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posté le 14-05-2010 à 14:54:37 GMT +2

MERE ENFANT

 

Douleur ou Consolation?

 

 


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posté le 13-05-2010 à 10:13:59 GMT +2

LOI SUR APPROBATION ACCORD DE "GESTION CONCERTEE"

20 juin 2008 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 1 sur 161

. .

LOIS

LOI no 2008-569 du 19 juin 2008 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de

la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion

concertée des flux migratoires et au codéveloppement (1)

 

 

 

 

NOR : MAEJ0774280L

 

L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le

Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au

codéveloppement (ensemble trois annexes), signé à Libreville le 5 juillet 2007, et dont le texte est annexé à la

présente loi (2).

La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.

 

Fait à Paris, le 19 juin 2008.

NICOLAS SARKOZY

Par le Président de la République :

Le Premier ministre,

FRANÇOIS FILLON

Le ministre des affaires étrangères

et européennes,

BERNARD KOUCHNER

 

 

(1) Travaux préparatoires : loi no 2008-569.

 

Assemblée nationale :

Projet de loi no 729 ; Rapport de M. Patrick Balkany, au nom de la commission des affaires étrangères, no 776 ;

Discussion et adoption le 10 avril 2008 (TA no 129).

Sénat :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, no 280 (2007-2008) ; Rapport de Mme Catherine Tasca, au nom de la commission des affaires étrangères, no 367 (2007-2008) ;

Discussion et adoption le 12 juin 2008 (TA no 115).

(2) Le texte sera publié ultérieurement au Journal officiel de la République française.

 


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amagaz  le 14-05-2010 à 23:04:13  #   (site)

L'Afrique est riche, mais prisonière de ses dictateurs.

édité le 15-05-2010 à 01:04:28

 
 
posté le 12-05-2010 à 07:20:46 GMT +2

RAPPORT BALKANY (ASSEMBLEE NATIONALE) SUR L'ACCORD DE "GESTION CONCERTEE"

N° 776

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 avril 2008.

 

 

 

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 729, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au

codéveloppement,

PAR M. PATRICK BALKANY,

Député

____

 

3

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION............................................................................................................... 5

I – LE PRÉSENT ACCORD S’INSCRIT DANS LE CADRE D’UNE RÉFLEXION

RENOUVELÉE SUR LES MIGRATIONS ET LE DÉVELOPPEMENT ........................... 7

A. – UNE APPROCHE GLOBALE DES MIGRATIONS ET DU DÉVELOPPEMENT............. 7

1) Une approche renouvelée au niveau mondial ............................................. 7

2) A l’échelle européenne, le cadre fixé par la conférence ministérielle de

Rabat .................................................................................................................. 9

B. – EN FRANCE, LA MISE EN PLACE D’UNE POLITIQUE INNOVANTE DE GESTION

CONCERTÉE DES FLUX MIGRATOIRES ET DE CODÉVELOPPEMENT..................... 10

1) Une stratégie globale de codéveloppement................................................. 11

2) Un dialogue approfondi en matière de gestion des flux migratoires ........ 12

II – FONDÉ SUR DES RELATIONS FRANCO-GABONAISES ÉTROITES, CET

ACCORD INAUGURE UNE NOUVELLE FORME DE PARTENARIAT......................... 13

A. – LES RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LE GABON SONT ANCIENNES ET

DENSES.................................................................................................................... 13

B. – UNE DIMENSION NOUVELLE : LA GESTION CONCERTÉE DES FLUX

MIGRATOIRES ET LE CODÉVELOPPEMENT ............................................................ 14

1) Favoriser la mobilité des compétences......................................................... 14

2) Renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration

clandestine......................................................................................................... 15

3) Soutenir les actions de codéveloppement.................................................... 16

CONCLUSION .................................................................................................................. 17

EXAMEN EN COMMISSION............................................................................................ 19

 

5

Mesdames, Messieurs,

Le 5 juillet 2007, la France et le Gabon ont signé un accord relatif à la

gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement. Il s’agit du premier

accord conclu dans le cadre de la nouvelle politique de gestion concertée de

l’immigration, axée notamment sur les pays d’Afrique subsaharienne.

Cette politique a pour objectif de promouvoir une approche globale

prenant en compte à la fois les politiques de développement et de

codéveloppement, l’organisation des migrations légales et la lutte contre

l’immigration irrégulière. Elle s’inscrit, par ailleurs, dans une démarche plus large,

entamée lors de la conférence ministérielle de Rabat en juillet 2006, visant à

mettre en place un partenariat entre pays africains et européens situés tout au long

des routes migratoires. Il s’agit, par cette approche commune, d’apporter des

solutions concrètes, efficaces et durables au défi des flux migratoires.

Dans ce contexte, la question migratoire est appréhendée sous deux

angles : d’une part, l’apport des migrants installés en France à l’économie de leur

pays d’origine ; d’autre part, la régulation des flux migratoires par des

mécanismes de réadmission et d’aide au retour.

Le présent accord entre la France et le Gabon illustre cette approche

dans la mesure où, s’il intègre des préoccupations de sécurité et de maîtrise des

flux migratoires, il vise également à encourager une migration temporaire, fondée

sur la mobilité et sur l’incitation à un retour des compétences dans le pays

d’origine. Enfin, il met l’accent sur le développement du Gabon grâce à la

migration, non seulement à travers l’épargne accumulée par les ressortissants

Gabonais en France mais surtout grâce à la formation qu’ils acquièrent lors de leur

séjour en France.

Votre rapporteur souhaite mettre l’accent sur cette approche innovante

avant de présenter le dispositif institué par le présent accord entre la France et le

Gabon.

 

 

7

I – LE PRÉSENT ACCORD S’INSCRIT DANS LE CADRE D’UNE

RÉFLEXION RENOUVELÉE SUR LES MIGRATIONS ET LE

DÉVELOPPEMENT

Les migrations internationales constituent une réalité ancienne, qui a

contribué à un enrichissement certain des sociétés mais a aussi entraîné de

profondes mutations de leurs structures. Au fur et à mesure que les marchés du

travail et les sociétés se mondialisent, le phénomène des migrations a pris une

ampleur nouvelle qui le place au coeur des réflexions et préoccupations de la

communauté internationale.

A. – Une approche globale des migrations et du développement

Source d’enrichissement culturel, les migrations peuvent également être

à l’origine de déséquilibres, menaçant la stabilité du tissu économique et social et

susceptibles d’engendrer de fortes tensions. La question des migrations est donc

inséparable de préoccupations de sécurité, de contrôle des frontières et de maîtrise

des flux migratoires. Dans le même temps, il existe une corrélation manifeste entre

les migrations et le développement qui constitue l’objectif prioritaire que les

nouvelles stratégies de codéveloppement entendent promouvoir.

1) Une approche renouvelée au niveau mondial

On estime aujourd’hui à environ 200 millions le nombre de migrantsdans le monde, soit 3 % de la population mondiale. Sur ces 200 millions de

personnes, la moitié se trouve dans les pays de l’OCDE et l’autre moitié dans les

pays en développement. Les pays de l’OCDE accueillent ainsi 100 millions de

migrants, dont 40 millions originaires d’un autre pays de l’OCDE et 60 millions

de pays en développement. Sur ces derniers 60 millions de migrants, 7 millions

sont des Africains, dont la moitié provient d’Afrique subsaharienne et 1,5 million

d’Afrique de l’Ouest.

Le tableau ci-après illustre l’évolution du nombre de migrants

internationaux sur la période 1990 – 2005 et retrace leur répartition par grande

région du monde :

 

8

NOMBRE ESTIMATIF DE MIGRANTS INTERNATIONAUX ET RÉPARTITION PAR GRANDE RÉGION

(1990 – 2005)

Nombre de migrants

internationaux

Augmentation Répartition des

migrants internationaux

(en millions) (en %)

Grande région 1990 2005 1990 - 2005 1990 2005

Ensemble du monde 154,8 190,6 35,8 100 100

Régions développées 82,4 115,4 33,0 53 61

Régions peu développées 72,5 75,2 2,8 47 39

Pays les moins avancés 11,0 10,5 (0,5) 7 5

Afrique 16,4 17,1 0,7 11 9

Asie 49,8 53,3 3,5 32 28

Amérique latine et les Caraïbes 7,0 6,6 (0,3) 5 3

Amérique du Nord 27,6 44,5 16,9 18 23

Europe 49,4 64,1 14,7 32 34

Océanie 4,8 5,0 0,3 3 3

Pays à revenu élevé 71,6 112,3 40,6 46 59

Pays développés à revenu élevé 57,4 90 ,8 33,4 37 48

Pays en développement à

revenu élevé

14,2 21,5 7,3 9 11

Pays à revenu intermédiaire

(tranche supérieure)

24,7 25,7 1,0 16 13

Pays à revenu intermédiaire

(tranche inférieure)

24,8 22,6 (2,2) 16 12

Pays à faible revenu 32,7 28,0 (4,7) 21 15

Source : Migrations internationales et développement – Rapport du Secrétaire général des Nations unies, mai 2006

Ces données montrent que, dans les pays développés, le nombre de

migrants a augmenté de 33 millions entre 1990 et 2005, tandis que dans les pays

en développement, cette augmentation a été d’à peine 3 millions.

Les migrations depuis l’Afrique vers les pays de l’OCDE concernent

principalement les pays d’Europe, en raison des liens historiques et de la

proximité géographique. L’OCDE
(1) relève qu’en Europe, l’immigration nord

africaine est très largement supérieure à l’immigration ouest africaine et

subsaharienne en général. Dans les sept pays européens pour lesquels

l’immigration africaine est quantitativement significative, (Belgique, Espagne,

France, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni), les ressortissants nordafricains

sont de loin les plus nombreux, excepté au Royaume-Uni et au Portugal.

(1) Perspectives des migrations internationales – édition 2007.

 

9

Au-delà de ces flux humains, une attention nouvelle est aujourd’hui

portée aux flux financiers qui accompagnent les migrations. D’après la Banque

mondiale,
les montants des transferts de fonds des migrants vers leur pays

d’origine auraient atteint 232 milliards de dollars en 2005, soit nettement plus

de deux fois les chiffres de l’aide publique au développement (APD)
(1).

L’importance de ces volumes a conduit à prendre davantage en considération le

rôle des diasporas comme acteurs du développement de leur pays d’origine
via,

notamment, l’incidence des transferts de leurs épargne sur les économies locales.

Dans cette perspective, des représentants de haut niveau de tous les

Etats membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) se sont réunis, les 14 et

15 septembre 2006, en Assemblée générale afin d’étudier l’un des aspects les plus

prometteurs des migrations, à savoir leur rapport avec le développement. Cette

initiative a mis en lumière un certain consensus sur le fait que les pays peuvent

collaborer afin de rendre la situation avantageuse à la fois pour les migrants, pour

leurs pays d’origine et pour les sociétés qui les accueillent.

Une réflexion similaire a été engagée au niveau européen, qui a

débouché sur le constat d’un nécessaire dialogue entre pays d’origine, de transit et

de destination des migrations. Les efforts désespérés de migrants d’Afrique de

l’Ouest pour entrer clandestinement en Europe par la voie maritime et les pertes

humaines qui en ont été la conséquence ont accéléré la prise de conscience de

l’importance de ce dialogue et de la coopération régionale dans le domaine. Ces

évolutions ont conduit à une première conférence internationale ministérielle sur

la migration et le développement qui s’est tenue en juillet 2006, à Rabat,

réunissant environ 60 pays situés le long des routes migratoires d’Afrique centrale

et occidentale. Une autre rencontre a suivi, en novembre 2006, en Libye en vue de

formuler pour la première fois une approche des migrations commune à l’Union

européenne et à l’ensemble de l’Afrique.

2) A l’échelle européenne, le cadre fixé par la conférence ministérielle

de Rabat

Le présent projet de loi portant approbation de l’accord entre la France

et le Gabon sur la gestion concertée des flux migratoires et le codéveloppement

fait expressément référence à l’esprit de la conférence ministérielle euro-africaine

sur la migration et le développement qui s’est tenue à Rabat, les 10 et 11 juillet

2006.

(1) D’après la Banque mondiale, ces envois de fonds ont plus que doublé au cours de la décennie écoulée

dans la mesure où ils étaient évalués à 102 milliards de dollars en 1995. Une partie importante de ces

transferts emprunte des canaux informels, échappant ainsi à toute évaluation officielle, notamment en raison

du coût des transferts et de la faiblesse du système bancaire dans certains pays.

 

10

Cette rencontre a, en effet, institué un partenariat novateur sur deux

aspects essentiels : d’une part, il s’agissait de la première initiative associant les

pays d’origine, de transit et de destination des flux migratoires autour des routes

migratoires qui relient l’Afrique et l’Europe ; d’autre part, pour la première fois,

les politiques de développement et de co-développement, l’organisation des

migrations légales et la lutte contre l’immigration irrégulière étaient prises en

compte conjointement.

Outre une déclaration finale, un plan d’action a été adopté à l’issue de la

conférence de Rabat afin de donner visibilité et crédibilité à la nouvelle

dynamique née de la tenue de la conférence. Les mesures adoptées concernent la

promotion du développement (mise en place d’instruments financiers favorisant le

codéveloppement, partenariats entre les institutions scientifiques et techniques,

renforcement de la coopération en matière de formation), la migration légale

(établissement de programmes de coopération en matière de gestion de la

migration légale, mesures facilitant la circulation des travailleurs et des personnes)

et, enfin, l’immigration irrégulière (coopération dans la lutte contre l’immigration

irrégulière, renforcement de la capacité de contrôle des frontières nationales des

pays de transit et de départ, coopération opérationnelle policière et judiciaire et

aide aux victimes).

Cette rencontre a été suivie d’une autre conférence ministérielle qui

s’est tenue à Tripoli, les 22 et 23 novembre 2006. A l’issue de cette réunion,

l’Union européenne et l’Union africaine ont adopté la « déclaration de Tripoli »,

stratégie commune visant à tirer le plus grand parti possible des migrations

internationales tandis que le plan d’action contre la traite des êtres humains,

élaboré à Ouagadougou en 2002, était formellement approuvé et intégré à cette

stratégie globale.

Ces avancées font partie intégrante du partenariat sur les migrations, la

mobilité et l’emploi, adopté au Sommet de Lisbonne qui s’est tenu, en décembre

dernier, et conclu par l’adoption d’une stratégie conjointe « Union européenne –

Afrique ».

B. – En France, la mise en place d’une politique innovante de

gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement

Dans le prolongement de ces préoccupations relatives aux migrations et

au développement, notre pays s’est doté, sous l’impulsion du Président de la

République, d’un ministère compétent à la fois pour l’immigration, l’intégration,

l’identité nationale et le codéveloppement. Ce nouveau ministère met en oeuvre

une politique qui envisage la question migratoire sous deux angles : d’une part,

l’apport des migrants installés en France à l’économie de leur pays d’origine ;

d’autre part, la régulation des flux migratoires par des mécanismes de réadmission

et d’aide au retour.

 

11

1) Une stratégie globale de codéveloppement

Comme votre Rapporteur l’a souligné précédemment, la relation

existante entre les migrations et le développement est au coeur des réflexions des

organisations internationales comme des pays d’origine et d’accueil des

populations migrantes, qui prennent elles-mêmes de plus en plus conscience de

l’importance de la contribution qu’elles peuvent apporter au service du

développement de leur pays d’origine.

Les migrants représentent, en effet, un potentiel important à un double

titre pour le développement de leur pays d’origine : d’une part, par les

compétences qu’ils ont acquises ; d’autre part, par l’épargne qu’ils accumulent.

S’agissant des compétences, le premier objectif est de lutter contre la

« fuite des cerveaux » qui constitue un frein au développement des pays du Sud.

Lors du Dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le

développement précédemment évoqué
(1), plusieurs exemples du coût de cette

fuite des cerveaux pour les pays du Sud ont été évoqués. Ainsi, la Conférence sur

le commerce et le développement (Cnuced) évalue à 184.000 dollars le coût pour

l’Afrique du départ de tout cadre ou membre des professions libérales. La

Commission économique pour l’Afrique (CEA) note, pour sa part, que le départ

des agents sanitaires de l’Afrique vers les pays riches a entraîné un important

déficit de compétences essentielles dans le secteur sanitaire. Ainsi, par exemple,

selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour 2006,

plus de 12.000 médecins formés en Afrique du Sud travaillent aujourd’hui dans un

pays de l’OCDE. Par comparaison, il y a un peu moins de 33.000 médecins qui

exercent dans le pays. Plus de 900 médecins formés au Ghana travaillent dans un

pays de l’OCDE contre 3.240 praticiens au Ghana, d’après les chiffres de l’OMS.

Afin de lutter contre ce phénomène, votre Rapporteur souligne qu’
une

carte « compétences et talents » a été instituée par la loi du 24 juillet 2006

relative à l’immigration et à l’intégration. L’objectif de ce dispositif est

d’accueillir en France des personnes ayant un profil et un projet utiles à la France

et à leur pays d’origine. Pour éviter tout pillage des cerveaux, cette carte ne peut

être renouvelée qu’une fois lorsqu’elle bénéficie à un étranger ressortissant d’un

pays en voie de développement inclus dans la zone de solidarité prioritaire (FSP).

Après six ans de séjour en France, son titulaire doit retourner dans son pays

d’origine, pour le faire bénéficier de l’expérience acquise en France.

En ce qui concerne l’épargne des migrants, les montants en jeu – 8

milliards d’euros par an – montrent que les transferts de fonds peuvent stimuler

considérablement les économies locales. Dans ces conditions, l’utilisation d’une

partie de cette épargne à des fins d’investissement productif est susceptible de

(1) Assemblée générale des Nations unies – 14 et 15 septembre 2006.

 

12

devenir un levier essentiel du développement des pays sources d’immigration.

C’est la raison pour laquelle des initiatives ont été prises, en France, afin

d’instituer des conditions favorables aux transferts d’épargne et à l’investissement

de ces fonds dans des projets de développement. La loi précitée du 24 juillet 2006

a ainsi institué
un compte épargne codéveloppement permettant aux migrants

résidant en France d’épargner en bénéficiant d’un avantage fiscal dès lors que les

sommes sont réinvesties dans leur pays d’origine. Ce dispositif s’est accompagné

de la mise en place d’
un livret d’épargne codéveloppement, ouvert à tous les

étrangers ressortissants d’un pays en voie de développement et résidant

régulièrement en France. A l’image d’un plan d’épargne logement, les sommes

placées sur ce livret sont bloquées pendant trois années et rémunérées par des

intérêts bancaires, augmentés d’une prime d’Etat.

2) Un dialogue approfondi en matière de gestion des flux migratoires

Ces mesures en faveur du codéveloppement prennent, par ailleurs, toute

leur place dans les accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires,

négociés par le Ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale

et du codéveloppement.

Ces accords intègrent des préoccupations de contrôle des frontières, de

maîtrise des flux migratoires à une stratégie plus générale de soutien à des actions

conduites par les migrants dans les domaines de la santé, de l’enseignement

supérieur et de la formation, de la gouvernance et du développement économique.

Il s’agit de faciliter la circulation des personnes, d’encourager une migration

temporaire et d’inciter à un retour des compétences dans les pays d’origine, de

manière à favoriser leur développement, non seulement à travers des transferts de

fonds, mais surtout grâce à la formation et à l’expérience acquise. En 2007, quatre

accords de ce type ont été négociés dont le présent texte avec le Gabon
(1).

Afin de renforcer l’efficacité de cette approche globale des migrations,

la France entend lui donner une dimension européenne en plaçant la question

d’une nouvelle politique européenne de régulation des flux migratoires et de lutte

contre l’immigration clandestine au coeur de sa présidence de l’Union européenne,

au cours du second semestre 2008.

(1) Les trois autres pays concernés sont le Sénégal, le Congo et le Bénin.

 

13

II – FONDÉ SUR DES RELATIONS FRANCO-GABONAISES ÉTROITES,

CET ACCORD INAUGURE UNE NOUVELLE FORME DE PARTENARIAT

Le 5 juillet 2007, la France et le Gabon ont signé un accord relatif à la

gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement qui inaugure cette

nouvelle forme de partenariat que la France entend promouvoir avec les pays

d’origine, de transit et de destination de la migration.

A. – Les relations entre la France et le Gabon sont anciennes et

denses

Le Gabon est un partenaire traditionnel de la France avec lequel notre

pays entretient une relation privilégiée, dont témoigne la visite officielle du

Président de la République à Libreville, le 27 juillet 2007.

La présence française dans le pays est importante avec près de 10.000

Français immatriculés en 2007
(1). Cette présence se manifeste notamment par une

politique active de coopération, dont le cadre a été renouvelé à la suite de la

signature, le 7 octobre 2005, d’un Document cadre de partenariat (DCP) qui

définit, pour la période 2006 – 2011, ses axes stratégiques dans trois secteurs

prioritaires : la protection de l’environnement et le développement durable, les

infrastructures et l’éducation. Au total, plus de 60 % des concours extérieurs au

Gabon, qu’ils soient financiers ou techniques, sont d’origine française.

La coopération entre les deux pays est également de nature militaire, à

la suite de la signature, en 1960, d’accords de défense et de coopération militaire

qui prévoient le pré-positionnement des troupes françaises au Gabon (environ 800

hommes). Le dispositif français en place dans le pays s’inscrit dans un cadre

régional à destination des pays d’Afrique centrale. C’est ainsi que Libreville a été

utilisée comme base arrière pour l’opération militaire européenne EUROFOR en

République démocratique du Congo en 2006.

Sur le plan des échanges, la présence française est forte dans tous les

secteurs de l’économie (75 % des investissements étrangers au Gabon). La France

est le premier fournisseur du Gabon et son deuxième client. Les trois quarts des

exportations françaises vers le Gabon concernent les biens d’équipement

professionnel (31,9 % des ventes totales en 2006), les biens intermédiaires

(26,2 %) et les biens de consommation (17,6 % des ventes). Globalement, un peu

plus de 95 % des importations françaises en provenance du Gabon concernent les

(1) Sao Tomé et Principe inclus.

 

14

matières premières (brutes ou transformées) : pétrole, bois et manganèse. Enfin,

plus de 150 filiales ou succursales d’entreprises françaises sont présentes au

Gabon, qui représente le premier pays d’Afrique subsaharienne pour le « stock »

d’investissements français (IDE) avec 850 millions d’euros en 2006.

