20 juin 2008 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 1 sur 161
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LOIS
LOI no 2008-569 du 19 juin 2008 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement dela République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion
concertée des flux migratoires et au codéveloppement (1)
NOR : MAEJ0774280L
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au
codéveloppement (ensemble trois annexes), signé à Libreville le 5 juillet 2007, et dont le texte est annexé à la
présente loi (2).
La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.
Fait à Paris, le 19 juin 2008.
NICOLAS SARKOZY
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
FRANÇOIS FILLON
Le ministre des affaires étrangères
et européennes,
BERNARD KOUCHNER
(1) Travaux préparatoires : loi no 2008-569.
Assemblée nationale :
Projet de loi no 729 ; Rapport de M. Patrick Balkany, au nom de la commission des affaires étrangères, no 776 ;Discussion et adoption le 10 avril 2008 (TA no 129).
Sénat :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, no 280 (2007-2008) ; Rapport de Mme Catherine Tasca, au nom de la commission des affaires étrangères, no 367 (2007-2008) ;Discussion et adoption le 12 juin 2008 (TA no 115).
(2) Le texte sera publié ultérieurement au Journal officiel de la République française.
N° 776
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 avril 2008.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 729, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au
codéveloppement,
PAR M. PATRICK BALKANY,Député
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION............................................................................................................... 5
I – LE PRÉSENT ACCORD S’INSCRIT DANS LE CADRE D’UNE RÉFLEXION
RENOUVELÉE SUR LES MIGRATIONS ET LE DÉVELOPPEMENT ........................... 7
A. – UNE APPROCHE GLOBALE DES MIGRATIONS ET DU DÉVELOPPEMENT............. 7
1) Une approche renouvelée au niveau mondial ............................................. 7
2) A l’échelle européenne, le cadre fixé par la conférence ministérielle de
Rabat .................................................................................................................. 9
B. – EN FRANCE, LA MISE EN PLACE D’UNE POLITIQUE INNOVANTE DE GESTION
CONCERTÉE DES FLUX MIGRATOIRES ET DE CODÉVELOPPEMENT..................... 10
1) Une stratégie globale de codéveloppement................................................. 11
2) Un dialogue approfondi en matière de gestion des flux migratoires ........ 12
II – FONDÉ SUR DES RELATIONS FRANCO-GABONAISES ÉTROITES, CET
ACCORD INAUGURE UNE NOUVELLE FORME DE PARTENARIAT......................... 13
A. – LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LE GABON SONT ANCIENNES ET
DENSES.................................................................................................................... 13
B. – UNE DIMENSION NOUVELLE : LA GESTION CONCERTÉE DES FLUX
MIGRATOIRES ET LE CODÉVELOPPEMENT ............................................................ 14
1) Favoriser la mobilité des compétences......................................................... 14
2) Renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration
clandestine......................................................................................................... 15
3) Soutenir les actions de codéveloppement.................................................... 16
CONCLUSION .................................................................................................................. 17
EXAMEN EN COMMISSION............................................................................................ 19
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Mesdames, Messieurs,
Le 5 juillet 2007, la France et le Gabon ont signé un accord relatif à la
gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement. Il s’agit du premier
accord conclu dans le cadre de la nouvelle politique de gestion concertée de
l’immigration, axée notamment sur les pays d’Afrique subsaharienne.
Cette politique a pour objectif de promouvoir une approche globale
prenant en compte à la fois les politiques de développement et de
codéveloppement, l’organisation des migrations légales et la lutte contre
l’immigration irrégulière. Elle s’inscrit, par ailleurs, dans une démarche plus large,
entamée lors de la conférence ministérielle de Rabat en juillet 2006, visant à
mettre en place un partenariat entre pays africains et européens situés tout au long
des routes migratoires. Il s’agit, par cette approche commune, d’apporter des
solutions concrètes, efficaces et durables au défi des flux migratoires.
Dans ce contexte, la question migratoire est appréhendée sous deux
angles : d’une part, l’apport des migrants installés en France à l’économie de leur
pays d’origine ; d’autre part, la régulation des flux migratoires par des
mécanismes de réadmission et d’aide au retour.
Le présent accord entre la France et le Gabon illustre cette approche
dans la mesure où, s’il intègre des préoccupations de sécurité et de maîtrise des
flux migratoires, il vise également à encourager une migration temporaire, fondée
sur la mobilité et sur l’incitation à un retour des compétences dans le pays
d’origine. Enfin, il met l’accent sur le développement du Gabon grâce à la
migration, non seulement à travers l’épargne accumulée par les ressortissants
Gabonais en France mais surtout grâce à la formation qu’ils acquièrent lors de leur
séjour en France.
Votre rapporteur souhaite mettre l’accent sur cette approche innovante
avant de présenter le dispositif institué par le présent accord entre la France et le
Gabon.
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I – LE PRÉSENT ACCORD S’INSCRIT DANS LE CADRE D’UNE
RÉFLEXION RENOUVELÉE SUR LES MIGRATIONS ET LE
DÉVELOPPEMENT
Les migrations internationales constituent une réalité ancienne, qui a
contribué à un enrichissement certain des sociétés mais a aussi entraîné de
profondes mutations de leurs structures. Au fur et à mesure que les marchés du
travail et les sociétés se mondialisent, le phénomène des migrations a pris une
ampleur nouvelle qui le place au coeur des réflexions et préoccupations de la
communauté internationale.
A. – Une approche globale des migrations et du développement
Source d’enrichissement culturel, les migrations peuvent également être
à l’origine de déséquilibres, menaçant la stabilité du tissu économique et social et
susceptibles d’engendrer de fortes tensions. La question des migrations est donc
inséparable de préoccupations de sécurité, de contrôle des frontières et de maîtrise
des flux migratoires. Dans le même temps, il existe une corrélation manifeste entre
les migrations et le développement qui constitue l’objectif prioritaire que les
nouvelles stratégies de codéveloppement entendent promouvoir.
1) Une approche renouvelée au niveau mondial
On estime aujourd’hui à environ 200 millions le nombre de migrantsdans le monde, soit 3 % de la population mondiale. Sur ces 200 millions depersonnes, la moitié se trouve dans les pays de l’OCDE et l’autre moitié dans les
pays en développement. Les pays de l’OCDE accueillent ainsi 100 millions de
migrants, dont 40 millions originaires d’un autre pays de l’OCDE et 60 millions
de pays en développement. Sur ces derniers 60 millions de migrants, 7 millions
sont des Africains, dont la moitié provient d’Afrique subsaharienne et 1,5 million
d’Afrique de l’Ouest.
Le tableau ci-après illustre l’évolution du nombre de migrants
internationaux sur la période 1990 – 2005 et retrace leur répartition par grande
région du monde :
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NOMBRE ESTIMATIF DE MIGRANTS INTERNATIONAUX ET RÉPARTITION PAR GRANDE RÉGION
(1990 – 2005)
Nombre de migrants
internationaux
Augmentation Répartition des
migrants internationaux
(en millions) (en %)
Grande région 1990 2005 1990 - 2005 1990 2005
Ensemble du monde 154,8 190,6 35,8 100 100
Régions développées 82,4 115,4 33,0 53 61
Régions peu développées 72,5 75,2 2,8 47 39
Pays les moins avancés 11,0 10,5 (0,5) 7 5
Afrique 16,4 17,1 0,7 11 9
Asie 49,8 53,3 3,5 32 28
Amérique latine et les Caraïbes 7,0 6,6 (0,3) 5 3
Amérique du Nord 27,6 44,5 16,9 18 23
Europe 49,4 64,1 14,7 32 34
Océanie 4,8 5,0 0,3 3 3
Pays à revenu élevé 71,6 112,3 40,6 46 59
Pays développés à revenu élevé 57,4 90 ,8 33,4 37 48
Pays en développement à
revenu élevé
14,2 21,5 7,3 9 11
Pays à revenu intermédiaire
(tranche supérieure)
24,7 25,7 1,0 16 13
Pays à revenu intermédiaire
(tranche inférieure)
24,8 22,6 (2,2) 16 12
Pays à faible revenu 32,7 28,0 (4,7) 21 15
Source : Migrations internationales et développement – Rapport du Secrétaire général des Nations unies, mai 2006
Ces données montrent que, dans les pays développés, le nombre de
migrants a augmenté de 33 millions entre 1990 et 2005, tandis que dans les pays
en développement, cette augmentation a été d’à peine 3 millions.
Les migrations depuis l’Afrique vers les pays de l’OCDE concernent
principalement les pays d’Europe, en raison des liens historiques et de la
proximité géographique. L’OCDE (1) relève qu’en Europe, l’immigration nordafricaine est très largement supérieure à l’immigration ouest africaine et
subsaharienne en général. Dans les sept pays européens pour lesquels
l’immigration africaine est quantitativement significative, (Belgique, Espagne,
France, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni), les ressortissants nordafricains
sont de loin les plus nombreux, excepté au Royaume-Uni et au Portugal.
(1) Perspectives des migrations internationales – édition 2007.
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Au-delà de ces flux humains, une attention nouvelle est aujourd’hui
portée aux flux financiers qui accompagnent les migrations. D’après la Banque
mondiale, les montants des transferts de fonds des migrants vers leur paysd’origine auraient atteint 232 milliards de dollars en 2005, soit nettement plus
de deux fois les chiffres de l’aide publique au développement (APD) (1).L’importance de ces volumes a conduit à prendre davantage en considération le
rôle des diasporas comme acteurs du développement de leur pays d’origine via,notamment, l’incidence des transferts de leurs épargne sur les économies locales.
Dans cette perspective, des représentants de haut niveau de tous les
Etats membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) se sont réunis, les 14 et
15 septembre 2006, en Assemblée générale afin d’étudier l’un des aspects les plus
prometteurs des migrations, à savoir leur rapport avec le développement. Cette
initiative a mis en lumière un certain consensus sur le fait que les pays peuvent
collaborer afin de rendre la situation avantageuse à la fois pour les migrants, pour
leurs pays d’origine et pour les sociétés qui les accueillent.
Une réflexion similaire a été engagée au niveau européen, qui a
débouché sur le constat d’un nécessaire dialogue entre pays d’origine, de transit et
de destination des migrations. Les efforts désespérés de migrants d’Afrique de
l’Ouest pour entrer clandestinement en Europe par la voie maritime et les pertes
humaines qui en ont été la conséquence ont accéléré la prise de conscience de
l’importance de ce dialogue et de la coopération régionale dans le domaine. Ces
évolutions ont conduit à une première conférence internationale ministérielle sur
la migration et le développement qui s’est tenue en juillet 2006, à Rabat,
réunissant environ 60 pays situés le long des routes migratoires d’Afrique centrale
et occidentale. Une autre rencontre a suivi, en novembre 2006, en Libye en vue de
formuler pour la première fois une approche des migrations commune à l’Union
européenne et à l’ensemble de l’Afrique.
2) A l’échelle européenne, le cadre fixé par la conférence ministérielle
de Rabat
Le présent projet de loi portant approbation de l’accord entre la France
et le Gabon sur la gestion concertée des flux migratoires et le codéveloppement
fait expressément référence à l’esprit de la conférence ministérielle euro-africaine
sur la migration et le développement qui s’est tenue à Rabat, les 10 et 11 juillet
2006.
(1) D’après la Banque mondiale, ces envois de fonds ont plus que doublé au cours de la décennie écoulée
dans la mesure où ils étaient évalués à 102 milliards de dollars en 1995. Une partie importante de ces
transferts emprunte des canaux informels, échappant ainsi à toute évaluation officielle, notamment en raison
du coût des transferts et de la faiblesse du système bancaire dans certains pays.
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Cette rencontre a, en effet, institué un partenariat novateur sur deux
aspects essentiels : d’une part, il s’agissait de la première initiative associant les
pays d’origine, de transit et de destination des flux migratoires autour des routes
migratoires qui relient l’Afrique et l’Europe ; d’autre part, pour la première fois,
les politiques de développement et de co-développement, l’organisation des
migrations légales et la lutte contre l’immigration irrégulière étaient prises en
compte conjointement.
Outre une déclaration finale, un plan d’action a été adopté à l’issue de la
conférence de Rabat afin de donner visibilité et crédibilité à la nouvelle
dynamique née de la tenue de la conférence. Les mesures adoptées concernent la
promotion du développement (mise en place d’instruments financiers favorisant le
codéveloppement, partenariats entre les institutions scientifiques et techniques,
renforcement de la coopération en matière de formation), la migration légale
(établissement de programmes de coopération en matière de gestion de la
migration légale, mesures facilitant la circulation des travailleurs et des personnes)
et, enfin, l’immigration irrégulière (coopération dans la lutte contre l’immigration
irrégulière, renforcement de la capacité de contrôle des frontières nationales des
pays de transit et de départ, coopération opérationnelle policière et judiciaire et
aide aux victimes).
Cette rencontre a été suivie d’une autre conférence ministérielle qui
s’est tenue à Tripoli, les 22 et 23 novembre 2006. A l’issue de cette réunion,
l’Union européenne et l’Union africaine ont adopté la « déclaration de Tripoli »,
stratégie commune visant à tirer le plus grand parti possible des migrations
internationales tandis que le plan d’action contre la traite des êtres humains,
élaboré à Ouagadougou en 2002, était formellement approuvé et intégré à cette
stratégie globale.
Ces avancées font partie intégrante du partenariat sur les migrations, la
mobilité et l’emploi, adopté au Sommet de Lisbonne qui s’est tenu, en décembre
dernier, et conclu par l’adoption d’une stratégie conjointe « Union européenne –
Afrique ».
B. – En France, la mise en place d’une politique innovante de
gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement
Dans le prolongement de ces préoccupations relatives aux migrations et
au développement, notre pays s’est doté, sous l’impulsion du Président de la
République, d’un ministère compétent à la fois pour l’immigration, l’intégration,
l’identité nationale et le codéveloppement. Ce nouveau ministère met en oeuvre
une politique qui envisage la question migratoire sous deux angles : d’une part,
l’apport des migrants installés en France à l’économie de leur pays d’origine ;
d’autre part, la régulation des flux migratoires par des mécanismes de réadmission
et d’aide au retour.
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1) Une stratégie globale de codéveloppement
Comme votre Rapporteur l’a souligné précédemment, la relation
existante entre les migrations et le développement est au coeur des réflexions des
organisations internationales comme des pays d’origine et d’accueil des
populations migrantes, qui prennent elles-mêmes de plus en plus conscience de
l’importance de la contribution qu’elles peuvent apporter au service du
développement de leur pays d’origine.
Les migrants représentent, en effet, un potentiel important à un double
titre pour le développement de leur pays d’origine : d’une part, par les
compétences qu’ils ont acquises ; d’autre part, par l’épargne qu’ils accumulent.
S’agissant des compétences, le premier objectif est de lutter contre la
« fuite des cerveaux » qui constitue un frein au développement des pays du Sud.
Lors du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le
développement précédemment évoqué (1), plusieurs exemples du coût de cettefuite des cerveaux pour les pays du Sud ont été évoqués. Ainsi, la Conférence sur
le commerce et le développement (Cnuced) évalue à 184.000 dollars le coût pour
l’Afrique du départ de tout cadre ou membre des professions libérales. La
Commission économique pour l’Afrique (CEA) note, pour sa part, que le départ
des agents sanitaires de l’Afrique vers les pays riches a entraîné un important
déficit de compétences essentielles dans le secteur sanitaire. Ainsi, par exemple,
selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour 2006,
plus de 12.000 médecins formés en Afrique du Sud travaillent aujourd’hui dans un
pays de l’OCDE. Par comparaison, il y a un peu moins de 33.000 médecins qui
exercent dans le pays. Plus de 900 médecins formés au Ghana travaillent dans un
pays de l’OCDE contre 3.240 praticiens au Ghana, d’après les chiffres de l’OMS.
Afin de lutter contre ce phénomène, votre Rapporteur souligne qu’unecarte « compétences et talents » a été instituée par la loi du 24 juillet 2006
relative à l’immigration et à l’intégration. L’objectif de ce dispositif est
d’accueillir en France des personnes ayant un profil et un projet utiles à la France
et à leur pays d’origine. Pour éviter tout pillage des cerveaux, cette carte ne peut
être renouvelée qu’une fois lorsqu’elle bénéficie à un étranger ressortissant d’un
pays en voie de développement inclus dans la zone de solidarité prioritaire (FSP).
Après six ans de séjour en France, son titulaire doit retourner dans son pays
d’origine, pour le faire bénéficier de l’expérience acquise en France.
En ce qui concerne l’épargne des migrants, les montants en jeu – 8
milliards d’euros par an – montrent que les transferts de fonds peuvent stimuler
considérablement les économies locales. Dans ces conditions, l’utilisation d’une
partie de cette épargne à des fins d’investissement productif est susceptible de
(1) Assemblée générale des Nations unies – 14 et 15 septembre 2006.
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devenir un levier essentiel du développement des pays sources d’immigration.
C’est la raison pour laquelle des initiatives ont été prises, en France, afin
d’instituer des conditions favorables aux transferts d’épargne et à l’investissement
de ces fonds dans des projets de développement. La loi précitée du 24 juillet 2006
a ainsi institué un compte épargne codéveloppement permettant aux migrantsrésidant en France d’épargner en bénéficiant d’un avantage fiscal dès lors que les
sommes sont réinvesties dans leur pays d’origine. Ce dispositif s’est accompagné
de la mise en place d’un livret d’épargne codéveloppement, ouvert à tous lesétrangers ressortissants d’un pays en voie de développement et résidant
régulièrement en France. A l’image d’un plan d’épargne logement, les sommes
placées sur ce livret sont bloquées pendant trois années et rémunérées par des
intérêts bancaires, augmentés d’une prime d’Etat.
2) Un dialogue approfondi en matière de gestion des flux migratoires
Ces mesures en faveur du codéveloppement prennent, par ailleurs, toute
leur place dans les accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires,
négociés par le Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale
et du codéveloppement.
Ces accords intègrent des préoccupations de contrôle des frontières, de
maîtrise des flux migratoires à une stratégie plus générale de soutien à des actions
conduites par les migrants dans les domaines de la santé, de l’enseignement
supérieur et de la formation, de la gouvernance et du développement économique.
Il s’agit de faciliter la circulation des personnes, d’encourager une migration
temporaire et d’inciter à un retour des compétences dans les pays d’origine, de
manière à favoriser leur développement, non seulement à travers des transferts de
fonds, mais surtout grâce à la formation et à l’expérience acquise. En 2007, quatre
accords de ce type ont été négociés dont le présent texte avec le Gabon (1).Afin de renforcer l’efficacité de cette approche globale des migrations,
la France entend lui donner une dimension européenne en plaçant la question
d’une nouvelle politique européenne de régulation des flux migratoires et de lutte
contre l’immigration clandestine au coeur de sa présidence de l’Union européenne,
au cours du second semestre 2008.
(1) Les trois autres pays concernés sont le Sénégal, le Congo et le Bénin.
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II – FONDÉ SUR DES RELATIONS FRANCO-GABONAISES ÉTROITES,
CET ACCORD INAUGURE UNE NOUVELLE FORME DE PARTENARIAT
Le 5 juillet 2007, la France et le Gabon ont signé un accord relatif à la
gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement qui inaugure cette
nouvelle forme de partenariat que la France entend promouvoir avec les pays
d’origine, de transit et de destination de la migration.
A. – Les relations entre la France et le Gabon sont anciennes et
denses
Le Gabon est un partenaire traditionnel de la France avec lequel notre
pays entretient une relation privilégiée, dont témoigne la visite officielle du
Président de la République à Libreville, le 27 juillet 2007.
La présence française dans le pays est importante avec près de 10.000
Français immatriculés en 2007 (1). Cette présence se manifeste notamment par unepolitique active de coopération, dont le cadre a été renouvelé à la suite de la
signature, le 7 octobre 2005, d’un Document cadre de partenariat (DCP) qui
définit, pour la période 2006 – 2011, ses axes stratégiques dans trois secteurs
prioritaires : la protection de l’environnement et le développement durable, les
infrastructures et l’éducation. Au total, plus de 60 % des concours extérieurs au
Gabon, qu’ils soient financiers ou techniques, sont d’origine française.
La coopération entre les deux pays est également de nature militaire, à
la suite de la signature, en 1960, d’accords de défense et de coopération militaire
qui prévoient le pré-positionnement des troupes françaises au Gabon (environ 800
hommes). Le dispositif français en place dans le pays s’inscrit dans un cadre
régional à destination des pays d’Afrique centrale. C’est ainsi que Libreville a été
utilisée comme base arrière pour l’opération militaire européenne EUROFOR en
République démocratique du Congo en 2006.
Sur le plan des échanges, la présence française est forte dans tous les
secteurs de l’économie (75 % des investissements étrangers au Gabon). La France
est le premier fournisseur du Gabon et son deuxième client. Les trois quarts des
exportations françaises vers le Gabon concernent les biens d’équipement
professionnel (31,9 % des ventes totales en 2006), les biens intermédiaires
(26,2 %) et les biens de consommation (17,6 % des ventes). Globalement, un peu
plus de 95 % des importations françaises en provenance du Gabon concernent les
(1) Sao Tomé et Principe inclus.
— 14 —
matières premières (brutes ou transformées) : pétrole, bois et manganèse. Enfin,
plus de 150 filiales ou succursales d’entreprises françaises sont présentes au
Gabon, qui représente le premier pays d’Afrique subsaharienne pour le « stock »
d’investissements français (IDE) avec 850 millions d’euros en 2006.
Ces relations étroites se manifestent également à travers le nombre
d’accords qui unissent nos deux pays dans de nombreux domaines, dont la
convention relative à la circulation et au séjour des personnes du 2 décembre 1992
et la convention d’établissement du 11 mars 2002 auquel le présent accord fait
référence.
