir à une domestication, quant à ses propagation, conception et mise en œuvre. Les rencontres initiées par le Président de la République à Rome, Londres, et Paris où elles ont atteint leur point d’orgue, visent à informer et sensibiliser l’opinion gabonaise extérieure de l’avènement d’une nouvelle ère dans notre projet de développement.  

En aval du point fait antérieurement à ce sujet par le Secrétaire Général-adjoint du Parti démocratique gabonais, il importe de restituer l’idée du « Gabon émergent » que porte le Chef de l’Etat, à l’aune du discours du 21 Novembre. En effet, le concept de l’émergence, qui se recoupe d’ailleurs avec l’exigence de changement de mentalités, est globalement sous-tendu par le primat de la compétence (a), de la diversification des recettes publiques (b) et de la compétitivité dans l’économie numérique (c). 

 

 (a)-Le primat de la compétence

Le discours du président de la République à l’attention de la diaspora met l’accent sur le critère de la compétence, pour espérer obtenir un emploi dans les secteurs publics et privés du pays. Le Chef de l’Etat fait ainsi l’apologie de l’amour du travail et de l’excellence, à quelque emploi que ce soit. Il a, pour illustrer la dynamique qu’il entend instaurer, évoqué l’image du meilleur employé; que l’on soit balayeur de rue ou chauffeur ; cadre d’entreprise ou fonctionnaire. On aurait vraiment cru entendre les propos de Douglas MALLOK, rendus célèbres par le Dr KING :

 

« Si tu ne peux être pin au sommet du coteau,

Sois broussaille dans la vallée.

Mais sois la meilleure petite broussaille

Au bord du ruisseau.

Sois buisson, si tu ne peux être arbre.

Si tu ne peux être route, sois sentier.

Si tu ne peux être soleil, sois étoile… »

 

Cet hymne à la compétence et à l’excellence est tout entièrement fondé sur les mérites de chaque Gabonaise et Gabonais, indépendamment de leurs formations et cursus personnels. Il repose sur la valeur intrinsèque : « Sois le meilleur, quoi que tu sois ! » .

 

Tel esprit participe autant du changement des mentalités (rejet des complexes et de la stigmatisation) que de l’accroissement des ressources humaines de la Nation et des recettes de l’Etat. 

 

(b)-La diversification des recettes publiques

Le Chef de l’Etat a, dans son discours du 21 Novembre, exécuté une autre vibration du « Gabon émergent », à travers un certain nombre de mesures relatives aux matières premières de notre pays. Il en est ainsi de la décision de traiter le bois, le fer et le manganèse sur place, afin de lui donner une valeur ajoutée à l’exportation. Ceci constitue une immense source de revenus pour les recettes publiques et un mouvement démultiplicateur d’emplois et de souveraineté économique.

 

Avec le programme « Gabon vert », les économies réalisées sur la préservation et le renouvellement des forêts ; la promotion de l’éco-tourisme et l’hôtellerie ; l’action visant à rendre navigables nos principaux cours d’eaux, l’après-pétrole peut être amorcé avec enthousiasme et sérénité. A propos du pétrole d’ailleurs, la réduction de l’émission des gaz à effet de serre produits, nuit et jour, par l’arrêt des torchères off shore contribue de manière décisive à cet ethos politique naissant.

 

Aux recettes engrangées par les ressources naturelles, le président de la République entend également ajouter celles résultant des performances de la Nation dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. 

 

(c)-La compétitivité du pays en matière d’économie numérique

A l’instar de la France, qui adopte la Loi n°2004-575 du 21 Juin 2004 relative à la confiance du pays dans l’économie numérique, le Gabon veut aussi relever le défi des nouvelles technologies.

 

Il est vrai que nous ne bénéficions pas de l’impulsion motrice d’un acte supranational telle que la directive 2000/31/CE pour les Etats membres de l’Union européenne. Mais la détermination des plus hautes autorités à mettre les moyens dans la formation, l’éducation et l’émulation de la collectivité est un prodigieux atout pour s’investir efficacement dans ce chantier.