Ces relations étroites se manifestent également à travers le nombre

d’accords qui unissent nos deux pays dans de nombreux domaines, dont la

convention relative à la circulation et au séjour des personnes du 2 décembre 1992

et la convention d’établissement du 11 mars 2002 auquel le présent accord fait

référence.

Dans ce contexte de relations étroites, la signature du présent accord sur

la gestion concertée des flux migratoires et le codéveloppement témoigne d’une

volonté partagée d’approfondir, en lui insufflant une dimension nouvelle, le

partenariat entre la France et le Gabon.

B. – Une dimension nouvelle : la gestion concertée des flux

migratoires et le codéveloppement

Le présent accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires et

au codéveloppement a pour objet de faciliter la circulation des personnes entre les

deux pays pour des motifs économiques, professionnels, familiaux ou médicaux. Il

vise également à renforcer la coopération entre les deux pays en matière de lutte

contre l’immigration irrégulière. Enfin, il est destiné à soutenir les initiatives de

codéveloppement, au profit du développement du Gabon.

La signature de cet accord a ouvert la voie à la négociation d’autres

accords de même nature avec un certain nombre de pays, notamment d’Afrique

subsaharienne.

1) Favoriser la mobilité des compétences

L’une des priorités de la nouvelle politique migratoire de la France est

de réorganiser les modalités de gestion de l’immigration légale et de rééquilibrer

ses composantes, en favorisant l’immigration de travail.

Dans cette perspective, le présent accord élargit les possibilités

d’obtention de visas de circulation, en prévoyant notamment une délivrance plus

systématique de visa de court séjour pour des motifs économiques, professionnels,

médicaux ou familiaux (
article 1er).

L’accord organise, par ailleurs, les conditions dans lesquelles les

étudiants gabonais peuvent compléter leur formation par une première expérience

professionnelle, en autorisant la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour

de neuf mois, renouvelable une fois, pour les étudiants ayant achevé avec succès

 

15

leur cycle d’études. Au terme de cette période, l’étudiant pourvu d’un emploi ou

d’une promesse d’embauche, peut séjourner en France sans que lui soit opposée la

situation de l’emploi, si son activité professionnelle est en lien avec sa formation

et sa rémunération au moins égale à une fois et demi le SMIC (
article 2,paragraphe 2). Il prévoit également l’ouverture de négociations en vue de la

conclusion d’un accord relatif à l’échange de jeunes professionnels de 18 à 35 ans

pour des périodes de 18 mois au plus (
article 3, paragraphe 1).

En ce qui concerne l’accès à l’emploi en France des ressortissants

gabonais, le présent accord prévoit la délivrance d’autorisations temporaires

permettant de travailler dans certaines professions – énumérées à l’annexe I de

l’accord – pour lesquelles la situation de l’emploi sur le territoire ne sera pas prise

en compte. Ces autorisations temporaires peuvent également être délivrées pour

un complément de formation en entreprise sur la base d’un contrat de travail d’une

durée inférieure à douze mois (
article 3, paragraphe 2).

L’accord ouvre, en outre, la possibilité de délivrer la carte

« compétences et talents », précédemment évoquée, au ressortissant gabonais

«
susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon

significative et durable au développement économique ou au rayonnement,

notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la

France
» (article 3, paragraphe 3).

Par ailleurs, il prévoit que la durée des titres de séjour accordés aux

Français au Gabon est portée à cinq ans (
article 3, paragraphe 5). Enfin, l’accord

précise l’offre de formation aux personnes concernées notamment par le

regroupement familial en France, dans le cadre des contrats d’accueil et

d’intégration, et d’un bilan de compétence professionnelle ou d’orientation (
article

3, paragraphe 6).

2) Renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration

clandestine

Ces dispositions relatives à la circulation des compétences sont

complétées par des mesures destinées à renforcer l’efficacité de la lutte contre

l’immigration irrégulière.

Le présent accord prévoit, en particulier, l’adoption de mécanismes de

réadmission, dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux, des

ressortissants français ou gabonais en situation irrégulière sur le territoire de

l’autre partie
(article 4, paragraphe 1) ainsi que des ressortissants d’Etats tiers

ayant séjourné préalablement sur le territoire d’une des parties (article 4,paragraphe 3

). Il précise les modalités d’identification des nationaux en renvoyant

à une annexe II qui énumère les documents permettant de constater le séjour d’un

ressortissant d’un Etat tiers sur le territoire de la partie requise. Ces mécanismes

sont complétés par une offre de formation policière par la France comprenant,

 

16

notamment, une formation des personnels chargés du démantèlement des filières

d’immigration clandestine (
article 4, paragraphe 7).

Au-delà de ces mécanismes, l’accord pose le principe d’un

renforcement de la coopération entre les deux pays en matière d’état civil et de

lutte contre la fraude documentaire (
article 5). L’objectif est de renforcer la

fiabilité de l’état civil gabonais en mettant à disposition des autorités gabonaises la

compétence française dans le domaine de la sécurité des titres. En ce qui concerne

la fraude documentaire, la coopération entre les deux parties portera notamment

sur la formation de spécialistes et des échanges d’information.

3) Soutenir les actions de codéveloppement

Comme votre Rapporteur l’a précédemment souligné, la stratégie de

codéveloppement vise à favoriser l’aboutissement d’un ensemble d’actions

multilatérales, bilatérales mais aussi individuelles qui passent par les diasporas ou,

plus généralement, les migrants résidant en France, au profit de leur pays

d’origine. Dans le prolongement des réflexions sur le lien entre migrations et

développement, ce volet est indissociable des aspects de régulation des flux

migratoires.

Le présent accord vise ainsi à soutenir les initiatives des Gabonais

résidant en France au profit du développement du Gabon (
article 6). Ce soutien

peut se manifester par le cofinancement de projets de développement local mis en

oeuvre par des associations de migrants, l’accompagnement des initiatives

économiques des migrants, l’appui aux diasporas qualifiées pour des interventions

au Gabon ou encore aux initiatives de développement des jeunes Gabonais

résidant en France.

L’ensemble de ces actions est mis en oeuvre dans le cadre du Fonds de

solidarité prioritaire (FSP).

Enfin, votre Rapporteur précise qu’un comité de suivi est institué,

appelé à se réunir au moins une fois par an, afin notamment d’évaluer les résultats

des actions mentionnées dans l’accord (article 7).

 

17

CONCLUSION

Le présent accord témoigne d’une vision globale des migrations qui

intègre à la fois des préoccupations de sécurité et de maîtrise des flux migratoires

et des préoccupations de développement dont les migrants eux-mêmes sont les

acteurs. Il illustre également une volonté d’établir un nouveau partenariat équilibré

avec certains pays avec lesquels la France entretient des relations privilégiées.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteur recommande l’adoption

du projet de loi n°729.

 

 

19

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion

du 2 avril 2008.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a eu lieu.

M. François Rochebloine s’est félicité que l’article 1er de la

convention consacre la dispense de visa de court séjour pour les titulaires de

passeport diplomatique et l’étende aux titulaires de passeport de service. Indiquant

être intervenu pour appuyer des demandes de visa d’un certain nombre de

ressortissants de pays africains (en particulier du Cameroun et du Sénégal), il a

déploré les difficultés auxquelles il s’est trouvé confronté. Il a notamment jugé

très regrettable que de jeunes camerounais, qui devaient participer à un tournoi

international de football récemment organisé dans sa circonscription pour la

troisième année consécutive, n’aient pas obtenu de visa pour se rendre en France.

La nécessaire marge de manoeuvre dont disposent les consuls pour délivrer des

visas doit respecter les textes signés et adoptés par la France. S’agissant de

l’article 2 de la convention, il a demandé au rapporteur s’il s’agissait d’une

application de la loi relative à l’immigration et à l’intégration, votée en 2006

lorsque M. Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur.

M. Jacques Remiller a fait état de difficultés similaires pour la

délivrance de visas à des ressortissants sénégalais devant se rendre en France dans

le cadre d’un festival folklorique. Les décisions d’octroi ou de refus sont laissées

au bon vouloir des consuls.

Le rapporteur a souscrit à l’observation de son collègue M. François

Rochebloine, reconnaissant l’insistance dont il faut parfois faire preuve auprès des

consuls pour qu’ils délivrent un visa. Il alors précisé que la carte de séjour

« compétences et talents » visée à l’article 3 de la convention comprenait bien les

sportifs. Ce qu’il faut, c’est faciliter la libre circulation des ressortissants qui ne

posent pas de problèmes et mieux surveiller les personnes indésirables. En effet,

une partie de l’immigration clandestine se nourrit d’étrangers arrivés

régulièrement sur le sol français, munis d’un visa de court séjour, mais qui ne

repartent pas de notre territoire. Evoquant ensuite les flux migratoires entre le

Gabon et la France, il a mentionné la présence de 8 200 ressortissants gabonais sur

le sol français. Puis il a indiqué que sur les 200 000 étrangers qui s’installent

chaque année en France, 60 % sont d’origine africaine, tandis que 100 000

étudiants africains poursuivent actuellement leurs études dans notre pays.

Le Président Axel Poniatowski a précisé qu’il existait trois autres

accords internationaux du même type que celui conclu avec le Gabon et qui

concernent le Bénin, le Congo Brazzaville et le Sénégal. En autorisant la

 

20

ratification de la présente convention avec le Gabon, il s’agit de permettre l’entrée

en vigueur du premier de ces accords.

Suivant les conclusions du rapporteur,
la commission a adopté le projet

de loi (no729 ).

*

La commission vous demande donc d’
adopter, dans les conditions

prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

 

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 729).

 


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posté le 11-05-2010 à 17:46:08 GMT +2

COMMEMORATION

Bonjour à tous,

A l'occasion de la 38 ième édition de la fête nationale du Cameroun, l' Association des Camerounais et Sympathisants de Nancy - ACNS -  organise une intense semaine culturelle du 13 au 15 mai 2010 avec bien d'autres activités, dont le programme est le suivant:

1) Jeudi 13 mai: Tournoi de football qui se déroulera au stade Paul Bert de Vandoeuvre à l'allée des acacias. (pas loin du centre commercial Jeanne d'Arc, desservi par les lignes 111-112 en direction de Jarville Sion arrêt Haute Malgrange, 139 direction Ludres arrêt haute Malgrange et 123 direction Vandoeuvre Nations arrêt Jonquilles)

2) Vendredi 14 mai:
    a) 14 heures 30: Animation (contes accompagnés de musique) des personnes âgées à la maison "les jardins du Charmois" de retraite avec l'artiste conteur et musicien Thierry BOECASSE
    b) 19 heures: conférence-débat sur le thème "la fuite des cerveaux africains, quel impact pour le continent. Cas du Cameroun?" animée par Jean François BETALA et un grand témoin surprise. Elle aura lieu à la salle du vélodrome sis rue d'echternach à Vandoeuvre

3) Samedi 15 mai:
    a) de 10 heures à 18 heures: exposition d'objets d'art et culinaires camerounais et africains à la place Maginot de Nancy
    b) de 20 heures à l'aube: soirée de gala à la paroisse sacrée cœur,
salle Henry Blaise sis au 39 rue de Laxou à Nancy.
Au menu de la soirée de gala:
- Concerts avec des artistes surprises
- Chorégraphie africaine et européenne (hip hop, samali, ben skin, bikutsi)
- Remise de trophée
- Défilé de mode
- Élection miss Nancy
- Et bien d'autres surprises, ........


Entrée: 10 euros+une conso,  Restaurant/Bar payant selon menu


Nous comptons sur vous pour être des nôtres durant cette semaine.

Ensemble rassemblons-nous pour une Afrique en général et un  Cameroun en particulier plus forts et prospères.

Bon dimanche à tous et à chacun.

La cellule communication de l' ACSN.
Association des Camerounais et Sympathisants de Nancy - ACSN
Chez Hermine TEMGOUA
5 allée des Jonquilles
54500 Vandoeuvre Lès Nancy
Tel: 06 12 65 84 45
 


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posté le 10-05-2010 à 23:35:52 GMT +2

*RAPPORT TASCA (SENAT) SUR L'ACCORD DE "GESTION CONCERTEE"

N° 417

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 juillet 2007

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces

armées (1) sur le co-développement et les relations entre politique de

développement et politique de gestion des flux migratoires,

Par Mme Catherine TASCA, MM. Jacques PELLETIER et Bernard BARRAUX,

Sénateurs.

 

 

 

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-

Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade,

Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer,
vice-présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-LouisCarrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme

Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette

Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade,

Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry,

Hubert Haenel, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle,

Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron,

Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan,

Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme,

Mme Dominique Voynet.

- 2 -

 

- 3 -

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION ................................................................................................................................. 5

I. MIGRATIONS ET DÉVELOPPEMENT : QUELLE JONCTION POSSIBLE ?........................ 7

A. LA MONTÉE INÉLUCTABLE DES FLUX MIGRATOIRES .......................................................... 7

1. Un phénomène multiforme et majoritairement africain ................................................................... 7

2. Une ampleur historiquement inégalée.............................................................................................. 8

B. DES ENJEUX CRUCIAUX POUR LE DÉVELOPPEMENT............................................................ 9

1. Développement et politiques de gestion des flux migratoires du point de vue des pays

d’accueil ......................................................................................................................................... 9

2. Une question lourde pour l’Afrique elle-même ................................................................................ 10

II. LE CODÉVELOPPEMENT, UNE RÉPONSE NOUVELLE ? .................................................... 13

A. QU’EST CE QUE LE CO-DÉVELOPPEMENT ?.............................................................................. 13

1. Des conceptions très différentes en présence ................................................................................... 13

2. Une pratique ancienne : La mobilisation de l’épargne des migrants au service du

développement
................................................................................................................................ 14

B. LE CO-DÉVELOPPEMENT COMME POLITIQUE PUBLIQUE..................................................... 16

1. Des reformulations successives........................................................................................................ 16

2. Les instruments du développement local .......................................................................................... 17

3. Le soutien à la mobilité des personnes............................................................................................. 18

4. La valorisation de l’épargne ............................................................................................................ 20

5. Une synthèse des différents instruments : les accords de gestion concertée des flux

migratoires...................................................................................................................................... 21

6. Une organisation « en double commande » ..................................................................................... 22

C. QUELS EFFETS SUR LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ? ................................................. 23

1. Des actions expérimentales .............................................................................................................. 23

2. Au Maroc......................................................................................................................................... 23

3. Au Mali............................................................................................................................................ 25

4. Un premier bilan contrasté .............................................................................................................. 26

5. Quels changements d’échelle envisageables ? ................................................................................. 28

III. L’UNION EUROPÉENNE, NOUVEL HORIZON DU CO-DÉVELOPPEMENT ? ................ 31

A. LE CADRE INSTITUTIONNEL : UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE............................................ 31

1. L’intérêt d’une approche communautaire de la question des migrations ........................................ 31

2. Une communautarisation partielle................................................................................................... 31

3. Des objectifs ambitieux .................................................................................................................... 33

B. UN CADRE CONCEPTUEL : L’APPROCHE GLOBALE DES MIGRATIONS............................. 33

1. Le dialogue avec les Etats tiers ........................................................................................................ 34

2. La coordination entre Etats membres : les plateformes de coopération .......................................... 35

3. Le renforcement des capacités des Etats africains en matière de gestion des migrations ............... 36

4. Les financements .............................................................................................................................. 36

C. UNE DIMENSION OPÉRATIONNELLE À CONCRÉTISER.......................................................... 37

1. La question des compétences ........................................................................................................... 37

2. Des différences d’approche entre Etats membres ............................................................................ 37

- 4 -

3. Le centre d’informations et de gestion des migrations de Bamako, une première

emblématique, une réponse adaptée ? ............................................................................................. 38

IV. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION.................................................................. 41

A. APPROFONDIR LE DIALOGUE AVEC LES PAYS D’ORIGINE.................................................. 41

1. Parvenir à un constat partagé.......................................................................................................... 41

2. Élaborer une réponse concertée....................................................................................................... 42

3. Retrouver des marges de manoeuvre crédibles ................................................................................. 43

B. SE SAISIR DES PRINCIPES DU CO-DÉVELOPPEMENT POUR RÉVISER LES

POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT ............................................................................................ 43

1. Reconsidérer l’appui au secteur éducatif et à l’appareil de formation............................................ 44

2. La question de l’emploi .................................................................................................................... 45

3. Le système bancaire et l’accès au crédit .......................................................................................... 45

4. Un engagement résolu des pays d’origine en matière de gouvernance ........................................... 46

C. PROGRESSER VERS UNE « GOUVERNANCE INTERNATIONALE » DES

MIGRATIONS ?................................................................................................................................ 47

CONCLUSION ...................................................................................................................................... 49

PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS............. 51

EXAMEN EN COMMISSION.............................................................................................................. 53

ANNEXE I - AUDITIONS EN COMMISSION.................................................................................. 57

MME BRIGITTE GIRARDIN, MINISTRE DÉLÉGUÉE À LA COOPÉRATION ET À

LA FRANCOPHONIE, LE 13 FÉVRIER 2007 ............................................................................. 57

M. JEAN-MICHEL SÉVÉRINO, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AGENCE

FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT (EXTRAIT DE L’AUDITION DU 7

FÉVRIER 2007) ............................................................................................................................... 61

ANNEXE II - AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION.......................................................................... 63

- 5 -

INTRODUCTION

Co- : variation de la locution latine

cum : avec, réunion, adjonction, simultanéité

« L’ambition est de faire du codéveloppement

un levier essentiel du

développement des pays sources

d’immigration, complémentaire à la politique

traditionnelle de coopération »
IIIème rapport

au Parlement sur les orientations de la

politique d’immigration.

Mesdames, Messieurs,

Le co-développement désigne traditionnellement les actions des migrants

au profit du développement de leur pays d’origine. Il s’agit d’une réalité aussi

ancienne que l’émigration elle-même et ses vagues successives. Dès les années 1960,

période de développement des flux migratoires vers l’Europe, les migrants ont

soutenu des projets au profit de leur famille restée au pays et de leur village

d’origine.

À la fin des années 1990, l’appui à ce type d’action par les autorités

françaises a été formalisé, par la création de la mission interministérielle sur le codéveloppement,

avec la volonté de renforcer ce levier du développement et de

considérer les migrants comme de véritables acteurs du développement. Venue du

ministère de l’Intérieur, avec le rapport de M. Sami Nair, l’idée qui sous-tend l’appui

public aux actions des migrants est aussi celle de favoriser par là même leur

intégration.

Plus récemment, ce concept a fait l’objet d’une fortune nouvelle et a été

placé au coeur des débats, notamment ceux de l’élection présidentielle, en recouvrant

toutefois des acceptions très différentes, dans un contexte de rapprochement entre les

thématiques de migrations et celles du développement.

Une réunion conjointe du Comité interministériel de la coopération

internationale et du développement (CICID) et du Comité interministériel de contrôle

de l’immigration (CICI) tenue le 5 décembre 2006 a mis en relief ce thème du codéveloppement,

comme outil de développement mais aussi comme instrument de

gestion des flux migratoires.

 

- 6 -

La question des migrations étant placée au coeur de la relation entre les

Etats européens, et singulièrement la France, et le continent africain, et cette

politique étant en cours de refondation, votre commission a souhaité se saisir du

dossier du co-développement afin de déterminer ce que recouvre exactement cette

politique publique, de mieux en identifier les objectifs, d’en considérer les effets tant

sur les politiques de gestion des flux migratoires que sur les politiques de

développement et d’examiner les conditions dans lesquelles cette politique, encore

largement embryonnaire, pourrait connaître un changement d’échelle à la hauteur des

enjeux et des attentes que placent en elle les pays d’origine.

Après une série d’auditions à Paris, vos rapporteurs se sont rendus à

Bruxelles puis au Maroc et au Mali, deux pays aux profils très différents à qui

s’adresse prioritairement la politique française de co-développement.

Les travaux de votre délégation, décidés en octobre 2006, ont été lancés en

mars 2007, antérieurement donc à la constitution d’un ministère compétent sur ce

thème. Votre commission devra prendre en compte l’action de ce département

ministériel qui entre dans son champ de compétence. S’il est trop tôt pour apprécier

dès maintenant les effets de cette innovation, celle-ci suppose certainement une

clarification des objectifs et des contours de la politique de co-développement.

 

- 7 -

I. MIGRATIONS ET DÉVELOPPEMENT : QUELLE JONCTION

POSSIBLE ?

A. LA MONTÉE INÉLUCTABLE DES FLUX MIGRATOIRES

La relation entre migration et développement est une relation complexe :

l’élévation du niveau de vie du pays tend à augmenter, au moins dans un premier

temps, le taux d’émigration ; l’émigration contribue au développement, par les

transferts financiers qu’elle permet ; elle prive aussi le pays d’éléments dynamiques

confrontés à l’impossibilité d’imaginer leur avenir sur place.

1. Un phénomène multiforme et majoritairement africain

Les parcours des migrants s’inscrivent dans des logiques variées qui

rendent d’autant plus malaisée une politique ciblée à l’égard du phénomène des

migrations. Leurs motivations peuvent être politiques, les migrants étant alors

souvent des réfugiés, économiques ou encore relever de facteurs culturels, l’Afrique

étant traditionnellement marquée par la grande mobilité de ses populations.

Ce phénomène multiforme est en mutation sous l’effet des changements

sociaux, de l’exode rural et de l’urbanisation. Il est également affecté par la

modification dans un sens de plus en plus restrictif des politiques migratoires en

Europe ainsi qu’à l’intérieur du continent.

Les routes migratoires ont évolué, des pays d’accueil se transformant en

pays d’émigration. Des pays d’émigration, comme le Maroc, dont les populations

continuent à migrer, sont devenus des pays de transit, notamment vers l’Europe mais

aussi, fait nouveau, des pays de destination où les migrants venus du Sud du Sahara

s’installent faute de pouvoir poursuivre leur parcours.

Même s’il ne faut pas sous-estimer les flux en provenance des autres

continents et notamment en provenance des pays d’Asie, depuis le début des années

1990, le phénomène de migrations au départ de pays d’Afrique sub-saharienne vers

les pays d’Afrique du Nord et à destination de l’Europe tend à s’accélérer et à se

renforcer.