Dans ce contexte de relations étroites, la signature du présent accord sur
la gestion concertée des flux migratoires et le codéveloppement témoigne d’une
volonté partagée d’approfondir, en lui insufflant une dimension nouvelle, le
partenariat entre la France et le Gabon.
B. – Une dimension nouvelle : la gestion concertée des flux
migratoires et le codéveloppement
Le présent accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et
au codéveloppement a pour objet de faciliter la circulation des personnes entre les
deux pays pour des motifs économiques, professionnels, familiaux ou médicaux. Il
vise également à renforcer la coopération entre les deux pays en matière de lutte
contre l’immigration irrégulière. Enfin, il est destiné à soutenir les initiatives de
codéveloppement, au profit du développement du Gabon.
La signature de cet accord a ouvert la voie à la négociation d’autres
accords de même nature avec un certain nombre de pays, notamment d’Afrique
subsaharienne.
1) Favoriser la mobilité des compétences
L’une des priorités de la nouvelle politique migratoire de la France est
de réorganiser les modalités de gestion de l’immigration légale et de rééquilibrer
ses composantes, en favorisant l’immigration de travail.
Dans cette perspective, le présent accord élargit les possibilités
d’obtention de visas de circulation, en prévoyant notamment une délivrance plus
systématique de visa de court séjour pour des motifs économiques, professionnels,
médicaux ou familiaux (article 1er).L’accord organise, par ailleurs, les conditions dans lesquelles les
étudiants gabonais peuvent compléter leur formation par une première expérience
professionnelle, en autorisant la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour
de neuf mois, renouvelable une fois, pour les étudiants ayant achevé avec succès
— 15 —
leur cycle d’études. Au terme de cette période, l’étudiant pourvu d’un emploi ou
d’une promesse d’embauche, peut séjourner en France sans que lui soit opposée la
situation de l’emploi, si son activité professionnelle est en lien avec sa formation
et sa rémunération au moins égale à une fois et demi le SMIC (article 2,paragraphe 2). Il prévoit également l’ouverture de négociations en vue de laconclusion d’un accord relatif à l’échange de jeunes professionnels de 18 à 35 ans
pour des périodes de 18 mois au plus (article 3, paragraphe 1).En ce qui concerne l’accès à l’emploi en France des ressortissants
gabonais, le présent accord prévoit la délivrance d’autorisations temporaires
permettant de travailler dans certaines professions – énumérées à l’annexe I de
l’accord – pour lesquelles la situation de l’emploi sur le territoire ne sera pas prise
en compte. Ces autorisations temporaires peuvent également être délivrées pour
un complément de formation en entreprise sur la base d’un contrat de travail d’une
durée inférieure à douze mois (article 3, paragraphe 2).L’accord ouvre, en outre, la possibilité de délivrer la carte
« compétences et talents », précédemment évoquée, au ressortissant gabonais
« susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façonsignificative et durable au développement économique ou au rayonnement,
notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la
France » (article 3, paragraphe 3).Par ailleurs, il prévoit que la durée des titres de séjour accordés aux
Français au Gabon est portée à cinq ans (article 3, paragraphe 5). Enfin, l’accordprécise l’offre de formation aux personnes concernées notamment par le
regroupement familial en France, dans le cadre des contrats d’accueil et
d’intégration, et d’un bilan de compétence professionnelle ou d’orientation (article3, paragraphe 6).
2) Renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration
clandestine
Ces dispositions relatives à la circulation des compétences sont
complétées par des mesures destinées à renforcer l’efficacité de la lutte contre
l’immigration irrégulière.
Le présent accord prévoit, en particulier, l’adoption de mécanismes de
réadmission, dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux, des
ressortissants français ou gabonais en situation irrégulière sur le territoire de
l’autre partie (article 4, paragraphe 1) ainsi que des ressortissants d’Etats tiersayant séjourné préalablement sur le territoire d’une des parties (article 4,paragraphe 3
). Il précise les modalités d’identification des nationaux en renvoyantà une annexe II qui énumère les documents permettant de constater le séjour d’un
ressortissant d’un Etat tiers sur le territoire de la partie requise. Ces mécanismes
sont complétés par une offre de formation policière par la France comprenant,
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notamment, une formation des personnels chargés du démantèlement des filières
d’immigration clandestine (article 4, paragraphe 7).Au-delà de ces mécanismes, l’accord pose le principe d’un
renforcement de la coopération entre les deux pays en matière d’état civil et de
lutte contre la fraude documentaire (article 5). L’objectif est de renforcer lafiabilité de l’état civil gabonais en mettant à disposition des autorités gabonaises la
compétence française dans le domaine de la sécurité des titres. En ce qui concerne
la fraude documentaire, la coopération entre les deux parties portera notamment
sur la formation de spécialistes et des échanges d’information.
3) Soutenir les actions de codéveloppement
Comme votre Rapporteur l’a précédemment souligné, la stratégie de
codéveloppement vise à favoriser l’aboutissement d’un ensemble d’actions
multilatérales, bilatérales mais aussi individuelles qui passent par les diasporas ou,
plus généralement, les migrants résidant en France, au profit de leur pays
d’origine. Dans le prolongement des réflexions sur le lien entre migrations et
développement, ce volet est indissociable des aspects de régulation des flux
migratoires.
Le présent accord vise ainsi à soutenir les initiatives des Gabonais
résidant en France au profit du développement du Gabon (article 6). Ce soutienpeut se manifester par le cofinancement de projets de développement local mis en
oeuvre par des associations de migrants, l’accompagnement des initiatives
économiques des migrants, l’appui aux diasporas qualifiées pour des interventions
au Gabon ou encore aux initiatives de développement des jeunes Gabonais
résidant en France.
L’ensemble de ces actions est mis en oeuvre dans le cadre du Fonds de
solidarité prioritaire (FSP).
Enfin, votre Rapporteur précise qu’un comité de suivi est institué,
appelé à se réunir au moins une fois par an, afin notamment d’évaluer les résultats
des actions mentionnées dans l’accord (article 7).
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CONCLUSION
Le présent accord témoigne d’une vision globale des migrations qui
intègre à la fois des préoccupations de sécurité et de maîtrise des flux migratoires
et des préoccupations de développement dont les migrants eux-mêmes sont les
acteurs. Il illustre également une volonté d’établir un nouveau partenariat équilibré
avec certains pays avec lesquels la France entretient des relations privilégiées.
C’est la raison pour laquelle votre rapporteur recommande l’adoption
du projet de loi n°729.
— 19 —
EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion
du 2 avril 2008.
Après l’exposé du rapporteur, un débat a eu lieu.
M. François Rochebloine s’est félicité que l’article 1er de laconvention consacre la dispense de visa de court séjour pour les titulaires de
passeport diplomatique et l’étende aux titulaires de passeport de service. Indiquant
être intervenu pour appuyer des demandes de visa d’un certain nombre de
ressortissants de pays africains (en particulier du Cameroun et du Sénégal), il a
déploré les difficultés auxquelles il s’est trouvé confronté. Il a notamment jugé
très regrettable que de jeunes camerounais, qui devaient participer à un tournoi
international de football récemment organisé dans sa circonscription pour la
troisième année consécutive, n’aient pas obtenu de visa pour se rendre en France.
La nécessaire marge de manoeuvre dont disposent les consuls pour délivrer des
visas doit respecter les textes signés et adoptés par la France. S’agissant de
l’article 2 de la convention, il a demandé au rapporteur s’il s’agissait d’une
application de la loi relative à l’immigration et à l’intégration, votée en 2006
lorsque M. Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur.
M. Jacques Remiller a fait état de difficultés similaires pour ladélivrance de visas à des ressortissants sénégalais devant se rendre en France dans
le cadre d’un festival folklorique. Les décisions d’octroi ou de refus sont laissées
au bon vouloir des consuls.
Le rapporteur a souscrit à l’observation de son collègue M. FrançoisRochebloine, reconnaissant l’insistance dont il faut parfois faire preuve auprès des
consuls pour qu’ils délivrent un visa. Il alors précisé que la carte de séjour
« compétences et talents » visée à l’article 3 de la convention comprenait bien les
sportifs. Ce qu’il faut, c’est faciliter la libre circulation des ressortissants qui ne
posent pas de problèmes et mieux surveiller les personnes indésirables. En effet,
une partie de l’immigration clandestine se nourrit d’étrangers arrivés
régulièrement sur le sol français, munis d’un visa de court séjour, mais qui ne
repartent pas de notre territoire. Evoquant ensuite les flux migratoires entre le
Gabon et la France, il a mentionné la présence de 8 200 ressortissants gabonais sur
le sol français. Puis il a indiqué que sur les 200 000 étrangers qui s’installent
chaque année en France, 60 % sont d’origine africaine, tandis que 100 000
étudiants africains poursuivent actuellement leurs études dans notre pays.
Le Président Axel Poniatowski a précisé qu’il existait trois autresaccords internationaux du même type que celui conclu avec le Gabon et qui
concernent le Bénin, le Congo Brazzaville et le Sénégal. En autorisant la
— 20 —
ratification de la présente convention avec le Gabon, il s’agit de permettre l’entrée
en vigueur du premier de ces accords.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projetde loi (no729 ).
*
La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditionsprévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.
NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 729).
N° 417
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juillet 2007
RAPPORT D’INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces
armées (1) sur le co-développement et les relations entre politique de
développement et politique de gestion des flux migratoires,
Par Mme Catherine TASCA, MM. Jacques PELLETIER et Bernard BARRAUX,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-
Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade,
Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-LouisCarrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, MmeMaryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette
Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade,
Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry,
Hubert Haenel, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle,
Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron,
Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan,
Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme,
Mme Dominique Voynet.
- 2 -
- 3 -
SOMMAIRE
Pages
INTRODUCTION ................................................................................................................................. 5
I. MIGRATIONS ET DÉVELOPPEMENT : QUELLE JONCTION POSSIBLE ?........................ 7A. LA MONTÉE INÉLUCTABLE DES FLUX MIGRATOIRES .......................................................... 7
1. Un phénomène multiforme et majoritairement africain ................................................................... 7
2. Une ampleur historiquement inégalée.............................................................................................. 8B. DES ENJEUX CRUCIAUX POUR LE DÉVELOPPEMENT............................................................ 9
1. Développement et politiques de gestion des flux migratoires du point de vue des pays
d’accueil ......................................................................................................................................... 9
2. Une question lourde pour l’Afrique elle-même ................................................................................ 10
II. LE CODÉVELOPPEMENT, UNE RÉPONSE NOUVELLE ? .................................................... 13A. QU’EST CE QUE LE CO-DÉVELOPPEMENT ?.............................................................................. 13
1. Des conceptions très différentes en présence ................................................................................... 13
2. Une pratique ancienne : La mobilisation de l’épargne des migrants au service du
développement ................................................................................................................................ 14B. LE CO-DÉVELOPPEMENT COMME POLITIQUE PUBLIQUE..................................................... 16
1. Des reformulations successives........................................................................................................ 16
2. Les instruments du développement local .......................................................................................... 17
3. Le soutien à la mobilité des personnes............................................................................................. 18
4. La valorisation de l’épargne ............................................................................................................ 20
5. Une synthèse des différents instruments : les accords de gestion concertée des flux
migratoires...................................................................................................................................... 21
6. Une organisation « en double commande » ..................................................................................... 22C. QUELS EFFETS SUR LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ? ................................................. 23
1. Des actions expérimentales .............................................................................................................. 23
2. Au Maroc......................................................................................................................................... 23
3. Au Mali............................................................................................................................................ 25
4. Un premier bilan contrasté .............................................................................................................. 26
5. Quels changements d’échelle envisageables ? ................................................................................. 28
III. L’UNION EUROPÉENNE, NOUVEL HORIZON DU CO-DÉVELOPPEMENT ? ................ 31A. LE CADRE INSTITUTIONNEL : UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE............................................ 31
1. L’intérêt d’une approche communautaire de la question des migrations ........................................ 31
2. Une communautarisation partielle................................................................................................... 31
3. Des objectifs ambitieux .................................................................................................................... 33B. UN CADRE CONCEPTUEL : L’APPROCHE GLOBALE DES MIGRATIONS............................. 33
1. Le dialogue avec les Etats tiers ........................................................................................................ 34
2. La coordination entre Etats membres : les plateformes de coopération .......................................... 35
3. Le renforcement des capacités des Etats africains en matière de gestion des migrations ............... 36
4. Les financements .............................................................................................................................. 36C. UNE DIMENSION OPÉRATIONNELLE À CONCRÉTISER.......................................................... 37
1. La question des compétences ........................................................................................................... 37
2. Des différences d’approche entre Etats membres ............................................................................ 37
- 4 -
3. Le centre d’informations et de gestion des migrations de Bamako, une première
emblématique, une réponse adaptée ? ............................................................................................. 38
IV. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION.................................................................. 41A. APPROFONDIR LE DIALOGUE AVEC LES PAYS D’ORIGINE.................................................. 41
1. Parvenir à un constat partagé.......................................................................................................... 41
2. Élaborer une réponse concertée....................................................................................................... 42
3. Retrouver des marges de manoeuvre crédibles ................................................................................. 43B. SE SAISIR DES PRINCIPES DU CO-DÉVELOPPEMENT POUR RÉVISER LES
POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT ............................................................................................ 43
1. Reconsidérer l’appui au secteur éducatif et à l’appareil de formation............................................ 44
2. La question de l’emploi .................................................................................................................... 45
3. Le système bancaire et l’accès au crédit .......................................................................................... 45
4. Un engagement résolu des pays d’origine en matière de gouvernance ........................................... 46C. PROGRESSER VERS UNE « GOUVERNANCE INTERNATIONALE » DES
MIGRATIONS ?................................................................................................................................ 47
CONCLUSION ...................................................................................................................................... 49
PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS............. 51
EXAMEN EN COMMISSION.............................................................................................................. 53
ANNEXE I - AUDITIONS EN COMMISSION.................................................................................. 57
MME BRIGITTE GIRARDIN, MINISTRE DÉLÉGUÉE À LA COOPÉRATION ET À
LA FRANCOPHONIE, LE 13 FÉVRIER 2007 ............................................................................. 57
M. JEAN-MICHEL SÉVÉRINO, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AGENCE
FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT (EXTRAIT DE L’AUDITION DU 7
FÉVRIER 2007) ............................................................................................................................... 61
ANNEXE II - AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION.......................................................................... 63
- 5 -
INTRODUCTION
Co- : variation de la locution latine
cum : avec, réunion, adjonction, simultanéité« L’ambition est de faire du codéveloppement
un levier essentiel du
développement des pays sources
d’immigration, complémentaire à la politique
traditionnelle de coopération » IIIème rapportau Parlement sur les orientations de la
politique d’immigration.
Mesdames, Messieurs,
Le co-développement désigne traditionnellement les actions des migrants
au profit du développement de leur pays d’origine. Il s’agit d’une réalité aussi
ancienne que l’émigration elle-même et ses vagues successives. Dès les années 1960,
période de développement des flux migratoires vers l’Europe, les migrants ont
soutenu des projets au profit de leur famille restée au pays et de leur village
d’origine.
À la fin des années 1990, l’appui à ce type d’action par les autorités
françaises a été formalisé, par la création de la mission interministérielle sur le codéveloppement,
avec la volonté de renforcer ce levier du développement et de
considérer les migrants comme de véritables acteurs du développement. Venue du
ministère de l’Intérieur, avec le rapport de M. Sami Nair, l’idée qui sous-tend l’appui
public aux actions des migrants est aussi celle de favoriser par là même leur
intégration.
Plus récemment, ce concept a fait l’objet d’une fortune nouvelle et a été
placé au coeur des débats, notamment ceux de l’élection présidentielle, en recouvrant
toutefois des acceptions très différentes, dans un contexte de rapprochement entre les
thématiques de migrations et celles du développement.
Une réunion conjointe du Comité interministériel de la coopération
internationale et du développement (CICID) et du Comité interministériel de contrôle
de l’immigration (CICI) tenue le 5 décembre 2006 a mis en relief ce thème du codéveloppement,
comme outil de développement mais aussi comme instrument de
gestion des flux migratoires.
- 6 -
La question des migrations étant placée au coeur de la relation entre les
Etats européens, et singulièrement la France, et le continent africain, et cette
politique étant en cours de refondation, votre commission a souhaité se saisir du
dossier du co-développement afin de déterminer ce que recouvre exactement cette
politique publique, de mieux en identifier les objectifs, d’en considérer les effets tant
sur les politiques de gestion des flux migratoires que sur les politiques de
développement et d’examiner les conditions dans lesquelles cette politique, encore
largement embryonnaire, pourrait connaître un changement d’échelle à la hauteur des
enjeux et des attentes que placent en elle les pays d’origine.
Après une série d’auditions à Paris, vos rapporteurs se sont rendus à
Bruxelles puis au Maroc et au Mali, deux pays aux profils très différents à qui
s’adresse prioritairement la politique française de co-développement.
Les travaux de votre délégation, décidés en octobre 2006, ont été lancés en
mars 2007, antérieurement donc à la constitution d’un ministère compétent sur ce
thème. Votre commission devra prendre en compte l’action de ce département
ministériel qui entre dans son champ de compétence. S’il est trop tôt pour apprécier
dès maintenant les effets de cette innovation, celle-ci suppose certainement une
clarification des objectifs et des contours de la politique de co-développement.
- 7 -
I. MIGRATIONS ET DÉVELOPPEMENT : QUELLE JONCTION
POSSIBLE ?
A. LA MONTÉE INÉLUCTABLE DES FLUX MIGRATOIRES
La relation entre migration et développement est une relation complexe :
l’élévation du niveau de vie du pays tend à augmenter, au moins dans un premier
temps, le taux d’émigration ; l’émigration contribue au développement, par les
transferts financiers qu’elle permet ; elle prive aussi le pays d’éléments dynamiques
confrontés à l’impossibilité d’imaginer leur avenir sur place.
1. Un phénomène multiforme et majoritairement africain
Les parcours des migrants s’inscrivent dans des logiques variées qui
rendent d’autant plus malaisée une politique ciblée à l’égard du phénomène des
migrations. Leurs motivations peuvent être politiques, les migrants étant alors
souvent des réfugiés, économiques ou encore relever de facteurs culturels, l’Afrique
étant traditionnellement marquée par la grande mobilité de ses populations.
Ce phénomène multiforme est en mutation sous l’effet des changements
sociaux, de l’exode rural et de l’urbanisation. Il est également affecté par la
modification dans un sens de plus en plus restrictif des politiques migratoires en
Europe ainsi qu’à l’intérieur du continent.
Les routes migratoires ont évolué, des pays d’accueil se transformant en
pays d’émigration. Des pays d’émigration, comme le Maroc, dont les populations
continuent à migrer, sont devenus des pays de transit, notamment vers l’Europe mais
aussi, fait nouveau, des pays de destination où les migrants venus du Sud du Sahara
s’installent faute de pouvoir poursuivre leur parcours.
Même s’il ne faut pas sous-estimer les flux en provenance des autres
continents et notamment en provenance des pays d’Asie, depuis le début des années
1990, le phénomène de migrations au départ de pays d’Afrique sub-saharienne vers
les pays d’Afrique du Nord et à destination de l’Europe tend à s’accélérer et à se
renforcer.
Il faut rappeler que la migration sub-saharienne est très majoritairement une
migration intra-africaine, vers les grands bassins d’emploi, agricoles, pétroliers ou
miniers. On estime que 90 % des migrants africains s’installent dans un autre pays du
continent. Les émigrés maliens ainsi sont majoritairement installés en Côte d’Ivoire
et dans les autres Etats de la sous-région. A la différence des migrations vers
l’Europe, souvent marquées par des allers et retours avec le pays d’origine, les
migrations intra-africaines ont un caractère plus définitif.
La migration vers l’Europe ne représente donc a priori qu’une part
marginale de l’ensemble des mouvements migratoires. Elle devrait néanmoins croître
au rythme d’une croissance démographique très forte.
- 8 -
2. Une ampleur historiquement inégalée
Historiquement datée, l’immigration africaine en France et en Europe, très
faible durant la période coloniale, remonte aux lendemains des indépendances, dans
une période d’expansion économique aux forts besoins de main d’oeuvre.
Pour les uns, les pays d’origine, l’émigration devient alors un exutoire
naturel aux difficultés économiques. Tandis que pour les autres, les pays d’accueil,
elle est une réponse simple à un déficit de main d’oeuvre. Entre 1950 et 1975, la
France accueille entre 100 000 et 200 000 étrangers par an, principalement en
provenance du Maghreb.
En France, la modification de la politique migratoire à partir de 1974 n’a
pas réellement conduit à la fermeture des frontières.
Elle a surtout occasionné à partir des années 1980 un changement de nature
de l’immigration, passée d’une immigration de travail à une immigration
majoritairement familiale, d’une immigration temporaire à une installation durable.
M. Dicko, ministre des maliens de l’extérieur a souligné devant vos
rapporteurs les effets, pervers selon lui, de ce changement de politique : en limitant
les possibilités d’allers et retours, elle a mis fin au système de la migrationtemporaire qui permettait à un migrant de retour d’être remplacé par une
autre personne ; elle a conduit à fixer en France des personnes qui n’en avaient
pas initialement le projet, et ont fait venir leur famille.
Pour l’année 2005, la délivrance des titres de séjour par motifs1 seprésentait comme suit : un titre sur deux était délivré pour motif familial, un titre sur
quatre attribué à un étudiant, plus d’un titre sur douze attribué à un réfugié ou
apatride, moins d’un titre sur seize pour motif économique, moins d’un titre sur huit
pour d’autres raisons.