 

Dans le sillage de l’économie numérique, le Chef de l’Etat voudrait donner une formidable impulsion aux services privés et publics. Il s’agit, notamment, du commerce et de l’artisanat ; de la boulangerie et de la coiffure ; de la plomberie et des assurances. Il s’agit également de la restauration et de l’informatique ; de l’imprimerie et des métiers de la banque. Plus qu’un effort de compétitivité, M. BONGO ONDIMBA fait le vœu de faire du Gabon « le numéro I » d’un secteur déterminé, ce qui implique une formation et des diplômes les plus élevés pour que les Gabonais accèdent à la performance, à l’excellence.

 

Telle est, grosso modo, la trajectoire du « Gabon émergent » tracée le 21 Novembre 2009. 

 

Conclusion du point I-2 : Emergence, chemin de la Puissance ?

Au regard de ces éléments, présentés à la diaspora gabonaise de France, il y a lieu de se demander si le concept de l’émergence vise à conduire le Gabon vers la Puissance, ou s’il s’agit simplement d’un effort de rattrapage du retard abyssal concédé à la mauvaise gouvernance depuis des décennies. Il est certainement tôt d’en tirer les conclusions ou d’en extraire des comparaisons.

 

Mais il convient d’accorder le bénéfice du doute au nouveau Pouvoir en relevant, néanmoins, les paradoxes que ce concept dit de l’Emergence ne manque pas de révéler.  

 

II-Les apories du concept de l’Emergence

Est entendue comme aporie, une « difficulté d’ordre rationnel paraissant sans issue » . Ce terme a pour synonymes : paradoxe et antinomie [Voir Le Petit Robert, Nouvelle Edition, 1993, p.112]. A son caractère rationnel peuvent être ajoutées quelques contradictions d’ordre pratique. En effet, en réécoutant, du fond de l’âme, le discours du 21 Novembre, on ne peut s’empêcher de relever quelques paradoxes.

Même si le Chef de l’Etat s’est exprimé en faveur de toutes les couches de la population, des dérapages caractérisés par la captation des meilleurs emplois par l’élite scolarisée sont à craindre. Les esprits chagrins commencent d’ailleurs à stigmatiser l’idée du « Gabon émergent », suite à la nomination de certains concitoyens sous-diplômés. La mise en œuvre de ce projet risque donc, à mon avis, de conduire à un divorce programmé entre élites et masses populaires (II-1). Ce sentiment est, en partie, nourri par le défaut de bilan du régime antérieur (II-1). 

 

II-1 : Le divorce programmé entre élites et masses populaires

Les intellectuels et les diplômés ayant l’esprit fécond en matière d’instrumentalisation des concepts à leur avantage, celui du « Gabon émergent » risque de ne pas échapper à cette tentation. L’enthousiasme des Gabonais de la diaspora, majoritairement constitués de diplômés, à l’exposé des nouvelles mesures politiques prises par le Chef de l’Etat montre à quel point l’annonce d’un divorce entre élites et masses populaires est plausible. Aussi, par « Gabon émergent », peut-on craindre l’émergence d’un nouveau dieu : le Surdoué-surdiplômé (A) ; et l’émergence d’une nouvelle déesse : l’Excellence (B). 

 

A-L’émergence d’un nouveau dieu : le Surdoué-surdiplômé

L’un des reproches faits aux régimes africains, notamment aux premiers régimes de la République gabonaise, c’est d’être dirigés par des personnalités sous-diplômées. L’accession au pouvoir d’un Docteur en Droit au Gabon et la volonté de celui-ci de faire de la compétence, du talent et de l’excellence le critérium de promotion sociale, peuvent avoir pour conséquence un pouvoir essentiellement détenu par le Surdoué-surdiplômé.

 

 La vague des Conseillers et Chargés de Missions nommés à la présidence de la République en attestent la crainte, car le cursus des personnalités désignées à ces postes se distingue notablement du personnel anciennement en poste à ces responsabilités.Ne serait-ce qu’un effet d’optique ou une interprétation erronée de la dynamique de l’Emergence ? Je ne demande qu’à me tromper. Mais l’idée d’émergence évoque, par analogie, l’apparition et l’élévation au-dessus d’un point défavorisé plutôt favorables à la jeunesse et surtout aux jeunes suffisamment formés.