Il faut rappeler que la migration sub-saharienne est très majoritairement une

migration intra-africaine, vers les grands bassins d’emploi, agricoles, pétroliers ou

miniers. On estime que 90 % des migrants africains s’installent dans un autre pays du

continent. Les émigrés maliens ainsi sont majoritairement installés en Côte d’Ivoire

et dans les autres Etats de la sous-région. A la différence des migrations vers

l’Europe, souvent marquées par des allers et retours avec le pays d’origine, les

migrations intra-africaines ont un caractère plus définitif.

La migration vers l’Europe ne représente donc a priori qu’une part

marginale de l’ensemble des mouvements migratoires. Elle devrait néanmoins croître

au rythme d’une croissance démographique très forte.

 

- 8 -

2. Une ampleur historiquement inégalée

Historiquement datée, l’immigration africaine en France et en Europe, très

faible durant la période coloniale, remonte aux lendemains des indépendances, dans

une période d’expansion économique aux forts besoins de main d’oeuvre.

Pour les uns, les pays d’origine, l’émigration devient alors un exutoire

naturel aux difficultés économiques. Tandis que pour les autres, les pays d’accueil,

elle est une réponse simple à un déficit de main d’oeuvre. Entre 1950 et 1975, la

France accueille entre 100 000 et 200 000 étrangers par an, principalement en

provenance du Maghreb.

En France, la modification de la politique migratoire à partir de 1974 n’a

pas réellement conduit à la fermeture des frontières.

Elle a surtout occasionné à partir des années 1980 un changement de nature

de l’immigration, passée d’une immigration de travail à une immigration

majoritairement familiale, d’une immigration temporaire à une installation durable.

M. Dicko, ministre des maliens de l’extérieur a souligné devant vos

rapporteurs les effets, pervers selon lui, de ce changement de politique : en limitant

les possibilités d’allers et retours
, elle a mis fin au système de la migration

temporaire qui permettait à un migrant de retour d’être remplacé par une

autre personne ; elle a conduit à fixer en France des personnes qui n’en avaient

pas initialement le projet, et ont fait venir leur famille.

Pour l’année 2005, la délivrance des titres de séjour par motifs1 se

présentait comme suit : un titre sur deux était délivré pour motif familial, un titre sur

quatre attribué à un étudiant, plus d’un titre sur douze attribué à un réfugié ou

apatride, moins d’un titre sur seize pour motif économique, moins d’un titre sur huit

pour d’autres raisons.

Le rapport entre immigration et immigration de travail enregistre une légère

inflexion sur la période récente : d’après le rapport de l’OCDE sur les perspectives

des migrations internationales, une légère baisse des entrées pour motif familial, de

109 800 entrées en 2004 (soit 63,1 % du total) à 102 500 en 2005 (60,8 %)

s’accompagne d’une augmentation des entrées pour raison de travail qui sont passées

de 20 900 en 2004 à 22 800 en 2005, et de 12 % à 13,5 %.

Ce rapport souligne également l’évolution rapide de la provenance des

migrants : près des deux tiers viennent d'Afrique, en particulier de l'Algérie et du

Maroc, contre un peu plus de la moitié il y a cinq ans. La part des personnes

originaires d’Afrique sub-saharienne parmi les immigrés présents sur le sol français,

environ 570 000, soit environ 12 % des immigrés est assez faible mais progresse

rapidement, de plus de 45 % entre 1999 et 2004. Les deux tiers sont originaires des

anciennes colonies françaises.

Les projections réalisées par les Nations Unies,
World Population Prospects, laissent augurer une pression migratoire d’ampleur inégalée en

provenance du continent africain, alors que les autres continents ont entamé, sinon

1 Extrait du troisième rapport au Parlement sur les orientations de la politique d’immigration,

décembre 2006.

 

- 9 -

achevé, leur transition démographique. Entre 1975 et 2003, le nombre de migrants a

plus que doublé, s’établissant à 175 millions en 2003.

Aujourd’hui, la croissance démographique se situe à un niveau

historiquement élevé.
L'Afrique comptait moins de 100 millions d’habitants dans

les années 1960, elle en compte actuellement 600 millions d'habitants et devrait

en compter un milliard dans 20 ans.
La transition démographique pourrait s'y

produire vers 2030, à un niveau compris entre 1,2 et 1,5 milliard d'habitants.

Cette croissance de la population africaine est un phénomène inégalé dans

l’histoire démographique et elle devrait se traduire mécaniquement par une

augmentation de la pression migratoire.

B. DES ENJEUX CRUCIAUX POUR LE DÉVELOPPEMENT

1. Développement et politiques de gestion des flux migratoires du point

de vue des pays d’accueil

Les flux migratoires incontrôlés posent une série de problèmes aux pays de

destination. Les mécanismes d’intégration des nouveaux arrivants ne fonctionnent

plus correctement, tout particulièrement en termes d’emploi et de logement.

Il a été rapporté à votre délégation lors de son déplacement à Bamako que

les migrants installés en France faisaient eux-mêmes passer ce message, les

dispositifs d’accueil et de solidarité mis en place par les communautés étrangères

n’étant eux-mêmes plus en mesure d’assumer les nouveaux venus.

Actuellement, la France semble confrontée à une pression migratoire

moindre que celle de ses principaux voisins. En revanche, du fait de l’ancienneté de

son immigration, elle a accueilli un nombre beaucoup plus important d’immigrés

dans les années antérieures et se trouve de ce fait plus fortement confrontée à la

question de l’intégration.

La France et ses partenaires européens apportent à la pression migratoire

une réponse essentiellement sécuritaire. Cette réponse contribue notamment à

modifier les comportements des migrants. Elle est à l’évidence insuffisante

puisqu’elle n’agit pas sur les causes profondes de la pression migratoire.

Les politiques de gestion des flux migratoires débouchent ainsi assez

naturellement sur la question du développement. Les conclusions de la commission

d’enquête sénatoriale sur l’immigration clandestine
1 allaient au demeurant dans ce

sens : la réponse à des flux migratoires incontrôlés doit être recherchée dans le

développement des pays d’origine.

Partant de ce constat, peut-on imaginer des politiques de développement

faisant une place spécifique à la question migratoire ?

1 Voir le rapport d’information n° 300 (2005-2006) de MM. Georges Othily et François-Noël Buffet,

Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine

 

- 10 -

Dans le même temps, le vieillissement des pays du Nord conduit à des

besoins de main d’oeuvre non satisfaits dans certains secteurs, qui pourraient être

pourvus par des migrants. La Banque mondiale estime que sur les 40 millions

d’accroissement annuel de la main d’oeuvre mondiale entre 2001 et 2010, seuls 2

millions seront le fait des pays à hauts revenus. Il est cependant difficile d’identifier

précisément ces besoins de main d’oeuvre des pays développés et encore plus

d’assurer une adéquation avec le profil professionnel des migrants. Dans la

mondialisation, la concurrence s’exerce à l’avantage des migrants les plus qualifiés

qui ne sont pas forcément originaires des régions de fort dynamisme démographique.

Devant le constat du caractère quasi irrépressible de la migration et de

besoins de main d’oeuvre non satisfaits, il y a une nécessité de tenter d’accompagner

ce phénomène et il y a assurément une place pour un dialogue avec les pays

d’origine.

2. Une question lourde pour l’Afrique elle-même

Ainsi que précédemment évoqué, les flux migratoires les plus importants

concernent le continent africain lui-même, amené à en subir plus directement les

contrecoups.

Le dynamisme démographique du continent est à l’origine d’une

urbanisation rapide et non maîtrisée et d’un fort exode rural ; alors même que la

population augmente, ces phénomènes augmentent les
difficultés d’autosubsistance

alimentaire.

Il est à l’origine de tensions croissantes sur le marché du travail. La

Banque mondiale souligne ainsi que la population active va augmenter de 40 % en

Afrique du Nord, exigeant la création de 100 millions d’emplois supplémentaires

dans les 20 prochaines années. Sans diversification de l’économie, le nombre de

chômeurs pourrait augmenter de 50 millions dans la zone « Afrique du Nord et

Moyen-Orient ». Alors que la croissance économique enregistre des niveaux

satisfaisants, de l’ordre de 5 % par an, elle est insuffisante pour accompagner la

croissance démographique.

Il produit également des
tensions sur l’environnement : selon les chiffres

produits par l’ONG Christian Aid, les changements climatiques pourraient être à

l’origine d’un quart des migrations forcées à l’horizon de 2050. En raison des

progrès de la désertification, de la déforestation, du stress hydrique, la concentration

des populations devrait s’accentuer, renforçant encore ces phénomènes.

Enfin, les flux migratoires incontrôlés constituent un véritable
enjeu pourla stabilité dans un contexte global de repli identitaire dans certains pays d’accueil

traditionnels. Ainsi, par exemple, parmi les différents aspects de la crise ivoirienne,

figure en bonne place la question foncière, liée au passage brutal d’une conception

très ouverte à une conception fermée de la nationalité et de l’accueil de populations

étrangères.

Le développement de l’immigration clandestine est également à l’origine

d’activités économiques souterraines et de trafics contribuant à l’insécurité et à

l’instabilité.

 

- 11 -

L’augmentation des flux d’émigration est un symptôme de « maldéveloppement

». Pour l’Afrique elle-même, la question des migrations rejoint les

questions de développement.

Ce constat étant posé, il reste à déterminer la nature des réponses à apporter

et les conséquences à tirer sur la politique de développement. Le co-développement,

à la rencontre des politiques de développement et de gestion des flux migratoires, est

souvent présenté comme une réponse nouvelle.

 

- 12 -

 

- 13 -

II. LE CODÉVELOPPEMENT, UNE RÉPONSE NOUVELLE ?

Le co-développement est une pratique ancienne dont la relation avec la

maîtrise des flux migratoires est en revanche plus récente.

A. QU’EST CE QUE LE CO-DÉVELOPPEMENT ?

1. Des conceptions très différentes en présence

Si le terme de co-développement a connu une fortune récente,

singulièrement lors de la campagne présidentielle en France, force est de constater

qu’il ne désigne pas systématiquement la même politique.

Il est tour à tour entendu comme une forme de partenariat, de

développement concerté avec les pays bénéficiaires, comme le point de rencontre et

d’articulation entre les politiques de développement et les politiques de gestion des

flux migratoires, voire comme une forme plus humaine d’accompagnement des

retours de migrants dans leur pays d’origine.

Cette ambiguïté se reflète dans le discours des pays d’origine des migrants.

Lors de leurs entretiens, vos rapporteurs ont pu constater que le concept faisait

l’objet de différences d’interprétation significatives.

Les autorités marocaines retiennent, pour leur part, une définition très large

du co-développement et le conçoivent comme un partenariat macro-économique

entre les deux rives de la Méditerranée au bénéfice de la compétitivité de l’ensemble

dans la mondialisation. Des coopérations dans le secteur textile, une approche

concertée des délocalisations, une circulation facilitée des salariés entre les deux

espaces ont ainsi été évoquées. Elles s’inscrivent, pour le ministre des finances

marocain, M. Oualalou, dans la dynamique de réformes engagées par le Royaume

pour se rapprocher des normes européennes tant sur le plan économique que sur la

question de la gouvernance.

Cette conception n’est pas très éloignée de la notion de partenariat

privilégié, proposé au Maroc dans ses relations avec l’Union européenne, ni de

l’intérêt suscité par le projet d’Union de la Méditerranée, évoquée par le président de

la République. Elle est cependant beaucoup plus globale que celle mise en oeuvre

dans le pays sous le label « co-développement » et vise à la construction d’un espace

d’échanges entre les deux rives de la Méditerranée qui s’effectuerait à plusieurs

niveaux : entre le Maroc et l’Europe, au sein de l’espace méditerranéen et entre le

Maroc et l’Afrique. Le Maroc mène au demeurant une « politique africaine » et

accueille quelque 7 000 boursiers sub-sahariens dans ses universités. Il avance des

propositions intéressantes de coopération triangulaire avec des pays d’Afrique

francophone.

Au Mali, vos rapporteurs ont constaté une lecture du co-développement par

les autorités plus proche des projets concrets développés dans le pays, le président du

Mali, M. Amadou Toumani Touré, considérant le co-développement comme une

« réponse à l’immigration ». L’existence, depuis 1998, d’un ministre des maliens de

l’extérieur, témoigne de l’attention portée au potentiel de développement que

 

- 14 -

représentent les migrants. Cette lecture du co-développement est assortie d’attentes

très fortes tant sur les questions de développement que sur les questions migratoires.

La notion de « migration circulaire », développée par le commissaire européen Louis

Michel est examinée avec beaucoup d’intérêt. Le co-développement y est interprété

comme un signe d’ouverture, un moyen de « dédramatiser » la question des

migrations et de considérer sa contribution au développement.

Au total, l’appropriation du terme de co-développement est réelle, avec des

contenus très variables. Un travail d’explication et de clarification est indispensable

pour lever les ambiguïtés sur un sujet aussi sensible.

2. Une pratique ancienne : La mobilisation de l’épargne des migrants

au service du développement

Dans sa version originelle, le co-développement s’appuie sur le constat

de la forte mobilisation des migrants en faveur de leur pays d’origine
.

Développée dans les années 1960, cette mobilisation s’est progressivement structurée

dans les années 1970 et 1980 avec l’appui d’organisations non gouvernementales.

Les transferts financiers des migrants, les « remises », sont importants en

volume. Ils sont supérieurs au volume d’aide publique au développement reçus par

les Etats africains; ils ont fortement augmenté en l’espace de vingt ans et surtout, ils

observent une grande régularité et présentent ainsi une fiabilité supérieure à celle des

flux d’APD, exposés à de fortes variations au gré de l’intérêt des bailleurs, et aux

investissements directs, sensibles à la conjoncture.

Selon la Banque mondiale, le montant des transferts à l’échelle mondiale,

aurait atteint 220 milliards de dollars en 2006, plus du double du montant d’APD.

Sur ce total, l’Afrique subsaharienne reçoit une part très limitée, environ 8,1

milliards de dollars, dont une petite partie vient d’Europe, singulièrement de la

France.

Cette part très limitée dans l’ensemble des transferts représente néanmoins

une véritable manne financière pour les pays d’origine. Au Maroc, ils permettent,

avec les revenus du tourisme, d’assurer l’équilibre de la balance des paiements et

représentent, avec 4,2 milliards d’euros en 2006, 8,2 % du PIB.

Ces flux sont très mal connus en raison de la part importante du secteur

informel et de la faiblesse des appareils statistiques locaux, le tableau
1 suivant

présente des estimations de transferts depuis la France, validées par les pays

d’origine, notamment pour le Mali, mais certainement perfectibles.

1 Extrait du rapport au gouvernement de M. Charles Milhaud, président du directoire de la Caisse

nationale des caisses d’épargne, sur l’intégration économique des migrants, remis à l’automne 2006.

 

- 15 -

En milliards d’euros Total Formels Informels

Poids des

transferts/PNB

en %

Nombre de migrants

estimation en

millions

Pays destinataire

MAROC (1) 2004 2,13 1,60 0,53 5,10 1,00

ALGÉRIE (2) 2003 3,15 1,35 1,80 4,50 1,20TUNISIE

(3) 2003 0,84 0,56 0,28 3,60 0,40

MALI (4) 2004 0,18 0,07 0,11 4,40 0,20SÉNÉGAL

(5) 2004 0,30 0,15 0,15 3,20 0,15

COMORES (6) 2005 0,05 0,04 0,01 15,00 0,25TURQUIE

(7) 2004 0,65 0,54 0,11 0,20 0,38 CHINE (7) 2004 0,30 0,06 0,24 ns 0,30

ASIE S.E. (7) 2004 0,35 0,07 0,28 ns 0,30

ENSEMBLE4 7,95 4,44 3,51 4,18

Par ces transferts, les migrants sont incontestablement des acteurs du

développement de leur pays d’origine. Les réalisations dans les régions d’origine,

parfois délaissées par leur Etat, sont visibles : équipements collectifs, soins médicaux

et scolarisation des enfants sont largement financés par l’argent des migrants. Une

étude réalisée sur 31 villages au Mali a ainsi montré que ces villages avaient reçu

quelques 9 millions de francs CFA par an, soit 13 000 euros.

Ces transferts peuvent être très organisés : les communautés villageoises

maliennes ont mis en place un système de cotisations obligatoires des migrants pour

le financement de projets gérés par une structure correspondante dans le pays

d’accueil. 400 associations maliennes en France ont ainsi pour objectif statutaire le

développement de leur pays d’origine.

Majoritairement, ces transferts sont cependant destinés à la consommation

privée des familles restées au pays et sont très faiblement, environ 5 % au Mali,

orientés vers l’investissement productif.

4 (1) Source Banque Al Maghrib : 3,55 milliards € de transferts officiels des Marocains résidents à

l’étranger dont 45 % viennent de France et 25 % d’informels sur le total transféré (source enquête du

GERA 1994).

(2) Source : étude FEMIP mars 2006 pour les transferts formels et étude CARIM pour les informels :

90 % de 2 millions €.

(3) Source : étude FEMIP et un ratio informel/formel de 50 % car le chiffre retenu pour les transferts

formels contient déjà les échanges des billets et la contre-valeur des véhicules importés par les

migrants.

(4) Source : étude CNCE pour le co-développement (MAE) 2004 ; très forte immigration irrégulière.

(5) Source : les flux en provenance de France représentent 1/3 des flux de tous les Sénégalais de

l’extérieur, et la moitié des flux sont informels. Ces chiffres résultent de la concordance de sources

mises à disposition de la mission. Forte immigration irrégulière.

(6) Source : Banque centrale des Comores citée par CEPACR.

(7) Source : CNCE/MERCER 2006

 

- 16 -

L’idée de départ du co-développement est donc de favoriser ces

transferts qui font l’objet d’un intérêt croissant de la part des bailleurs

bilatéraux et internationaux et de les soutenir par des co-financements afin de

mieux les structurer et de mieux les orienter.

On constate que les priorités des actions des migrants évoluent dans un sens

plus compatible avec l’aide publique au développement en favorisant

progressivement davantage le secteur éducatif plutôt que la construction de lieux de

culte.

En outre, l’arrêt de la migration de travail et le vieillissement des expatriés

conduisent à une stabilisation des transferts qui conduit les communautés

villageoises à rechercher des cofinancements dont la part est passée, pour ce qui

concerne le Mali, de moins de 10 % à 35 % en l’espace de 30 ans, en 1975 et 2004.

Les retraités ne sont plus soumis au système de cotisations et les transferts des

enfants d’émigrés, souvent de nationalité française et dont les liens avec le pays

d’origine sont plus distants, sont nettement moins importants. Ce constat illustre un

des premiers paradoxes du co-développement, soulignée par la déléguée de l’Union

européenne au Mali, Mme Irène Horejs : l’intégration des migrants dans le pays

d’accueil réduit notablement les transferts.

L’impact des migrants sur le développement de leur pays d’origine ne se

limite pas à leurs seuls transferts financiers, ils transmettent également leur

compétence, leur savoir-faire, leur expérience des modes de vie du pays d’accueil.

B. LE CO-DÉVELOPPEMENT COMME POLITIQUE PUBLIQUE

1. Des reformulations successives

Les tentatives pour ériger le co-développement en politique publique

remontent, pour l’essentiel, à la fin des années 1990. Elles ont fait l’objet de

reformulations successives.

L’idée originelle vient du ministère de l’intérieur : elle repose sur le

principe que le soutien aux actions menées par les migrants dans leur pays d’origine

peut faciliter leur intégration dans notre pays. Cette idée est toujours présente

aujourd’hui mais de façon plus secondaire.

Le co-développement est ensuite apparu comme une forme particulière

de coopération non gouvernementale et a été soutenue, à ce titre, par le ministère de

la coopération au même titre que les ONG ou la coopération décentralisée, via des

cofinancements.

Plus récemment, en 2003, le co-développement a été redéfini comme la

valorisation de l’action des migrants en faveur de leur pays d’origine quelle qu’en

soit la forme : la valorisation de l’épargne au service d’investissements productifs,

des transferts de compétences, ou des apports d’expériences sociales et culturelles.

L’accent est mis sur la mobilité et la circulation entre deux espaces, le pays d’accueil

et le pays d’origine. L’accompagnement des migrants de retour et les aides à la

réinsertion ont été rattachés à cette valorisation de l’apport des migrants.

 

- 17 -

Les autorités des pays concernés se sont également saisies de cette question

dans les années récentes, notamment par la création de structures consacrées à leurs

ressortissants à l’étranger. Dès 1998, le Mali a désigné un ministre des maliens de

l’extérieur, placé à la tête de structures de représentation des maliens expatriés. Un

ministère des marocains résidant à l’étranger a été créé en 2002, parallèlement à la

Fondation Hassan II qui, directement rattachée au pouvoir royal, mène des actions en

direction de la diaspora. Cette intervention gouvernementale, en complément de

l’action de la société civile part également du constat de la nécessité de resserrer les

liens économiques et culturels avec les générations nées dans le pays d’accueil.

Les pratiques de co-développement, majoritairement le fait d’individus ou

d’organisations de la « société civile » sont donc reprises et soutenues à la fois par

les autorités des pays d’accueil et celles du pays d’origine.

Lors de son audition devant la Commission des Affaires étrangères, Mme

Brigitte Girardin, alors ministre déléguée à la coopération et à la Francophonie a

précisé
5 les orientations de la politique du gouvernement en matière de codéveloppement

: le développement local, la mobilité des personnes et la mobilité de

l'épargne.

2. Les instruments du développement local

La définition des outils se heurte à une première difficulté d’identification

du périmètre du co-développement selon qu’il est entendu au sens strict de

mobilisation des migrants ou au sens plus large de synonyme d’une approche globale

de la question des migrations et du développement. Le codéveloppement n’est pas un

secteur de coopération identifié.

Pour ce qui concerne le
développement local, le ministère des affaires

étrangères accompagne financièrement les projets engagés par les associations de

migrants installés en France ou dans le cadre de la coopération décentralisée qui

visent à financer des équipements collectifs dans les pays d'origine ou des projets

d'investissement productif. Au Maroc, le ministère des Affaires étrangères finance,

via le fonds de solidarité prioritaire un fonds d’appui aux initiatives des collectivités

locales de 4,5 millions d’euros sur 3 ans auquel s’ajoute 5,5 millions d’euros de

financements marocains.