Le rapport entre immigration et immigration de travail enregistre une légère
inflexion sur la période récente : d’après le rapport de l’OCDE sur les perspectives
des migrations internationales, une légère baisse des entrées pour motif familial, de
109 800 entrées en 2004 (soit 63,1 % du total) à 102 500 en 2005 (60,8 %)
s’accompagne d’une augmentation des entrées pour raison de travail qui sont passées
de 20 900 en 2004 à 22 800 en 2005, et de 12 % à 13,5 %.
Ce rapport souligne également l’évolution rapide de la provenance des
migrants : près des deux tiers viennent d'Afrique, en particulier de l'Algérie et du
Maroc, contre un peu plus de la moitié il y a cinq ans. La part des personnes
originaires d’Afrique sub-saharienne parmi les immigrés présents sur le sol français,
environ 570 000, soit environ 12 % des immigrés est assez faible mais progresse
rapidement, de plus de 45 % entre 1999 et 2004. Les deux tiers sont originaires des
anciennes colonies françaises.
Les projections réalisées par les Nations Unies, World Population Prospects, laissent augurer une pression migratoire d’ampleur inégalée enprovenance du continent africain, alors que les autres continents ont entamé, sinon
1 Extrait du troisième rapport au Parlement sur les orientations de la politique d’immigration,décembre 2006.
- 9 -
achevé, leur transition démographique. Entre 1975 et 2003, le nombre de migrants a
plus que doublé, s’établissant à 175 millions en 2003.
Aujourd’hui, la croissance démographique se situe à un niveau
historiquement élevé. L'Afrique comptait moins de 100 millions d’habitants dansles années 1960, elle en compte actuellement 600 millions d'habitants et devrait
en compter un milliard dans 20 ans. La transition démographique pourrait s'yproduire vers 2030, à un niveau compris entre 1,2 et 1,5 milliard d'habitants.
Cette croissance de la population africaine est un phénomène inégalé dans
l’histoire démographique et elle devrait se traduire mécaniquement par une
augmentation de la pression migratoire.
B. DES ENJEUX CRUCIAUX POUR LE DÉVELOPPEMENT
1. Développement et politiques de gestion des flux migratoires du point
de vue des pays d’accueil
Les flux migratoires incontrôlés posent une série de problèmes aux pays de
destination. Les mécanismes d’intégration des nouveaux arrivants ne fonctionnent
plus correctement, tout particulièrement en termes d’emploi et de logement.
Il a été rapporté à votre délégation lors de son déplacement à Bamako que
les migrants installés en France faisaient eux-mêmes passer ce message, les
dispositifs d’accueil et de solidarité mis en place par les communautés étrangères
n’étant eux-mêmes plus en mesure d’assumer les nouveaux venus.
Actuellement, la France semble confrontée à une pression migratoire
moindre que celle de ses principaux voisins. En revanche, du fait de l’ancienneté de
son immigration, elle a accueilli un nombre beaucoup plus important d’immigrés
dans les années antérieures et se trouve de ce fait plus fortement confrontée à la
question de l’intégration.
La France et ses partenaires européens apportent à la pression migratoire
une réponse essentiellement sécuritaire. Cette réponse contribue notamment à
modifier les comportements des migrants. Elle est à l’évidence insuffisante
puisqu’elle n’agit pas sur les causes profondes de la pression migratoire.
Les politiques de gestion des flux migratoires débouchent ainsi assez
naturellement sur la question du développement. Les conclusions de la commission
d’enquête sénatoriale sur l’immigration clandestine1 allaient au demeurant dans cesens : la réponse à des flux migratoires incontrôlés doit être recherchée dans le
développement des pays d’origine.
Partant de ce constat, peut-on imaginer des politiques de développement
faisant une place spécifique à la question migratoire ?
1 Voir le rapport d’information n° 300 (2005-2006) de MM. Georges Othily et François-Noël Buffet,Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine
- 10 -
Dans le même temps, le vieillissement des pays du Nord conduit à des
besoins de main d’oeuvre non satisfaits dans certains secteurs, qui pourraient être
pourvus par des migrants. La Banque mondiale estime que sur les 40 millions
d’accroissement annuel de la main d’oeuvre mondiale entre 2001 et 2010, seuls 2
millions seront le fait des pays à hauts revenus. Il est cependant difficile d’identifier
précisément ces besoins de main d’oeuvre des pays développés et encore plus
d’assurer une adéquation avec le profil professionnel des migrants. Dans la
mondialisation, la concurrence s’exerce à l’avantage des migrants les plus qualifiés
qui ne sont pas forcément originaires des régions de fort dynamisme démographique.
Devant le constat du caractère quasi irrépressible de la migration et de
besoins de main d’oeuvre non satisfaits, il y a une nécessité de tenter d’accompagner
ce phénomène et il y a assurément une place pour un dialogue avec les pays
d’origine.
2. Une question lourde pour l’Afrique elle-même
Ainsi que précédemment évoqué, les flux migratoires les plus importants
concernent le continent africain lui-même, amené à en subir plus directement les
contrecoups.
Le dynamisme démographique du continent est à l’origine d’une
urbanisation rapide et non maîtrisée et d’un fort exode rural ; alors même que la
population augmente, ces phénomènes augmentent les difficultés d’autosubsistancealimentaire.
Il est à l’origine de tensions croissantes sur le marché du travail. LaBanque mondiale souligne ainsi que la population active va augmenter de 40 % en
Afrique du Nord, exigeant la création de 100 millions d’emplois supplémentaires
dans les 20 prochaines années. Sans diversification de l’économie, le nombre de
chômeurs pourrait augmenter de 50 millions dans la zone « Afrique du Nord et
Moyen-Orient ». Alors que la croissance économique enregistre des niveaux
satisfaisants, de l’ordre de 5 % par an, elle est insuffisante pour accompagner la
croissance démographique.
Il produit également des tensions sur l’environnement : selon les chiffresproduits par l’ONG Christian Aid, les changements climatiques pourraient être à
l’origine d’un quart des migrations forcées à l’horizon de 2050. En raison des
progrès de la désertification, de la déforestation, du stress hydrique, la concentration
des populations devrait s’accentuer, renforçant encore ces phénomènes.
Enfin, les flux migratoires incontrôlés constituent un véritable enjeu pourla stabilité dans un contexte global de repli identitaire dans certains pays d’accueiltraditionnels. Ainsi, par exemple, parmi les différents aspects de la crise ivoirienne,
figure en bonne place la question foncière, liée au passage brutal d’une conception
très ouverte à une conception fermée de la nationalité et de l’accueil de populations
étrangères.
Le développement de l’immigration clandestine est également à l’origine
d’activités économiques souterraines et de trafics contribuant à l’insécurité et à
l’instabilité.
- 11 -
L’augmentation des flux d’émigration est un symptôme de « maldéveloppement
». Pour l’Afrique elle-même, la question des migrations rejoint les
questions de développement.
Ce constat étant posé, il reste à déterminer la nature des réponses à apporter
et les conséquences à tirer sur la politique de développement. Le co-développement,
à la rencontre des politiques de développement et de gestion des flux migratoires, est
souvent présenté comme une réponse nouvelle.
- 12 -
- 13 -
II. LE CODÉVELOPPEMENT, UNE RÉPONSE NOUVELLE ?
Le co-développement est une pratique ancienne dont la relation avec la
maîtrise des flux migratoires est en revanche plus récente.
A. QU’EST CE QUE LE CO-DÉVELOPPEMENT ?
1. Des conceptions très différentes en présence
Si le terme de co-développement a connu une fortune récente,
singulièrement lors de la campagne présidentielle en France, force est de constater
qu’il ne désigne pas systématiquement la même politique.
Il est tour à tour entendu comme une forme de partenariat, de
développement concerté avec les pays bénéficiaires, comme le point de rencontre et
d’articulation entre les politiques de développement et les politiques de gestion des
flux migratoires, voire comme une forme plus humaine d’accompagnement des
retours de migrants dans leur pays d’origine.
Cette ambiguïté se reflète dans le discours des pays d’origine des migrants.
Lors de leurs entretiens, vos rapporteurs ont pu constater que le concept faisait
l’objet de différences d’interprétation significatives.
Les autorités marocaines retiennent, pour leur part, une définition très large
du co-développement et le conçoivent comme un partenariat macro-économique
entre les deux rives de la Méditerranée au bénéfice de la compétitivité de l’ensemble
dans la mondialisation. Des coopérations dans le secteur textile, une approche
concertée des délocalisations, une circulation facilitée des salariés entre les deux
espaces ont ainsi été évoquées. Elles s’inscrivent, pour le ministre des finances
marocain, M. Oualalou, dans la dynamique de réformes engagées par le Royaume
pour se rapprocher des normes européennes tant sur le plan économique que sur la
question de la gouvernance.
Cette conception n’est pas très éloignée de la notion de partenariat
privilégié, proposé au Maroc dans ses relations avec l’Union européenne, ni de
l’intérêt suscité par le projet d’Union de la Méditerranée, évoquée par le président de
la République. Elle est cependant beaucoup plus globale que celle mise en oeuvre
dans le pays sous le label « co-développement » et vise à la construction d’un espace
d’échanges entre les deux rives de la Méditerranée qui s’effectuerait à plusieurs
niveaux : entre le Maroc et l’Europe, au sein de l’espace méditerranéen et entre le
Maroc et l’Afrique. Le Maroc mène au demeurant une « politique africaine » et
accueille quelque 7 000 boursiers sub-sahariens dans ses universités. Il avance des
propositions intéressantes de coopération triangulaire avec des pays d’Afrique
francophone.
Au Mali, vos rapporteurs ont constaté une lecture du co-développement par
les autorités plus proche des projets concrets développés dans le pays, le président du
Mali, M. Amadou Toumani Touré, considérant le co-développement comme une
« réponse à l’immigration ». L’existence, depuis 1998, d’un ministre des maliens de
l’extérieur, témoigne de l’attention portée au potentiel de développement que
- 14 -
représentent les migrants. Cette lecture du co-développement est assortie d’attentes
très fortes tant sur les questions de développement que sur les questions migratoires.
La notion de « migration circulaire », développée par le commissaire européen Louis
Michel est examinée avec beaucoup d’intérêt. Le co-développement y est interprété
comme un signe d’ouverture, un moyen de « dédramatiser » la question des
migrations et de considérer sa contribution au développement.
Au total, l’appropriation du terme de co-développement est réelle, avec des
contenus très variables. Un travail d’explication et de clarification est indispensable
pour lever les ambiguïtés sur un sujet aussi sensible.
2. Une pratique ancienne : La mobilisation de l’épargne des migrants
au service du développement
Dans sa version originelle, le co-développement s’appuie sur le constat
de la forte mobilisation des migrants en faveur de leur pays d’origine.Développée dans les années 1960, cette mobilisation s’est progressivement structurée
dans les années 1970 et 1980 avec l’appui d’organisations non gouvernementales.
Les transferts financiers des migrants, les « remises », sont importants en
volume. Ils sont supérieurs au volume d’aide publique au développement reçus par
les Etats africains; ils ont fortement augmenté en l’espace de vingt ans et surtout, ils
observent une grande régularité et présentent ainsi une fiabilité supérieure à celle des
flux d’APD, exposés à de fortes variations au gré de l’intérêt des bailleurs, et aux
investissements directs, sensibles à la conjoncture.
Selon la Banque mondiale, le montant des transferts à l’échelle mondiale,
aurait atteint 220 milliards de dollars en 2006, plus du double du montant d’APD.
Sur ce total, l’Afrique subsaharienne reçoit une part très limitée, environ 8,1
milliards de dollars, dont une petite partie vient d’Europe, singulièrement de la
France.
Cette part très limitée dans l’ensemble des transferts représente néanmoins
une véritable manne financière pour les pays d’origine. Au Maroc, ils permettent,
avec les revenus du tourisme, d’assurer l’équilibre de la balance des paiements et
représentent, avec 4,2 milliards d’euros en 2006, 8,2 % du PIB.
Ces flux sont très mal connus en raison de la part importante du secteur
informel et de la faiblesse des appareils statistiques locaux, le tableau1 suivantprésente des estimations de transferts depuis la France, validées par les pays
d’origine, notamment pour le Mali, mais certainement perfectibles.
1 Extrait du rapport au gouvernement de M. Charles Milhaud, président du directoire de la Caissenationale des caisses d’épargne, sur l’intégration économique des migrants, remis à l’automne 2006.
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En milliards d’euros Total Formels Informels
Poids des
transferts/PNB
en %
Nombre de migrants
estimation en
millions
Pays destinataire
MAROC (1) 2004 2,13 1,60 0,53 5,10 1,00ALGÉRIE (2) 2003 3,15 1,35 1,80 4,50 1,20TUNISIE
(3) 2003 0,84 0,56 0,28 3,60 0,40MALI (4) 2004 0,18 0,07 0,11 4,40 0,20SÉNÉGAL
(5) 2004 0,30 0,15 0,15 3,20 0,15COMORES (6) 2005 0,05 0,04 0,01 15,00 0,25TURQUIE
(7) 2004 0,65 0,54 0,11 0,20 0,38 CHINE (7) 2004 0,30 0,06 0,24 ns 0,30ASIE S.E. (7) 2004 0,35 0,07 0,28 ns 0,30
ENSEMBLE4 7,95 4,44 3,51 4,18
Par ces transferts, les migrants sont incontestablement des acteurs du
développement de leur pays d’origine. Les réalisations dans les régions d’origine,
parfois délaissées par leur Etat, sont visibles : équipements collectifs, soins médicaux
et scolarisation des enfants sont largement financés par l’argent des migrants. Une
étude réalisée sur 31 villages au Mali a ainsi montré que ces villages avaient reçu
quelques 9 millions de francs CFA par an, soit 13 000 euros.
Ces transferts peuvent être très organisés : les communautés villageoises
maliennes ont mis en place un système de cotisations obligatoires des migrants pour
le financement de projets gérés par une structure correspondante dans le pays
d’accueil. 400 associations maliennes en France ont ainsi pour objectif statutaire le
développement de leur pays d’origine.
Majoritairement, ces transferts sont cependant destinés à la consommation
privée des familles restées au pays et sont très faiblement, environ 5 % au Mali,
orientés vers l’investissement productif.
4 (1) Source Banque Al Maghrib : 3,55 milliards € de transferts officiels des Marocains résidents àl’étranger dont 45 % viennent de France et 25 % d’informels sur le total transféré (source enquête du
GERA 1994).
(2) Source : étude FEMIP mars 2006 pour les transferts formels et étude CARIM pour les informels :
90 % de 2 millions €.
(3) Source : étude FEMIP et un ratio informel/formel de 50 % car le chiffre retenu pour les transferts
formels contient déjà les échanges des billets et la contre-valeur des véhicules importés par les
migrants.
(4) Source : étude CNCE pour le co-développement (MAE) 2004 ; très forte immigration irrégulière.
(5) Source : les flux en provenance de France représentent 1/3 des flux de tous les Sénégalais de
l’extérieur, et la moitié des flux sont informels. Ces chiffres résultent de la concordance de sources
mises à disposition de la mission. Forte immigration irrégulière.
(6) Source : Banque centrale des Comores citée par CEPACR.
(7) Source : CNCE/MERCER 2006
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L’idée de départ du co-développement est donc de favoriser ces
transferts qui font l’objet d’un intérêt croissant de la part des bailleurs
bilatéraux et internationaux et de les soutenir par des co-financements afin de
mieux les structurer et de mieux les orienter.
On constate que les priorités des actions des migrants évoluent dans un sens
plus compatible avec l’aide publique au développement en favorisant
progressivement davantage le secteur éducatif plutôt que la construction de lieux de
culte.
En outre, l’arrêt de la migration de travail et le vieillissement des expatriés
conduisent à une stabilisation des transferts qui conduit les communautés
villageoises à rechercher des cofinancements dont la part est passée, pour ce qui
concerne le Mali, de moins de 10 % à 35 % en l’espace de 30 ans, en 1975 et 2004.
Les retraités ne sont plus soumis au système de cotisations et les transferts des
enfants d’émigrés, souvent de nationalité française et dont les liens avec le pays
d’origine sont plus distants, sont nettement moins importants. Ce constat illustre un
des premiers paradoxes du co-développement, soulignée par la déléguée de l’Union
européenne au Mali, Mme Irène Horejs : l’intégration des migrants dans le pays
d’accueil réduit notablement les transferts.
L’impact des migrants sur le développement de leur pays d’origine ne se
limite pas à leurs seuls transferts financiers, ils transmettent également leur
compétence, leur savoir-faire, leur expérience des modes de vie du pays d’accueil.
B. LE CO-DÉVELOPPEMENT COMME POLITIQUE PUBLIQUE
1. Des reformulations successives
Les tentatives pour ériger le co-développement en politique publique
remontent, pour l’essentiel, à la fin des années 1990. Elles ont fait l’objet de
reformulations successives.
L’idée originelle vient du ministère de l’intérieur : elle repose sur le
principe que le soutien aux actions menées par les migrants dans leur pays d’origine
peut faciliter leur intégration dans notre pays. Cette idée est toujours présente
aujourd’hui mais de façon plus secondaire.
Le co-développement est ensuite apparu comme une forme particulière
de coopération non gouvernementale et a été soutenue, à ce titre, par le ministère de
la coopération au même titre que les ONG ou la coopération décentralisée, via des
cofinancements.
Plus récemment, en 2003, le co-développement a été redéfini comme la
valorisation de l’action des migrants en faveur de leur pays d’origine quelle qu’en
soit la forme : la valorisation de l’épargne au service d’investissements productifs,
des transferts de compétences, ou des apports d’expériences sociales et culturelles.
L’accent est mis sur la mobilité et la circulation entre deux espaces, le pays d’accueil
et le pays d’origine. L’accompagnement des migrants de retour et les aides à la
réinsertion ont été rattachés à cette valorisation de l’apport des migrants.
- 17 -
Les autorités des pays concernés se sont également saisies de cette question
dans les années récentes, notamment par la création de structures consacrées à leurs
ressortissants à l’étranger. Dès 1998, le Mali a désigné un ministre des maliens de
l’extérieur, placé à la tête de structures de représentation des maliens expatriés. Un
ministère des marocains résidant à l’étranger a été créé en 2002, parallèlement à la
Fondation Hassan II qui, directement rattachée au pouvoir royal, mène des actions en
direction de la diaspora. Cette intervention gouvernementale, en complément de
l’action de la société civile part également du constat de la nécessité de resserrer les
liens économiques et culturels avec les générations nées dans le pays d’accueil.
Les pratiques de co-développement, majoritairement le fait d’individus ou
d’organisations de la « société civile » sont donc reprises et soutenues à la fois par
les autorités des pays d’accueil et celles du pays d’origine.
Lors de son audition devant la Commission des Affaires étrangères, Mme
Brigitte Girardin, alors ministre déléguée à la coopération et à la Francophonie a
précisé5 les orientations de la politique du gouvernement en matière de codéveloppement: le développement local, la mobilité des personnes et la mobilité de
l'épargne.
2. Les instruments du développement local
La définition des outils se heurte à une première difficulté d’identification
du périmètre du co-développement selon qu’il est entendu au sens strict de
mobilisation des migrants ou au sens plus large de synonyme d’une approche globale
de la question des migrations et du développement. Le codéveloppement n’est pas un
secteur de coopération identifié.
Pour ce qui concerne le développement local, le ministère des affairesétrangères accompagne financièrement les projets engagés par les associations de
migrants installés en France ou dans le cadre de la coopération décentralisée qui
visent à financer des équipements collectifs dans les pays d'origine ou des projets
d'investissement productif. Au Maroc, le ministère des Affaires étrangères finance,
via le fonds de solidarité prioritaire un fonds d’appui aux initiatives des collectivités
locales de 4,5 millions d’euros sur 3 ans auquel s’ajoute 5,5 millions d’euros de
financements marocains.
Il intervient également en appui à la réinsertion économique des migrantsdans leur pays d'origine, par le financement de micro-projets créant de l'activité et
des emplois. Il ne s’agit plus de mobiliser les diasporas présentes en France mais de
tenter de « positiver » le retour de migrants.
L’aide à la réinsertion relève d’un programme de co-développement
cofinancé par le ministère des Affaires étrangères et par l’Agence Nationale de
l’Accueil des Etrangers et des Migrations (ANAEM), soit d’un programme mis en
oeuvre par l’ANAEM et cofinancé, le cas échéant par l’Union européenne.
5 voir le compte-rendu de cette audition en annexe
- 18 -
Cette aide est née en 1993 au Mali d’un programme expérimental mis en
place après le retour de nombreux maliens en situation irrégulière et dépourvus de
moyens d’une réinsertion économique. Les plafonds de l’aide ont été
progressivement augmentés pour s’établir à 7 000 euros à partir de 2004.
Elle s’adresse aux personnes ayant bénéficié de l’un des dispositifs d’aide
au retour mis en oeuvre par l’ANAEM ou revenus spontanément depuis moins de six
mois après un séjour d’au moins deux ans en France.
Elle consiste dans une aide technique et financière pour le démarrage de
projets économiques. L’aide au démarrage, d’un montant maximum de 7 000 euros
est allouée par l’ANAEM. Le ministère des Affaires étrangères finance, pour sa part,
les opérateurs chargés de l’accompagnement des promoteurs de projets économiques
pour un montant maximum de 1 300 euros qui comprend une aide à l’étude de
faisabilité, puis au montage, à la mise en oeuvre et au suivi de gestion pendant un an.
Cette aide à la réinsertion est cumulable, pour certaines nationalités avec
l’aide au retour volontaire, proposée aux étrangers invités à quitter le territoire, qui
s’élève à 3500 euros pour un couple et à 1000 euros par enfant. L’aide au retour
volontaire a concerné près de 2000 personnes durant la phase d’expérimentation
entre octobre 2005 et décembre 2006, soit le double des personnes concernées par le
dispositif précédent sur une période comparable, dont un nombre limité d’africains,
130.