 

C’est pourquoi, il est fort à craindre l’émergence d’un nouveau dieu célébré en la personne du surdoué surdiplômé, tant il dispose des meilleurs atouts pour faire valoir ses compétence et le talent.

 

L’exposé du principal moteur de l’Emergence, qu’est l’excellence accentue d’ailleurs ces appréhensions suscitées par un concept bateau, dont la mise en œuvre ne manquera pas de provoquer des malentendus et de produire des déshérités. 

 

B-L’émergence d’une nouvelle déesse : l’Excellence

De même qu’il ya lieu de modérer les appels à la compétence, au talent et à la formation de pointe, il faut également prévoir des garde-fous pour la notion d’excellence, qui risque d’être célébrée comme une nouvelle déesse.

 

 Le Gabon n’ayant pas encore de « José Bové » (paysan diplômé et engagé, député européen), il est illusoire de penser que l’excellence permettra la promotion sociale des planteurs, chasseurs, pêcheurs ou des personnes non-scolarisées au même titre que les surdiplômés.

 

Or, les catégories sociales défavorisées constituent la majorité de la population ; laquelle n’a aucune chance de remporter le combat qui va bientôt l’opposer aux élites. A moins de consommer, sans autre forme de procès, le divorce inévitable qui point à l’horizon avec ces dernières. 

 

Conclusion du point II-1 : Jeunes loups et animaux politiques

Le concept de l’Emergence, nonobstant sa vocation fédératrice, est une porte ouverte aux ambitions des « jeunes loups » et des « animaux politiques », qui y trouveront forcément matière à s’accaparer les leviers du pouvoir. L’élection du nouveau président de la République coïncidant avec la fin de l’élite post-indépendance, ouvre à une compétition qui risque d’être rude entre les diplômés et super-diplômés des grandes écoles et universités nationales et étrangères.

Sinon, comment survivre, lorsque l’acceptation du curriculum vitae ne se limitera plus à la simple formalité d’un diplôme ? Les efforts de réponse à cette question ne manqueront pas d’ouvrir l’appétit des jeunes militants ou jeunes diplômés, qui frappent déjà aux portes de l’appareil étatique.C’est à ce niveau que le paradigme de « Gabon émergent » met en lumière sa plus sérieuse aporie.

Alors que le projet de gouvernement brutalement interrompu par la mort du Chef de l’Etat préconise de « rassembler toutes les intelligences, toutes les bonnes volontés, toutes les énergies » [Voir Omar BONGO ONDIMBA, Mon Projet, des Actes pour le Gabon, Synthèse, Multipress Gabon 4676/05, 2005, p.7], l’adoption d’un nouveau projet de société arrimé à l’excellence sonne, soit comme un désaveu de la précédente initiative, soit comme une volonté d’en dissimuler la parenté.

Un bilan de celle-ci eût-il donc permis d’élucider les contours et la portée du projet en cours. 

 

II-2 : Le défaut de bilan du régime antérieur

La politique et, plus particulièrement, la fabrication d’un pays émergent, est une ingénierie. Et comme tout protocole d’ingénierie, la proclamation ou l’adoption d’un plan de gouvernement et de développement qui, de surcroît, se veut novateur, doit absolument se soumettre à un état des lieux pour identifier les enjeux et fonder ses objectifs dans une perspective d’évolution ascendante. Ceci ne semble pas être le cas du programme « Gabon émergent ». Non seulement, le concept de l’Emergence consacre le destin tragique des « Actes pour le Gabon » (A), mais il met d’autant en marge les besoins vitaux de la population gabonaise (B). 

 

A-Le destin tragique des « Actes pour le Gabon »

En sa qualité d’ancien Ministre du précédent Gouvernement, l’actuel Chef de l’Etat aurait rassuré les couches les plus fragiles et précaires de la population par un bilan du projet de son prédécesseur : les Actes pour le Gabon. Cette approche aurait permis de situer l’articulation entre ce qui est acquis, ce qui a été moins réussi et ce qui reste à réaliser, car le mandat de l’Exécutif précédent se serait achevé en 2012.