Il intervient également en
appui à la réinsertion économique des migrants

dans leur pays d'origine, par le financement de micro-projets créant de l'activité et

des emplois. Il ne s’agit plus de mobiliser les diasporas présentes en France mais de

tenter de « positiver » le retour de migrants.

L’aide à la réinsertion relève d’un programme de co-développement

cofinancé par le ministère des Affaires étrangères et par l’Agence Nationale de

l’Accueil des Etrangers et des Migrations (ANAEM), soit d’un programme mis en

oeuvre par l’ANAEM et cofinancé, le cas échéant par l’Union européenne.

5 voir le compte-rendu de cette audition en annexe

 

- 18 -

Cette aide est née en 1993 au Mali d’un programme expérimental mis en

place après le retour de nombreux maliens en situation irrégulière et dépourvus de

moyens d’une réinsertion économique. Les plafonds de l’aide ont été

progressivement augmentés pour s’établir à 7 000 euros à partir de 2004.

Elle s’adresse aux personnes ayant bénéficié de l’un des dispositifs d’aide

au retour mis en oeuvre par l’ANAEM ou revenus spontanément depuis moins de six

mois après un séjour d’au moins deux ans en France.

Elle consiste dans une aide technique et financière pour le démarrage de

projets économiques. L’aide au démarrage, d’un montant maximum de 7 000 euros

est allouée par l’ANAEM. Le ministère des Affaires étrangères finance, pour sa part,

les opérateurs chargés de l’accompagnement des promoteurs de projets économiques

pour un montant maximum de 1 300 euros qui comprend une aide à l’étude de

faisabilité, puis au montage, à la mise en oeuvre et au suivi de gestion pendant un an.

Cette aide à la réinsertion est cumulable, pour certaines nationalités avec

l’aide au retour volontaire, proposée aux étrangers invités à quitter le territoire, qui

s’élève à 3500 euros pour un couple et à 1000 euros par enfant. L’aide au retour

volontaire a concerné près de 2000 personnes durant la phase d’expérimentation

entre octobre 2005 et décembre 2006, soit le double des personnes concernées par le

dispositif précédent sur une période comparable, dont un nombre limité d’africains,

130.

La ministre a indiqué qu'après avoir expérimenté ces actions dans quelques

pays, le champ géographique en était désormais élargi, en fonction des besoins

exprimés et de la mobilisation des diasporas, à l'ensemble des pays sub-sahariens

membres de la francophonie, ainsi qu'à Haïti, au Vanuatu et à l'Éthiopie.

3. Le soutien à la mobilité des personnes

S'agissant de la mobilité des personnes, le gouvernement souhaite

proposer aux migrants qualifiés installés en France de transmettre leurs compétences,

soit au travers de missions d'assistance technique de courte durée, soit, en matière

universitaire, par l'enseignement à distance.

Le
projet TOKTEN « Transfer of Knowledge Through ExpatriateNationals » financé en partie par la coopération française et géré par le PNUD

organise des missions de scientifiques et universitaires maliens de la diaspora afin

qu’ils apportent une contribution à l’enseignement supérieur malien. Pendant la

durée des missions, ils donnent des cours et accompagnent les recherches et les

thèses des étudiants.

Un projet du Fonds de solidarité prioritaire de 4 millions d’euros porte sur

la gouvernance des universités marocaines. En marge d’un soutien à la réforme des

universités du pays, il prévoit la mobilisation de la diaspora scientifique, ainsi que le

développement de partenariat avec des Etats sub-sahariens.

Le co-développement s'adresse aussi aux Français issus des migrations

qui, même s'ils ne connaissent pas toujours leur pays d'origine, sont susceptibles

d’être intéressés par des actions de volontariat de solidarité internationale. Afin de

mobiliser un nombre croissant de ces jeunes, le ministère des affaires étrangères a

 

- 19 -

intégré cette mission dans le contrat d'objectifs et de moyens, signé en décembre

2006 avec l'Association française des volontaires du progrès. Il semble cependant

que la durée des missions de volontariat de solidarité internationale, deux ans, soit un

obstacle à une mobilisation très importante. Il serait souhaitable d’envisager des

durées plus courtes.

Les
étudiants originaires des pays du Sud sont concernés au premier rang

par ce volet « mobilité » du co-développement mais il faut souligner qu’ils se

heurtent de plus en plus à des difficultés réelles liées à un niveau de français

insuffisant et à l’absence, dans des pays dont le français est langue officielle, d’une

offre de rattrapage linguistique.

La
carte de séjour « compétences et talents » de trois ans a été créée par

la même loi pour favoriser la venue temporaire de scientifiques, de sportifs, d’actifs

dans l’intérêt de la France et du développement du pays d’origine. Force est de

constater que ce dispositif est de conception plutôt unilatéral et donc assez éloigné du

concept de co-développement sauf à associer les pays d’origine dans la définition des

critères d’attribution. Et surtout, on verra qu’il n’est pas encore mis en oeuvre.

Les dispositions de la loi du 24 juillet 2006 en faveur de la mobilité

Les étudiants

Les étudiants ayant obtenu un diplôme de niveau master, pourront compléter leur formation par une

première expérience professionnelle en bénéficiant de 6 mois de séjour supplémentaires.

Les saisonniers

Les saisonniers, dont l’entrée et le séjour étaient précédemment fondés uniquement sur un contrat de

travail saisonnier visé par l’administration du travail sans document de séjour délivré par les

préfectures, recevront une carte de séjour temporaire accordée pour une durée maximale de trois ans

renouvelable, permettant d’exercer des travaux saisonniers n’excédant pas six mois dans l’année.

La carte « compétences et talents »

La carte de séjour portant la mention « compétences et talents » est une des principales innovations de

la loi Elle a été conçue pour attirer en France des personnalités remarquables, à haut potentiel, et pour

faciliter leur séjour. Elle «
peut être accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses

compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique et au

rayonnement, notamment intellectuel, culturel ou sportif de la France ou du pays dont il a la

nationalité
».

Les critères pris en considération seront déterminés par une Commission nationale des compétences et

des talents, chargée de fixer chaque année des critères afin d'aider le ministre de l'intérieur, autorité

décisionnelle, à apprécier l'opportunité d'accorder ou non la carte.

L'octroi de la carte « compétences et talents » est subordonnée à la production d'un visa de long

séjour. Les consulats auraient une fonction de présélection.

Accordée pour une durée de trois ans renouvelable une fois, cette carte permettrait à son titulaire

d'exercer toute activité professionnelle de son choix.

 

- 20 -

La carte « compétences et talents » est attribuée au vu du contenu du projet de l'étranger et de la

nature de l'activité qu'il se propose d'exercer. L'intérêt de ce projet pour la France et pour le pays

d'origine serait aussi pris en considération.

La carte « compétences et talents » ouvrirait le bénéfice de plein droit de la carte de séjour temporaire

« vie privée et familiale » pour le conjoint et les enfants de son titulaire. Le renouvellement de la carte

de séjour temporaire serait aussi de plein droit durant toute la période de validité de la carte

« compétences et talents ».

Cette carte permet de solliciter la délivrance d'une carte de résident dans les conditions de droit

commun.

Le développement des visas de circulation est l’un des autres axes du

soutien à la mobilité des personnes. Ces visas, d’une durée maximale de cinq ans,

permettent d’effectuer plusieurs séjours n’excédant pas une durée cumulée de trois

mois par an. Au Mali, la délivrance de ce type de visas a augmenté de 25 % au cours

des dernières années. Entre 2003 et 2006, le nombre total de visas de circulation a

progressé de 210 000 à 250 000.

D’une façon plus générale sur la question des visas, vos rapporteurs ont pu

observer que la mise en place de la biométrie, effective dans les deux pays de la

mission, a permis de mettre fin aux scènes de files d’attente interminables auxquelles

ils avaient pu assister lors de missions précédentes et qu’ils jugeaient indignes.

L’attente des personnes s’est reportée sur l’obtention du rendez-vous pour le dépôt

du dossier mais le délai qui sépare ce dépôt de la délivrance du visa est très rapide,

de 24 à 48 heures.

4. La valorisation de l’épargne

S'agissant de la mobilité de l'épargne des migrants, les objectifs portent

sur la diminution du coût des transferts et sur une meilleure orientation vers

l'investissement productif.

Le ministère des affaires étrangères cherche à favoriser une plus grande

transparence des services offerts aux migrants. Dans cette optique, le développement

d’un
site internet permettant de comparer les différentes prestations disponibles

pour les transferts de fonds a été confié à l’Agence française de développement.

Cette démarche s’inscrit dans la continuité des recommandations du G8 de

Sea Island en 2004. Elle a été mise en oeuvre par le Royaume-Uni dont le ministère

de la coopération (DFID) s’est livré, avec le secteur privé, à un travail de

recensement et de comparaison des offres de transferts disponibles à destination des

pays d’origine de ses plus importantes communautés de migrants. Un site internet6

permet une comparaison non seulement des coûts de transferts mais aussi de la

qualité des prestations offertes en termes de rapidité, de fiabilité et de facilité

d’accès.

6 sendmoneyhome.org

 

- 21 -

Cette transparence devrait favoriser une plus grande concurrence et

favoriser l’intérêt des banques pour l’épargne des migrants. Le groupe La Poste et

l'Union postale universelle, ont ainsi pris l’initiative, a indiqué Mme Girardin devant

la Commission, de la création d'un nouveau mandat garantissant un transfert

électronique d'argent en un temps limité et pour un coût compétitif.

La loi du 24 juillet 2006 a créé un
compte épargne co-développement qui

vise à orienter l'épargne des migrants vers les investissements productifs dans leur

pays d'origine.

Le compte épargne co-développement

Le compte épargne co-développement a été créé par la loi du 24 juillet 2006 relative à

l’immigration et à l’intégration et organisé par un décret du 19 février 2007.

Il permet aux travailleurs immigrés qui investissent dans leur pays d’origine de placer des

fonds sur un compte bloqué et de bénéficier d’exonérations fiscales en France à hauteur de 25 % du

revenu net global du foyer et de 20 000 euros par personne et par année.

Les sommes placées ne pourront être débloquées que si l’épargnant justifie d’un

investissement dans les pays en voie de développement. Les investissements autorisés portent sur la

création, la prise ou la reprise de participations dans des entreprises locales ; l’abondement de fonds

destinés à des activités de micro finance ; l’acquisition d’immobilier d’entreprises, d’immobilier

commercial ou de logements locatifs ; le rachat de fonds de commerce ; le versement à des fonds

d’investissements dédiés au développement ou à des sociétés financières spécialisées dans le

financement à long terme. Le montant maximum est fixé à 50 000 euros. La durée du compte ne peut

être inférieure à un an et supérieure à six ans à compter du versement initial.

La dépense fiscale correspondante pourrait s’élever à 15 millions d’euros mais ce dispositif

n’est pas encore mis en oeuvre.

5. Une synthèse des différents instruments : les accords de gestion

concertée des flux migratoires

L’accord de gestion concertée des flux migratoires signé avec le Sénégal le

23 septembre 2006 illustre les différentes facettes d’une approche globale de la

question des migrations associant les questions sécuritaires et les questions de

développement.

Il crée un observatoire général des flux migratoires afin d’améliorer les

connaissances. Il prévoit de faciliter la délivrance de visas de circulation pour

certaines catégories de personnes (hommes d’affaires, intellectuels, scientifiques…)

ainsi que celle des visas de transit. Il comporte des dispositions relatives aux

étudiants et aux travailleurs, à la surveillance des frontières et à la réadmission des

ressortissants et aborde la coopération au développement dans des secteurs

spécifiques comme la santé, l’agriculture et le domaine financier.

Cet accord ne connaît pas encore d’application concrète mais il a vocation à

constituer la trame de futurs accords liant la France à d’autres Etats africains.

Un second accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires a ainsi

été signé le 5 juillet 2007 avec le Gabon. Il porte notamment sur la facilitation de la

 

- 22 -

circulation des personnes, sur l’accès à l’emploi des gabonais dans certaines

professions, sur la réadmission des clandestins et sur le renforcement de la

coopération, avec un volet relatif à la fiabilité de l’état civil. La relation entre la

France et le Gabon sur la question migratoire n’est pas une relation difficile : le

Gabon est plus un pays d’accueil qu’un pays d’origine et la pression migratoire

émanant de ce pays est inexistante.

La question de
l’articulation de ces accords avec les Documents Cadrede Partenariat (DCP) signés avec la plupart des pays destinataires de l’aide

française et définissant les secteurs prioritaires est posée et il conviendra d’assurer, le

cas échéant, une cohérence entre ces deux documents.

Les accords de gestion concertée des flux migratoires pourraient également

être transposés à l’échelon européen.

6. Une organisation « aux multiples commandes »

Le co-développement, en tant que politique publique, est embryonnaire.

Elle ne mobilise qu’un nombre de personnes et un volume de crédits limités.

L’organisation globale est cependant relativement complexe et implique, pour

l’essentiel : le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l’intérieur et le

ministère des Affaires sociales, tutelle de l’ANAEM.

Le Comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI) a été créé

par un décret du 26 mai 2005 afin de coordonner les actions des différents

départements ministériels. Son activité est soutenue : en dix-huit mois, il s’est réuni

cinq fois, soit un nombre équivalent aux réunions du CICID, son équivalent

compétent en matière de développement, pourtant créé quelques années plus tôt, en

1998.

Un « ambassadeur délégué au co-développement » a été nommé en

décembre 2002, rattaché administrativement au secrétariat général du ministère des

Affaires étrangères. Il a un rôle de conception, de coordination, de dialogue avec les

associations de migrants et d’initiative ; la mise en oeuvre des projets concrets est

assurée par les services du ministère. L’appui aux actions des organisations de

migrants s’effectue via la Mission d’appui aux organisations non gouvernementales

(MAIONG).

La mise en oeuvre des projets de la coopération française s’effectue via le

Fonds de solidarité prioritaire du ministère des Affaires étrangères, l’Agence

française de développement n’intervenant que de façon marginale dans le dispositif

alors que le développement du secteur productif et l’accès relèvent plus de ses

secteurs d’intervention que de ceux du ministère des Affaires étrangères.
Le

ministère des Affaires étrangères se trouve donc en position d’opérateur alors

qu’il lui revient, en principe, un rôle de conception et de pilotage stratégique des

politiques de développement.

 

- 23 -

La création, en mai 2007, d’un ministère ayant compétence à la fois sur

l’immigration, l’intégration, l’identité nationale et le co-développement
7 devrait

amener une nouvelle répartition des rôles dont il est trop tôt pour évaluer l’ampleur

et les contours ainsi que les effets sur la politique de co-développement.

C. QUELS EFFETS SUR LA POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT ?

Constatant la forte présence du co-développement dans les documents sur

la stratégie de l’aide française, notamment dans les conclusions du CICID, vos

rapporteurs se sont interrogés sur les effets de l’intégration de la problématique des

migrations dans la politique d’aide au développement : a-t-elle un effet sur les

priorités sectorielles, sur les priorités géographiques, sur les instruments de l’aide ?

1. Des actions expérimentales

Sur la période 2003-2006, le co-développement a bénéficié de 14

millions d’euros, volume porté à 22 millions d’euros sur la période 2006-2008.

Le champ géographique défini pour recevoir, à titre expérimental, les

actions de co-développement comprend quatre pays : le Sénégal, le Mali, le Maroc et

les Comores. Les expériences concrètes se concentrent pour l’essentiel dans deux

pays, le Maroc et le Mali où vos rapporteurs ont choisi de se rendre.

Ces deux pays présentent un profil très différent. La présence de leurs

expatriés en France s’établit dans un rapport de un à dix au profit du Maroc.

2. Au Maroc

En ce qui concerne le Maroc
, la question migratoire est un sujet très

important d’une relation bilatérale très dense.

La communauté marocaine établie à l’étranger est estimée à 3 millions de

personnes, soit 10 % de la population marocaine. La moitié des marocains partis pour

l’Europe sont installés en France. 470 000 sont titulaires d’un titre de séjour.

La France est le premier client, le premier fournisseur et le premier

investisseur au Maroc qui est également, avec 180 millions d’euros par an, le premier

7 Publié le 31 mai 2007, le décret d’attribution du ministre de l’immigration, del’intégration de l’identité nationale et du co-développement précise que le ministre « est chargé de la

politique de codéveloppement et, en liaison avec le ministre des affaires étrangères et européennes et

le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, participe à la définition et à la mise en oeuvre

des autres politiques de coopération et d'aide au développement qui concourent au contrôle des

migrations
». Le ministre « a autorité sur le secrétaire général du comité interministériel de contrôle del'immigration et l'ambassadeur au codéveloppement » et il dispose des différents services concourant

à cette politique, notamment de la Direction générale de la coopération internationale et du

développement (DGCID).

 

- 24 -

destinataire de l’aide bilatérale française, essentiellement sous forme de prêts ; les

encours de l’Agence française de développement y atteignent un milliard d’euros.

Plus de 800 000 marocains vivent en France et les 30 000 étudiants marocains

représentent la première nationalité des étudiants étrangers. Dans le cadre de la

migration de travail, la France accueille 7 000 travailleurs saisonniers par an. Le

Maroc demeure également un important pays d’origine de migration illégale vers la

France et figure au septième rang des nationalités pour le placement en zone

d’attente, au deuxième rang des non-admissions, au premier rang des réadmissions

simplifiées et au troisième rang pour les interpellations d’étrangers en situation

irrégulière en 2005.

Pays de transit des migrants sub-sahariens, en provenance notamment du

Sénégal, du Mali et de Côte d’Ivoire, le Maroc est aussi devenu un pays de

destination sous l’effet de l’allongement des périodes de transit. Il accueillerait

aujourd’hui, selon les estimations, entre 10 000 et 25 000 migrants, principalement à

Rabat. Ce phénomène, très neuf, devrait aller croissant ; il représente un véritable

bouleversement pour la société marocaine et pose des problèmes de sécurité, ces

populations étant très marginalisées. Bien que très réticent sur la question de la

réadmission des étrangers tiers, le Maroc est ouvert aux coopérations sur le contrôle

des flux migratoires en provenance d’Afrique subsaharienne et reçoit notamment des

fonds substantiels
8 de l’Union européenne dans ce domaine afin, notamment de

renforcer sa police des frontières. Dans sa relation avec le Maroc sur les questions

migratoires, la France partage des préoccupations communes avec l’Espagne
9.

Le Maroc se rattache par certains aspects à un pays émergent, même si les

fondamentaux de son économie restent fragiles comme en atteste son classement à la

108eme position dans le classement du PNUD. Il en présente les caractéristiques

sociales : fortes inégalités (19 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté

et 10 % de la population détient plus de 30 % du revenu national), très forte disparité

villes/campagnes et régionale, coexistence de secteurs économiques dynamiques et

« mondialisés » avec un important secteur informel.

Au Maroc, l’Agence française de développement finance de nombreux

programmes qui pourraient être reliés à la problématique des migrations : accès au

crédit, mise en valeur agricole, accès aux services sociaux...

Elle gère plus particulièrement un programme de 3,81 millions d’euros pour

le compte de la direction Justice et Affaires intérieures de la Commission

européenne. Ce programme qui a pour objet d’appuyer les investissements

personnels et collectifs des Marocains résidant à l’étranger comprend deux volets, un

volet d’appui au tourisme rural par la création de gîtes ruraux dans la région de

Taroudant et un volet de soutien à la création ou au développement d’entreprises

« innovantes ».

8 Le Maroc bénéficie d’un important projet (67 millions d’euros) sur fonds de l’instrument financier

MEDA, principalement constitué d’aide budgétaire pour l’appui à la décentralisation de sa police et

la mise à niveau de ses postes frontières. Il reçoit environ 5 millions d’euros d’appui au volet

international de l’ANPE locale, l’ANAPEC et l’encours de projets sur fonds AENEAS (DG JLS)

s’élève à environ 25 millions d’euros. Au total, le Maroc s’est vu attribuer plus de 100 millions

d’euros de financements européens sur la question des migrations.

9 Quelque 7 millions de marocains parlent l’espagnol dans le Nord du Pays qui a avec l’Espagne une

proximité culturelle historique.

 

- 25 -

Sur le montant total du programme, 1,5 million d’euros sont pris en charge

par une subvention de la Commission, à hauteur d’un tiers du projet dans la limite de

150 000 euros, chaque projet faisant l’objet d’un apport d’au moins un tiers par des

marocains résidant à l’étranger, le dernier tiers étant apporté par un fonds

d’amorçage, opérateur marocain spécialisé dans les entreprises innovantes.
Le

programme ne crée aucune obligation au retour des investisseurs dans leur pays

d’origine.
Le volet Tourisme rural est mis en oeuvre par un opérateur marocain,

l’agence de développement social, assisté d’un opérateur délégué, l’association

Migrations et développement, présente en France et au Maroc.

3. Au Mali

Le Mali, classé 175ème sur 177 selon l’indice de développement humain,

avec deux tiers de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté, connaît une

croissance démographique forte (3 %/an). Quatre millions de maliens sont expatriés

dont 60 à 120 000, les chiffres varient selon les estimations, en France. Les maliens

figurent au sixième rang des nationalités placées en zone d’attente (343 personnes en

2005).

Le Mali était, avec le Sénégal et la Mauritanie, l’un des trois pays

concernés par le Programme de développement local/migrations mis en place entre

1996 et 2000 et qui constituait une préfiguration du co-développement en finançant

des aides au développement local des régions d’origine et à l’accompagnement des

migrants de retour.

Suite à la signature de la convention franco-malienne sur le codéveloppement,

intervenue le 21 décembre 2000, une première convention de codéveloppement

sur les crédits du fonds de solidarité prioritaire a été signée en 2002

pour un montant de 2,6 millions d’euros.

Le programme comprend trois composantes : le développement des zones

d’origine (950 000 euros), le soutien aux investissements productifs (750 000 euros)

et les questions d’identité, volet destiné aux jeunes issus de l’immigration (500 000

euros).

Une deuxième phase du FSP co-développement a démarré en juin 2006

pour trois ans et pour un montant de 2,6 millions d’euros. Tout en conservant le

même schéma, il étend le dispositif à l’ensemble du territoire malien et renforce le

volet d’appui aux initiatives des jeunes issus de l’immigration.