La ministre a indiqué qu'après avoir expérimenté ces actions dans quelques
pays, le champ géographique en était désormais élargi, en fonction des besoins
exprimés et de la mobilisation des diasporas, à l'ensemble des pays sub-sahariens
membres de la francophonie, ainsi qu'à Haïti, au Vanuatu et à l'Éthiopie.
3. Le soutien à la mobilité des personnes
S'agissant de la mobilité des personnes, le gouvernement souhaiteproposer aux migrants qualifiés installés en France de transmettre leurs compétences,
soit au travers de missions d'assistance technique de courte durée, soit, en matière
universitaire, par l'enseignement à distance.
Le projet TOKTEN « Transfer of Knowledge Through ExpatriateNationals » financé en partie par la coopération française et géré par le PNUDorganise des missions de scientifiques et universitaires maliens de la diaspora afin
qu’ils apportent une contribution à l’enseignement supérieur malien. Pendant la
durée des missions, ils donnent des cours et accompagnent les recherches et les
thèses des étudiants.
Un projet du Fonds de solidarité prioritaire de 4 millions d’euros porte sur
la gouvernance des universités marocaines. En marge d’un soutien à la réforme des
universités du pays, il prévoit la mobilisation de la diaspora scientifique, ainsi que le
développement de partenariat avec des Etats sub-sahariens.
Le co-développement s'adresse aussi aux Français issus des migrations
qui, même s'ils ne connaissent pas toujours leur pays d'origine, sont susceptibles
d’être intéressés par des actions de volontariat de solidarité internationale. Afin de
mobiliser un nombre croissant de ces jeunes, le ministère des affaires étrangères a
- 19 -
intégré cette mission dans le contrat d'objectifs et de moyens, signé en décembre
2006 avec l'Association française des volontaires du progrès. Il semble cependant
que la durée des missions de volontariat de solidarité internationale, deux ans, soit un
obstacle à une mobilisation très importante. Il serait souhaitable d’envisager des
durées plus courtes.
Les étudiants originaires des pays du Sud sont concernés au premier rangpar ce volet « mobilité » du co-développement mais il faut souligner qu’ils se
heurtent de plus en plus à des difficultés réelles liées à un niveau de français
insuffisant et à l’absence, dans des pays dont le français est langue officielle, d’une
offre de rattrapage linguistique.
La carte de séjour « compétences et talents » de trois ans a été créée parla même loi pour favoriser la venue temporaire de scientifiques, de sportifs, d’actifs
dans l’intérêt de la France et du développement du pays d’origine. Force est de
constater que ce dispositif est de conception plutôt unilatéral et donc assez éloigné du
concept de co-développement sauf à associer les pays d’origine dans la définition des
critères d’attribution. Et surtout, on verra qu’il n’est pas encore mis en oeuvre.
Les dispositions de la loi du 24 juillet 2006 en faveur de la mobilité
Les étudiants
Les étudiants ayant obtenu un diplôme de niveau master, pourront compléter leur formation par une
première expérience professionnelle en bénéficiant de 6 mois de séjour supplémentaires.
Les saisonniers
Les saisonniers, dont l’entrée et le séjour étaient précédemment fondés uniquement sur un contrat de
travail saisonnier visé par l’administration du travail sans document de séjour délivré par les
préfectures, recevront une carte de séjour temporaire accordée pour une durée maximale de trois ans
renouvelable, permettant d’exercer des travaux saisonniers n’excédant pas six mois dans l’année.
La carte « compétences et talents »
La carte de séjour portant la mention « compétences et talents » est une des principales innovations de
la loi Elle a été conçue pour attirer en France des personnalités remarquables, à haut potentiel, et pour
faciliter leur séjour. Elle « peut être accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de sescompétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique et au
rayonnement, notamment intellectuel, culturel ou sportif de la France ou du pays dont il a la
nationalité ».Les critères pris en considération seront déterminés par une Commission nationale des compétences et
des talents, chargée de fixer chaque année des critères afin d'aider le ministre de l'intérieur, autorité
décisionnelle, à apprécier l'opportunité d'accorder ou non la carte.
L'octroi de la carte « compétences et talents » est subordonnée à la production d'un visa de long
séjour. Les consulats auraient une fonction de présélection.
Accordée pour une durée de trois ans renouvelable une fois, cette carte permettrait à son titulaire
d'exercer toute activité professionnelle de son choix.
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La carte « compétences et talents » est attribuée au vu du contenu du projet de l'étranger et de la
nature de l'activité qu'il se propose d'exercer. L'intérêt de ce projet pour la France et pour le pays
d'origine serait aussi pris en considération.
La carte « compétences et talents » ouvrirait le bénéfice de plein droit de la carte de séjour temporaire
« vie privée et familiale » pour le conjoint et les enfants de son titulaire. Le renouvellement de la carte
de séjour temporaire serait aussi de plein droit durant toute la période de validité de la carte
« compétences et talents ».
Cette carte permet de solliciter la délivrance d'une carte de résident dans les conditions de droit
commun.
Le développement des visas de circulation est l’un des autres axes dusoutien à la mobilité des personnes. Ces visas, d’une durée maximale de cinq ans,
permettent d’effectuer plusieurs séjours n’excédant pas une durée cumulée de trois
mois par an. Au Mali, la délivrance de ce type de visas a augmenté de 25 % au cours
des dernières années. Entre 2003 et 2006, le nombre total de visas de circulation a
progressé de 210 000 à 250 000.
D’une façon plus générale sur la question des visas, vos rapporteurs ont pu
observer que la mise en place de la biométrie, effective dans les deux pays de la
mission, a permis de mettre fin aux scènes de files d’attente interminables auxquelles
ils avaient pu assister lors de missions précédentes et qu’ils jugeaient indignes.
L’attente des personnes s’est reportée sur l’obtention du rendez-vous pour le dépôt
du dossier mais le délai qui sépare ce dépôt de la délivrance du visa est très rapide,
de 24 à 48 heures.
4. La valorisation de l’épargne
S'agissant de la mobilité de l'épargne des migrants, les objectifs portentsur la diminution du coût des transferts et sur une meilleure orientation vers
l'investissement productif.
Le ministère des affaires étrangères cherche à favoriser une plus grande
transparence des services offerts aux migrants. Dans cette optique, le développement
d’un site internet permettant de comparer les différentes prestations disponiblespour les transferts de fonds a été confié à l’Agence française de développement.
Cette démarche s’inscrit dans la continuité des recommandations du G8 de
Sea Island en 2004. Elle a été mise en oeuvre par le Royaume-Uni dont le ministère
de la coopération (DFID) s’est livré, avec le secteur privé, à un travail de
recensement et de comparaison des offres de transferts disponibles à destination des
pays d’origine de ses plus importantes communautés de migrants. Un site internet6
permet une comparaison non seulement des coûts de transferts mais aussi de la
qualité des prestations offertes en termes de rapidité, de fiabilité et de facilité
d’accès.
- 21 -
Cette transparence devrait favoriser une plus grande concurrence et
favoriser l’intérêt des banques pour l’épargne des migrants. Le groupe La Poste et
l'Union postale universelle, ont ainsi pris l’initiative, a indiqué Mme Girardin devant
la Commission, de la création d'un nouveau mandat garantissant un transfert
électronique d'argent en un temps limité et pour un coût compétitif.
La loi du 24 juillet 2006 a créé un compte épargne co-développement quivise à orienter l'épargne des migrants vers les investissements productifs dans leur
pays d'origine.
Le compte épargne co-développement
Le compte épargne co-développement a été créé par la loi du 24 juillet 2006 relative à
l’immigration et à l’intégration et organisé par un décret du 19 février 2007.
Il permet aux travailleurs immigrés qui investissent dans leur pays d’origine de placer des
fonds sur un compte bloqué et de bénéficier d’exonérations fiscales en France à hauteur de 25 % du
revenu net global du foyer et de 20 000 euros par personne et par année.
Les sommes placées ne pourront être débloquées que si l’épargnant justifie d’un
investissement dans les pays en voie de développement. Les investissements autorisés portent sur la
création, la prise ou la reprise de participations dans des entreprises locales ; l’abondement de fonds
destinés à des activités de micro finance ; l’acquisition d’immobilier d’entreprises, d’immobilier
commercial ou de logements locatifs ; le rachat de fonds de commerce ; le versement à des fonds
d’investissements dédiés au développement ou à des sociétés financières spécialisées dans le
financement à long terme. Le montant maximum est fixé à 50 000 euros. La durée du compte ne peut
être inférieure à un an et supérieure à six ans à compter du versement initial.
La dépense fiscale correspondante pourrait s’élever à 15 millions d’euros mais ce dispositif
n’est pas encore mis en oeuvre.
5. Une synthèse des différents instruments : les accords de gestion
concertée des flux migratoires
L’accord de gestion concertée des flux migratoires signé avec le Sénégal le
23 septembre 2006 illustre les différentes facettes d’une approche globale de la
question des migrations associant les questions sécuritaires et les questions de
développement.
Il crée un observatoire général des flux migratoires afin d’améliorer les
connaissances. Il prévoit de faciliter la délivrance de visas de circulation pour
certaines catégories de personnes (hommes d’affaires, intellectuels, scientifiques…)
ainsi que celle des visas de transit. Il comporte des dispositions relatives aux
étudiants et aux travailleurs, à la surveillance des frontières et à la réadmission des
ressortissants et aborde la coopération au développement dans des secteurs
spécifiques comme la santé, l’agriculture et le domaine financier.
Cet accord ne connaît pas encore d’application concrète mais il a vocation à
constituer la trame de futurs accords liant la France à d’autres Etats africains.
Un second accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires a ainsi
été signé le 5 juillet 2007 avec le Gabon. Il porte notamment sur la facilitation de la
- 22 -
circulation des personnes, sur l’accès à l’emploi des gabonais dans certaines
professions, sur la réadmission des clandestins et sur le renforcement de la
coopération, avec un volet relatif à la fiabilité de l’état civil. La relation entre la
France et le Gabon sur la question migratoire n’est pas une relation difficile : le
Gabon est plus un pays d’accueil qu’un pays d’origine et la pression migratoire
émanant de ce pays est inexistante.
La question de l’articulation de ces accords avec les Documents Cadrede Partenariat (DCP) signés avec la plupart des pays destinataires de l’aidefrançaise et définissant les secteurs prioritaires est posée et il conviendra d’assurer, le
cas échéant, une cohérence entre ces deux documents.
Les accords de gestion concertée des flux migratoires pourraient également
être transposés à l’échelon européen.
6. Une organisation « aux multiples commandes »
Le co-développement, en tant que politique publique, est embryonnaire.
Elle ne mobilise qu’un nombre de personnes et un volume de crédits limités.
L’organisation globale est cependant relativement complexe et implique, pour
l’essentiel : le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’intérieur et le
ministère des Affaires sociales, tutelle de l’ANAEM.
Le Comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI) a été créé
par un décret du 26 mai 2005 afin de coordonner les actions des différents
départements ministériels. Son activité est soutenue : en dix-huit mois, il s’est réuni
cinq fois, soit un nombre équivalent aux réunions du CICID, son équivalent
compétent en matière de développement, pourtant créé quelques années plus tôt, en
1998.
Un « ambassadeur délégué au co-développement » a été nommé en
décembre 2002, rattaché administrativement au secrétariat général du ministère des
Affaires étrangères. Il a un rôle de conception, de coordination, de dialogue avec les
associations de migrants et d’initiative ; la mise en oeuvre des projets concrets est
assurée par les services du ministère. L’appui aux actions des organisations de
migrants s’effectue via la Mission d’appui aux organisations non gouvernementales
(MAIONG).
La mise en oeuvre des projets de la coopération française s’effectue via le
Fonds de solidarité prioritaire du ministère des Affaires étrangères, l’Agence
française de développement n’intervenant que de façon marginale dans le dispositif
alors que le développement du secteur productif et l’accès relèvent plus de ses
secteurs d’intervention que de ceux du ministère des Affaires étrangères. Leministère des Affaires étrangères se trouve donc en position d’opérateur alors
qu’il lui revient, en principe, un rôle de conception et de pilotage stratégique des
politiques de développement.
- 23 -
La création, en mai 2007, d’un ministère ayant compétence à la fois sur
l’immigration, l’intégration, l’identité nationale et le co-développement7 devraitamener une nouvelle répartition des rôles dont il est trop tôt pour évaluer l’ampleur
et les contours ainsi que les effets sur la politique de co-développement.
C. QUELS EFFETS SUR LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ?
Constatant la forte présence du co-développement dans les documents sur
la stratégie de l’aide française, notamment dans les conclusions du CICID, vos
rapporteurs se sont interrogés sur les effets de l’intégration de la problématique des
migrations dans la politique d’aide au développement : a-t-elle un effet sur les
priorités sectorielles, sur les priorités géographiques, sur les instruments de l’aide ?
1. Des actions expérimentales
Sur la période 2003-2006, le co-développement a bénéficié de 14
millions d’euros, volume porté à 22 millions d’euros sur la période 2006-2008.
Le champ géographique défini pour recevoir, à titre expérimental, les
actions de co-développement comprend quatre pays : le Sénégal, le Mali, le Maroc et
les Comores. Les expériences concrètes se concentrent pour l’essentiel dans deux
pays, le Maroc et le Mali où vos rapporteurs ont choisi de se rendre.
Ces deux pays présentent un profil très différent. La présence de leurs
expatriés en France s’établit dans un rapport de un à dix au profit du Maroc.
2. Au Maroc
En ce qui concerne le Maroc, la question migratoire est un sujet trèsimportant d’une relation bilatérale très dense.
La communauté marocaine établie à l’étranger est estimée à 3 millions de
personnes, soit 10 % de la population marocaine. La moitié des marocains partis pour
l’Europe sont installés en France. 470 000 sont titulaires d’un titre de séjour.
La France est le premier client, le premier fournisseur et le premier
investisseur au Maroc qui est également, avec 180 millions d’euros par an, le premier
7 Publié le 31 mai 2007, le décret d’attribution du ministre de l’immigration, del’intégration de l’identité nationale et du co-développement précise que le ministre « est chargé de lapolitique de codéveloppement et, en liaison avec le ministre des affaires étrangères et européennes et
le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, participe à la définition et à la mise en oeuvre
des autres politiques de coopération et d'aide au développement qui concourent au contrôle des
migrations ». Le ministre « a autorité sur le secrétaire général du comité interministériel de contrôle del'immigration et l'ambassadeur au codéveloppement » et il dispose des différents services concourantà cette politique, notamment de la Direction générale de la coopération internationale et du
développement (DGCID).
- 24 -
destinataire de l’aide bilatérale française, essentiellement sous forme de prêts ; les
encours de l’Agence française de développement y atteignent un milliard d’euros.
Plus de 800 000 marocains vivent en France et les 30 000 étudiants marocains
représentent la première nationalité des étudiants étrangers. Dans le cadre de la
migration de travail, la France accueille 7 000 travailleurs saisonniers par an. Le
Maroc demeure également un important pays d’origine de migration illégale vers la
France et figure au septième rang des nationalités pour le placement en zone
d’attente, au deuxième rang des non-admissions, au premier rang des réadmissions
simplifiées et au troisième rang pour les interpellations d’étrangers en situation
irrégulière en 2005.
Pays de transit des migrants sub-sahariens, en provenance notamment du
Sénégal, du Mali et de Côte d’Ivoire, le Maroc est aussi devenu un pays de
destination sous l’effet de l’allongement des périodes de transit. Il accueillerait
aujourd’hui, selon les estimations, entre 10 000 et 25 000 migrants, principalement à
Rabat. Ce phénomène, très neuf, devrait aller croissant ; il représente un véritable
bouleversement pour la société marocaine et pose des problèmes de sécurité, ces
populations étant très marginalisées. Bien que très réticent sur la question de la
réadmission des étrangers tiers, le Maroc est ouvert aux coopérations sur le contrôle
des flux migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne et reçoit notamment des
fonds substantiels8 de l’Union européenne dans ce domaine afin, notamment derenforcer sa police des frontières. Dans sa relation avec le Maroc sur les questions
migratoires, la France partage des préoccupations communes avec l’Espagne9.Le Maroc se rattache par certains aspects à un pays émergent, même si les
fondamentaux de son économie restent fragiles comme en atteste son classement à la
108eme position dans le classement du PNUD. Il en présente les caractéristiques
sociales : fortes inégalités (19 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté
et 10 % de la population détient plus de 30 % du revenu national), très forte disparité
villes/campagnes et régionale, coexistence de secteurs économiques dynamiques et
« mondialisés » avec un important secteur informel.
Au Maroc, l’Agence française de développement finance de nombreux
programmes qui pourraient être reliés à la problématique des migrations : accès au
crédit, mise en valeur agricole, accès aux services sociaux...
Elle gère plus particulièrement un programme de 3,81 millions d’euros pour
le compte de la direction Justice et Affaires intérieures de la Commission
européenne. Ce programme qui a pour objet d’appuyer les investissements
personnels et collectifs des Marocains résidant à l’étranger comprend deux volets, un
volet d’appui au tourisme rural par la création de gîtes ruraux dans la région de
Taroudant et un volet de soutien à la création ou au développement d’entreprises
« innovantes ».
8 Le Maroc bénéficie d’un important projet (67 millions d’euros) sur fonds de l’instrument financierMEDA, principalement constitué d’aide budgétaire pour l’appui à la décentralisation de sa police et
la mise à niveau de ses postes frontières. Il reçoit environ 5 millions d’euros d’appui au volet
international de l’ANPE locale, l’ANAPEC et l’encours de projets sur fonds AENEAS (DG JLS)
s’élève à environ 25 millions d’euros. Au total, le Maroc s’est vu attribuer plus de 100 millions
d’euros de financements européens sur la question des migrations.
9 Quelque 7 millions de marocains parlent l’espagnol dans le Nord du Pays qui a avec l’Espagne uneproximité culturelle historique.
- 25 -
Sur le montant total du programme, 1,5 million d’euros sont pris en charge
par une subvention de la Commission, à hauteur d’un tiers du projet dans la limite de
150 000 euros, chaque projet faisant l’objet d’un apport d’au moins un tiers par des
marocains résidant à l’étranger, le dernier tiers étant apporté par un fonds
d’amorçage, opérateur marocain spécialisé dans les entreprises innovantes. Leprogramme ne crée aucune obligation au retour des investisseurs dans leur pays
d’origine. Le volet Tourisme rural est mis en oeuvre par un opérateur marocain,l’agence de développement social, assisté d’un opérateur délégué, l’association
Migrations et développement, présente en France et au Maroc.
3. Au Mali
Le Mali, classé 175ème sur 177 selon l’indice de développement humain,avec deux tiers de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté, connaît une
croissance démographique forte (3 %/an). Quatre millions de maliens sont expatriés
dont 60 à 120 000, les chiffres varient selon les estimations, en France. Les maliens
figurent au sixième rang des nationalités placées en zone d’attente (343 personnes en
2005).
Le Mali était, avec le Sénégal et la Mauritanie, l’un des trois pays
concernés par le Programme de développement local/migrations mis en place entre
1996 et 2000 et qui constituait une préfiguration du co-développement en finançant
des aides au développement local des régions d’origine et à l’accompagnement des
migrants de retour.
Suite à la signature de la convention franco-malienne sur le codéveloppement,
intervenue le 21 décembre 2000, une première convention de codéveloppement
sur les crédits du fonds de solidarité prioritaire a été signée en 2002
pour un montant de 2,6 millions d’euros.
Le programme comprend trois composantes : le développement des zones
d’origine (950 000 euros), le soutien aux investissements productifs (750 000 euros)
et les questions d’identité, volet destiné aux jeunes issus de l’immigration (500 000
euros).
Une deuxième phase du FSP co-développement a démarré en juin 2006
pour trois ans et pour un montant de 2,6 millions d’euros. Tout en conservant le
même schéma, il étend le dispositif à l’ensemble du territoire malien et renforce le
volet d’appui aux initiatives des jeunes issus de l’immigration.
La composante « développement local » consiste en l’appui auxassociations pour la conception de projets de développement notamment dans le
secteur de l’éducation. Les migrants et les bénéficiaires ont apporté 29 % des
financements, le FSP co-développement, 63 %, le reste étant apporté par d’autres
partenaires, notamment des collectivités territoriales françaises, dans le cadre de la
coopération décentralisée. Dans ce dernier domaine, la ville de Montreuil met en
oeuvre un programme de développement rural très significatif (10 millions d’euros)
dans la région de Yélimané qui comprend un apport des migrants à hauteur de
- 26 -
500 000 euros et qui présente la caractéristique d’une coopération tripartite avec le
Viet Nam en matière agricole, notamment pour la culture du riz.
La composante « développement de l’appareil productif » comprenddeux volets, un volet « réinsertion économique » et un volet « investissement à
distance ».
Le volet « réinsertion économique » associe deux modes de financement,le ministère des Affaires étrangères, via le FSP, et le ministère de la cohésion sociale,
via l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, ANAEM, dans le
cadre de l’aide à la réinsertion précédemment évoquée. Ces sommes sont versées par
tranches au rythme d’avancement du projet. Elles ne sont pas perçues par le migrant
mais par l’opérateur qui l’accompagne dans son projet.
Le volet « investissement à distance » permet à des migrants d’investir leurépargne dans le développement du secteur privé malien, via la Banque Nationale de
Développement Agricole (BNDA) dont l’Agence française de développement est
l’un des actionnaires. L’épargne du migrant est rémunérée à 3.5 % et permet à un
promoteur d’emprunter 4 millions de Francs CFA à 14 %. Un opérateur, financé sur
les crédits du co-développement participe à l’étude de faisabilité et assure le suivi
technique du projet.