 

Pourquoi le président de la République, qui plus est digne héritier de son prédécesseur, ne s’emploie-t-il pas à achever le projet politique que la mort vient injustement d’arracher à son père ? Ce projet était-il dépassé, trop ambitieux ou irréaliste ? Qu’à cela ne tienne, dans quel état le précédent mandat aurait-il donc été consommé ?Telles sont les questions que se posent, de plus en plus, le citoyen lambda dans sa quête d’assurance, d’espérance et de visibilité des projets de société de nos dirigeants.

 

Les cinq (5) piliers des Actes pour le Gabon n’ayant pas trouvé satisfaction, il est essentiel de s’interroger sur la pertinence d’un autre plan de développement pour notre pays. En effet, le projet antérieur est fondé sur des programmes tout aussi porteurs d’un « Gabon émergent ». A en juger par la création d’ « une croissance soutenue et durable génératrice de milliers d’emplois », dont les points focaux sont l’ambition d’occuper le premier rang mondial dans la production du manganèse et du fer puis la gestion durable de nos ressources naturelles, les services et l’écotourisme.

 

Dans le précédent projet, on note également, l’arrimage des services sociaux aux « Objectifs du Millénaire » élaborés par l’Organisation des Nations Unies (ONU), la responsabilisation de la femme comme agent de développement de premier plan, la prise en charge de la jeunesse en tant qu’avenir du pays et le renforcement de la bonne gouvernance et de la démocratie participative à travers une décentralisation plus ambitieuse [ Omar BONGO ONDIMBA, Mon Projet, des Actes pour le Gabon, Multipress, Op.cit., pp.8-15].

 

Mettre sous le boisseau d’aussi grandes idées pour les remplacer par une apologie de la compétence et de l’excellence peut laisser songeur.Or, en faisant clairement le bilan de ce projet, le citoyen pourrait se forger sa propre opinion de la portée du nouveau discours, pour en avoir, justement, entendus beaucoup dans le registre politique depuis un demi-siècle d’indépendance.

 

Ce regret ne signifie nullement que « le Gabon du futur » proclamé par l’ancien gouvernement ait connu plus de succès que le « Gabon émergent ». Mais il souhaite attirer l’attention des décideurs sur l’impérieux travail d’état des lieux devant précéder tout projet de société.

 

La méthode de bilan, surtout lorsqu’arrive à la Magistrature suprême un collaborateur de l’ancien Pouvoir, aurait eu le mérite de s’attaquer essentiellement aux besoins vitaux de la population gabonaise. 

 

B-La mise en marge des besoins vitaux de la population gabonaise

A force de trop vouloir élever les débats ou faire « émerger » le Gabon, les gouvernants prennent le risque d’être mal ou pas entendus par le Peuple. C’est pourquoi la nécessité d’un bilan a également le mérite de mettre l’accent sur les problèmes pratiques auxquels les populations font face au quotidien, et depuis bien longtemps. Il s’agit notamment de l’équation de l’eau potable (a), du casse-tête de l’habitat indécent (b) et de l’humiliation de la malnutrition (c). 

 

(a)-L’équation de l’eau potable

Le Gabon, a-t-on coutume de dire, est un « pays béni de Dieu (ou des dieux ?) ». Mais il apparaît le singulier paradoxe de compter dans ce paradis, autant de débauche d’énergies ! Tandis que nos voisins et frères de l’Afrique de l’Ouest et de l’Est souffrent pour creuser des puits au résultat improbable, notre pays comprend un éventail de ressources hydrauliques scandaleux.

 

Le problème, c’est qu’en dépit des apparences (l’« eau claire » chantée par Pierre-Claver Akendengue dans sa Maladalité), ces eaux sont toutes non potables et infestées de parasites ! En effet, hormis les villes, où tous les foyers n’ont d’ailleurs pas l’eau courante, la plupart d’entre nous boit l’eau des marigots, des ruisseaux, des rivières, qui est tout simplement impropre à la consommation.

 

Les conséquences, malheureuses et dramatiques, sont bien connues du gouvernement : bilharziose, amibiase et divers parasites, qui provoquent des hématuries, des stérilités chroniques, des coliques néphrétiques. Aussi, pensons-nous que l’équation de l’eau potable aurait dû être prise à bras le corps par les nouvelles autorités dans la fabrication d’un pays émergent.

 

Il en est de même des habitations mal loties, qui pourfendent la fierté des Gabonais malgré les immenses ressources que brasse l’Etat. 