La composante «
développement local » consiste en l’appui aux

associations pour la conception de projets de développement notamment dans le

secteur de l’éducation. Les migrants et les bénéficiaires ont apporté 29 % des

financements, le FSP co-développement, 63 %, le reste étant apporté par d’autres

partenaires, notamment des collectivités territoriales françaises, dans le cadre de la

coopération décentralisée. Dans ce dernier domaine, la ville de Montreuil met en

oeuvre un programme de développement rural très significatif (10 millions d’euros)

dans la région de Yélimané qui comprend un apport des migrants à hauteur de

 

- 26 -

500 000 euros et qui présente la caractéristique d’une coopération tripartite avec le

Viet Nam en matière agricole, notamment pour la culture du riz.

La composante «
développement de l’appareil productif » comprend

deux volets, un volet « réinsertion économique » et un volet « investissement à

distance ».

Le volet «
réinsertion économique » associe deux modes de financement,

le ministère des Affaires étrangères, via le FSP, et le ministère de la cohésion sociale,

via l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, ANAEM, dans le

cadre de l’aide à la réinsertion précédemment évoquée. Ces sommes sont versées par

tranches au rythme d’avancement du projet. Elles ne sont pas perçues par le migrant

mais par l’opérateur qui l’accompagne dans son projet.

Le volet «
investissement à distance » permet à des migrants d’investir leur

épargne dans le développement du secteur privé malien, via la Banque Nationale de

Développement Agricole (BNDA) dont l’Agence française de développement est

l’un des actionnaires. L’épargne du migrant est rémunérée à 3.5 % et permet à un

promoteur d’emprunter 4 millions de Francs CFA à 14 %. Un opérateur, financé sur

les crédits du co-développement participe à l’étude de faisabilité et assure le suivi

technique du projet.

4. Un premier bilan contrasté

Les actions de co-développement présentent un intérêt majeur, celui d’avoir

mis en lumière que les politiques de gestion des flux migratoires ne peuvent se

limiter au contrôle des frontières et à la lutte contre l’immigration clandestine sans se

préoccuper de ses causes profondes.

Elles prennent des formes dont la coopération française n’est plus

coutumière, le soutien à des micro-projets avec une forte composante

d’accompagnement assurée par des opérateurs locaux, mais auxquelles elle pourrait

retrouver un intérêt sous des formes modernisées.

A l’évidence cependant, les deux politiques que sont le développement et la

maîtrise des flux migratoires s’inscrivent dans des horizons temporels différents ; le

co-développement tente, dans une certaine mesure, de les faire se rencontrer.

Bien que né à la fin des années 1990, le codéveloppement a fait l’objet

d’une reformulation et d’applications opérationnelles récentes : la carte

« compétences et talents » n’avait ainsi pas encore reçu d’application concrète dans

les deux pays à la date de la mission de vos rapporteurs ; de même, l’accord de

gestion concertée des flux migratoires avec le Sénégal, pour partie,

vraisemblablement en raison des échéances électorales sénégalaises, était, lui aussi,

resté inappliqué.

Près d’un an après la promulgation de la loi de juillet 2006, le livret

d’épargne co-développement n’était, quant à lui, toujours pas distribué par les

banques, faute de publication des textes d’application nécessaires et notamment de la

convention liant les banques au titulaire d’un livret codéveloppement.

 

- 27 -

Il est également trop tôt pour évaluer le volet « gîtes ruraux » au Maroc,

qui n’est pas encore entré en phase de commercialisation

Lancé en 2003 pour une durée de deux ans, le programme de codéveloppement

au Maroc a été prolongé pour tenir compte des difficultés

rencontrées. Force est de constater que le volet « entreprises innovantes», avec trois

entreprises créées en quatre ans et deux en phase de démarrage, n’a pas été couronné

de succès.

Au Mali, le co-développement a permis la réalisation de projets de

développement local consistant essentiellement en une « activation » de l’aide au

retour des migrants.

413 projets ont été financés entre 1998 et 2002, à un rythme d’environ 40

dossiers par an. Après le passage de la subvention de 4000 à 7 000 euros en 2003, le

nombre de dossiers a augmenté et 254 projets ont été financés pour la période 2004-

2005. On estime à 1 500 la création d’emplois liée à ces migrants de retour depuis

2002.

Parmi les projets présentés à vos rapporteurs, certains cherchent à tirer un

réel parti de l’expérience de la migration en s’inscrivant d’emblée dans un modèle

économique lié aux échanges entre les deux espaces en visant une clientèle

d’émigrés en France et en faisant appel à des partenaires au sein de cette

communauté ou en se situant dans la filière « bio » permettant de diffuser des

produits en France, à des prix plus rémunérateurs.

Bilan de la première phase du FSP Mali

22 projets de développement local dans la région de Kayes (625 000 euros de cofinancement)

300 projets de réinsertion économique

43 missions d’appui à la diaspora scientifique et technique (programme TOKTEN)

10 projets jeunesse

24 missions d’échange et d’expertise en France et au Mali

La mise en oeuvre du volet « investissement à distance » est restée

largement théorique puisqu’il n’a concerné qu’un seul bénéficiaire. Quatre

promoteurs ont par ailleurs bénéficié d’un prêt à 16 % mais un seul honore ses

engagements de remboursements, les trois autres étant défaillants. La sélection des

projets et de leur promoteur s’est révélée insuffisante.

Pour ce qui concerne le volet « jeunesse », 10 projets avaient été financés à

la fin de l’année 2005, principalement dans le domaine culturel.

Il s’agit cependant de transformer en « entrepreneurs » des migrants qui se

trouvaient le plus souvent en situation d’échec dans leur parcours de migration. Dans

cette perspective, l’action menée relève davantage de la réinsertion sociale, par

ailleurs nécessaire, que du développement du secteur productif.

 

- 28 -

Selon l’évaluation menée sur le FSP Mali, 80 % des migrants s’étaient

réinsérés socialement et les trois-quarts des entreprises fonctionnaient encore au bout

de deux ans. Le dispositif a permis de créer trois emplois par projet en moyenne, soit

quelque mille emplois en trois ans.

Les facteurs de réussite déterminants sont le montant de l’apport financier

du migrant, témoignage de son implication personnelle et de la maturité de son projet

ainsi que la nature de ses charges familiales : si elles sont trop importantes, elles

mettent en péril la viabilité du projet mais, a contrario, une charge de famille est un

facteur de stabilité et d’engagement dans le projet.

Le bilan des expériences menées n’est pas négligeable mais il fait

apparaître une politique prioritairement orientée sur la gestion des flux

migratoires, sans effet massif néanmoins sur ces mêmes flux.
Le nombre des

personnes accompagnées dans le cadre de l’aide à la réinsertion n’est pas comparable

au volume des flux migratoires vers l’Europe.

5. Quels changements d’échelle envisageables ?

Encore largement expérimentale, la politique de co-développement est

confrontée à la question de sa montée en puissance.

Les obstacles sont nombreux.

Le débat sur le co-développement s’est beaucoup focalisé, à la demande des

associations de migrants, sur la question du coût des transferts. En l’absence de

structures bancaires très développées, et donc de concurrence, dans les régions

d’origine des migrants, ces coûts sont effectivement élevés et ponctionnent d’autant

les montants disponibles. Nécessaire pour réduire la part du secteur informel, une

action sur les coûts de transferts ne devrait cependant pas avoir d’effet notable sur la

part des investissements productifs.

Il convient tout d’abord de rappeler que si les transferts de migrants

sont importants en termes de volume global, le montant des transferts annuels

individuels représente une capacité d’investissement limité
(2 500 euros par an en

moyenne pour le Maroc).

En second lieu, il s’agit de flux privés qui peuvent certes contribuer au

développement mais dont l’emploi relève de décisions individuelles.

Enfin, si la part de l’investissement productif dans les transferts totaux est

résiduelle, c’est qu’ils constituent en premier lieu un transfert de revenus

indispensable pour satisfaire des besoins de consommation courante dans des régions

où les opportunités d’investissements sont par ailleurs limitées.

La mobilisation des migrants suppose des communautés structurées dans le

pays d’accueil. C’est notamment le cas de la communauté malienne en France qui a

su développer des modes élaborés d’aide au développement. Il sera plus difficile

pour la coopération institutionnelle française de travailler avec des communautés

plus récentes, moins structurées et plus atomisées. Suite à la réunion du CICID du 19

juin 2006, l’extension des programmes de codéveloppement financés sur le Fonds de

solidarité prioritaire a été décidée. Après le développement de programmes au

 

- 29 -

Sénégal et au Comores, le champ géographique des projets

« FSP Codéveloppement » devrait être étendu à d’autres pays d’Afrique (Bénin,

Cameroun, Cap Vert, Madagascar, Mauritanie et Éthiopie) ainsi que le Vanuatu et

Haïti.

La montée en puissance de la politique de co-développement ne peut se

résumer à une augmentation des crédits budgétaires qui y sont alloués.

D’une part, l’aide financière n’est pas suffisante pour faire du retour un

succès,
l’accompagnement du migrant dans son projet est déterminant. Les

structures capables d’assurer une telle prestation dans de bonnes conditions sont peu

nombreuses : les structures de coopération européennes ou des bailleurs bilatéraux ne

sont pas en mesure de remplir un tel rôle pour des projets nombreux et de petite

taille ; il convient donc de confier cette tâche à des ONG faisant office de bureaux

d’études. La coopération décentralisée peut aussi jouer un rôle très important.

D’autre part, ce ne sont pas tant les crédits qui font défaut que les projets

d’investissements viables portés par des migrants volontaires pour retourner dans

leur pays d’origine et aussi les personnes ressources aptes à les accompagner.

Le passage du niveau microéconomique, consistant dans la création de

micro-entreprises, dans lesquelles le migrant est son propre employeur, à un niveau

macro-économique, où la création d’emplois peut avoir des effets potentiels sur la

migration, reste à conquérir.

En outre, dans son volet le plus opérationnel de l’aide au retour, le codéveloppement

est marqué par un certain nombre de biais. Les migrants sont certes

des acteurs importants du développement de leur pays d’origine mais il est légitime

de s’interroger sur la convergence de leurs choix, géographiques ou sectoriels, avec

les intérêts du développement du pays.

Poussée à l’extrême, la logique de l’aide au retour irait à l’encontre de

l’objectif recherché en privilégiant, parmi les investisseurs potentiels dans un pays

donné, ceux passés par la « case France » ». En termes de développement,

l’investissement d’un migrant n’a pas forcément plus de pertinence économique

qu’un investissement porté par un non migrant. Rapportée au nombre d’habitants,

l’aide bilatérale française au Mali est inférieure à 5 euros, soit nettement inférieure

aux 8 200 euros consacrés à l’aide à la réinsertion d’un migrant de retour.

L’arbitrage, au sein des crédits d’aide au développement entre des projets locaux et

des projets portés depuis l’extérieur ne serait, à ce stade, pas souhaitable.

Le choix de « régions cibles » conduisant à privilégier les régions d’origine

des migrants est aussi à manier avec précaution. Le choix majoritaire des migrants de

retour de ne pas se réinstaller dans leur région d’origine, les raisons qui les avaient

conduits au départ ayant peu évolué, conduit à envisager beaucoup plus largement les

régions de mise en oeuvre des projets de co-développement. Au Mali, le ciblage

initial de la seule région de Kayes, principale zone d’émigration vers la France, n’a

pas été maintenu et le dispositif a été élargi à l’ensemble du pays.

En l’état actuel, la politique de co-développement apparaît davantage

tournée vers un objectif interne, freiner l’immigration et favoriser le retour des

migrants que vers une politique « externe » visant à favoriser le développement

du pays d’origine.

 

- 30 -

La rencontre entre ces deux objectifs revêt encore un caractère artificiel,

tant que les Etats d’origine ne s’en saisissent pas pour élaborer une véritable

stratégie, accompagner les migrants dans leurs projets et orienter leur épargne vers

les secteurs les plus créateurs d’emploi. Tant que cette synthèse n’est pas réalisée,

vos rapporteurs ne croient pas à l’efficacité d’un recours plus large aux crédits d’aide

au développement, tel qu’évoqué par le ministre des finances du Mali, pour abonder

les projets d’aide au retour.

Le recours aux crédits d’APD ne garantit pas l’implication du pays

d’origine alors qu’elle est une condition indispensable à la réussite de cette politique.

Elle peut prendre des formes diverses : accompagnement juridique, allègement des

contraintes administratives, incitations fiscales, travail avec le secteur bancaire pour

améliorer le cadre réglementaire…

Devant ces difficultés, et compte-tenu de l’importance budgétaire de

l’engagement de la France au niveau européen sur les questions de développement,

un changement d’échelle significatif peut être recherché par l’implication de l’Union

européenne dans une politique de co-développement.

- 31 -

III. L’UNION EUROPÉENNE, NOUVEL HORIZON DU CODÉVELOPPEMENT

?

Partiellement communautarisées par le Traité d’Amsterdam, les politiques

migratoires ont connu un regain d’intérêt sous l’impulsion des Etats du Sud,

frontières extérieures de l’Union. Les images frappantes des événements de Ceuta et

Melilla en octobre 2005 ont illustré à la fois l’ampleur des difficultés et la nécessité

d’une solidarité européenne et d’une approche globale de ces questions. Le sommet

de Hampton Court d’octobre 2005 a ainsi élevé la question migratoire au rang de

priorité.

A. LE CADRE INSTITUTIONNEL : UNE COMPÉTENCE PARTAGÉE

1. L’intérêt d’une approche communautaire de la question des

migrations

L’intérêt d’une approche communautaire de la question des migrations est,

pour notre pays, avant tout politique. Même si les flux migratoires ne sont plus

l’apanage exclusif d’anciennes colonies françaises, l’histoire particulière des liens

entre la France et le continent africain entoure le dialogue sur les migrations d’un

affect qui nuit à sa sérénité. Sortir d’un face à face bilatéral peut permettre de

progresser sur ces questions dans un climat plus apaisé.

En second lieu, ces matières ayant été partiellement communautarisées, il

est logique que les négociations soient conduites à l’échelon européen.

Enfin, la faiblesse des marges de manoeuvres sur crédits bilatéraux, du fait

de l’engagement massif de la France en faveur des institutions multilatérales de

développement, au premier rang desquelles figure l’Union européenne, justifie qu’un

effet de levier en matière de développement suffisant pour peser sur la question des

migrations soit davantage recherché au niveau européen.

2. Une communautarisation partielle

Depuis l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam en 1999, les questions

relatives à l’immigration ont fait l’objet d’une application progressive de la méthode

communautaire.

Toutefois, alors que les mesures relatives à l’immigration illégale relèvent

du vote à la majorité qualifiée et de la codécision avec le Parlement européen, les

mesures relatives à l'immigration légale continuent aujourd'hui de relever de la règle

de l'unanimité au Conseil et de la consultation simple du Parlement européen.

Dans ce domaine, des directives ont été adoptées sur le droit au

regroupement familial (2003/86/CE), sur les conditions d’admission de ressortissants

de pays tiers à des fins d’études, d’échanges d’élèves, de formation non rémunérée

ou de volontariat (2004/114/CE) sur une procédure d’admission spécifique des

- 32 -

ressortissants des pays tiers dans l’UE aux fins de recherche scientifique (2005/71) et

sur le statut des ressortissants de pays tiers résidant légalement depuis au moins cinq

ans sur le territoire d’un Etat membre. Pour ce dernier cas, la mobilité à des fins

d’emploi reste du ressort des Etats membres. Tous ces textes laissent une marge

d’appréciation importante aux Etats membres pour leur mise en oeuvre.

Les compétences communautaires sur la question des migrations

Les compétences de l’Union européenne en matière d’immigration sont issues du Traitéd’Amsterdam de 1997, entré en vigueur en 1999. En signant ce traité, les Etats membres ont transféré

une partie de leurs prérogatives en matière d’immigration, d’asile, de visas et d’autres mesures

relatives à la libre circulation des personnes qui sont devenues des compétences partagées entre les

États membres et l'Union européenne.

Bien que ces domaines relèvent du « premier pilier » depuis cette date, ils ne sont pas, pour

autant, aujourd'hui entièrement soumis à la méthode communautaire. En effet, le traité d'Amsterdam,

puis le traité de Nice, ont prévu une application progressive de la méthode communautaire à ces

matières.

Ainsi, dans le domaine de l'immigration, l'article 63, paragraphes 3 et 4, du traité instituant

la Communauté européenne ne prévoit que l'adoption de « mesures » relatives à la politique

d'immigration, dans des matières limitativement énumérées :

- les conditions d'entrée et de séjour ;

- l'immigration clandestine et le séjour irrégulier, y compris le rapatriement des personnes

en séjour irrégulier ;

- les droits des ressortissants des pays tiers en situation régulière de séjour dans un État

membre de séjourner dans les autres États membres et les conditions dans lesquelles ils peuvent le

faire.

Le terme même d'« harmonisation » ne figure pas dans le traité à propos de l'immigration.

Lors du Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004, les chefs d'État et de gouvernement

ont décidé de recourir à la « clause passerelle » pour passer, à partir du 1
er janvier 2005, au vote à la

majorité qualifiée au Conseil et à la codécision avec le Parlement européen pour les mesures relatives

aux contrôles des frontières, tant intérieures qu'extérieures, ainsi qu'à l'immigration clandestine. Cet

accord a été formalisé par une décision du Conseil en date du 22 décembre 2004.

Le passage de l’unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil et à la codécision avec

le Parlement européen était quant à lui prévu par le projet de Traité constitutionnel pour les mesures

relatives à l’immigration régulière.

Le mandat de la Conférence intergouvernementale, adopté lors du Conseil européen des 21

et 22 juin 2007, ne remet pas en cause cette évolution. En tout état de cause, chaque Etat membre

conserve le droit de définir les volumes d’entrée des ressortissants des Etats tiers à des fins d’emploi.

- 33 -

3. Des objectifs ambitieux

A la suite de l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, lors du Conseil

européen de Tampere en Finlande en octobre 1999, les Etats membres ont adopté un

premier programme de travail.

Lors de ce sommet, le Conseil européen a fixé l'objectif d'une « politique

commune » en matière d'immigration, dont il a défini trois orientations majeures :

« - le développement du partenariat avec les pays d'origine afin de

favoriser en particulier le co-développement ;

- un traitement équitable des ressortissants de pays tiers ;

- une gestion plus efficace des flux migratoires, comprenant un contrôle

efficace aux frontières extérieures. »

Si les deux dernières priorités ont connu un début de mise en oeuvre, le

partenariat avec les pays d’origine est resté largement à engager. Le programme de

Tampere comprend cependant la première référence à la notion de co-développement

au niveau européen.

Le programme de La Haye, adopté en annexe des conclusions du sommet

européen de Bruxelles en novembre 2005, relance le processus en reprenant ces

différents objectifs. Il prévoit l’adoption d’une directive générale sur les droits

fondamentaux des travailleurs migrants et quatre directives spécifiques traitant des

conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’immigrants. La

Commission propose plusieurs mesures pour renforcer la coopération avec les pays

d’origine : contrôle des flux, limitation de la fuite des cerveaux au profit d’une

meilleure circulation migratoire, structures de formation dans les pays d’origine…

B. UN CADRE CONCEPTUEL : L’APPROCHE GLOBALE DES MIGRATIONS

L’idée d’une approche globale, initialement portée par la France, est

désormais adoptée au niveau européen. Les liens entre migration et développement

sont abordés pour la première fois par la Commission dans une communication de

décembre 2002 qui recommande l’intégration de cette question dans les relations

avec les Etats tiers et le renforcement de la cohérence entre les politiques.

En décembre 2005, le Conseil européen a adopté « l’approche globale sur la

question des migrations », une «
approche équilibrée, globale et cohérente,

comprenant des politiques destinées à lutter contre l’immigration illégale et

permettant, en coopération avec les pays tiers, de tirer parti des avantages de

l’immigration légale
» qui vise à définir une action cohérente en matière de

migrations au travers de différents domaines d’action : relations extérieures,

développement, emploi, justice, liberté et sécurité.

Parmi les mesures concrètes proposées figurent la facilitation de l’envoi de

fonds vers les pays d’origine (transparence des coûts, développement de l’accès aux

services financiers), l’encouragement du rôle des diasporas implantées dans les Etats

- 34 -

membres (aider les pays en développement à identifier leur diaspora et à établir des

liens), le renforcement de la migration circulaire et la facilitation du retour et

l’atténuation des inconvénients causés par la fuite des cerveaux.

La mise en oeuvre de cette politique suppose l’intervention de plusieurs

directions générales de la Commission : Justice, liberté et sécurité (JLS) pour les

aspects « sécuritaires », Développement, compétente pour l’Afrique mais aussi

Relations extérieures, compétente pour la politique de voisinage et, pour ce qui

concerne la mission de vos rapporteurs, pour le Maghreb.

1. Le dialogue avec les Etats tiers

L’année 2006 a été consacrée à établir un programme de travail avec

l’Afrique.

Une première conférence ministérielle euro-africaine sur la migration

et le développement s’est tenue en juillet 2006 à Rabat. Elle a abouti à la

définition d’un partenariat assorti d’un plan d’action et a convenu de la tenue

d’une seconde conférence dans les deux ans.

Le plan d’action de Rabat comprend six points : migration et

développement, migration légale, immigration irrégulière, coopération opérationnelle

policière et judiciaire et aide aux victimes, financement et cadre et suivi

institutionnel. Il fait une large place au co-développement et à la formation, met

l’accent sur la promotion de la migration circulaire et temporaire, réaffirme l’objectif

de la conclusion d’accords de réadmission tout en prévoyant l’octroi de soutiens

financiers aux pays confrontés à des situations d’urgence en matière d’immigration

irrégulière. Il prévoit la création d’un observatoire euro-africain de la migration.

Ce dialogue s’est poursuivi en septembre dans le cadre des Nations-unies

puis en novembre en Libye dans le cadre d’une conférence ministérielle UE-Afrique.

Il s’est systématisé dans les différentes enceintes du dialogue entre l’Union et les

pays tiers, notamment, pour ce qui concerne les Etats africains dans le cadre de

l’article 13 de l’accord de Cotonou.