4. Un premier bilan contrasté
Les actions de co-développement présentent un intérêt majeur, celui d’avoir
mis en lumière que les politiques de gestion des flux migratoires ne peuvent se
limiter au contrôle des frontières et à la lutte contre l’immigration clandestine sans se
préoccuper de ses causes profondes.
Elles prennent des formes dont la coopération française n’est plus
coutumière, le soutien à des micro-projets avec une forte composante
d’accompagnement assurée par des opérateurs locaux, mais auxquelles elle pourrait
retrouver un intérêt sous des formes modernisées.
A l’évidence cependant, les deux politiques que sont le développement et la
maîtrise des flux migratoires s’inscrivent dans des horizons temporels différents ; le
co-développement tente, dans une certaine mesure, de les faire se rencontrer.
Bien que né à la fin des années 1990, le codéveloppement a fait l’objet
d’une reformulation et d’applications opérationnelles récentes : la carte
« compétences et talents » n’avait ainsi pas encore reçu d’application concrète dans
les deux pays à la date de la mission de vos rapporteurs ; de même, l’accord de
gestion concertée des flux migratoires avec le Sénégal, pour partie,
vraisemblablement en raison des échéances électorales sénégalaises, était, lui aussi,
resté inappliqué.
Près d’un an après la promulgation de la loi de juillet 2006, le livret
d’épargne co-développement n’était, quant à lui, toujours pas distribué par les
banques, faute de publication des textes d’application nécessaires et notamment de la
convention liant les banques au titulaire d’un livret codéveloppement.
- 27 -
Il est également trop tôt pour évaluer le volet « gîtes ruraux » au Maroc,
qui n’est pas encore entré en phase de commercialisation
Lancé en 2003 pour une durée de deux ans, le programme de codéveloppement
au Maroc a été prolongé pour tenir compte des difficultés
rencontrées. Force est de constater que le volet « entreprises innovantes», avec trois
entreprises créées en quatre ans et deux en phase de démarrage, n’a pas été couronné
de succès.
Au Mali, le co-développement a permis la réalisation de projets de
développement local consistant essentiellement en une « activation » de l’aide au
retour des migrants.
413 projets ont été financés entre 1998 et 2002, à un rythme d’environ 40
dossiers par an. Après le passage de la subvention de 4000 à 7 000 euros en 2003, le
nombre de dossiers a augmenté et 254 projets ont été financés pour la période 2004-
2005. On estime à 1 500 la création d’emplois liée à ces migrants de retour depuis
2002.
Parmi les projets présentés à vos rapporteurs, certains cherchent à tirer un
réel parti de l’expérience de la migration en s’inscrivant d’emblée dans un modèle
économique lié aux échanges entre les deux espaces en visant une clientèle
d’émigrés en France et en faisant appel à des partenaires au sein de cette
communauté ou en se situant dans la filière « bio » permettant de diffuser des
produits en France, à des prix plus rémunérateurs.
Bilan de la première phase du FSP Mali
22 projets de développement local dans la région de Kayes (625 000 euros de cofinancement)
300 projets de réinsertion économique
43 missions d’appui à la diaspora scientifique et technique (programme TOKTEN)
10 projets jeunesse
24 missions d’échange et d’expertise en France et au Mali
La mise en oeuvre du volet « investissement à distance » est restée
largement théorique puisqu’il n’a concerné qu’un seul bénéficiaire. Quatre
promoteurs ont par ailleurs bénéficié d’un prêt à 16 % mais un seul honore ses
engagements de remboursements, les trois autres étant défaillants. La sélection des
projets et de leur promoteur s’est révélée insuffisante.
Pour ce qui concerne le volet « jeunesse », 10 projets avaient été financés à
la fin de l’année 2005, principalement dans le domaine culturel.
Il s’agit cependant de transformer en « entrepreneurs » des migrants qui se
trouvaient le plus souvent en situation d’échec dans leur parcours de migration. Dans
cette perspective, l’action menée relève davantage de la réinsertion sociale, par
ailleurs nécessaire, que du développement du secteur productif.
- 28 -
Selon l’évaluation menée sur le FSP Mali, 80 % des migrants s’étaient
réinsérés socialement et les trois-quarts des entreprises fonctionnaient encore au bout
de deux ans. Le dispositif a permis de créer trois emplois par projet en moyenne, soit
quelque mille emplois en trois ans.
Les facteurs de réussite déterminants sont le montant de l’apport financier
du migrant, témoignage de son implication personnelle et de la maturité de son projet
ainsi que la nature de ses charges familiales : si elles sont trop importantes, elles
mettent en péril la viabilité du projet mais, a contrario, une charge de famille est un
facteur de stabilité et d’engagement dans le projet.
Le bilan des expériences menées n’est pas négligeable mais il fait
apparaître une politique prioritairement orientée sur la gestion des flux
migratoires, sans effet massif néanmoins sur ces mêmes flux. Le nombre despersonnes accompagnées dans le cadre de l’aide à la réinsertion n’est pas comparable
au volume des flux migratoires vers l’Europe.
5. Quels changements d’échelle envisageables ?
Encore largement expérimentale, la politique de co-développement est
confrontée à la question de sa montée en puissance.
Les obstacles sont nombreux.
Le débat sur le co-développement s’est beaucoup focalisé, à la demande des
associations de migrants, sur la question du coût des transferts. En l’absence de
structures bancaires très développées, et donc de concurrence, dans les régions
d’origine des migrants, ces coûts sont effectivement élevés et ponctionnent d’autant
les montants disponibles. Nécessaire pour réduire la part du secteur informel, une
action sur les coûts de transferts ne devrait cependant pas avoir d’effet notable sur la
part des investissements productifs.
Il convient tout d’abord de rappeler que si les transferts de migrants
sont importants en termes de volume global, le montant des transferts annuels
individuels représente une capacité d’investissement limité (2 500 euros par an enmoyenne pour le Maroc).
En second lieu, il s’agit de flux privés qui peuvent certes contribuer au
développement mais dont l’emploi relève de décisions individuelles.
Enfin, si la part de l’investissement productif dans les transferts totaux est
résiduelle, c’est qu’ils constituent en premier lieu un transfert de revenus
indispensable pour satisfaire des besoins de consommation courante dans des régions
où les opportunités d’investissements sont par ailleurs limitées.
La mobilisation des migrants suppose des communautés structurées dans le
pays d’accueil. C’est notamment le cas de la communauté malienne en France qui a
su développer des modes élaborés d’aide au développement. Il sera plus difficile
pour la coopération institutionnelle française de travailler avec des communautés
plus récentes, moins structurées et plus atomisées. Suite à la réunion du CICID du 19
juin 2006, l’extension des programmes de codéveloppement financés sur le Fonds de
solidarité prioritaire a été décidée. Après le développement de programmes au
- 29 -
Sénégal et au Comores, le champ géographique des projets
« FSP Codéveloppement » devrait être étendu à d’autres pays d’Afrique (Bénin,
Cameroun, Cap Vert, Madagascar, Mauritanie et Éthiopie) ainsi que le Vanuatu et
Haïti.
La montée en puissance de la politique de co-développement ne peut se
résumer à une augmentation des crédits budgétaires qui y sont alloués.
D’une part, l’aide financière n’est pas suffisante pour faire du retour un
succès, l’accompagnement du migrant dans son projet est déterminant. Lesstructures capables d’assurer une telle prestation dans de bonnes conditions sont peu
nombreuses : les structures de coopération européennes ou des bailleurs bilatéraux ne
sont pas en mesure de remplir un tel rôle pour des projets nombreux et de petite
taille ; il convient donc de confier cette tâche à des ONG faisant office de bureaux
d’études. La coopération décentralisée peut aussi jouer un rôle très important.
D’autre part, ce ne sont pas tant les crédits qui font défaut que les projets
d’investissements viables portés par des migrants volontaires pour retourner dans
leur pays d’origine et aussi les personnes ressources aptes à les accompagner.
Le passage du niveau microéconomique, consistant dans la création de
micro-entreprises, dans lesquelles le migrant est son propre employeur, à un niveau
macro-économique, où la création d’emplois peut avoir des effets potentiels sur la
migration, reste à conquérir.
En outre, dans son volet le plus opérationnel de l’aide au retour, le codéveloppement
est marqué par un certain nombre de biais. Les migrants sont certes
des acteurs importants du développement de leur pays d’origine mais il est légitime
de s’interroger sur la convergence de leurs choix, géographiques ou sectoriels, avec
les intérêts du développement du pays.
Poussée à l’extrême, la logique de l’aide au retour irait à l’encontre de
l’objectif recherché en privilégiant, parmi les investisseurs potentiels dans un pays
donné, ceux passés par la « case France » ». En termes de développement,
l’investissement d’un migrant n’a pas forcément plus de pertinence économique
qu’un investissement porté par un non migrant. Rapportée au nombre d’habitants,
l’aide bilatérale française au Mali est inférieure à 5 euros, soit nettement inférieure
aux 8 200 euros consacrés à l’aide à la réinsertion d’un migrant de retour.
L’arbitrage, au sein des crédits d’aide au développement entre des projets locaux et
des projets portés depuis l’extérieur ne serait, à ce stade, pas souhaitable.
Le choix de « régions cibles » conduisant à privilégier les régions d’origine
des migrants est aussi à manier avec précaution. Le choix majoritaire des migrants de
retour de ne pas se réinstaller dans leur région d’origine, les raisons qui les avaient
conduits au départ ayant peu évolué, conduit à envisager beaucoup plus largement les
régions de mise en oeuvre des projets de co-développement. Au Mali, le ciblage
initial de la seule région de Kayes, principale zone d’émigration vers la France, n’a
pas été maintenu et le dispositif a été élargi à l’ensemble du pays.
En l’état actuel, la politique de co-développement apparaît davantage
tournée vers un objectif interne, freiner l’immigration et favoriser le retour des
migrants que vers une politique « externe » visant à favoriser le développement
du pays d’origine.
- 30 -
La rencontre entre ces deux objectifs revêt encore un caractère artificiel,
tant que les Etats d’origine ne s’en saisissent pas pour élaborer une véritable
stratégie, accompagner les migrants dans leurs projets et orienter leur épargne vers
les secteurs les plus créateurs d’emploi. Tant que cette synthèse n’est pas réalisée,
vos rapporteurs ne croient pas à l’efficacité d’un recours plus large aux crédits d’aide
au développement, tel qu’évoqué par le ministre des finances du Mali, pour abonder
les projets d’aide au retour.
Le recours aux crédits d’APD ne garantit pas l’implication du pays
d’origine alors qu’elle est une condition indispensable à la réussite de cette politique.
Elle peut prendre des formes diverses : accompagnement juridique, allègement des
contraintes administratives, incitations fiscales, travail avec le secteur bancaire pour
améliorer le cadre réglementaire…
Devant ces difficultés, et compte-tenu de l’importance budgétaire de
l’engagement de la France au niveau européen sur les questions de développement,
un changement d’échelle significatif peut être recherché par l’implication de l’Union
européenne dans une politique de co-développement.
- 31 -
III. L’UNION EUROPÉENNE, NOUVEL HORIZON DU CODÉVELOPPEMENT
?
Partiellement communautarisées par le Traité d’Amsterdam, les politiques
migratoires ont connu un regain d’intérêt sous l’impulsion des Etats du Sud,
frontières extérieures de l’Union. Les images frappantes des événements de Ceuta et
Melilla en octobre 2005 ont illustré à la fois l’ampleur des difficultés et la nécessité
d’une solidarité européenne et d’une approche globale de ces questions. Le sommet
de Hampton Court d’octobre 2005 a ainsi élevé la question migratoire au rang de
priorité.
A. LE CADRE INSTITUTIONNEL : UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE
1. L’intérêt d’une approche communautaire de la question des
migrations
L’intérêt d’une approche communautaire de la question des migrations est,
pour notre pays, avant tout politique. Même si les flux migratoires ne sont plus
l’apanage exclusif d’anciennes colonies françaises, l’histoire particulière des liens
entre la France et le continent africain entoure le dialogue sur les migrations d’un
affect qui nuit à sa sérénité. Sortir d’un face à face bilatéral peut permettre de
progresser sur ces questions dans un climat plus apaisé.
En second lieu, ces matières ayant été partiellement communautarisées, il
est logique que les négociations soient conduites à l’échelon européen.
Enfin, la faiblesse des marges de manoeuvres sur crédits bilatéraux, du fait
de l’engagement massif de la France en faveur des institutions multilatérales de
développement, au premier rang desquelles figure l’Union européenne, justifie qu’un
effet de levier en matière de développement suffisant pour peser sur la question des
migrations soit davantage recherché au niveau européen.
2. Une communautarisation partielle
Depuis l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam en 1999, les questions
relatives à l’immigration ont fait l’objet d’une application progressive de la méthode
communautaire.
Toutefois, alors que les mesures relatives à l’immigration illégale relèvent
du vote à la majorité qualifiée et de la codécision avec le Parlement européen, les
mesures relatives à l'immigration légale continuent aujourd'hui de relever de la règle
de l'unanimité au Conseil et de la consultation simple du Parlement européen.
Dans ce domaine, des directives ont été adoptées sur le droit au
regroupement familial (2003/86/CE), sur les conditions d’admission de ressortissants
de pays tiers à des fins d’études, d’échanges d’élèves, de formation non rémunérée
ou de volontariat (2004/114/CE) sur une procédure d’admission spécifique des
- 32 -
ressortissants des pays tiers dans l’UE aux fins de recherche scientifique (2005/71) et
sur le statut des ressortissants de pays tiers résidant légalement depuis au moins cinq
ans sur le territoire d’un Etat membre. Pour ce dernier cas, la mobilité à des fins
d’emploi reste du ressort des Etats membres. Tous ces textes laissent une marge
d’appréciation importante aux Etats membres pour leur mise en oeuvre.
Les compétences communautaires sur la question des migrations
Les compétences de l’Union européenne en matière d’immigration sont issues du Traitéd’Amsterdam de 1997, entré en vigueur en 1999. En signant ce traité, les Etats membres ont transféréune partie de leurs prérogatives en matière d’immigration, d’asile, de visas et d’autres mesures
relatives à la libre circulation des personnes qui sont devenues des compétences partagées entre les
États membres et l'Union européenne.
Bien que ces domaines relèvent du « premier pilier » depuis cette date, ils ne sont pas, pour
autant, aujourd'hui entièrement soumis à la méthode communautaire. En effet, le traité d'Amsterdam,
puis le traité de Nice, ont prévu une application progressive de la méthode communautaire à ces
matières.
Ainsi, dans le domaine de l'immigration, l'article 63, paragraphes 3 et 4, du traité instituant
la Communauté européenne ne prévoit que l'adoption de « mesures » relatives à la politique
d'immigration, dans des matières limitativement énumérées :
- les conditions d'entrée et de séjour ;
- l'immigration clandestine et le séjour irrégulier, y compris le rapatriement des personnes
en séjour irrégulier ;
- les droits des ressortissants des pays tiers en situation régulière de séjour dans un État
membre de séjourner dans les autres États membres et les conditions dans lesquelles ils peuvent le
faire.
Le terme même d'« harmonisation » ne figure pas dans le traité à propos de l'immigration.
Lors du Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004, les chefs d'État et de gouvernement
ont décidé de recourir à la « clause passerelle » pour passer, à partir du 1er janvier 2005, au vote à lamajorité qualifiée au Conseil et à la codécision avec le Parlement européen pour les mesures relatives
aux contrôles des frontières, tant intérieures qu'extérieures, ainsi qu'à l'immigration clandestine. Cet
accord a été formalisé par une décision du Conseil en date du 22 décembre 2004.
Le passage de l’unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil et à la codécision avec
le Parlement européen était quant à lui prévu par le projet de Traité constitutionnel pour les mesures
relatives à l’immigration régulière.
Le mandat de la Conférence intergouvernementale, adopté lors du Conseil européen des 21
et 22 juin 2007, ne remet pas en cause cette évolution. En tout état de cause, chaque Etat membre
conserve le droit de définir les volumes d’entrée des ressortissants des Etats tiers à des fins d’emploi.
- 33 -
3. Des objectifs ambitieux
A la suite de l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, lors du Conseil
européen de Tampere en Finlande en octobre 1999, les Etats membres ont adopté un
premier programme de travail.
Lors de ce sommet, le Conseil européen a fixé l'objectif d'une « politique
commune » en matière d'immigration, dont il a défini trois orientations majeures :
« - le développement du partenariat avec les pays d'origine afin de
favoriser en particulier le co-développement ;
- un traitement équitable des ressortissants de pays tiers ;
- une gestion plus efficace des flux migratoires, comprenant un contrôle
efficace aux frontières extérieures. »
Si les deux dernières priorités ont connu un début de mise en oeuvre, le
partenariat avec les pays d’origine est resté largement à engager. Le programme de
Tampere comprend cependant la première référence à la notion de co-développement
au niveau européen.
Le programme de La Haye, adopté en annexe des conclusions du sommet
européen de Bruxelles en novembre 2005, relance le processus en reprenant ces
différents objectifs. Il prévoit l’adoption d’une directive générale sur les droits
fondamentaux des travailleurs migrants et quatre directives spécifiques traitant des
conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’immigrants. La
Commission propose plusieurs mesures pour renforcer la coopération avec les pays
d’origine : contrôle des flux, limitation de la fuite des cerveaux au profit d’une
meilleure circulation migratoire, structures de formation dans les pays d’origine…
B. UN CADRE CONCEPTUEL : L’APPROCHE GLOBALE DES MIGRATIONS
L’idée d’une approche globale, initialement portée par la France, est
désormais adoptée au niveau européen. Les liens entre migration et développement
sont abordés pour la première fois par la Commission dans une communication de
décembre 2002 qui recommande l’intégration de cette question dans les relations
avec les Etats tiers et le renforcement de la cohérence entre les politiques.
En décembre 2005, le Conseil européen a adopté « l’approche globale sur la
question des migrations », une « approche équilibrée, globale et cohérente,comprenant des politiques destinées à lutter contre l’immigration illégale et
permettant, en coopération avec les pays tiers, de tirer parti des avantages de
l’immigration légale » qui vise à définir une action cohérente en matière demigrations au travers de différents domaines d’action : relations extérieures,
développement, emploi, justice, liberté et sécurité.
Parmi les mesures concrètes proposées figurent la facilitation de l’envoi de
fonds vers les pays d’origine (transparence des coûts, développement de l’accès aux
services financiers), l’encouragement du rôle des diasporas implantées dans les Etats
- 34 -
membres (aider les pays en développement à identifier leur diaspora et à établir des
liens), le renforcement de la migration circulaire et la facilitation du retour et
l’atténuation des inconvénients causés par la fuite des cerveaux.
La mise en oeuvre de cette politique suppose l’intervention de plusieurs
directions générales de la Commission : Justice, liberté et sécurité (JLS) pour les
aspects « sécuritaires », Développement, compétente pour l’Afrique mais aussi
Relations extérieures, compétente pour la politique de voisinage et, pour ce qui
concerne la mission de vos rapporteurs, pour le Maghreb.
1. Le dialogue avec les Etats tiers
L’année 2006 a été consacrée à établir un programme de travail avec
l’Afrique.
Une première conférence ministérielle euro-africaine sur la migration
et le développement s’est tenue en juillet 2006 à Rabat. Elle a abouti à la
définition d’un partenariat assorti d’un plan d’action et a convenu de la tenue
d’une seconde conférence dans les deux ans.
Le plan d’action de Rabat comprend six points : migration et
développement, migration légale, immigration irrégulière, coopération opérationnelle
policière et judiciaire et aide aux victimes, financement et cadre et suivi
institutionnel. Il fait une large place au co-développement et à la formation, met
l’accent sur la promotion de la migration circulaire et temporaire, réaffirme l’objectif
de la conclusion d’accords de réadmission tout en prévoyant l’octroi de soutiens
financiers aux pays confrontés à des situations d’urgence en matière d’immigration
irrégulière. Il prévoit la création d’un observatoire euro-africain de la migration.
Ce dialogue s’est poursuivi en septembre dans le cadre des Nations-unies
puis en novembre en Libye dans le cadre d’une conférence ministérielle UE-Afrique.
Il s’est systématisé dans les différentes enceintes du dialogue entre l’Union et les
pays tiers, notamment, pour ce qui concerne les Etats africains dans le cadre de
l’article 13 de l’accord de Cotonou.
L’Accord de Cotonou, qui régit les relations avec les Etats ACP (Afrique,Caraïbes, Pacifique) offre un cadre pour le dialogue politique dans son article 8 et
couvre, dans son article 13 un large éventail de questions relatives aux migrations et
au développement.
L’article 8 stipule ainsi que « les parties mènent, de façon régulière, undialogue politique global, équilibré et approfondi conduisant à des engagements
mutuels ». Ce dialogue a pour objectif (…) de faciliter la définition de priorités et deprincipes communs en particulier en reconnaissant les liens existant entre les
différents aspects des relations nouées entre les parties ». (…) « le dialogue englobeles stratégies de coopération ainsi que les politiques générales et sectorielles, y
compris l’environnement, l’égalité hommes/femmes, les migrations et les questions
liées à l’héritage culturel ».L’article 13, quant à lui, est entièrement consacré à la question desmigrations. Il prévoit un dialogue approfondi sur ce sujet dans le cadre du partenariat
ACP-UE. Après avoir posé le principe de l’égalité de traitement et de la non-35 -
discrimination, l’article 13 établit une relation entre le politique de développement et
la gestion des flux migratoires : « Les parties considèrent que les stratégies visant àréduire la pauvreté, à améliorer les conditions de vie et de travail, à créer des
emplois et à développer la formation contribuent à long terme à normaliser les flux
migratoires ». Il évoque ainsi la nécessité « d’appuyer le développement économiqueet social des régions d’origine des migrants » et met l’accent sur la formation desressortissants ACP. Le dernier volet de l’article 13 porte sur les questions liées à
l’immigration illégale « en vue, le cas échéant de définir les moyens d’une politiquede prévention
». Il pose le principe de la réadmission des ressortissants d’une partieillégalement présents sur le territoire de l’autre partie mais renvoie à des accords
bilatéraux le soin de définir les obligations spécifiques de réadmission et de retour de
leurs ressortissants.