 

(b)-Le casse-tête de l’habitat indécent

Une autre préoccupation, qui mérite d’être érigée aux rangs des objectifs prioritaires de la nouvelle politique, c’est l’éradication de l’habitat indécent qui fleurit à travers le Gabon. Notamment à Libreville, supposée être la vitrine du pays. Mais ce mal frappe, en réalité, l’ensemble du territoire national. Les taudis du quartier Mamadou (Masuku) sont aussi insalubres et non-équipés que les baraquements de M’bolo (Makokou) et les bicoques de Dragon dans les bas-fonds de la capitale.

 

Faire "émerger" le Gabon devrait donc consister, en priorité, à « sortir » les compatriotes concernés de cet environnement déshumanisant.Il est vrai que l’objectif de construction de 5 000 logements par an, proposé par le candidat du Parti démocratique gabonais à l’élection présidentielle est séduisant.

 

Mais il faut une politique globale d’urbanisation, d’assainissement et d’aménagement du territoire plus offensive et placée au cœur de la félicité des Gabonais.Vivre à la capitale dans une maison dont les sanitaires sont implantés dans la cour des voisins, dans une poubelle ou dans les marrais, c’est perdre toute dignité et renoncer aux plus précieux attributs de cette civilisation que nous avons hâte de mériter par la sophistication.

 

Le caractère préhistorique de l’habitat populaire gabonais est également dû aux difficultés de couverture du territoire national en électricité. Hormis certaines régions comme le Woleu N’tem (notamment l’axe Oyem-Bitam), le Haut-Ogooué et l’Estuaire, la plupart des provinces du pays s’éclaire à la lampe à huile et cuisine au feu de bois.

 

Un programme ambitieux d’électrification par l’utilisation d’énergies propres tel que le panneau photovoltaïque, dont nous avons la source à foison, aiderait des centaines de milliers de familles à « émerger » de cette obscurité.

 

En somme, les commentaires résultant de l’insuffisance d’électrification, de l’habitat indécent et de l’eau non potable, amènent à mettre également en exergue ce mal chronique et humiliant qu’est la malnutrition. 

 

(c)-L’humiliation de la mal nutrition

Non seulement la dépendance alimentaire dans laquelle se complaît le Gabon, en dépit d’une nature généreuse est la dépendance la plus servile pour une Nation, mais une humiliation supplémentaire est infligée aux populations à travers la malnutrition.

 

Les images montrant les aliments (plantain, manioc, tomate, gibier) flottant dans des eaux usées et la boue au cœur des marchés librevillois sont d’une cruauté inadmissible. Ainsi, habitués à manger des aliments de qualité non contrôlée, les populations en arrivent même à déterrer les produits avariés jetés par les commerçants dans les décharges et ravins du pays.

 

Au regard du défaut ou de l’insuffisance des organismes de protection des consommateurs, il n’est d’ailleurs pas certain que les produits écoulés dans les grandes surfaces de distribution soient d’excellente qualité, tant ils voyagent entre contenairs, camions frigorifiques, rayons ou étalages des marchés et congélateurs des particuliers. Telles sont les questions pour lesquelles les populations attendent un « changement de mentalité », une « réforme » et l’ « excellence » dans la gestion des affaires publiques.

 

Les diplômés ne sont et seront nullement menacés quant à leur ascension sociale. Le plus urgent, c’est de soutenir les segments les plus fragiles de la population. Le Gabon laisse quand-même derrière lui l’image ubuesque d’un pays pauvre, dont le Ministre concerné a tout de même publiquement déclaré ne rien savoir du chapitre vers lequel affecter l’excédent des recettes publiques dues à la hausse du prix du baril de pétrole !

 

C’est dire combien les chantiers ne manquent pas dans ce pays, et combien le concept de l’Emergence risque de se détourner des priorités ou, pis encore, d’être détourné au profit d’une élite politique, intellectuelle et économique de plus en plus diplômée. 

 

Conclusion du point II-2 : « Brouillard vert et écran de fumée » ? [Voir Gérard SINDT, Le plaisir et la peur, Le Centurion, Op.cit., p.109]

Le défaut de bilan, à mi-mandat, du projet « des Actes pour le Gabon » peut apparaître au prisme du volet écologique du « Gabon émergent », comme une sorte de « brouillard vert », dont la finalité ne serait qu’une gigantesque opération de marketing.