L’
Accord de Cotonou, qui régit les relations avec les Etats ACP (Afrique,

Caraïbes, Pacifique) offre un cadre pour le dialogue politique dans son article 8 et

couvre, dans son article 13 un large éventail de questions relatives aux migrations et

au développement.

L’
article 8 stipule ainsi que « les parties mènent, de façon régulière, un

dialogue politique global, équilibré et approfondi conduisant à des engagements

mutuels
». Ce dialogue a pour objectif (…) de faciliter la définition de priorités et de

principes communs en particulier en reconnaissant les liens existant entre les

différents aspects des relations nouées entre les parties ». (…) «
le dialogue englobe

les stratégies de coopération ainsi que les politiques générales et sectorielles, y

compris l’environnement, l’égalité hommes/femmes, les migrations et les questions

liées à l’héritage culturel
».L’article 13, quant à lui, est entièrement consacré à la question des

migrations. Il prévoit un dialogue approfondi sur ce sujet dans le cadre du partenariat

ACP-UE. Après avoir posé le principe de l’égalité de traitement et de la non-

35 -

discrimination, l’article 13 établit une relation entre le politique de développement et

la gestion des flux migratoires : «
Les parties considèrent que les stratégies visant à

réduire la pauvreté, à améliorer les conditions de vie et de travail, à créer des

emplois et à développer la formation contribuent à long terme à normaliser les flux

migratoires
». Il évoque ainsi la nécessité « d’appuyer le développement économiqueet social des régions d’origine des migrants » et met l’accent sur la formation des

ressortissants ACP. Le dernier volet de l’article 13 porte sur les questions liées à

l’immigration illégale « en vue, le cas échéant de définir les moyens d’une politiquede prévention

». Il pose le principe de la réadmission des ressortissants d’une partie

illégalement présents sur le territoire de l’autre partie mais renvoie à des accords

bilatéraux le soin de définir les obligations spécifiques de réadmission et de retour de

leurs ressortissants.

Avec l’article 13 de l’accord de Cotonou, la Commission dispose d’une

base juridique complète et précise pour un dialogue avec les Etats ACP sur la

question des migrations, dialogue difficile dont les débouchés concrets sont faibles.

A ce jour, le bilan de la conclusion d’accords de réadmission est mince, ce

qui conduit certains Etats membres à demander la « rebilatéralisation » de ces

négociations.

Trois missions dites « article 13 » ont eu lieu en 2006 en Mauritanie, au

Sénégal et au Mali et une série d’autres sont envisagées pour 2007, notamment au

Nigeria, en Éthiopie et au Cameroun.

En outre, afin de fonder ses actions sur des données précises, la

Commission a élaboré, pour chacun des Etats ACP, un « profil migratoire »

comprenant des chiffres et une analyse. Ces documents restent assez lacunaires et

témoignent de la difficulté de disposer de données fiables et à jour dans ce domaine.

Pour ce qui concerne le Mali, les données datent ainsi de plus de cinq ans et sont, en

tout état de cause, antérieures à la crise ivoirienne alors que la Côte d’Ivoire est le

premier pays d’accueil des Maliens expatriés.

La France devrait accueillir pendant la période de sa présidence de l’Union

européenne, la deuxième conférence ministérielle prévue par la Déclaration de

Rabat.

2. La coordination entre Etats membres : les plateformes de

coopération

Il s’agit de renforcer la coopération entre les différents acteurs intervenant

dans un pays donné en relation avec son profil migratoire. Ces plateformes

associeront les pays africains, les Etats membres de l’UE et les organisations

internationales. Elles pourraient conduire à l’élaboration d’accords régionaux.

Ces plateformes de terrains pourraient permettre l’élaboration d’accords

pluripartites entre des pays européens et un Etat tiers.

- 36 -

3. Le renforcement des capacités des Etats africains en matière de

gestion des migrations

L’UE souhaite aider les Etats africains à renforcer leurs capacités de gestion

des migrations et de l’asile. Elle a proposé de créer des profils migratoires par pays

pour collecter et analyser les informations nécessaires ou encore de créer des équipes

de soutien des migrations composées d’experts des Etats membres qui pourraient

fournir l’assistance nécessaire aux Etats africains qui le demanderaient.

4. Les financements

Au regard des montants de l’aide extérieure européenne, les montants

consacrés à la question des migrations sont marginaux mais ils sont largement

supérieurs aux moyens bilatéraux alors même que la France fait figure de pionnier

dans ce domaine.

Un règlement du Parlement et du Conseil du 10 mars 2004 établissant un

programme d’assistance technique et financière en faveur de pays tiers dans le

domaine des migrations et de l’asile (AENEAS) permet de financer des projets

en lien avec cette thématique, pour un montant global de 250 millions d’euros sur la

période 2004-2008. Il s’agit du seul règlement spécifique existant sur les migrations.

Le mécanisme de réaction rapide, destiné aux situations de crise, a permis

de consacrer 3 millions d’euros à la Mauritanie et 2,5 millions d’euros au Sénégal.

Sur les crédits de la politique de voisinage, des crédits ont été mobilisés

principalement à destination du Maroc.

A destination des pays ACP, une enveloppe de 40 millions d’euros devrait

être mobilisée sur les crédits du IXe FED pour la promotion des investissements dans

les secteurs gros consommateurs de main d’oeuvre des régions à forte émigration et

pour la facilitation des migrations et de la mobilité de la main d’oeuvre au niveau

intra-africain. Le point d’affectation de ce montant est la CEDEAO. Des

négociations sont en cours sur les montants qui pourraient être mobilisés sur le Xeme

FED.

Un
programme-cadre de solidarité et de gestion des flux migratoiresd’un montant de 4 milliards d’euros est en cours de négociation pour la période

2007-2013 a été adopté au printemps 2007. Ce programme comprend quatre fonds

(fonds frontières extérieures (1,8 Md €), fonds intégration (825 millions d’euros),

fonds retour (676 millions d’euros), fonds européen pour les réfugiés (699 millions

d’euros).

Le fonds Retour, adopté le 23 mai 2007, concerne tous les types de retour,

qu’ils soient volontaires ou non.

- 37 -

C. UNE DIMENSION OPÉRATIONNELLE À CONCRÉTISER

1. La question des compétences

L’approche globale se présente comme un « paquet » de négociations dans

lequel la coopération des Etats d’origine sur l’immigration clandestine est facilitée

par la perspective de débouchés pour l’immigration légale. Or l’immigration de

travail restant de la seule compétence des Etats membres, la Commission n’est pas en

mesure de proposer des accords complets et ne peut qu’en appeler à la bonne volonté

des Etats membres.

Le programme d’action relatif à l’immigration légale, adopté en décembre

2005 devrait conduire à l’adoption de textes législatifs définissant les droits

fondamentaux des travailleurs migrants dans l’Union européenne ainsi que les

conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’immigrants, les Etats

membres restant compétents pour déterminer les volumes de travailleurs migrants à

admettre.

Il faut rappeler qu’en France, la gestion des flux migratoires de travail est

déconcentrée et confiée aux préfets. L’octroi d’un titre de travail , et partant, d’un

titre de séjour est régi par l’article R341-4 du code du travail qui prévoit que le préfet

prend en considération : la situation de l’emploi présente et à venir dans la profession

demandée par le travailleur étranger et dans la zone géographique où il compte

exercer sa profession ; les conditions d’application par l’employeur de la

réglementation relative au travail ; les conditions d’emploi et de rémunération

offertes au travailleur étranger , qui doivent être identiques à celles dont bénéficient

les travailleurs français ; les dispositions prises par l’employeur pour assurer ou faire

assurer, dans des conditions normales, le logement du travailleur étranger.

2. Des différences d’approche entre Etats membres

Le degré d’implication des Etats membres dans la mise en oeuvre de

l’approche globale varie en fonction de nombreux critères : leur proximité

géographique avec les pays de départ et de transit, leur tradition d’immigration ou

encore la situation de leur marché du travail.

Au sein même des Etats partageant des caractéristiques communes, les

priorités ne sont pas toujours convergentes. Les pays d’immigration récente ont des

pratiques différentes de celle des pays d’immigration ancienne. Les cinq ou six

grands pays européens qui accueillent 80 % des flux migratoires de l’Union

européenne reçoivent des migrants d’origine différente et n’ont par conséquent pas

les mêmes priorités géographiques. Enfin, la situation démographique et la situation

du marché du travail sont très différents : d’après l’INSEE, l’accroissement naturel

explique près des ¾ de la croissance démographique française à la différence de

l’UE-15 dont l’augmentation de la population de sept millions entre 1999 et 2004 est

imputable pour les trois-quarts au solde migratoire. Avec la Finlande et les Pays-bas,

la France figure au nombre des seuls pays européens dont l’augmentation de la

population relève principalement ou exclusivement de l’accroissement naturel. Elle

- 38 -

se situe en quinzième position pour la contribution des flux migratoires à

l’augmentation de sa population.

Ces différences d’approche et de situation objective expliquent les

réticences des Etats membres à une harmonisation des politiques d’immigration

légale et à la mobilité des immigrants dans l’espace européen. En tout état de cause,

l’idée d’une « carte verte européenne » qui ouvrirait aux migrants qui en seraient

titulaires l’accès à l’ensemble du marché du travail européen, souvent évoquée dans

la perspective d’une approche plus consensuelle avec les pays d’origine, semble

difficilement réalisable à court terme. De même, l’établissement de quotas nationaux,

un temps proposé par le Commissaire européen Franco Frattini, difficilement

compatible avec le rythme d’évolution du marché du travail ne semble pas à l’ordre

du jour.

Les divergences sont sensibles également chez les Etats d’origine.

L’organisation de la conférence de Tripoli à la suite de celle de Rabat, traitait certes

de routes migratoires différentes mais aussi de différences de sensibilité entre ces

Etats.

Il est probable que les aspects les plus opérationnels de l’approche globale

ne seront pas mis en oeuvre à 27. Il importe que les règles soient définies au niveau

communautaire mais que leur déclinaison opérationnelle soit plus souple en fonction

du profil de l’immigration des différents Etats membres et des filières migratoires qui

les concernent le plus directement.

3. Le centre d’informations et de gestion des migrations de Bamako,

une première emblématique, une réponse adaptée ?

Assortie d’un plan d’action détaillé, la Conférence de Rabat ne s’est pas

traduite par des réalisations concrètes en dehors des initiatives conduites sur un mode

bilatéral, à l’exemple de celles de la France ou de l’Espagne.

Annoncée lors de la visite du Commissaire Louis Michel à Bamako le 8

février 2007, et co-parrainée par la France et l’Espagne, la création du centre

d’informations et de gestion des migrations (CIGEM) est emblématique de

l’ « approche globale des migrations », la proposition en a été faite lors de la

Conférence de Tripoli.

Cette structure malienne devrait être destinée à l’information sur tous les

aspects de la migration, notamment sur les conditions et les opportunités de travail et

de formation au niveau national, sous-régional et européen, sur les risques et les aléas

de la migration clandestine et sur l’accompagnement des migrants de retour dans leur

pays d’origine. Elle comporterait une maison des maliens de l’extérieur et un centre

d’information et de gestion des migrations.

Le CIGEM doit fonctionner en relation étroite avec les dispositifs existants,

tant sur « l’amélioration des connaissances du phénomène migratoire », sur sa

mission « d’accueil d’information d’orientation et d’accompagnement des migrants

potentiels et des migrants de retour que sur la « valorisation du capital technique,

scientifique et financier de la diaspora ». Il est prévu que la France y intègre la

cellule « co-développement » de l’ambassade à Bamako.

- 39 -

Elle semble faire l’objet d’appréciations différentes entre les différents

acteurs de son élaboration. Dans un premier temps, cette structure est apparue

comme une agence de migration légale vers l’UE et vers les pays voisins selon une

logique consistant à favoriser la migration légale afin de diminuer la pression sur

l’immigration illégale, selon le concept de « migration accompagnée » développé par

le commissaire Louis Michel. Puis le concept a été revu et précisé dans une logique

plus proche de celle du co-développement.

Dans l’état actuel du projet, les objectifs sont l’amélioration de la

connaissance des flux migratoires, l’accueil, l’information, l’orientation des migrant

potentiels et des migrants de retour, l’information sur les conditions juridiques de la

migration et la sensibilisation de la population pour la prévention de la migration

clandestine et la valorisation du capital humain, financier et technique des Maliens de

l’extérieur. Cette structure à vocation à s’étendre dans la région et à la CEDEAO.

Le montant du projet est très important, 10 millions d’euros sur trois ans

financés sur le IX
è FED, dont 4 millions de frais de structure. Ce projet mobilise lesdeux tiers de l’enveloppe dévolue à l’Afrique de l’Ouest sur le IXè FED au titre de la

question des migrations.

Vos rapporteurs s’interrogent sur les difficultés possibles de ce projet, aussi

élevées que les espoirs qu’il suscite. Si la recherche sur les migrations est

effectivement indispensable du fait de l’imprécision et de la faiblesse des

connaissances sur ce sujet, les autres volets des missions du CIGEM ne sont pas

dépourvus d’ambiguïtés.

Les opportunités de migration légale vers l’Europe sont forcément limitées.

L’objectif du Centre est par conséquent davantage de décourager la migration

illégale que d’offrir des possibilités de migration légale. La France gère déjà avec

beaucoup de prudence l’ouverture de son marché du travail aux ressortissants des

nouveaux Etats membres de l’Union européenne, elle n’est pas en mesure de faire

des propositions concrètes aux candidats maliens à l’émigration. Quant à

l’implication d’autres partenaires européens dans le CIGEM, elle s’annonce très

mesurée. La coexistence de la nouvelle structure avec la maison des maliens de

l’extérieur ne peut qu’entretenir des espoirs qui seront forcément déçus.

Votre délégation se demande si ce projet n’a pas été marqué par une

précipitation excessive. Elle observe que les montants de crédits opérationnels

disponibles sur trois ans, 6 millions d’euros, seront à peine supérieurs à ce que la

France investit en bilatéral dans des projets de co-développement. Par conséquent,

l’effet de levier de l’intervention européenne, dont on peut comprendre qu’il soit

recherché en raison de la faiblesse des crédits bilatéraux, apparaît limité.

Ce projet, emblématique de l’approche globale des migrations, risque de

souffrir de ses contradictions d’origine, qui ne sont surmontées qu’au prix d’une

ambiguïté dommageable.

- 40 -

- 41 -

IV. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION

Alors que la formalisation de la politique de co-développement n’en est

qu’à ses débuts, son essor et son utilité impliquent une capacité à résoudre au moins

trois écueils.

A. APPROFONDIR LE DIALOGUE AVEC LES PAYS D’ORIGINE

1. Parvenir à un constat partagé

Le premier objectif d’un dialogue avec les pays d’origine est d’aboutir à un

constat partagé sur la question des migrations

Pour des raisons diverses, les pays d’origine ont une image positive de

l’émigration. Ces raisons peuvent être économiques (les transferts financiers des

migrants sont une source de revenus importante et une contribution au

développement), sociales (l’émigration fait office d’exutoire face à une croissance

démographique que la croissance économique ne peut absorber) ou même culturelles

(émigration perçue comme un « rite de passage » dans certains pays).

Comme le relève l’étude réalisée pour le compte de l’Union européenne

sur les questions migratoires au Mali
10, « la démographie nous enseigne que face à

une baisse durable du revenu par tête, les populations peuvent adopter trois types de

stratégies de survie. La première consiste à modifier le mode de production,

notamment par l’intégration de modes de production innovants. La seconde consiste

en une régulation naturelle par la baisse du niveau de fécondité. Enfin, la troisième

stratégie consiste à utiliser la migration comme variable d’ajustement. La stratégie

adoptée par les populations sera alors fonction du coût d’ajustement ».

Dans le débat politique interne, le thème de l’émigration est très présent, le

plus souvent sous forme de revendication à l’égard des autorités
11 pour qu’elles

facilitent l’émigration vers l’Union européenne. Dans la campagne en cours pour les

élections législatives au Maroc, le Parti pour la justice et le développement, le PJD,

parti islamiste modéré a proposé de former les jeunes marocains aux métiers

disponibles en Europe.

L’émigration comme symptôme de dysfonctionnement n’est utilisé comme

argument par l’opposition que de façon encore très marginale. Cette question émerge

cependant comme ont pu le constater vos rapporteurs lors de leur rencontre avec

l’ancienne ministre malienne de la culture et du tourisme, Mme Aminata Traoré, qui

considérait que l’émigration des jeunes souffrant du chômage et de la pauvreté était

« forcée » et qu’il convenait de réfléchir à des alternatives dans le pays, pour autant

10 Les questions migratoires au Mali, valeurs, sens et contresens, Omar Merabet, Francis Gendreau,

Novembre 2006.

11 Voir à titre d’illustration les articles de Philippe Bernard : « Au Sénégal, le thème de l’émigration

enfièvre le débat présidentiel » Le Monde, 21 février 2007 ou « A Bamako, une campagne marquée

par l’émigration et la « menace Sarkozy » Le Monde, 27 avril 2007.

- 42 -

que les autorités soient prêtes à les envisager et à soutenir des projets locaux

concrets.

Au Mali, l’émigration a fait l’objet d’un phénomène intéressant

d’appropriation culturelle, elle est désignée sous de nombreux vocables, le

« départ », « l’exode » ou encore « l’aventure ». Interrogé sur la « tradition du

départ », invoquée de façon systématique au Mali pour expliquer le phénomène

d’émigration et souligner son caractère à la fois culturel et irrépressible, le chercheur

Christophe Daum a précisé, suscitant des réactions assez vives, qu’il s’agissait de son

point de vue, d’une réinterprétation valorisante d’un phénomène subi, la mobilité

ayant traditionnellement caractérisé certaines catégories de population, comme les

commerçants ou les imams mais n’ayant touché que récemment la majeure partie de

la population rurale et de façon historiquement datée, dans les années 1959-1960.

Tout dialogue en vue d’élaborer une gestion concertée des flux migratoires

doit donc intégrer cette vision fondamentalement positive de l’émigration tant au sein

de la population que chez les autorités et doit apporter la preuve de la crédibilité des

alternatives proposées.

2. Élaborer une réponse concertée

Dans sa forme actuelle, le co-développement ne peut constituer qu’une part

limitée des réponses apportées dans la mesure où l’implication des pays d’origine fait

encore largement défaut.

Les intérêts des pays d’origine et des pays de destination ne peuvent se

rejoindre sur une conception du co-développement qui soit fermée aux migrations et

sans contrepartie.

La France ne peut impliquer ses partenaires du sud dans une meilleure

valorisation de leur diaspora et dans un meilleur contrôle des flux migratoires, sans

contreparties minimales en termes d’opportunités de circulation entre les deux

espaces dans le souci d’un intérêt commun.

Dans la perspective de la mise en place du Centre d’informations et de

gestion de la migration (CIGEM), il serait également souhaitable que des offres

d’emploi puisse être proposées à la migration légale dans les secteurs que la France

auraient identifiés comme déficitaires. Mettre en place des modalités de gestion

concertée des flux migratoires suppose une bonne connaissance des besoins du

marché du travail du pays d’accueil mais aussi du pays d’origine, de pouvoir

mobiliser conjointement les services de l’Etat à l’étranger et les structures

administratives internes compétentes en matière d’emploi, de travailler avec les

entreprises implantées dans les deux espaces, de mettre en place un partenariat avec

le pays d’origine pour l’orientation et de la formation des personnes et pour s’assurer

de leur retour effectif dans le pays d’origine.

Ce n’est que dans un dialogue avec les pays d’origine que pourront être

élaborées des stratégies adaptées.

- 43 -

3. Retrouver des marges de manoeuvre crédibles

Ces problématiques souffrent à l’évidence de la contraction de l’aide

bilatérale française ajoutée à sa dispersion.

Pays de concentration
de notre aide bilatérale, le Mali reçoit à ce titre 51,3millions d’euros de la France, ce qui est faible, sur un total d’environ 500 millions

d’euros d’aide au développement.

La France, qui jusqu’à une période récente était le premier bailleur du Mali,

n’est plus que le 6eme bailleur de fonds du pays et le quatrième bilatéral après les

Etats-Unis, les Pays-bas et le Canada.

Le Maroc quant à lui reçoit 180 millions d’euros et insiste sur la nécessité

d’une politique globale de développement à l’égard de l’ensemble du continent

africain. Ce pays a lui-même une politique en direction de l’Afrique au sud du

Sahara, à laquelle la France pourrait utilement s’associer

Dans un dialogue sur la migration et le développement, notre pays doit

trouver des marges de manoeuvre budgétaires pour répondre aux besoins de ses

partenaires historiques. La priorité donnée à l’aide multilatérale oblige à des efforts

considérables pour faire venir les bailleurs multilatéraux, notamment la Commission

européenne, sur les priorités françaises, avec des résultats mesurés et pas toujours

adaptés comme le centre d’informations et de gestion des migrations de Bamako.

De ce point de vue, la dispersion des compétences ministérielles peut être

un obstacle.
L’organisation administrative du co-développement illustre à quel

point notre dispositif d’aide n’a toujours pas trouvé son équilibre.

Le partage des responsabilités sectorielles entre l’AFD et le Ministère

des Affaires étrangères sur les crédits du Fonds de solidarité prioritaire est loin

d’être clair.
Le codéveloppement en constitue une bonne illustration : la logique

voudrait que le ministère des Affaires étrangères apporte la réflexion stratégique dans

un domaine, le développement du secteur productif, où il ne devrait pas être luimême

opérateur, la responsabilité de ce secteur étant théoriquement confiée à

l’Agence française de développement.

B. SE SAISIR DES PRINCIPES DU CO-DÉVELOPPEMENT POUR RÉVISER

LES POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT

Le co-développement fournit l’occasion de réfléchir sur les orientations de

la politique de développement.

Le reproche fait aux transferts des migrants de leur faible orientation vers le

secteur productif pourrait en effet s’appliquer à l’aide publique au développement.

Les zones d’émigration ont connu un développement indéniable du fait des

transferts, avec des résultats dans la lutte contre la pauvreté. Pour autant, les ressorts

économiques font défaut.