Avec l’article 13 de l’accord de Cotonou, la Commission dispose d’une
base juridique complète et précise pour un dialogue avec les Etats ACP sur la
question des migrations, dialogue difficile dont les débouchés concrets sont faibles.
A ce jour, le bilan de la conclusion d’accords de réadmission est mince, ce
qui conduit certains Etats membres à demander la « rebilatéralisation » de ces
négociations.
Trois missions dites « article 13 » ont eu lieu en 2006 en Mauritanie, au
Sénégal et au Mali et une série d’autres sont envisagées pour 2007, notamment au
Nigeria, en Éthiopie et au Cameroun.
En outre, afin de fonder ses actions sur des données précises, la
Commission a élaboré, pour chacun des Etats ACP, un « profil migratoire »
comprenant des chiffres et une analyse. Ces documents restent assez lacunaires et
témoignent de la difficulté de disposer de données fiables et à jour dans ce domaine.
Pour ce qui concerne le Mali, les données datent ainsi de plus de cinq ans et sont, en
tout état de cause, antérieures à la crise ivoirienne alors que la Côte d’Ivoire est le
premier pays d’accueil des Maliens expatriés.
La France devrait accueillir pendant la période de sa présidence de l’Union
européenne, la deuxième conférence ministérielle prévue par la Déclaration de
Rabat.
2. La coordination entre Etats membres : les plateformes de
coopération
Il s’agit de renforcer la coopération entre les différents acteurs intervenant
dans un pays donné en relation avec son profil migratoire. Ces plateformes
associeront les pays africains, les Etats membres de l’UE et les organisations
internationales. Elles pourraient conduire à l’élaboration d’accords régionaux.
Ces plateformes de terrains pourraient permettre l’élaboration d’accords
pluripartites entre des pays européens et un Etat tiers.
- 36 -
3. Le renforcement des capacités des Etats africains en matière de
gestion des migrations
L’UE souhaite aider les Etats africains à renforcer leurs capacités de gestion
des migrations et de l’asile. Elle a proposé de créer des profils migratoires par pays
pour collecter et analyser les informations nécessaires ou encore de créer des équipes
de soutien des migrations composées d’experts des Etats membres qui pourraient
fournir l’assistance nécessaire aux Etats africains qui le demanderaient.
4. Les financements
Au regard des montants de l’aide extérieure européenne, les montants
consacrés à la question des migrations sont marginaux mais ils sont largement
supérieurs aux moyens bilatéraux alors même que la France fait figure de pionnier
dans ce domaine.
Un règlement du Parlement et du Conseil du 10 mars 2004 établissant un
programme d’assistance technique et financière en faveur de pays tiers dans le
domaine des migrations et de l’asile (AENEAS) permet de financer des projets
en lien avec cette thématique, pour un montant global de 250 millions d’euros sur la
période 2004-2008. Il s’agit du seul règlement spécifique existant sur les migrations.
Le mécanisme de réaction rapide, destiné aux situations de crise, a permis
de consacrer 3 millions d’euros à la Mauritanie et 2,5 millions d’euros au Sénégal.
Sur les crédits de la politique de voisinage, des crédits ont été mobilisés
principalement à destination du Maroc.
A destination des pays ACP, une enveloppe de 40 millions d’euros devrait
être mobilisée sur les crédits du IXe FED pour la promotion des investissements dans
les secteurs gros consommateurs de main d’oeuvre des régions à forte émigration et
pour la facilitation des migrations et de la mobilité de la main d’oeuvre au niveau
intra-africain. Le point d’affectation de ce montant est la CEDEAO. Des
négociations sont en cours sur les montants qui pourraient être mobilisés sur le Xeme
FED.
Un programme-cadre de solidarité et de gestion des flux migratoiresd’un montant de 4 milliards d’euros est en cours de négociation pour la période2007-2013 a été adopté au printemps 2007. Ce programme comprend quatre fonds
(fonds frontières extérieures (1,8 Md €), fonds intégration (825 millions d’euros),
fonds retour (676 millions d’euros), fonds européen pour les réfugiés (699 millions
d’euros).
Le fonds Retour, adopté le 23 mai 2007, concerne tous les types de retour,
qu’ils soient volontaires ou non.
- 37 -
C. UNE DIMENSION OPÉRATIONNELLE À CONCRÉTISER
1. La question des compétences
L’approche globale se présente comme un « paquet » de négociations dans
lequel la coopération des Etats d’origine sur l’immigration clandestine est facilitée
par la perspective de débouchés pour l’immigration légale. Or l’immigration de
travail restant de la seule compétence des Etats membres, la Commission n’est pas en
mesure de proposer des accords complets et ne peut qu’en appeler à la bonne volonté
des Etats membres.
Le programme d’action relatif à l’immigration légale, adopté en décembre
2005 devrait conduire à l’adoption de textes législatifs définissant les droits
fondamentaux des travailleurs migrants dans l’Union européenne ainsi que les
conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’immigrants, les Etats
membres restant compétents pour déterminer les volumes de travailleurs migrants à
admettre.
Il faut rappeler qu’en France, la gestion des flux migratoires de travail est
déconcentrée et confiée aux préfets. L’octroi d’un titre de travail , et partant, d’un
titre de séjour est régi par l’article R341-4 du code du travail qui prévoit que le préfet
prend en considération : la situation de l’emploi présente et à venir dans la profession
demandée par le travailleur étranger et dans la zone géographique où il compte
exercer sa profession ; les conditions d’application par l’employeur de la
réglementation relative au travail ; les conditions d’emploi et de rémunération
offertes au travailleur étranger , qui doivent être identiques à celles dont bénéficient
les travailleurs français ; les dispositions prises par l’employeur pour assurer ou faire
assurer, dans des conditions normales, le logement du travailleur étranger.
2. Des différences d’approche entre Etats membres
Le degré d’implication des Etats membres dans la mise en oeuvre de
l’approche globale varie en fonction de nombreux critères : leur proximité
géographique avec les pays de départ et de transit, leur tradition d’immigration ou
encore la situation de leur marché du travail.
Au sein même des Etats partageant des caractéristiques communes, les
priorités ne sont pas toujours convergentes. Les pays d’immigration récente ont des
pratiques différentes de celle des pays d’immigration ancienne. Les cinq ou six
grands pays européens qui accueillent 80 % des flux migratoires de l’Union
européenne reçoivent des migrants d’origine différente et n’ont par conséquent pas
les mêmes priorités géographiques. Enfin, la situation démographique et la situation
du marché du travail sont très différents : d’après l’INSEE, l’accroissement naturel
explique près des ¾ de la croissance démographique française à la différence de
l’UE-15 dont l’augmentation de la population de sept millions entre 1999 et 2004 est
imputable pour les trois-quarts au solde migratoire. Avec la Finlande et les Pays-bas,
la France figure au nombre des seuls pays européens dont l’augmentation de la
population relève principalement ou exclusivement de l’accroissement naturel. Elle
- 38 -
se situe en quinzième position pour la contribution des flux migratoires à
l’augmentation de sa population.
Ces différences d’approche et de situation objective expliquent les
réticences des Etats membres à une harmonisation des politiques d’immigration
légale et à la mobilité des immigrants dans l’espace européen. En tout état de cause,
l’idée d’une « carte verte européenne » qui ouvrirait aux migrants qui en seraient
titulaires l’accès à l’ensemble du marché du travail européen, souvent évoquée dans
la perspective d’une approche plus consensuelle avec les pays d’origine, semble
difficilement réalisable à court terme. De même, l’établissement de quotas nationaux,
un temps proposé par le Commissaire européen Franco Frattini, difficilement
compatible avec le rythme d’évolution du marché du travail ne semble pas à l’ordre
du jour.
Les divergences sont sensibles également chez les Etats d’origine.
L’organisation de la conférence de Tripoli à la suite de celle de Rabat, traitait certes
de routes migratoires différentes mais aussi de différences de sensibilité entre ces
Etats.
Il est probable que les aspects les plus opérationnels de l’approche globale
ne seront pas mis en oeuvre à 27. Il importe que les règles soient définies au niveau
communautaire mais que leur déclinaison opérationnelle soit plus souple en fonction
du profil de l’immigration des différents Etats membres et des filières migratoires qui
les concernent le plus directement.
3. Le centre d’informations et de gestion des migrations de Bamako,
une première emblématique, une réponse adaptée ?
Assortie d’un plan d’action détaillé, la Conférence de Rabat ne s’est pas
traduite par des réalisations concrètes en dehors des initiatives conduites sur un mode
bilatéral, à l’exemple de celles de la France ou de l’Espagne.
Annoncée lors de la visite du Commissaire Louis Michel à Bamako le 8
février 2007, et co-parrainée par la France et l’Espagne, la création du centre
d’informations et de gestion des migrations (CIGEM) est emblématique de
l’ « approche globale des migrations », la proposition en a été faite lors de la
Conférence de Tripoli.
Cette structure malienne devrait être destinée à l’information sur tous les
aspects de la migration, notamment sur les conditions et les opportunités de travail et
de formation au niveau national, sous-régional et européen, sur les risques et les aléas
de la migration clandestine et sur l’accompagnement des migrants de retour dans leur
pays d’origine. Elle comporterait une maison des maliens de l’extérieur et un centre
d’information et de gestion des migrations.
Le CIGEM doit fonctionner en relation étroite avec les dispositifs existants,
tant sur « l’amélioration des connaissances du phénomène migratoire », sur sa
mission « d’accueil d’information d’orientation et d’accompagnement des migrants
potentiels et des migrants de retour que sur la « valorisation du capital technique,
scientifique et financier de la diaspora ». Il est prévu que la France y intègre la
cellule « co-développement » de l’ambassade à Bamako.
- 39 -
Elle semble faire l’objet d’appréciations différentes entre les différents
acteurs de son élaboration. Dans un premier temps, cette structure est apparue
comme une agence de migration légale vers l’UE et vers les pays voisins selon une
logique consistant à favoriser la migration légale afin de diminuer la pression sur
l’immigration illégale, selon le concept de « migration accompagnée » développé par
le commissaire Louis Michel. Puis le concept a été revu et précisé dans une logique
plus proche de celle du co-développement.
Dans l’état actuel du projet, les objectifs sont l’amélioration de la
connaissance des flux migratoires, l’accueil, l’information, l’orientation des migrant
potentiels et des migrants de retour, l’information sur les conditions juridiques de la
migration et la sensibilisation de la population pour la prévention de la migration
clandestine et la valorisation du capital humain, financier et technique des Maliens de
l’extérieur. Cette structure à vocation à s’étendre dans la région et à la CEDEAO.
Le montant du projet est très important, 10 millions d’euros sur trois ans
financés sur le IXè FED, dont 4 millions de frais de structure. Ce projet mobilise lesdeux tiers de l’enveloppe dévolue à l’Afrique de l’Ouest sur le IXè FED au titre de laquestion des migrations.
Vos rapporteurs s’interrogent sur les difficultés possibles de ce projet, aussi
élevées que les espoirs qu’il suscite. Si la recherche sur les migrations est
effectivement indispensable du fait de l’imprécision et de la faiblesse des
connaissances sur ce sujet, les autres volets des missions du CIGEM ne sont pas
dépourvus d’ambiguïtés.
Les opportunités de migration légale vers l’Europe sont forcément limitées.
L’objectif du Centre est par conséquent davantage de décourager la migration
illégale que d’offrir des possibilités de migration légale. La France gère déjà avec
beaucoup de prudence l’ouverture de son marché du travail aux ressortissants des
nouveaux Etats membres de l’Union européenne, elle n’est pas en mesure de faire
des propositions concrètes aux candidats maliens à l’émigration. Quant à
l’implication d’autres partenaires européens dans le CIGEM, elle s’annonce très
mesurée. La coexistence de la nouvelle structure avec la maison des maliens de
l’extérieur ne peut qu’entretenir des espoirs qui seront forcément déçus.
Votre délégation se demande si ce projet n’a pas été marqué par une
précipitation excessive. Elle observe que les montants de crédits opérationnels
disponibles sur trois ans, 6 millions d’euros, seront à peine supérieurs à ce que la
France investit en bilatéral dans des projets de co-développement. Par conséquent,
l’effet de levier de l’intervention européenne, dont on peut comprendre qu’il soit
recherché en raison de la faiblesse des crédits bilatéraux, apparaît limité.
Ce projet, emblématique de l’approche globale des migrations, risque de
souffrir de ses contradictions d’origine, qui ne sont surmontées qu’au prix d’une
ambiguïté dommageable.
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IV. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION
Alors que la formalisation de la politique de co-développement n’en est
qu’à ses débuts, son essor et son utilité impliquent une capacité à résoudre au moins
trois écueils.
A. APPROFONDIR LE DIALOGUE AVEC LES PAYS D’ORIGINE
1. Parvenir à un constat partagé
Le premier objectif d’un dialogue avec les pays d’origine est d’aboutir à un
constat partagé sur la question des migrations
Pour des raisons diverses, les pays d’origine ont une image positive de
l’émigration. Ces raisons peuvent être économiques (les transferts financiers des
migrants sont une source de revenus importante et une contribution au
développement), sociales (l’émigration fait office d’exutoire face à une croissance
démographique que la croissance économique ne peut absorber) ou même culturelles
(émigration perçue comme un « rite de passage » dans certains pays).
Comme le relève l’étude réalisée pour le compte de l’Union européenne
sur les questions migratoires au Mali10, « la démographie nous enseigne que face àune baisse durable du revenu par tête, les populations peuvent adopter trois types de
stratégies de survie. La première consiste à modifier le mode de production,
notamment par l’intégration de modes de production innovants. La seconde consiste
en une régulation naturelle par la baisse du niveau de fécondité. Enfin, la troisième
stratégie consiste à utiliser la migration comme variable d’ajustement. La stratégie
adoptée par les populations sera alors fonction du coût d’ajustement ».
Dans le débat politique interne, le thème de l’émigration est très présent, le
plus souvent sous forme de revendication à l’égard des autorités11 pour qu’ellesfacilitent l’émigration vers l’Union européenne. Dans la campagne en cours pour les
élections législatives au Maroc, le Parti pour la justice et le développement, le PJD,
parti islamiste modéré a proposé de former les jeunes marocains aux métiers
disponibles en Europe.
L’émigration comme symptôme de dysfonctionnement n’est utilisé comme
argument par l’opposition que de façon encore très marginale. Cette question émerge
cependant comme ont pu le constater vos rapporteurs lors de leur rencontre avec
l’ancienne ministre malienne de la culture et du tourisme, Mme Aminata Traoré, qui
considérait que l’émigration des jeunes souffrant du chômage et de la pauvreté était
« forcée » et qu’il convenait de réfléchir à des alternatives dans le pays, pour autant
10 Les questions migratoires au Mali, valeurs, sens et contresens, Omar Merabet, Francis Gendreau,Novembre 2006.
11 Voir à titre d’illustration les articles de Philippe Bernard : « Au Sénégal, le thème de l’émigrationenfièvre le débat présidentiel » Le Monde, 21 février 2007 ou « A Bamako, une campagne marquée
par l’émigration et la « menace Sarkozy » Le Monde, 27 avril 2007.
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que les autorités soient prêtes à les envisager et à soutenir des projets locaux
concrets.
Au Mali, l’émigration a fait l’objet d’un phénomène intéressant
d’appropriation culturelle, elle est désignée sous de nombreux vocables, le
« départ », « l’exode » ou encore « l’aventure ». Interrogé sur la « tradition du
départ », invoquée de façon systématique au Mali pour expliquer le phénomène
d’émigration et souligner son caractère à la fois culturel et irrépressible, le chercheur
Christophe Daum a précisé, suscitant des réactions assez vives, qu’il s’agissait de son
point de vue, d’une réinterprétation valorisante d’un phénomène subi, la mobilité
ayant traditionnellement caractérisé certaines catégories de population, comme les
commerçants ou les imams mais n’ayant touché que récemment la majeure partie de
la population rurale et de façon historiquement datée, dans les années 1959-1960.
Tout dialogue en vue d’élaborer une gestion concertée des flux migratoires
doit donc intégrer cette vision fondamentalement positive de l’émigration tant au sein
de la population que chez les autorités et doit apporter la preuve de la crédibilité des
alternatives proposées.
2. Élaborer une réponse concertée
Dans sa forme actuelle, le co-développement ne peut constituer qu’une part
limitée des réponses apportées dans la mesure où l’implication des pays d’origine fait
encore largement défaut.
Les intérêts des pays d’origine et des pays de destination ne peuvent se
rejoindre sur une conception du co-développement qui soit fermée aux migrations et
sans contrepartie.
La France ne peut impliquer ses partenaires du sud dans une meilleure
valorisation de leur diaspora et dans un meilleur contrôle des flux migratoires, sans
contreparties minimales en termes d’opportunités de circulation entre les deux
espaces dans le souci d’un intérêt commun.
Dans la perspective de la mise en place du Centre d’informations et de
gestion de la migration (CIGEM), il serait également souhaitable que des offres
d’emploi puisse être proposées à la migration légale dans les secteurs que la France
auraient identifiés comme déficitaires. Mettre en place des modalités de gestion
concertée des flux migratoires suppose une bonne connaissance des besoins du
marché du travail du pays d’accueil mais aussi du pays d’origine, de pouvoir
mobiliser conjointement les services de l’Etat à l’étranger et les structures
administratives internes compétentes en matière d’emploi, de travailler avec les
entreprises implantées dans les deux espaces, de mettre en place un partenariat avec
le pays d’origine pour l’orientation et de la formation des personnes et pour s’assurer
de leur retour effectif dans le pays d’origine.
Ce n’est que dans un dialogue avec les pays d’origine que pourront être
élaborées des stratégies adaptées.
- 43 -
3. Retrouver des marges de manoeuvre crédibles
Ces problématiques souffrent à l’évidence de la contraction de l’aide
bilatérale française ajoutée à sa dispersion.
Pays de concentration de notre aide bilatérale, le Mali reçoit à ce titre 51,3millions d’euros de la France, ce qui est faible, sur un total d’environ 500 millionsd’euros d’aide au développement.
La France, qui jusqu’à une période récente était le premier bailleur du Mali,
n’est plus que le 6eme bailleur de fonds du pays et le quatrième bilatéral après les
Etats-Unis, les Pays-bas et le Canada.
Le Maroc quant à lui reçoit 180 millions d’euros et insiste sur la nécessité
d’une politique globale de développement à l’égard de l’ensemble du continent
africain. Ce pays a lui-même une politique en direction de l’Afrique au sud du
Sahara, à laquelle la France pourrait utilement s’associer
Dans un dialogue sur la migration et le développement, notre pays doit
trouver des marges de manoeuvre budgétaires pour répondre aux besoins de ses
partenaires historiques. La priorité donnée à l’aide multilatérale oblige à des efforts
considérables pour faire venir les bailleurs multilatéraux, notamment la Commission
européenne, sur les priorités françaises, avec des résultats mesurés et pas toujours
adaptés comme le centre d’informations et de gestion des migrations de Bamako.
De ce point de vue, la dispersion des compétences ministérielles peut être
un obstacle. L’organisation administrative du co-développement illustre à quelpoint notre dispositif d’aide n’a toujours pas trouvé son équilibre.
Le partage des responsabilités sectorielles entre l’AFD et le Ministère
des Affaires étrangères sur les crédits du Fonds de solidarité prioritaire est loin
d’être clair. Le codéveloppement en constitue une bonne illustration : la logiquevoudrait que le ministère des Affaires étrangères apporte la réflexion stratégique dans
un domaine, le développement du secteur productif, où il ne devrait pas être luimême
opérateur, la responsabilité de ce secteur étant théoriquement confiée à
l’Agence française de développement.
B. SE SAISIR DES PRINCIPES DU CO-DÉVELOPPEMENT POUR RÉVISER
LES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT
Le co-développement fournit l’occasion de réfléchir sur les orientations de
la politique de développement.
Le reproche fait aux transferts des migrants de leur faible orientation vers le
secteur productif pourrait en effet s’appliquer à l’aide publique au développement.
Les zones d’émigration ont connu un développement indéniable du fait des
transferts, avec des résultats dans la lutte contre la pauvreté. Pour autant, les ressorts
économiques font défaut.
Une stratégie de développement qui intégrerait la question migratoire
suppose de replacer les questions économiques et notamment la création d’emploi au
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coeur des questions de développement ainsi que la question du financement des
projets d’investissement. Elle privilégie une logique de résultats, évaluée, non pas à
l’aune des flux migratoires, mais bien à celle des emplois créés.
1. Reconsidérer l’appui au secteur éducatif et à l’appareil de
formation
L’éducation de base est placée au coeur des priorités définies par les
objectifs du millénaire pour le développement et fait l’objet d’un consensus chez les
bailleurs de fonds pour les effets d’entraînement qu’il induit dans le domaine de la
santé, de la maîtrise de la fécondité ou encore sur le secteur productif. Ce secteur est
donc devenu un secteur de concentration de l’aide dont les indicateurs, de façon
encore inégale et perfectible, s’améliorent.