De la même façon, les mesures apaisantes portant sur l’austérité de l’administration publique et du secteur privé semblent n’être qu’un « écran de fumée », les vrais enjeux du Gouvernement étant ailleurs.Même si la politique est devenue un formidable marché de communication rien, en l’état, ne permet cependant d’affirmer que le discours du Chef de l’Etat ne vise qu’à agréger le plus grand nombre des citoyens à son action.

 Ce qui s’apparente à une occasion manquée, c’est de n’avoir pas tiré partie du projet de gouvernement de son prédécesseur pour soigner enfin ces plaies infectées que sont l’insuffisance d’eau potable, l’habitat insalubre, la dépendance alimentaire et la malnutrition.  

 

Conclusion : Comment et avec qui joindre l’acte à la parole ?

L’Afrique a entendu de beaux discours et vécu de bonnes intentions de développement telle que l’Authenticité, au Zaïre. L’état chaotique dans lequel la République démocratique du Congo a succédé au Zaïre se passe de commentaire sur les succès de ce projet. Le Grand « tam-tam d’Afrique » n’a conservé comme échos à travers et au-delà du continent que la rumba et le « ndombolo ». Les fusées zaïroises n’ont jamais décollé. Le réacteur nucléaire zaïrois est dans un état de déliquescence propre à en faire oublier l’existence.

Et pourquoi ces échecs ? Parce que les besoins les plus fondamentaux de la population furent sacrifiés au profit des « plans tirés sur la comète » : le Peuple a besoin de pain ou de manioc sain, d’une maison décente, d’un hôpital gratuit et équipé avec du personnel compétent, d’une école structurée.

Tout le reste n’est que débats d’intellectuels, pertinents aux seules oreilles des bailleurs de fonds et des détenteurs de capitaux étrangers, qui soutiennent le Gabon « comme la corde soutient le pendu » !

Or, si l’on s’en tient au protocole des « Pays émergents », le Gabon devrait commencer par domestiquer les capacités de production des produits de première nécessité sur son territoire afin de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’étranger. Et pour y arriver, des politiques ambitieuses en matière d’unité nationale, de natalité et d’immigration sélective doivent être prises pour résorber l’infirmité de la sous-population.

Un marché intérieur aussi étroit ne peut produire qu’à perte. A moins d’en faire répercuter la charge réelle sur le consommateur en augmentant les prix pour amortir ou récupérer les coûts de production ; ce qui posera, fatalement, le problème du pouvoir d’achat.

Je suis persuadé que le Gabon peut réaliser son rêve de grandeur et de prospérité, à condition de compter d’abord sur lui-même par une association habile de toutes ses forces et intelligences.

 

L’appel aux partenaires et autres investisseurs extérieurs ne doit nullement obérer notre capacité à maîtriser parfaitement les leviers de notre économie, de nos services publics et privés y compris ceux relevant de l’économie numérique. Il n’est pas question, après cinquante (50) ans de culture d’indépendance, de nous attacher les services d’un nouveau « Maître ».

 

    Arthur BENGA NDJEME : Nancy, le 28 Novembre 2009, 23h. 

 


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posté le 19-11-2009 à 23:55:46 GMT +1

JOURNEE INTERNATIONALE DES DROITS DE L'ENFANT

Ville de Nancy: Conférences du 20 novembre 2009

 
18h30_"Droits des enfants et nouvelles technologies"
Salle Mienville de l'Hôtel de Ville
 
Ville de Nancy et Associations du Quartier Charles III: Célébration de la Journée
 
Dimanche 22 novembre 2009
 
14h_18h: 1, rue Didion à Nancy
[Saynettes, lectures, origami, capoeira, atéliers masques]

 
 
 Arthur BENGA NDJEME, Président Association Enfants 2000.
 


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posté le 17-11-2009 à 11:34:39 GMT +1

Actualités du blog AfricaNostrA

Conférence sur l'identité nationale et internationale:
 
Par Vincent FERRY, Université Nancy 2: campus Lettres/Sciences humaines
 
Mardi, 17 Novembre 2009, amphi 052 , 19h30.
 


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