Une stratégie de développement qui intégrerait la question migratoire

suppose de replacer les questions économiques et notamment la création d’emploi au

- 44 -

coeur des questions de développement ainsi que la question du financement des

projets d’investissement. Elle privilégie une logique de résultats, évaluée, non pas à

l’aune des flux migratoires, mais bien à celle des emplois créés.

1. Reconsidérer l’appui au secteur éducatif et à l’appareil de

formation

L’éducation de base est placée au coeur des priorités définies par les

objectifs du millénaire pour le développement et fait l’objet d’un consensus chez les

bailleurs de fonds pour les effets d’entraînement qu’il induit dans le domaine de la

santé, de la maîtrise de la fécondité ou encore sur le secteur productif. Ce secteur est

donc devenu un secteur de concentration de l’aide dont les indicateurs, de façon

encore inégale et perfectible, s’améliorent.

Pour autant, le secteur éducatif apparaît largement sinistré et dépourvu des

moyens de faire face à une augmentation continue du volume des classes d’âge à

scolariser. Devant cette situation, les élites pratiquent des stratégies d’évitement du

système scolaire public dans lesquelles les établissements du réseau d’enseignement

français à l’étranger figurent au demeurant en bonne place. Ce contournement

alimente un relatif désintérêt à l’égard d’un investissement résolu dans l’éducation

mais nourrit aussi un profond sentiment d’injustice de la part des populations n’ayant

pas accès à des solutions alternatives qui se sentent condamnées pour leurs enfants à

un échec programmé et à l’absence de perspectives en termes de mobilité sociale.

Déterminant à bien des égards, l’appui au secteur de l’éducation ne

doit pas seulement s’entendre comme le soutien à l’éducation de base mais bien

comme l’appui à la constitution de filières complètes avec des cursus

débouchant sur le marché du travail et incluant la formation professionnelle.
Au

Maroc, la défaillance du système d’enseignement public est manifeste. Il y a urgence

à soutenir une politique résolue de lutte contre l’analphabétisme qui touche

officiellement 38 % de la population avec de fortes inégalités au détriment des ruraux

et des femmes dont les taux dépassent 60 %. Alors que le chômage des diplômés est

important (plus de 25 % au Maroc), la formation professionnelle reste très

insuffisante. Au Mali, la France, via l’Agence française de développement s’apprête

à soutenir ce secteur par la création d’un institut de formation professionnelle dans

la région de Kayes.

L’appui à cette politique complexe et sensible suppose aussi un

renforcement de la coordination entre les bailleurs. Au Mali, la déléguée de l’Union

européenne a ainsi indiqué à vos rapporteurs que le secteur de la formation

professionnelle était en passe d’évoluer du statut de « parent pauvre » de l’aide à

celui « d’enfant chéri ». Il ne faudrait pas que cet engouement soudain se traduise par

un délaissement des autres pans du secteur éducatif, au détriment d’une cohérence

d’ensemble. L’adéquation aux besoins spécifiques du marché du travail du pays

considéré doit aussi être prise en compte : les besoins du secteur tertiaire au Mali,

pays majoritairement rural doivent ainsi être considérés avec parcimonie. Le

chômage de personnes formées constitue en effet un réservoir évident de candidats

potentiels à l’émigration.

- 45 -

2. La question de l’emploi

Des questions éducatives et de formation découle directement la question

de l’emploi, qui doit être placée au coeur d’une politique de développement soucieuse

de la question des migrations.

Les marchés du travail des deux pays de la mission se caractérisent à la fois

par un taux de chômage très élevé mais aussi par une très grande difficulté à pourvoir

les postes offerts, du fait de l’inadéquation des compétences disponibles aux emplois

proposés. 35 % des bacheliers marocains envisagent leur avenir à l’étranger

Pour ne prendre que ce seul exemple, l’agriculture représente 57 % de

l’emploi sur le continent africain, 17 % du PIB et 11 % des recettes d’exportation.

Au Mali, l’agriculture représente 80 % de l’emploi.

Or l’aide au secteur agricole a beaucoup diminué (40 % selon certaines

estimations). La faiblesse de la transformation des produits sur place ainsi que le

déficit technologique explique que le secteur ne soit pas fortement créateur

d’emplois.

L’accompagnement des investisseurs et le soutien financier de leur projet,

tel que conçu dans le cadre de l’aide à la réinsertion pourrait utilement être proposé

non seulement à des migrants de retour ou, comme cela est d’ores et déjà envisagé,

dans les pays de transit, mais aussi dans le pays d’origine lui-même à des personnes

en difficulté d’insertion professionnelle.

3. Le système bancaire et l’accès au crédit

Bien que très importante en volume, l’épargne des migrants ne suscite que

peu d’intérêt de la part des banques du sud. Sans qu’il soit possible d’avancer des

chiffres précis, il semble qu’une part importante des transferts transite par le secteur

informel, désignation qui recouvre des procédés variés, allant du transport direct des

fonds à des formes plus élaborées d’intermédiation.

L’augmentation de la part des transferts empruntant le secteur formel doit

être favorisée non seulement pour la sécurité des transferts, pour un meilleur contrôle

de la nature des fonds mais aussi pour favoriser ensuite la mobilisation de cette

épargne en faveur de l’investissement productif. En effet, le blanchiment d’argent

sale et le financement du terrorisme utilisent également les canaux informels.

La transformation des migrants en investisseurs par la mobilisation de leur

propre épargne est à l’évidence difficile à développer. Les migrants ne sont pas tenus

d’avoir une « fibre entrepreneuriale » et leur épargne est souvent insuffisante pour

soutenir un projet viable et créateur d’emplois.

Il est donc apparu à vos rapporteurs que les voies de la mutualisation

de l’épargne et de l’intermédiation financière entre l’argent des migrants et les

projets d’investissements devaient être développées.
La création de fonds

d’investissements spécifiques, sur le modèle des fonds éthiques, permettrait de

mobiliser l’épargne des migrants dans les pays d’accueil et de la drainer vers des

projets de plus grande ampleur.

- 46 -

La difficulté se situe au niveau de la réception des fonds par le système

bancaire local. Il existe un espace entre le micro-crédit et le secteur bancaire

classique où le soutien à des investisseurs potentiels n’est pas assuré, les institutions

de micro-crédit ne collectant pas d’épargne. Or ce segment pourrait permettre de

créer des emplois.

L’Agence française de développement, peu présente sur les questions de

co-développement, pourrait utilement apporter son expertise et favoriser

l’implication, avec l’appui des gouvernements, des banques locales. L’AFD réfléchit

au Maroc aux secteurs vers lesquels pourrait utilement être orientée l’épargne des

migrants : le financement de l’assurance-maladie des indépendants, qui se met en

place ou le financement des très petites entreprises ont ainsi été évoqués devant vos

rapporteurs.

Ce n’est pas tant le volume des liquidités disponibles qui est insuffisant :

l’écrasante majorité des pays africains connaît une situation de surliquidité bancaire.

Au Maroc, l’argent des migrants est clairement responsable d’une situation de

surliquidité. C’est davantage sur les modes de mobilisation de ces liquidités qu’il

convient de travailler.

4. Un engagement résolu des pays d’origine en matière de gouvernance

Les déterminants de la migration ne sont pas strictement économiques.

Selon certaines enquêtes, les motivations « politiques », entendues très largement, le

déficit démocratique, figurent même au premier rang des raisons invoquées par les

migrants.

Si le cadre juridique et les institutions propice aux investissements et à

l’activité économique sont généralement en place « l’environnement des affaires »

reste assez largement défavorable et peut être de nature à décourager l’activité

économique, singulièrement lorsqu’il s’agit de micro-entreprises à la faible

profitabilité.

La crédibilité et l’efficacité du système judiciaire, la prévisibilité et la

fiabilité de l’administration fiscale, douanière ou encore des services de police,

éléments essentiels, font encore trop souvent défaut. Un engagement résolu dans la

lutte contre la corruption et en faveur d’une administration efficace peuvent certes

recevoir l’appui des bailleurs mais ne peuvent résulter que de la volonté de l’Etat à

utiliser au mieux les fonds dont il bénéficie.

Ce n’est pas tant l’absence de croissance que l’absence de perspectives pour

une large frange de la population de pouvoir un jour en bénéficier qui pousse les

personnes au départ. Il est de la responsabilité des Etats de départ, dans l’intérêt de

leur propre cohésion sociale de favoriser la diffusion des bénéfices de la croissance

et la réduction des inégalités.

Dans le dialogue avec les pays d’origine sur la question des migrations, ces

éléments semblent aux yeux de vos rapporteurs, aussi essentiels que l’adhésion à des

dispositifs de maîtrise des frontières ou de réadmission.

- 47 -

C. PROGRESSER VERS UNE « GOUVERNANCE INTERNATIONALE » DES

MIGRATIONS ?

L’action de l’Union européenne s’inscrit dans un contexte général de

multiplication des initiatives et des réflexions sur les migrations et le développement.

C’est ainsi que s’est tenu à Bruxelles du 9 au 11 juillet 2007 un « forum mondial

migrations et développement » dans le cadre des Nations unies.

L’importance prise par la question des migrations dans les débats

internationaux et la nécessité d’une enceinte internationale pour discuter de ces

questions conduit à s’interroger sur le cadre à privilégier et sur la nécessaire

coordination entre les différentes institutions ayant à en connaître, notamment au sein

du système des Nations unies (OMS, FNUAP, PNUD…).

Cette recherche risque de faire apparaître un clivage nord-sud, comme en

témoigne le fait qu’aucun pays européen n’ait ratifié la convention internationale sur

la protection des travailleurs migrants adoptée en 1990 par l’Assemblée générale des

Nations unies.

Le rôle de l’Organisation internationale des migrations (OIM), instance a

priori compétente mais qui n’appartient pas au système des Nations unies est

également en question. L’OMI a été retenue par l’UE pour l’étude de faisabilité du

centre d’information malien sur la migration. Pour autant, sa capacité à assurer un

rôle de coordination et de coopération avec les autres organisations est discutée.

Le cadre multilatéral de discussion sur la question des migrations reste

encore à préciser.

- 48 -

- 49 -

CONCLUSION

Phénomène structurel, durable, complexe, les migrations sont bien une

question de développement.

Le développement ne peut certes apporter de réponse à court terme au

phénomène des migrations incontrôlées. Pour autant, il ne peut s’en désintéresser tant

elles représentent également un défi au développement et à la stabilité du continent

africain.

A plus long terme, une politique résolue de rattrapage des retards de

développement constitue bien la seule réponse au caractère irrépressible de la

pression migratoire.

Le co-développement est une politique dont les principes s’appuient sur les

deux espaces, valorisent la circulation et contribuent à articuler deux politiques

publiques de façon plus cohérente : la gestion des flux migratoires ne peut être

déconnectée d’une interrogation sur les causes profondes des flux migratoires.

Dans son état actuel, le co-développement est une politique publique à

l’état de « prototype » ; il est constitué d’actions expérimentales sans effet massif sur

les flux migratoires ni même sur les politiques de développement. Il est loin, dans

l’économie générale de la politique d’immigration, de constituer un pilier

d’importance comparable aux autres piliers que sont la lutte contre l’immigration

illégale et l’intégration des immigrés. Sa montée en puissance ne semble pouvoir

s’effectuer ni par l’élargissement de son champ géographique d’intervention, ni

même par une augmentation considérable des moyens qui lui sont consacrés.

Se pose dès lors la question du changement d’échelle. La question n’est en

effet pas tant celle des moyens financiers mais surtout celle de l’environnement dans

lequel sont mis en oeuvre les projets : le co-développement rejoint ici le

développement.

Ce changement d’échelle suppose une clarification des objectifs, des

instruments, des priorités de notre aide, de la répartition de ses moyens et de son

organisation administrative, dans un souci renforcé d’efficacité.

Les questions migratoires fournissent l’occasion de penser la question du

développement en termes d’intérêt partagé et obtenir une réelle implication des

africains est une condition première à la réussite de cette politique.

Le co-développement pose, en creux, la question des relations que la France

souhaite entretenir avec l’Afrique et plus largement, des relations que l’Union

européenne doit entretenir avec le continent africain. L’enjeu est de construire avec

les Africains un partenariat politique solide dans la mondialisation, fondé sur des

liens historiques anciens mais aussi des intérêts présents partagés.

L’alternative est la suivante : ou le co-développement reste enfermé dans un

« réduit » du ministère de l’immigration et subordonné à la politique de contrôle et

de restriction de l’immigration, ou bien il inspire globalement un renouveau de notre

politique de coopération et de relations Nord/Sud au profit des deux hémisphères.

- 50 -

- 51 -

PRINCIPALES OBSERVATIONS ET

RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS

1. Renforcer le dialogue avec les pays d’origine sur la question des migrations et sur

les modes de mobilisation de leur diaspora, les associer notamment à la mise en

oeuvre des dispositifs du type « carte compétences et talents ».

2. Favoriser une véritable circulation des personnes à l’appui des accords de gestion

concertée des flux migratoires.

3. Replacer la création d’emplois et le soutien au secteur productif au coeur des

politiques de développement.

4. Mettre l’accent sur le secteur de l’éducation et de la formation professionnelle et

soutenir des filières d’éducation cohérentes dans une perspective d’accès à l’emploi

et d’insertion professionnelle.

5. Renforcer l’aide bilatérale française à l’appui de ce dialogue et la concentrer

davantage sur les pays d’origine les moins avancés.

6. Faire entrer en phase opérationnelle les différents dispositifs de soutien à la

mobilité de l’épargne et des personnes créés par la loi de juillet 2006 (livret codéveloppement,

carte « compétences et talents »)

7. Ouvrir le bénéfice de l’accompagnement financier et humain de projets productifs

à des investisseurs locaux, tels que prévu pour l’aide à la réinsertion, en partenariat

avec les autorités et les banques locales.

8. Clarifier l’organisation administrative et le partage des responsabilités

opérationnelles entre les différents ministères compétents.

9. Mettre en place, avec l’appui de l’AFD, des dispositifs de mobilisation des fonds

collectés via le livret d’épargne co-développement pour le financement de projets de

montants intermédiaires entre le micro-crédit et le crédit bancaire.

10. Soutenir la professionnalisation de l’accompagnement de projets dans les pays

d’origine.

11. Valoriser les compétences des personnes issues de l’immigration dans la mise en

oeuvre des projets de développement (volontariat et assistance technique).

12. Clarifier les objectifs du Centre d’informations et de gestion des migrations de

Bamako. Mettre en place, dans un premier temps, les outils d’une meilleure

connaissance des flux migratoires et du marché du travail local et de la sous-région et

s’appuyer sur ces outils pour la mise en place, dans un second temps, des autres

volets.

- 52 -

- 53 -

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 25 juillet

2007.

A l’issue de l’exposé du rapporteur, M. Jean François-Poncet, président, a

souligné la nécessité de préciser la notion de co-développement, mise en exergue

dans les discours, tout particulièrement s’il s’agit d’une politique expérimentale. Il

s’est interrogé sur la prise en considération du co-développement conçu comme la

mise en oeuvre de politiques de développement concertées dans le rapport présenté

par Mme Tasca.

Mme Catherine Tasca, rapporteur, a souligné que le co-développement était

à la fois une ambition et une réalité. L’ambition souhaitable et possible de cette

politique est d’être un aiguillon pour la révision des politiques de développement

dans un sens plus partenarial, ce qui suppose une conception plus globale et conduit à

s’interroger sur la clarification des rôles entre le ministère des affaires étrangères et

celui chargé du co-développement.

Elle a observé que les pays partenaires de la France eux-mêmes avaient des

conceptions très différentes de cette politique. Les autorités marocaines en ont par

exemple une vision très globale de partenariat Nord-Sud dans la mondialisation.

Elle a rappelé que, pour sa part, la délégation s’en était tenue à la définition

exposée par le ministre de la coopération devant la Commission.

M. Jean François-Poncet, président, a souligné la nécessité d’une

clarification des relations entre développement et co-développement dans la mesure

où la politique de développement a toujours été co-déterminée avec les pays

bénéficiaires. Si l’on veut aller plus loin dans une conception partenariale, il faudrait

préciser selon quelles modalités.

Mme Josette Durrieu, évoquant son expérience de coopération décentralisée

au Mali, a souligné les difficultés pour sélectionner les projets et pour les

accompagner dans la mesure où la formation des personnes est souvent inadaptée.

M. Robert Bret a exprimé son inquiétude sur l’articulation entre politique

de développement et politique de gestion des flux migratoires qu’il a jugée illusoire

et dangereuse. Il a estimé que l’immigration choisie conduisait au pillage des

cerveaux et était un obstacle au développement. Il a considéré que les relations entre

la France et l’Afrique devaient être révisées.

Mme Catherine Tasca a souligné que le choix des micro-projets était

effectivement décisif et que les interlocuteurs de la délégation au Maroc avaient

parfois souligné leur inadéquation avec les priorités de l’économie marocaine.

L’accompagnement des migrants, qui ne sont pas toujours des « entrepreneurs nés »,

est également une donnée très importante.

Une meilleure place devrait être faite aux projets portés par des initiatives

locales et non venus de l’extérieur. Pour ce qui concerne l’articulation entre la

politique de gestion des flux migratoires et la politique de développement, il est vrai

qu’il n’y a pas concordance de temps entre ces deux politiques. Pour autant, il est

- 54 -

clairement apparu aux rapporteurs que la question migratoire devrait être intégrée

dans la politique de développement.

Deux perspectives sont possibles : ou le co-développement se résume à une

politique de contrôle de l’immigration, ou il est un instrument du renouveau de la

politique de développement.

M. Jean-Pierre Plancade a fait observer qu’une addition d’initiatives

individuelles ne pouvait constituer une politique globale. La question migratoire,

pour laquelle la France est en première ligne, appelle une réflexion globale sur le

développement.

M. André Rouvière s’est inquiété de « l’appel d’air » et de l’encouragement

à la migration que pourraient représenter les aides au retour. Il s’est interrogé sur leur

efficacité.

Mme Catherine Tasca a indiqué que la délégation s’était interrogée sur les

conséquences d’une politique consistant à privilégier des entrepreneurs de projets

venus de France. Elle a réfuté les effets incitatifs à la migration des aides au retour,

considérant que l’écart des situations suscitait au premier chef les courants

migratoires. Le co-développement tente précisément de rendre le retour profitable

pour le pays d’origine.

M. Jean François-Poncet a considéré que le développement était l’un des

principaux problèmes auxquels le monde actuel était confronté. Il a estimé qu’il

consistait trop souvent à plaquer des solutions venues de l’extérieur sur des réalités

nationales sans les modifier en profondeur. Il a souligné que les compétences et les

savoir-faire acquis en France par les migrants pouvaient favoriser une meilleure

articulation du développement avec la réalité sociale. Le recours à ce mécanisme

pour la gestion des flux migratoires en détournerait l’objet. Le co-développement

offre des orientations intéressantes mais difficiles à mettre en oeuvre. Il a jugé

intéressante l’idée de promouvoir le fait d’avoir passé quelques années en France

avant de réussir au Mali.

Il a ensuite souhaité que le rapporteur apporte des précisions sur le coût des

transferts, la nécessité de communautés structurées, ainsi que sur le concept de

migration circulaire.

Mme Catherine Tasca, rapporteur, a souligné que le coût des transferts

tenait pour beaucoup à la faiblesse des circuits bancaires locaux qui laisse certains

prestataires en situation de quasi-monopole.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a rappelé que le projet de création d’une

banque d’investissement euroméditerranéenne s’était heurté à l’hostilité des autres

banques de développement.

Mme Catherine Tasca, rapporteur, a rappelé qu’une des préconisations de la

délégation était le renforcement de l’accès au crédit.

M. Robert Bret a insisté sur la nécessité de réviser en profondeur les modes

de fonctionnement de l’économie mondiale.

- 55 -

A l’issue de ce débat, la commission a donné acte au rapporteur de sa

communication, dont elle a autorisé la publication sous la forme d’un rapport

d’information.

- 56 -

- 57 -

ANNEXE I -

AUDITIONS EN COMMISSION

MME BRIGITTE GIRARDIN, MINISTRE DÉLÉGUÉE À LA

COOPÉRATION ET À LA FRANCOPHONIE, LE 13 FÉVRIER 2007

La commission a procédé à l'audition de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la

coopération, au développement et à la francophonie.

A titre liminaire, Mme Brigitte Girardin a exprimé deux convictions, celle de la

nécessité d'une approche globale des phénomènes migratoires, conciliant davantage la politique

d'immigration et les actions d'aide au développement, et celle de l'intérêt de promouvoir

l'approche française du co-développement, notamment auprès de nos partenaires européens. Elle

a souligné que les conférences euro-africaines, tenues en 2006 à Rabat, puis à Tripoli, avaient

permis une prise de conscience internationale sur la nécessité d'établir un lien entre migration et

développement. A l'occasion de ces conférences, pays de départ, pays de destination et pays de

transit ont affirmé une volonté commune de rechercher des solutions concertées et d'agir sur les

causes et sur les conséquences des phénomènes migratoires dans une approche globale.

Mme Brigitte Girardin a rappelé qu'il ne s'agissait pas de chercher à éradiquer les

migrations. Aller à l'encontre d'une constante de l'histoire de l'humanité serait non seulement une

entreprise vaine, mais aussi un mouvement contre-productif, dans la mesure où les mouvements

de population sont créateurs de richesses, la Banque mondiale estimant à 772 milliards de dollars

en 2025 la contribution des migrants à l'accroissement du revenu mondial. Il s'agit de parvenir à

un partage équitable de ce gain global et d'agir ensemble pour éviter les effets négatifs que

suscitent les migrations subies, d'un côté, la perte de travailleurs qualifiés et de l'autre, les

difficultés d'intégration des migrants. La démarche consiste à passer de migrations subies à des

migrations accompagnées, ce qui suppose une meilleure articulation entre la politique de gestion

des flux migratoires et la politique de coopération.

Mme Brigitte Girardin a ainsi précisé qu'elle faisait en sorte que les projets de

coopération soient davantage tournés vers les investissements productifs pour privilégier les

projets créateurs d'emplois dans les pays du sud, qu'elle s'efforçait de mieux cibler l'aide

française sur les régions d'où sont issus les migrants, à l'exemple de la région de Kayes, au Mali,

et qu'elle intégrait désormais la question des flux migratoires dans les instruments de

programmation de l'aide que sont les documents-cadre de partenariat.