Pour autant, le secteur éducatif apparaît largement sinistré et dépourvu des
moyens de faire face à une augmentation continue du volume des classes d’âge à
scolariser. Devant cette situation, les élites pratiquent des stratégies d’évitement du
système scolaire public dans lesquelles les établissements du réseau d’enseignement
français à l’étranger figurent au demeurant en bonne place. Ce contournement
alimente un relatif désintérêt à l’égard d’un investissement résolu dans l’éducation
mais nourrit aussi un profond sentiment d’injustice de la part des populations n’ayant
pas accès à des solutions alternatives qui se sentent condamnées pour leurs enfants à
un échec programmé et à l’absence de perspectives en termes de mobilité sociale.
Déterminant à bien des égards, l’appui au secteur de l’éducation ne
doit pas seulement s’entendre comme le soutien à l’éducation de base mais bien
comme l’appui à la constitution de filières complètes avec des cursus
débouchant sur le marché du travail et incluant la formation professionnelle. AuMaroc, la défaillance du système d’enseignement public est manifeste. Il y a urgence
à soutenir une politique résolue de lutte contre l’analphabétisme qui touche
officiellement 38 % de la population avec de fortes inégalités au détriment des ruraux
et des femmes dont les taux dépassent 60 %. Alors que le chômage des diplômés est
important (plus de 25 % au Maroc), la formation professionnelle reste très
insuffisante. Au Mali, la France, via l’Agence française de développement s’apprête
à soutenir ce secteur par la création d’un institut de formation professionnelle dans
la région de Kayes.
L’appui à cette politique complexe et sensible suppose aussi un
renforcement de la coordination entre les bailleurs. Au Mali, la déléguée de l’Union
européenne a ainsi indiqué à vos rapporteurs que le secteur de la formation
professionnelle était en passe d’évoluer du statut de « parent pauvre » de l’aide à
celui « d’enfant chéri ». Il ne faudrait pas que cet engouement soudain se traduise par
un délaissement des autres pans du secteur éducatif, au détriment d’une cohérence
d’ensemble. L’adéquation aux besoins spécifiques du marché du travail du pays
considéré doit aussi être prise en compte : les besoins du secteur tertiaire au Mali,
pays majoritairement rural doivent ainsi être considérés avec parcimonie. Le
chômage de personnes formées constitue en effet un réservoir évident de candidats
potentiels à l’émigration.
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2. La question de l’emploi
Des questions éducatives et de formation découle directement la question
de l’emploi, qui doit être placée au coeur d’une politique de développement soucieuse
de la question des migrations.
Les marchés du travail des deux pays de la mission se caractérisent à la fois
par un taux de chômage très élevé mais aussi par une très grande difficulté à pourvoir
les postes offerts, du fait de l’inadéquation des compétences disponibles aux emplois
proposés. 35 % des bacheliers marocains envisagent leur avenir à l’étranger
Pour ne prendre que ce seul exemple, l’agriculture représente 57 % de
l’emploi sur le continent africain, 17 % du PIB et 11 % des recettes d’exportation.
Au Mali, l’agriculture représente 80 % de l’emploi.
Or l’aide au secteur agricole a beaucoup diminué (40 % selon certaines
estimations). La faiblesse de la transformation des produits sur place ainsi que le
déficit technologique explique que le secteur ne soit pas fortement créateur
d’emplois.
L’accompagnement des investisseurs et le soutien financier de leur projet,
tel que conçu dans le cadre de l’aide à la réinsertion pourrait utilement être proposé
non seulement à des migrants de retour ou, comme cela est d’ores et déjà envisagé,
dans les pays de transit, mais aussi dans le pays d’origine lui-même à des personnes
en difficulté d’insertion professionnelle.
3. Le système bancaire et l’accès au crédit
Bien que très importante en volume, l’épargne des migrants ne suscite que
peu d’intérêt de la part des banques du sud. Sans qu’il soit possible d’avancer des
chiffres précis, il semble qu’une part importante des transferts transite par le secteur
informel, désignation qui recouvre des procédés variés, allant du transport direct des
fonds à des formes plus élaborées d’intermédiation.
L’augmentation de la part des transferts empruntant le secteur formel doit
être favorisée non seulement pour la sécurité des transferts, pour un meilleur contrôle
de la nature des fonds mais aussi pour favoriser ensuite la mobilisation de cette
épargne en faveur de l’investissement productif. En effet, le blanchiment d’argent
sale et le financement du terrorisme utilisent également les canaux informels.
La transformation des migrants en investisseurs par la mobilisation de leur
propre épargne est à l’évidence difficile à développer. Les migrants ne sont pas tenus
d’avoir une « fibre entrepreneuriale » et leur épargne est souvent insuffisante pour
soutenir un projet viable et créateur d’emplois.
Il est donc apparu à vos rapporteurs que les voies de la mutualisation
de l’épargne et de l’intermédiation financière entre l’argent des migrants et les
projets d’investissements devaient être développées. La création de fondsd’investissements spécifiques, sur le modèle des fonds éthiques, permettrait de
mobiliser l’épargne des migrants dans les pays d’accueil et de la drainer vers des
projets de plus grande ampleur.
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La difficulté se situe au niveau de la réception des fonds par le système
bancaire local. Il existe un espace entre le micro-crédit et le secteur bancaire
classique où le soutien à des investisseurs potentiels n’est pas assuré, les institutions
de micro-crédit ne collectant pas d’épargne. Or ce segment pourrait permettre de
créer des emplois.
L’Agence française de développement, peu présente sur les questions de
co-développement, pourrait utilement apporter son expertise et favoriser
l’implication, avec l’appui des gouvernements, des banques locales. L’AFD réfléchit
au Maroc aux secteurs vers lesquels pourrait utilement être orientée l’épargne des
migrants : le financement de l’assurance-maladie des indépendants, qui se met en
place ou le financement des très petites entreprises ont ainsi été évoqués devant vos
rapporteurs.
Ce n’est pas tant le volume des liquidités disponibles qui est insuffisant :
l’écrasante majorité des pays africains connaît une situation de surliquidité bancaire.
Au Maroc, l’argent des migrants est clairement responsable d’une situation de
surliquidité. C’est davantage sur les modes de mobilisation de ces liquidités qu’il
convient de travailler.
4. Un engagement résolu des pays d’origine en matière de gouvernance
Les déterminants de la migration ne sont pas strictement économiques.
Selon certaines enquêtes, les motivations « politiques », entendues très largement, le
déficit démocratique, figurent même au premier rang des raisons invoquées par les
migrants.
Si le cadre juridique et les institutions propice aux investissements et à
l’activité économique sont généralement en place « l’environnement des affaires »
reste assez largement défavorable et peut être de nature à décourager l’activité
économique, singulièrement lorsqu’il s’agit de micro-entreprises à la faible
profitabilité.
La crédibilité et l’efficacité du système judiciaire, la prévisibilité et la
fiabilité de l’administration fiscale, douanière ou encore des services de police,
éléments essentiels, font encore trop souvent défaut. Un engagement résolu dans la
lutte contre la corruption et en faveur d’une administration efficace peuvent certes
recevoir l’appui des bailleurs mais ne peuvent résulter que de la volonté de l’Etat à
utiliser au mieux les fonds dont il bénéficie.
Ce n’est pas tant l’absence de croissance que l’absence de perspectives pour
une large frange de la population de pouvoir un jour en bénéficier qui pousse les
personnes au départ. Il est de la responsabilité des Etats de départ, dans l’intérêt de
leur propre cohésion sociale de favoriser la diffusion des bénéfices de la croissance
et la réduction des inégalités.
Dans le dialogue avec les pays d’origine sur la question des migrations, ces
éléments semblent aux yeux de vos rapporteurs, aussi essentiels que l’adhésion à des
dispositifs de maîtrise des frontières ou de réadmission.
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C. PROGRESSER VERS UNE « GOUVERNANCE INTERNATIONALE » DES
MIGRATIONS ?
L’action de l’Union européenne s’inscrit dans un contexte général de
multiplication des initiatives et des réflexions sur les migrations et le développement.
C’est ainsi que s’est tenu à Bruxelles du 9 au 11 juillet 2007 un « forum mondial
migrations et développement » dans le cadre des Nations unies.
L’importance prise par la question des migrations dans les débats
internationaux et la nécessité d’une enceinte internationale pour discuter de ces
questions conduit à s’interroger sur le cadre à privilégier et sur la nécessaire
coordination entre les différentes institutions ayant à en connaître, notamment au sein
du système des Nations unies (OMS, FNUAP, PNUD…).
Cette recherche risque de faire apparaître un clivage nord-sud, comme en
témoigne le fait qu’aucun pays européen n’ait ratifié la convention internationale sur
la protection des travailleurs migrants adoptée en 1990 par l’Assemblée générale des
Nations unies.
Le rôle de l’Organisation internationale des migrations (OIM), instance a
priori compétente mais qui n’appartient pas au système des Nations unies est
également en question. L’OMI a été retenue par l’UE pour l’étude de faisabilité du
centre d’information malien sur la migration. Pour autant, sa capacité à assurer un
rôle de coordination et de coopération avec les autres organisations est discutée.
Le cadre multilatéral de discussion sur la question des migrations reste
encore à préciser.
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CONCLUSION
Phénomène structurel, durable, complexe, les migrations sont bien une
question de développement.
Le développement ne peut certes apporter de réponse à court terme au
phénomène des migrations incontrôlées. Pour autant, il ne peut s’en désintéresser tant
elles représentent également un défi au développement et à la stabilité du continent
africain.
A plus long terme, une politique résolue de rattrapage des retards de
développement constitue bien la seule réponse au caractère irrépressible de la
pression migratoire.
Le co-développement est une politique dont les principes s’appuient sur les
deux espaces, valorisent la circulation et contribuent à articuler deux politiques
publiques de façon plus cohérente : la gestion des flux migratoires ne peut être
déconnectée d’une interrogation sur les causes profondes des flux migratoires.
Dans son état actuel, le co-développement est une politique publique à
l’état de « prototype » ; il est constitué d’actions expérimentales sans effet massif sur
les flux migratoires ni même sur les politiques de développement. Il est loin, dans
l’économie générale de la politique d’immigration, de constituer un pilier
d’importance comparable aux autres piliers que sont la lutte contre l’immigration
illégale et l’intégration des immigrés. Sa montée en puissance ne semble pouvoir
s’effectuer ni par l’élargissement de son champ géographique d’intervention, ni
même par une augmentation considérable des moyens qui lui sont consacrés.
Se pose dès lors la question du changement d’échelle. La question n’est en
effet pas tant celle des moyens financiers mais surtout celle de l’environnement dans
lequel sont mis en oeuvre les projets : le co-développement rejoint ici le
développement.
Ce changement d’échelle suppose une clarification des objectifs, des
instruments, des priorités de notre aide, de la répartition de ses moyens et de son
organisation administrative, dans un souci renforcé d’efficacité.
Les questions migratoires fournissent l’occasion de penser la question du
développement en termes d’intérêt partagé et obtenir une réelle implication des
africains est une condition première à la réussite de cette politique.
Le co-développement pose, en creux, la question des relations que la France
souhaite entretenir avec l’Afrique et plus largement, des relations que l’Union
européenne doit entretenir avec le continent africain. L’enjeu est de construire avec
les Africains un partenariat politique solide dans la mondialisation, fondé sur des
liens historiques anciens mais aussi des intérêts présents partagés.
L’alternative est la suivante : ou le co-développement reste enfermé dans un
« réduit » du ministère de l’immigration et subordonné à la politique de contrôle et
de restriction de l’immigration, ou bien il inspire globalement un renouveau de notre
politique de coopération et de relations Nord/Sud au profit des deux hémisphères.
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PRINCIPALES OBSERVATIONS ET
RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS
1. Renforcer le dialogue avec les pays d’origine sur la question des migrations et sur
les modes de mobilisation de leur diaspora, les associer notamment à la mise en
oeuvre des dispositifs du type « carte compétences et talents ».
2. Favoriser une véritable circulation des personnes à l’appui des accords de gestion
concertée des flux migratoires.
3. Replacer la création d’emplois et le soutien au secteur productif au coeur des
politiques de développement.
4. Mettre l’accent sur le secteur de l’éducation et de la formation professionnelle et
soutenir des filières d’éducation cohérentes dans une perspective d’accès à l’emploi
et d’insertion professionnelle.
5. Renforcer l’aide bilatérale française à l’appui de ce dialogue et la concentrer
davantage sur les pays d’origine les moins avancés.
6. Faire entrer en phase opérationnelle les différents dispositifs de soutien à la
mobilité de l’épargne et des personnes créés par la loi de juillet 2006 (livret codéveloppement,
carte « compétences et talents »)
7. Ouvrir le bénéfice de l’accompagnement financier et humain de projets productifs
à des investisseurs locaux, tels que prévu pour l’aide à la réinsertion, en partenariat
avec les autorités et les banques locales.
8. Clarifier l’organisation administrative et le partage des responsabilités
opérationnelles entre les différents ministères compétents.
9. Mettre en place, avec l’appui de l’AFD, des dispositifs de mobilisation des fonds
collectés via le livret d’épargne co-développement pour le financement de projets de
montants intermédiaires entre le micro-crédit et le crédit bancaire.
10. Soutenir la professionnalisation de l’accompagnement de projets dans les pays
d’origine.
11. Valoriser les compétences des personnes issues de l’immigration dans la mise en
oeuvre des projets de développement (volontariat et assistance technique).
12. Clarifier les objectifs du Centre d’informations et de gestion des migrations de
Bamako. Mettre en place, dans un premier temps, les outils d’une meilleure
connaissance des flux migratoires et du marché du travail local et de la sous-région et
s’appuyer sur ces outils pour la mise en place, dans un second temps, des autres
volets.
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EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 25 juillet
2007.
A l’issue de l’exposé du rapporteur, M. Jean François-Poncet, président, a
souligné la nécessité de préciser la notion de co-développement, mise en exergue
dans les discours, tout particulièrement s’il s’agit d’une politique expérimentale. Il
s’est interrogé sur la prise en considération du co-développement conçu comme la
mise en oeuvre de politiques de développement concertées dans le rapport présenté
par Mme Tasca.
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a souligné que le co-développement était
à la fois une ambition et une réalité. L’ambition souhaitable et possible de cette
politique est d’être un aiguillon pour la révision des politiques de développement
dans un sens plus partenarial, ce qui suppose une conception plus globale et conduit à
s’interroger sur la clarification des rôles entre le ministère des affaires étrangères et
celui chargé du co-développement.
Elle a observé que les pays partenaires de la France eux-mêmes avaient des
conceptions très différentes de cette politique. Les autorités marocaines en ont par
exemple une vision très globale de partenariat Nord-Sud dans la mondialisation.
Elle a rappelé que, pour sa part, la délégation s’en était tenue à la définition
exposée par le ministre de la coopération devant la Commission.
M. Jean François-Poncet, président, a souligné la nécessité d’une
clarification des relations entre développement et co-développement dans la mesure
où la politique de développement a toujours été co-déterminée avec les pays
bénéficiaires. Si l’on veut aller plus loin dans une conception partenariale, il faudrait
préciser selon quelles modalités.
Mme Josette Durrieu, évoquant son expérience de coopération décentralisée
au Mali, a souligné les difficultés pour sélectionner les projets et pour les
accompagner dans la mesure où la formation des personnes est souvent inadaptée.
M. Robert Bret a exprimé son inquiétude sur l’articulation entre politique
de développement et politique de gestion des flux migratoires qu’il a jugée illusoire
et dangereuse. Il a estimé que l’immigration choisie conduisait au pillage des
cerveaux et était un obstacle au développement. Il a considéré que les relations entre
la France et l’Afrique devaient être révisées.
Mme Catherine Tasca a souligné que le choix des micro-projets était
effectivement décisif et que les interlocuteurs de la délégation au Maroc avaient
parfois souligné leur inadéquation avec les priorités de l’économie marocaine.
L’accompagnement des migrants, qui ne sont pas toujours des « entrepreneurs nés »,
est également une donnée très importante.
Une meilleure place devrait être faite aux projets portés par des initiatives
locales et non venus de l’extérieur. Pour ce qui concerne l’articulation entre la
politique de gestion des flux migratoires et la politique de développement, il est vrai
qu’il n’y a pas concordance de temps entre ces deux politiques. Pour autant, il est
- 54 -
clairement apparu aux rapporteurs que la question migratoire devrait être intégrée
dans la politique de développement.
Deux perspectives sont possibles : ou le co-développement se résume à une
politique de contrôle de l’immigration, ou il est un instrument du renouveau de la
politique de développement.
M. Jean-Pierre Plancade a fait observer qu’une addition d’initiatives
individuelles ne pouvait constituer une politique globale. La question migratoire,
pour laquelle la France est en première ligne, appelle une réflexion globale sur le
développement.
M. André Rouvière s’est inquiété de « l’appel d’air » et de l’encouragement
à la migration que pourraient représenter les aides au retour. Il s’est interrogé sur leur
efficacité.
Mme Catherine Tasca a indiqué que la délégation s’était interrogée sur les
conséquences d’une politique consistant à privilégier des entrepreneurs de projets
venus de France. Elle a réfuté les effets incitatifs à la migration des aides au retour,
considérant que l’écart des situations suscitait au premier chef les courants
migratoires. Le co-développement tente précisément de rendre le retour profitable
pour le pays d’origine.
M. Jean François-Poncet a considéré que le développement était l’un des
principaux problèmes auxquels le monde actuel était confronté. Il a estimé qu’il
consistait trop souvent à plaquer des solutions venues de l’extérieur sur des réalités
nationales sans les modifier en profondeur. Il a souligné que les compétences et les
savoir-faire acquis en France par les migrants pouvaient favoriser une meilleure
articulation du développement avec la réalité sociale. Le recours à ce mécanisme
pour la gestion des flux migratoires en détournerait l’objet. Le co-développement
offre des orientations intéressantes mais difficiles à mettre en oeuvre. Il a jugé
intéressante l’idée de promouvoir le fait d’avoir passé quelques années en France
avant de réussir au Mali.
Il a ensuite souhaité que le rapporteur apporte des précisions sur le coût des
transferts, la nécessité de communautés structurées, ainsi que sur le concept de
migration circulaire.
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a souligné que le coût des transferts
tenait pour beaucoup à la faiblesse des circuits bancaires locaux qui laisse certains
prestataires en situation de quasi-monopole.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a rappelé que le projet de création d’une
banque d’investissement euroméditerranéenne s’était heurté à l’hostilité des autres
banques de développement.
Mme Catherine Tasca, rapporteur, a rappelé qu’une des préconisations de la
délégation était le renforcement de l’accès au crédit.
M. Robert Bret a insisté sur la nécessité de réviser en profondeur les modes
de fonctionnement de l’économie mondiale.
- 55 -
A l’issue de ce débat, la commission a donné acte au rapporteur de sa
communication, dont elle a autorisé la publication sous la forme d’un rapportd’information.
- 56 -
- 57 -
ANNEXE I -
AUDITIONS EN COMMISSION
MME BRIGITTE GIRARDIN, MINISTRE DÉLÉGUÉE À LA
COOPÉRATION ET À LA FRANCOPHONIE, LE 13 FÉVRIER 2007
La commission a procédé à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la
coopération, au développement et à la francophonie.
A titre liminaire, Mme Brigitte Girardin a exprimé deux convictions, celle de la
nécessité d'une approche globale des phénomènes migratoires, conciliant davantage la politique
d'immigration et les actions d'aide au développement, et celle de l'intérêt de promouvoir
l'approche française du co-développement, notamment auprès de nos partenaires européens. Elle
a souligné que les conférences euro-africaines, tenues en 2006 à Rabat, puis à Tripoli, avaient
permis une prise de conscience internationale sur la nécessité d'établir un lien entre migration et
développement. A l'occasion de ces conférences, pays de départ, pays de destination et pays de
transit ont affirmé une volonté commune de rechercher des solutions concertées et d'agir sur les
causes et sur les conséquences des phénomènes migratoires dans une approche globale.
Mme Brigitte Girardin a rappelé qu'il ne s'agissait pas de chercher à éradiquer les
migrations. Aller à l'encontre d'une constante de l'histoire de l'humanité serait non seulement une
entreprise vaine, mais aussi un mouvement contre-productif, dans la mesure où les mouvements
de population sont créateurs de richesses, la Banque mondiale estimant à 772 milliards de dollars
en 2025 la contribution des migrants à l'accroissement du revenu mondial. Il s'agit de parvenir à
un partage équitable de ce gain global et d'agir ensemble pour éviter les effets négatifs que
suscitent les migrations subies, d'un côté, la perte de travailleurs qualifiés et de l'autre, les
difficultés d'intégration des migrants. La démarche consiste à passer de migrations subies à des
migrations accompagnées, ce qui suppose une meilleure articulation entre la politique de gestion
des flux migratoires et la politique de coopération.
Mme Brigitte Girardin a ainsi précisé qu'elle faisait en sorte que les projets de
coopération soient davantage tournés vers les investissements productifs pour privilégier les
projets créateurs d'emplois dans les pays du sud, qu'elle s'efforçait de mieux cibler l'aide
française sur les régions d'où sont issus les migrants, à l'exemple de la région de Kayes, au Mali,
et qu'elle intégrait désormais la question des flux migratoires dans les instruments de
programmation de l'aide que sont les documents-cadre de partenariat.
Elle a souligné que la pauvreté restait la première motivation pour quitter le pays
d'origine et, qu'à côté de mesures répressives visant à réguler l'arrivée des immigrés, il fallait
aider les pays de départ à retenir leur population sur place. Elle a rappelé à cet égard les
engagements pris par la communauté internationale d'accroître les volumes d'aide destinés à
l'Afrique.
Elle a ensuite insisté sur la nécessité de promouvoir le co-développement, à savoir la
participation des migrants présents dans les pays du nord au développement de leur pays
d'origine. Elle a rappelé que la France était à l'origine de cette notion de co-développement,
qu'elle expérimentait avec succès au Maroc, au Sénégal et au Mali, où la récente visite du
commissaire européen, M. Louis Michel, a témoigné de l'intérêt de la commission pour cette
démarche.
Elle a considéré qu'un changement d'échelle était désormais nécessaire, par la
multiplication des projets de co-développement et l'implication de l'ensemble des bailleurs de
fonds, notamment de la Commission européenne. Elle a rappelé que les initiatives prises par le
Gouvernement en matière de co-développement s'articulaient autour de trois axes : le
développement local, la mobilité des personnes et la mobilité de l'épargne.
- 58 -
Pour ce qui concerne le développement local, le ministère des affaires étrangères
accompagne financièrement les projets engagés par les associations de migrants installés en
France qui visent à financer des équipements collectifs dans les pays d'origine ou des projets
d'investissement productif. Il intervient également en appui à la réinsertion économique des
migrants dans leur pays d'origine, par le financement de micro-projets créant de l'activité et des
emplois. 432 migrants sont rentrés au Mali grâce à de tels projets de réinsertion et ils ont créé sur
place 1.200 emplois. La ministre a indiqué qu'après avoir expérimenté ces actions dans quelques
pays, le champ géographique en était désormais élargi, en fonction des besoins exprimés et de la
mobilisation des diasporas, à l'ensemble des pays sub-sahariens membres de la francophonie,
ainsi qu'à Haïti, au Vanuatu et à l'Ethiopie.
S'agissant de la mobilité des personnes, le gouvernement souhaite proposer aux
migrants qualifiés installés en France de transmettre leurs compétences, soit au travers de
missions d'assistance technique de courte durée, soit, en matière universitaire, par l'enseignement
à distance. Ce type d'action s'adresse aussi aux Français issus des migrations qui, même s'ils ne
connaissent pas leur pays d'origine, sont souvent très intéressés par ce type d'action. Afin de
mobiliser un nombre croissant de ces jeunes, le ministère des affaires étrangères a intégré cette
mission dans le contrat d'objectifs et de moyens, signé en décembre 2006 avec l'Association
française des volontaires du progrès.
S'agissant de la mobilité de l'épargne des migrants, les objectifs portent sur la
diminution du coût des transferts et sur une meilleure orientation vers l'investissement productif.
Le ministère des affaires étrangères cherche à favoriser une plus grande transparence des services
offerts aux migrants. Dans cette optique, un site internet permettant de comparer les différentes
prestations disponibles pour les transferts de fonds devrait être prochainement lancé. L'initiative,
prise par le groupe La Poste et par l'Union postale universelle, de la création d'un nouveau
mandat garantissant un transfert électronique d'argent en deux jours a également permis d'obtenir
un prix inférieur de moitié à celui jusqu'alors observé. Mme Brigitte Girardin a rappelé que laloi du 24 avril 2006 avait créé un compte épargne co-développement dont le décret d'application
vient d'être signé et qui vise à orienter l'épargne des migrants vers les investissements productifs
dans leur pays d'origine.
Elle a considéré que cette approche originale du co-développement suscitait un intérêt
croissant de la part des partenaires européens de la France, comme en témoigne l'engagement pris
par la Commission européenne et l'Espagne, visant à la création, à titre expérimental, d'un centre
pour la migration accompagnée, qui s'inspirera largement de l'expérience bilatérale francomalienne.
Elle a précisé que le Mali avait été retenu pour ce projet-pilote sur sa suggestion, en
raison de la qualité de la relation franco-malienne, qui peut servir de modèle pour structurer les
relations entre l'Europe et l'Afrique dans une approche globale des migrations. La France et le
Mali disposent ainsi depuis 1998 du comité bilatéral des migrations, qui aborde le phénomène
migratoire dans toutes ses dimensions en faisant le lien entre gestion des flux de personnes,
intégration des Maliens vivant en France et aide au développement du Mali. C'est cette approche
globale qui a permis d'obtenir des Maliens qu'ils s'engagent dans la négociation d'un accord de
réadmission que beaucoup d'autres pays africains refusent encore.
Mme Brigitte Girardin a souligné, en conclusion, le caractère indissociable despolitiques d'immigration et des politiques de développement. Elle s'est déclarée convaincue que
cette approche permettrait de briser la spirale du triple échec qui est encore trop souvent
aujourd'hui le parcours du migrant : arrachement à la terre natale, du fait de la pauvreté, nonintégration
dans le pays d'arrivée et reconduite à la frontière avec un retour au pays sans aucune
perspective.
Un débat a suivi l'exposé de la ministre.
M. Jean François-Poncet, président, a estimé que la démarche du co-développementétait incontestable, mais s'est interrogé sur les effets à en attendre sur les flux migratoires. Il s'est
élevé contre le caractère exorbitant des tarifs pratiqués pour les transferts de fonds, suggérant des
campagnes de presse pour entacher l'image des institutions bancaires concernées et influer sur
- 59 -
leurs pratiques. Il a considéré qu'il était préférable de souligner les difficultés rencontrées par les
migrants dans leur démarche plutôt que de mettre en relief le retour au pays de ceux qui ont
réussi, ce qui ne peut avoir qu'un effet incitatif au départ.
Mme Brigitte Girardin est revenue sur la nécessité d'un changement d'échelle pour lapolitique de co-développement, qui doit couvrir tous les pays concernés par le phénomène
migratoire et intéresser les autres bailleurs, au premier rang desquels l'Union européenne. Elle a
souligné les hésitations qui avaient entouré la politique de co-développement à ses origines, tout
en considérant que la politique répressive était certes nécessaire, mais non suffisante. Evoquant
son expérience de ministre de l'outre-mer, elle a insisté sur le caractère indispensable du volet
« développement », à défaut duquel les reconduites à la frontière risquent de porter à plusieurs
reprises sur les mêmes individus. Elle a jugé que les commissions pratiquées pour le transfert de
fonds étaient effectivement très élevées et nécessitaient l'introduction d'une concurrence pour
faire baisser les prix.
Elle a souligné l'intérêt d'une gestion concertée des flux migratoires et de leur
canalisation vers une migration légale, dans la mesure où certains pays européens ont des besoins
dans des secteurs d'activité précis.
M. Robert Bret, évoquant le constat formulé par certaines ONG à l'occasion dusommet France-Afrique, a appelé à une refondation de la relation entre la France et l'Afrique, qui
privilégie la non-ingérence tant en matière politique, militaire ou monétaire. Considérant que
l'immigration choisie était un pillage des cerveaux, il a souhaité que la France révise ses rapports
avec l'Afrique.
Mme Brigitte Girardin a considéré qu'il convenait de réactualiser ce type dejugement. Le sommet de Cannes est la 24è édition des rencontres Afrique-France, et si ces
sommets n'étaient qu'une démonstration de paternalisme, les sommets UE-Afrique, Amérique
latine-Afrique, Chine-Afrique, ou encore Japon-Afrique ne feraient pas florès. Elle a fait état des
évolutions considérables intervenues dans les relations entre la France et l'Afrique, au profit
d'une politique de partenariat aux exigences conformes à celles de tous les bailleurs de fonds. La
France allie l'exigence de bonne gouvernance à l'impératif de l'efficacité et des résultats.
Reconnaissant que la politique d'aide au développement avait longtemps souffert de l'absence de
culture de l'évaluation, elle a souligné qu'il s'agissait désormais d'une obligation à l'égard des
contribuables. Elle a estimé que la « Françafrique » relevait d'un procès d'intention qui n'avait
plus lieu d'être et qu'il s'agissait d'une vue décalée des réalités africaines, qui traduisait une
méconnaissance profonde du continent. En matière militaire, la France n'intervient plus que sous
mandat des Nations unies ou de l'Union européenne ou en application d'accords de coopération
militaire, comme au Tchad et en Centrafrique. Dans ce dernier cas, sans intervention française,
un risque de déstabilisation menacerait toute l'Afrique centrale, y compris la République
démocratique du Congo qui se relève d'une longue guerre civile.
Mme Catherine Tasca a souligné la nécessité d'une réflexion globale en matière dedéveloppement qui ne fasse pas l'économie d'un appui à l'Etat de droit. Elle a insisté sur la
nécessité de disposer d'un appareil de justice adéquat. Elle a relevé que le reproche
d'unilatéralisme était souvent fait aux politiques de co-développement et s'est interrogée sur la
part d'initiative des pays d'origine dans leur définition. Evoquant la signature d'un accord avec le
Sénégal, pour la gestion concertée des flux migratoires, elle a souhaité savoir quelles étaient les
relations entre les ministère des affaires étrangères et celui de l'intérieur dans la gestion de ces
questions. Notant que les migrations étaient avant tout une question africaine, elle a souhaité
savoir quel regard les institutions régionales africaines portaient sur ce dossier.
Mme Brigitte Girardin a précisé que le soutien à l'Etat de droit figurait presquesystématiquement dans les instruments de programmation de l'aide au titre des secteurs
transversaux. Elle a considéré que le co-développement ne pouvait pas être efficace s'il
s'inscrivait dans une démarche unilatérale. Elle a indiqué que le comité franco-malien sur les
migrations constituait un modèle de référence pour évoquer tous les sujets. L'établissement d'un
lien avec le ministère de l'intérieur est un peu nouveau sur ces questions, mais une coordination
- 60 -
est indispensable. Les conférences de Rabat et de Tripoli ont ainsi réuni les deux ministres. Pour
ce qui concerne l'accord avec le Sénégal, ces stipulations sont intégrées dans le document-cadre
de partenariat. Cette approche globale est une forme de « révolution culturelle ». Le problème
migratoire est effectivement, avant tout, interne à l'Afrique. Sur les 4 millions de Maliens qui
vivent à l'étranger, 3,5 millions sont établis dans un autre pays du continent. L'intégration
régionale progresse sur ces questions et la communauté économique des Etats d'Afrique de
l'Ouest (CEDEAO) devrait être également l'une des bénéficiaires de l'enveloppe de près de 40
millions d'euros prévue par l'Union européenne pour le co-développement sur l'enveloppe du IXe
FED.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a rappelé que le co-développement avait étéinventé par les associations de migrants, il y a plus de vingt ans, et qu'il était propre aux
communautés dotées d'une tradition migratoire et fortement structurées, comme la communauté
malienne. Mais elle a souligné que le cas du Mali était exceptionnel et que les migrations
actuelles prenaient de nouvelles formes et n'étaient plus le fait de communautés organisées. Elle a
exprimé son inquiétude sur la forme prise par le co-développement, soulignant qu'il convenait de
soutenir les associations de migrants, et non pas de s'y substituer.
Mme Brigitte Girardin a exprimé son accord avec cette dernière appréciation,soulignant que la France était le seul pays à soutenir les associations de migrants et que la
relation de travail était excellente. Il s'agit de privilégier, entre autres, l'organisation d'un retour
dans la dignité, en vertu d'une approche plus humaine que l'approche strictement sécuritaire
adoptée jusqu'à présent.
- 61 -
M. JEAN-MICHEL SÉVÉRINO, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AGENCE
FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT (EXTRAIT DE L’AUDITION DU 7
FÉVRIER 2007)
Abordant ensuite les termes du débat international sur le développement, M. Jean-MichelSeverino a souligné que la planète comptait actuellement six milliards d'habitants, qu'elle devrait encompter environ 10 milliards à l'apogée de la transition démographique dans une vingtaine d'années,
dont 2,5 milliards dans les pays émergents, un milliard dans les pays de l'OCDE et de 6 à 7 milliards
dans les pays pauvres, qui concentreront l'essentiel de la croissance démographique. L'Afrique compte
actuellement 600 millions d'habitants et devrait en compter un milliard dans 20 ans. La transition
démographique pourrait s'y produire vers 2030, à un niveau compris entre 1,2 et 1,5 milliard
d'habitants. Dans les années 1960, l'Afrique comptait moins de 100 millions d'habitants, ce qui donne
une image saisissante de l'enjeu humain et n'a pas de précédent comparable dans l'histoire de la
croissance démographique. La croissance démographique du continent africain se double d'une
sensibilité extrême au réchauffement climatique, supérieure même à celle du sous-continent indien.
L'épuisement des sols, la déforestation, la disparition des ressources en eau engendrent une dynamique
problématique et perverse qui a non seulement un impact sur les grands équilibres climatiques, mais
aussi sur les équilibres internationaux. La densification démographique entraîne des mouvements de
population qui s'effectuent principalement à l'intérieur du continent.
Prenant l'exemple du Niger, M. Jean-Michel Severino a indiqué que les 15 millionsd'habitants de ce pays se concentraient sur l'étroite bande des rives du fleuve, zone qui souffre d'une
détérioration écologique. La croissance démographique de ce pays est de 3 % par an et devrait doubler
la population du pays dans les années à venir, alors que le Niger n'est qu'un des pays du réservoir
démographique africain. Une fraction de cette population devrait chercher à gagner le nord de la
Méditerranée, tandis que la majeure partie s'arrêtera sur la rive sud. Les pays du Maghreb deviennent
des pays récepteurs de flux migratoires, alors qu'ils ont entamé leur transition démographique et
connaissent un succès économique relatif.
M. Jean-Michel Severino a souligné que ces mouvements massifs de population, quiaccroissent les risques de conflictualité sur tout le continent, conduisaient à s'interroger sur les
perspectives de croissance dans les pays d'origine, ainsi que sur les politiques à mener pour fixer les
populations sur leur terre. Il a indiqué que l'Afrique sub-saharienne avait une croissance moyenne de
5 % par an, ce qui était supérieur à la croissance démographique mais insuffisant pour permettre un
rattrapage économique. Les mécanismes de cette croissance sont stables : le niveau élevé des matières
premières, l'assainissement des politiques économiques, ainsi que le désendettement massif opéré par
la communauté internationale et dont l'impact macro-économique peut être évalué entre 1 et 1,5 point
de croissance. Elle a cependant des aspects négatifs comme la destruction du capital naturel, le
mésusage des fruits de la croissance et l'augmentation des inégalités sans amélioration globale des
conditions de vie. Parmi des situations très différentes qui vont des pays pétroliers aux pays en crise,
la situation intermédiaire des pays sans ressources naturelles, mais qui connaissent une croissance, est
un véritable enjeu pour l'action des bailleurs de fonds.
Evoquant les objectifs du Millénaire, M. Jean-Michel Severino a rappelé qu'il s'agissaitd'objectifs de performance dans huit grands secteurs du développement économique et social. Il a
estimé qu'à l'égard de ces objectifs, le continent africain était en situation d'échec, aucun Etat sur la
pente actuelle ne pouvant y parvenir à l'échéance fixée. Les situations sont contrastées. Un Etat
comme le Niger ne pourra atteindre ses objectifs en 2015, ni même en 2050. Tandis que le Burkina
Faso n'atteindra pas les objectifs en 2015, mais ne doit pas être considéré en situation d'échec, son
rythme d'amélioration de la scolarisation primaire étant supérieur à celui de la France à la fin du XIXe
siècle. La fixation des objectifs du Millénaire pour le développement s'est faite sans prendre en
compte la situation de départ des Etats. Ce constat suscite un dilemme sur les objectifs de l'aide entre
l'instauration d'un transfert redistributif à l'échelle mondiale, indépendamment de toute performance
économique, ou la recherche d'investissements permettant aux Etats d'acquérir une autonomie. Il s'agit
- 62 -
là d'une question fondamentale : si l'aide publique au développement est considérée comme un
investissement, la logique serait de se retirer d'un Etat comme le Niger, alors que si elle constitue une
redistribution, il faut au contraire y accroître massivement l'aide. Si l'objectif est d'instaurer une socialdémocratie
à l'échelle planétaire, l'effort financier additionnel nécessaire représente entre 200 et
350 milliards d'euros.
M. Jean-Michel Severino a souligné que la question migratoire se trouvait au coeur de cedébat. Il s'agit de fixer les populations par l'amélioration de leurs conditions de vie. Il a indiqué qu'une
attention particulière était portée aux flux financiers des migrants qui ont atteint un niveau très
important, de l'ordre de 250 milliards de dollars. Pour ce qui concerne la France, ils sont
principalement destinés au Maghreb, au Mali et au Sénégal. M. Jean-Michel Severino a considéré que
la gestion de ces flux était complexe en l'absence de clarté sur les finalités de l'action publique. S'agitil
d'orienter davantage les flux vers le développement, alors qu'ils sont actuellement destinés à la
consommation plus qu'à l'investissement ? Il faut alors considérer que les régions d'origine sont
défavorisées et offrent un faible potentiel d'investissement. Le soutien à la consommation représente
alors une utilisation logique du revenu. Dans certaines zones, ces transferts sont devenus une rente qui
pousse les Etats à exporter leurs concitoyens. Les marges de manoeuvre sont réduites. S'agit-il
d'améliorer le retour des personnes en favorisant leur propre projet de développement ? Les
perspectives sont modestes et la balance coûts-bénéfices est faible pour les personnes concernées. La
difficulté du sujet conduit l'AFD à l'aborder dans un esprit d'expérimentation. L'AFD accompagne
concrètement des projets d'investissement et elle contribue à simplifier et à faire baisser le coût des
transferts financiers. Ces travaux devraient se poursuivre en 2007 et en 2008, selon le même mode de
l'expérimentation.
- 63 -
ANNEXE II -
AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION
A PARIS
. Ministère des Affaires étrangères
- M. Guy SERIEYS
Ambassadeur délégué au co-développement
- M. Jean-Christophe DEBERRE
Directeur des politiques de développement (DGCID)
- M. François BARRY-MARTIN DE LONGCHAMPS
Directeur des Français à l’étranger et des étrangers en France
. Ministère de l’Intérieur
M. Stéphane FRATACCI
Direction des libertés publiques et des affaires juridiques
. Comité interministériel de contrôle de l’immigration
M. Patrick STEFANINI
Secrétaire général
. Agence Française de développement
- M. Patrick DAL BELLO
Coordonnateur Mali
M. Jean-Pierre BARBIER
Mme Aude DELESCLUSE
Coordonnateurs Maroc
. Ministère de la Cohésion sociale
M. Patrick BUTOR
Directeur des populations et des migrations
. Forum des Organisations de Solidarité Internationale issues des Migrations
(FORIM)
M. Chansamone VORAVONG, Président
M. Abdallah ZNIBER (Association Migrations et Développement,Maroc),
- 64 -
M.Gaharo DOUCOURE (Association AFTAM, Mali)
A BRUXELLES
M. Manuel LOPEZ BLANCO, directeur ACP II – Afriqueoccidentale et centrale, Caraïbes et PTOM, direction générale du
développement – Commission européenne
M. Jean-Louis DE BROUWER, directeur immigration, asile etfrontières –DG Justice, liberté et sécurité – Commission européenne
M. KOOS RICHELLE, directeur général d’EuropAid, et M. Richard
WEBER, directeur général adjoint
M. Franco FRATTINI, commissaire européen en charge de la justiceet des affaires intérieures
A RABAT
M. Fathallah OUALALOU, Ministre des Finances et de laPrivatisation.
Visite du service des visas du Consulat général de Rabat, par M. AlainLE-SEACH, Consul général
M. Bruno DETHOMAS, Délégué de la Commission européenneEntretien avec M. Michel PERALDI, directeur du Centre JacquesBERQUE pour les études en sciences humaines et sociales, et avec des
chercheurs français
M. Luis PLANAS PUCHADES, Ambassadeur d’EspagneDîner avec des personnalités marocaines dont Mme NouzhaCHEKROUNI
, ministre des Marocains résidents à l’étrangerRéunion de travail à la Chancellerie présidée par Mme AnneGRILLO-NEBOUT
, Chargée d’affaires, avec les représentants de laChancellerie de l’AFD , de l’ANAEM – du service de coopération et
d’action culturelle, de la mission économique, du service de coopération
de police et du consul à Tanger.
M. Mohamed BENAÏSSA, Ministre des Affaires étrangères Déjeuner avec M. René TROCCAZ, chef du SCAC, avec desmembres de la communauté universitaire
- 65 -
Visite de terrain à Mohamedia d’un programme de résorption de
l’habitat insalubre. Entretien avec le préfet de Mohamedia.
Dîner à la résidence du Consul général à Casablanca, M. GillesBIENVENU, en présence de personnalités du monde des affaires dont
M. Hafid ELALAMY, président de la CGEM (Confédération généraledes entreprises du Maroc).
A BAMAKO
Entretien à la Chancellerie et au Consulat, visite du service des visas.
Réunion de travail sur le FSP co-développement avec les responsables
de la cellule co-développement de l’ambassade et des opérateurs
maliens.
Déjeuner avec les chefs de service.
Visite de 3 projets de réinsertion de migrants de retour au Mali dans la
zone de Kati
Déjeuner avec les Ambassadeurs d’Espagne et d’Allemagne en
présence des Ministres des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration
africaine, et du Délégué général des Maliens de l’Extérieur.
M. Amadou TOUMANI TOURÉ, président de la République
M. Moctar OUANE, ministre des affaires étrangères et de lacoopération.
M.Abou Backar TRAORÉ ministre des finances.
M. Oumar DICKO, ministre des Maliens de l’Extérieur et del’Intégration africaine.
Mme Aminata TRAORÉ, ancien ministre de la culture et du tourismeet des « retournés » de Ceuta et Melila, membres de l’association
« Retour travail dignité ».
Mme Irène HOREJS, chef de la délégation de la Commissioneuropéenne.
Vos rapporteurs adressent leurs plus vifs remerciements à Mme Anne
Grillo-Nebout, chargée d’affaires AI lors de leur visite à Rabat et à
M. Michel Reveyrand de Menthon, ambassadeur de France à Bamako,
pour la qualité des programmes préparés à leur intention.
[Pour d'autres textes relatifs à l'Accord de "gestion concertée", voir catégorie: "Conventions Accords Lois Codes Règlements"]
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