Elle a souligné que la pauvreté restait la première motivation pour quitter le pays

d'origine et, qu'à côté de mesures répressives visant à réguler l'arrivée des immigrés, il fallait

aider les pays de départ à retenir leur population sur place. Elle a rappelé à cet égard les

engagements pris par la communauté internationale d'accroître les volumes d'aide destinés à

l'Afrique.

Elle a ensuite insisté sur la nécessité de promouvoir le co-développement, à savoir la

participation des migrants présents dans les pays du nord au développement de leur pays

d'origine. Elle a rappelé que la France était à l'origine de cette notion de co-développement,

qu'elle expérimentait avec succès au Maroc, au Sénégal et au Mali, où la récente visite du

commissaire européen, M. Louis Michel, a témoigné de l'intérêt de la commission pour cette

démarche.

Elle a considéré qu'un changement d'échelle était désormais nécessaire, par la

multiplication des projets de co-développement et l'implication de l'ensemble des bailleurs de

fonds, notamment de la Commission européenne. Elle a rappelé que les initiatives prises par le

Gouvernement en matière de co-développement s'articulaient autour de trois axes : le

développement local, la mobilité des personnes et la mobilité de l'épargne.

- 58 -

Pour ce qui concerne le développement local, le ministère des affaires étrangères

accompagne financièrement les projets engagés par les associations de migrants installés en

France qui visent à financer des équipements collectifs dans les pays d'origine ou des projets

d'investissement productif. Il intervient également en appui à la réinsertion économique des

migrants dans leur pays d'origine, par le financement de micro-projets créant de l'activité et des

emplois. 432 migrants sont rentrés au Mali grâce à de tels projets de réinsertion et ils ont créé sur

place 1.200 emplois. La ministre a indiqué qu'après avoir expérimenté ces actions dans quelques

pays, le champ géographique en était désormais élargi, en fonction des besoins exprimés et de la

mobilisation des diasporas, à l'ensemble des pays sub-sahariens membres de la francophonie,

ainsi qu'à Haïti, au Vanuatu et à l'Ethiopie.

S'agissant de la mobilité des personnes, le gouvernement souhaite proposer aux

migrants qualifiés installés en France de transmettre leurs compétences, soit au travers de

missions d'assistance technique de courte durée, soit, en matière universitaire, par l'enseignement

à distance. Ce type d'action s'adresse aussi aux Français issus des migrations qui, même s'ils ne

connaissent pas leur pays d'origine, sont souvent très intéressés par ce type d'action. Afin de

mobiliser un nombre croissant de ces jeunes, le ministère des affaires étrangères a intégré cette

mission dans le contrat d'objectifs et de moyens, signé en décembre 2006 avec l'Association

française des volontaires du progrès.

S'agissant de la mobilité de l'épargne des migrants, les objectifs portent sur la

diminution du coût des transferts et sur une meilleure orientation vers l'investissement productif.

Le ministère des affaires étrangères cherche à favoriser une plus grande transparence des services

offerts aux migrants. Dans cette optique, un site internet permettant de comparer les différentes

prestations disponibles pour les transferts de fonds devrait être prochainement lancé. L'initiative,

prise par le groupe La Poste et par l'Union postale universelle, de la création d'un nouveau

mandat garantissant un transfert électronique d'argent en deux jours a également permis d'obtenir

un prix inférieur de moitié à celui jusqu'alors observé.
Mme Brigitte Girardin a rappelé que la

loi du 24 avril 2006 avait créé un compte épargne co-développement dont le décret d'application

vient d'être signé et qui vise à orienter l'épargne des migrants vers les investissements productifs

dans leur pays d'origine.

Elle a considéré que cette approche originale du co-développement suscitait un intérêt

croissant de la part des partenaires européens de la France, comme en témoigne l'engagement pris

par la Commission européenne et l'Espagne, visant à la création, à titre expérimental, d'un centre

pour la migration accompagnée, qui s'inspirera largement de l'expérience bilatérale francomalienne.

Elle a précisé que le Mali avait été retenu pour ce projet-pilote sur sa suggestion, en

raison de la qualité de la relation franco-malienne, qui peut servir de modèle pour structurer les

relations entre l'Europe et l'Afrique dans une approche globale des migrations. La France et le

Mali disposent ainsi depuis 1998 du comité bilatéral des migrations, qui aborde le phénomène

migratoire dans toutes ses dimensions en faisant le lien entre gestion des flux de personnes,

intégration des Maliens vivant en France et aide au développement du Mali. C'est cette approche

globale qui a permis d'obtenir des Maliens qu'ils s'engagent dans la négociation d'un accord de

réadmission que beaucoup d'autres pays africains refusent encore.

Mme Brigitte Girardin a souligné, en conclusion, le caractère indissociable des

politiques d'immigration et des politiques de développement. Elle s'est déclarée convaincue que

cette approche permettrait de briser la spirale du triple échec qui est encore trop souvent

aujourd'hui le parcours du migrant : arrachement à la terre natale, du fait de la pauvreté, nonintégration

dans le pays d'arrivée et reconduite à la frontière avec un retour au pays sans aucune

perspective.

Un débat a suivi l'exposé de la ministre.

M. Jean François-Poncet, président, a estimé que la démarche du co-développement

était incontestable, mais s'est interrogé sur les effets à en attendre sur les flux migratoires. Il s'est

élevé contre le caractère exorbitant des tarifs pratiqués pour les transferts de fonds, suggérant des

campagnes de presse pour entacher l'image des institutions bancaires concernées et influer sur

- 59 -

leurs pratiques. Il a considéré qu'il était préférable de souligner les difficultés rencontrées par les

migrants dans leur démarche plutôt que de mettre en relief le retour au pays de ceux qui ont

réussi, ce qui ne peut avoir qu'un effet incitatif au départ.

Mme Brigitte Girardin est revenue sur la nécessité d'un changement d'échelle pour la

politique de co-développement, qui doit couvrir tous les pays concernés par le phénomène

migratoire et intéresser les autres bailleurs, au premier rang desquels l'Union européenne. Elle a

souligné les hésitations qui avaient entouré la politique de co-développement à ses origines, tout

en considérant que la politique répressive était certes nécessaire, mais non suffisante. Evoquant

son expérience de ministre de l'outre-mer, elle a insisté sur le caractère indispensable du volet

« développement », à défaut duquel les reconduites à la frontière risquent de porter à plusieurs

reprises sur les mêmes individus. Elle a jugé que les commissions pratiquées pour le transfert de

fonds étaient effectivement très élevées et nécessitaient l'introduction d'une concurrence pour

faire baisser les prix.

Elle a souligné l'intérêt d'une gestion concertée des flux migratoires et de leur

canalisation vers une migration légale, dans la mesure où certains pays européens ont des besoins

dans des secteurs d'activité précis.

M. Robert Bret, évoquant le constat formulé par certaines ONG à l'occasion du

sommet France-Afrique, a appelé à une refondation de la relation entre la France et l'Afrique, qui

privilégie la non-ingérence tant en matière politique, militaire ou monétaire. Considérant que

l'immigration choisie était un pillage des cerveaux, il a souhaité que la France révise ses rapports

avec l'Afrique.

Mme Brigitte Girardin a considéré qu'il convenait de réactualiser ce type de

jugement. Le sommet de Cannes est la 24è édition des rencontres Afrique-France, et si ces

sommets n'étaient qu'une démonstration de paternalisme, les sommets UE-Afrique, Amérique

latine-Afrique, Chine-Afrique, ou encore Japon-Afrique ne feraient pas florès. Elle a fait état des

évolutions considérables intervenues dans les relations entre la France et l'Afrique, au profit

d'une politique de partenariat aux exigences conformes à celles de tous les bailleurs de fonds. La

France allie l'exigence de bonne gouvernance à l'impératif de l'efficacité et des résultats.

Reconnaissant que la politique d'aide au développement avait longtemps souffert de l'absence de

culture de l'évaluation, elle a souligné qu'il s'agissait désormais d'une obligation à l'égard des

contribuables. Elle a estimé que la « Françafrique » relevait d'un procès d'intention qui n'avait

plus lieu d'être et qu'il s'agissait d'une vue décalée des réalités africaines, qui traduisait une

méconnaissance profonde du continent. En matière militaire, la France n'intervient plus que sous

mandat des Nations unies ou de l'Union européenne ou en application d'accords de coopération

militaire, comme au Tchad et en Centrafrique. Dans ce dernier cas, sans intervention française,

un risque de déstabilisation menacerait toute l'Afrique centrale, y compris la République

démocratique du Congo qui se relève d'une longue guerre civile.

Mme Catherine Tasca a souligné la nécessité d'une réflexion globale en matière de

développement qui ne fasse pas l'économie d'un appui à l'Etat de droit. Elle a insisté sur la

nécessité de disposer d'un appareil de justice adéquat. Elle a relevé que le reproche

d'unilatéralisme était souvent fait aux politiques de co-développement et s'est interrogée sur la

part d'initiative des pays d'origine dans leur définition. Evoquant la signature d'un accord avec le

Sénégal, pour la gestion concertée des flux migratoires, elle a souhaité savoir quelles étaient les

relations entre les ministère des affaires étrangères et celui de l'intérieur dans la gestion de ces

questions. Notant que les migrations étaient avant tout une question africaine, elle a souhaité

savoir quel regard les institutions régionales africaines portaient sur ce dossier.

Mme Brigitte Girardin a précisé que le soutien à l'Etat de droit figurait presque

systématiquement dans les instruments de programmation de l'aide au titre des secteurs

transversaux. Elle a considéré que le co-développement ne pouvait pas être efficace s'il

s'inscrivait dans une démarche unilatérale. Elle a indiqué que le comité franco-malien sur les

migrations constituait un modèle de référence pour évoquer tous les sujets. L'établissement d'un

lien avec le ministère de l'intérieur est un peu nouveau sur ces questions, mais une coordination

- 60 -

est indispensable. Les conférences de Rabat et de Tripoli ont ainsi réuni les deux ministres. Pour

ce qui concerne l'accord avec le Sénégal, ces stipulations sont intégrées dans le document-cadre

de partenariat. Cette approche globale est une forme de « révolution culturelle ». Le problème

migratoire est effectivement, avant tout, interne à l'Afrique. Sur les 4 millions de Maliens qui

vivent à l'étranger, 3,5 millions sont établis dans un autre pays du continent. L'intégration

régionale progresse sur ces questions et la communauté économique des Etats d'Afrique de

l'Ouest (CEDEAO) devrait être également l'une des bénéficiaires de l'enveloppe de près de 40

millions d'euros prévue par l'Union européenne pour le co-développement sur l'enveloppe du IXe

FED.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a rappelé que le co-développement avait été

inventé par les associations de migrants, il y a plus de vingt ans, et qu'il était propre aux

communautés dotées d'une tradition migratoire et fortement structurées, comme la communauté

malienne. Mais elle a souligné que le cas du Mali était exceptionnel et que les migrations

actuelles prenaient de nouvelles formes et n'étaient plus le fait de communautés organisées. Elle a

exprimé son inquiétude sur la forme prise par le co-développement, soulignant qu'il convenait de

soutenir les associations de migrants, et non pas de s'y substituer.

Mme Brigitte Girardin a exprimé son accord avec cette dernière appréciation,

soulignant que la France était le seul pays à soutenir les associations de migrants et que la

relation de travail était excellente. Il s'agit de privilégier, entre autres, l'organisation d'un retour

dans la dignité, en vertu d'une approche plus humaine que l'approche strictement sécuritaire

adoptée jusqu'à présent.

- 61 -

M. JEAN-MICHEL SÉVÉRINO, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AGENCE

FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT (EXTRAIT DE L’AUDITION DU 7

FÉVRIER 2007)

Abordant ensuite les termes du débat international sur le développement, M. Jean-MichelSeverino a souligné que la planète comptait actuellement six milliards d'habitants, qu'elle devrait en

compter environ 10 milliards à l'apogée de la transition démographique dans une vingtaine d'années,

dont 2,5 milliards dans les pays émergents, un milliard dans les pays de l'OCDE et de 6 à 7 milliards

dans les pays pauvres, qui concentreront l'essentiel de la croissance démographique. L'Afrique compte

actuellement 600 millions d'habitants et devrait en compter un milliard dans 20 ans. La transition

démographique pourrait s'y produire vers 2030, à un niveau compris entre 1,2 et 1,5 milliard

d'habitants. Dans les années 1960, l'Afrique comptait moins de 100 millions d'habitants, ce qui donne

une image saisissante de l'enjeu humain et n'a pas de précédent comparable dans l'histoire de la

croissance démographique. La croissance démographique du continent africain se double d'une

sensibilité extrême au réchauffement climatique, supérieure même à celle du sous-continent indien.

L'épuisement des sols, la déforestation, la disparition des ressources en eau engendrent une dynamique

problématique et perverse qui a non seulement un impact sur les grands équilibres climatiques, mais

aussi sur les équilibres internationaux. La densification démographique entraîne des mouvements de

population qui s'effectuent principalement à l'intérieur du continent.

Prenant l'exemple du Niger,
M. Jean-Michel Severino a indiqué que les 15 millions

d'habitants de ce pays se concentraient sur l'étroite bande des rives du fleuve, zone qui souffre d'une

détérioration écologique. La croissance démographique de ce pays est de 3 % par an et devrait doubler

la population du pays dans les années à venir, alors que le Niger n'est qu'un des pays du réservoir

démographique africain. Une fraction de cette population devrait chercher à gagner le nord de la

Méditerranée, tandis que la majeure partie s'arrêtera sur la rive sud. Les pays du Maghreb deviennent

des pays récepteurs de flux migratoires, alors qu'ils ont entamé leur transition démographique et

connaissent un succès économique relatif.

M.
Jean-Michel Severino a souligné que ces mouvements massifs de population, qui

accroissent les risques de conflictualité sur tout le continent, conduisaient à s'interroger sur les

perspectives de croissance dans les pays d'origine, ainsi que sur les politiques à mener pour fixer les

populations sur leur terre. Il a indiqué que l'Afrique sub-saharienne avait une croissance moyenne de

5 % par an, ce qui était supérieur à la croissance démographique mais insuffisant pour permettre un

rattrapage économique. Les mécanismes de cette croissance sont stables : le niveau élevé des matières

premières, l'assainissement des politiques économiques, ainsi que le désendettement massif opéré par

la communauté internationale et dont l'impact macro-économique peut être évalué entre 1 et 1,5 point

de croissance. Elle a cependant des aspects négatifs comme la destruction du capital naturel, le

mésusage des fruits de la croissance et l'augmentation des inégalités sans amélioration globale des

conditions de vie. Parmi des situations très différentes qui vont des pays pétroliers aux pays en crise,

la situation intermédiaire des pays sans ressources naturelles, mais qui connaissent une croissance, est

un véritable enjeu pour l'action des bailleurs de fonds.

Evoquant les objectifs du Millénaire,
M. Jean-Michel Severino a rappelé qu'il s'agissait

d'objectifs de performance dans huit grands secteurs du développement économique et social. Il a

estimé qu'à l'égard de ces objectifs, le continent africain était en situation d'échec, aucun Etat sur la

pente actuelle ne pouvant y parvenir à l'échéance fixée. Les situations sont contrastées. Un Etat

comme le Niger ne pourra atteindre ses objectifs en 2015, ni même en 2050. Tandis que le Burkina

Faso n'atteindra pas les objectifs en 2015, mais ne doit pas être considéré en situation d'échec, son

rythme d'amélioration de la scolarisation primaire étant supérieur à celui de la France à la fin du XIXe

siècle. La fixation des objectifs du Millénaire pour le développement s'est faite sans prendre en

compte la situation de départ des Etats. Ce constat suscite un dilemme sur les objectifs de l'aide entre

l'instauration d'un transfert redistributif à l'échelle mondiale, indépendamment de toute performance

économique, ou la recherche d'investissements permettant aux Etats d'acquérir une autonomie. Il s'agit

- 62 -

là d'une question fondamentale : si l'aide publique au développement est considérée comme un

investissement, la logique serait de se retirer d'un Etat comme le Niger, alors que si elle constitue une

redistribution, il faut au contraire y accroître massivement l'aide. Si l'objectif est d'instaurer une socialdémocratie

à l'échelle planétaire, l'effort financier additionnel nécessaire représente entre 200 et

350 milliards d'euros.

M.
Jean-Michel Severino a souligné que la question migratoire se trouvait au coeur de ce

débat. Il s'agit de fixer les populations par l'amélioration de leurs conditions de vie. Il a indiqué qu'une

attention particulière était portée aux flux financiers des migrants qui ont atteint un niveau très

important, de l'ordre de 250 milliards de dollars. Pour ce qui concerne la France, ils sont

principalement destinés au Maghreb, au Mali et au Sénégal. M. Jean-Michel Severino a considéré que

la gestion de ces flux était complexe en l'absence de clarté sur les finalités de l'action publique. S'agitil

d'orienter davantage les flux vers le développement, alors qu'ils sont actuellement destinés à la

consommation plus qu'à l'investissement ? Il faut alors considérer que les régions d'origine sont

défavorisées et offrent un faible potentiel d'investissement. Le soutien à la consommation représente

alors une utilisation logique du revenu. Dans certaines zones, ces transferts sont devenus une rente qui

pousse les Etats à exporter leurs concitoyens. Les marges de manoeuvre sont réduites. S'agit-il

d'améliorer le retour des personnes en favorisant leur propre projet de développement ? Les

perspectives sont modestes et la balance coûts-bénéfices est faible pour les personnes concernées. La

difficulté du sujet conduit l'AFD à l'aborder dans un esprit d'expérimentation. L'AFD accompagne

concrètement des projets d'investissement et elle contribue à simplifier et à faire baisser le coût des

transferts financiers. Ces travaux devraient se poursuivre en 2007 et en 2008, selon le même mode de

l'expérimentation.

- 63 -

ANNEXE II -

AUDITIONS DE LA DÉLÉGATION

A PARIS

. Ministère des Affaires étrangères

- M. Guy SERIEYS

Ambassadeur délégué au co-développement

- M. Jean-Christophe DEBERRE

Directeur des politiques de développement (DGCID)

- M. François BARRY-MARTIN DE LONGCHAMPS

Directeur des Français à l’étranger et des étrangers en France

. Ministère de l’Intérieur

M. Stéphane FRATACCI

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques

. Comité interministériel de contrôle de l’immigration

M. Patrick STEFANINI

Secrétaire général

. Agence Française de développement

- M. Patrick DAL BELLO

Coordonnateur Mali

M. Jean-Pierre BARBIER

Mme Aude DELESCLUSE

Coordonnateurs Maroc

. Ministère de la Cohésion sociale

M. Patrick BUTOR

Directeur des populations et des migrations

. Forum des Organisations de Solidarité Internationale issues des Migrations

(FORIM)

M. Chansamone VORAVONG, Président

M. Abdallah ZNIBER (Association Migrations et Développement,

Maroc),

- 64 -

M.Gaharo DOUCOURE (Association AFTAM, Mali)

A BRUXELLES

M. Manuel LOPEZ BLANCO
, directeur ACP II – Afrique

occidentale et centrale, Caraïbes et PTOM, direction générale du

développement – Commission européenne

M. Jean-Louis DE BROUWER, directeur immigration, asile et

frontières –DG Justice, liberté et sécurité – Commission européenne

M. KOOS RICHELLE, directeur général d’EuropAid, et M. Richard

WEBER, directeur général adjoint

M. Franco FRATTINI, commissaire européen en charge de la justice

et des affaires intérieures

A RABAT

M. Fathallah OUALALOU
, Ministre des Finances et de la

Privatisation.

Visite du service des visas du Consulat général de Rabat, par
M. Alain

LE-SEACH, Consul général

M. Bruno DETHOMAS, Délégué de la Commission européenneEntretien avec M. Michel PERALDI, directeur du Centre Jacques

BERQUE pour les études en sciences humaines et sociales, et avec des

chercheurs français

M. Luis PLANAS PUCHADES, Ambassadeur d’Espagne

Dîner avec des personnalités marocaines dont Mme NouzhaCHEKROUNI

, ministre des Marocains résidents à l’étranger

Réunion de travail à la Chancellerie présidée par Mme AnneGRILLO-NEBOUT

, Chargée d’affaires, avec les représentants de la

Chancellerie de l’AFD , de l’ANAEM – du service de coopération et

d’action culturelle, de la mission économique, du service de coopération

de police et du consul à Tanger.

M. Mohamed BENAÏSSA, Ministre des Affaires étrangères Déjeuner avec M. René TROCCAZ, chef du SCAC, avec des

membres de la communauté universitaire

- 65 -

Visite de terrain à Mohamedia d’un programme de résorption de

l’habitat insalubre. Entretien avec le préfet de Mohamedia.

Dîner à la résidence du Consul général à Casablanca,
M. Gilles

BIENVENU, en présence de personnalités du monde des affaires dont

M. Hafid ELALAMY, président de la CGEM (Confédération générale

des entreprises du Maroc).

A BAMAKO

Entretien à la Chancellerie et au Consulat, visite du service des visas.

Réunion de travail sur le FSP co-développement avec les responsables

de la cellule co-développement de l’ambassade et des opérateurs

maliens.

Déjeuner avec les chefs de service.

Visite de 3 projets de réinsertion de migrants de retour au Mali dans la

zone de Kati

Déjeuner avec les Ambassadeurs d’Espagne et d’Allemagne en

présence des Ministres des Maliens de l’Extérieur et de l’Intégration

africaine, et du Délégué général des Maliens de l’Extérieur.

M. Amadou TOUMANI TOURÉ, président de la République

M. Moctar OUANE, ministre des affaires étrangères et de la

coopération.

M.Abou Backar TRAORÉ ministre des finances.

M. Oumar DICKO, ministre des Maliens de l’Extérieur et de

l’Intégration africaine.

Mme Aminata TRAORÉ, ancien ministre de la culture et du tourisme

et des « retournés » de Ceuta et Melila, membres de l’association

« Retour travail dignité ».

Mme Irène HOREJS, chef de la délégation de la Commission

européenne.

Vos rapporteurs adressent leurs plus vifs remerciements à Mme Anne

Grillo-Nebout, chargée d’affaires AI lors de leur visite à Rabat et à

M. Michel Reveyrand de Menthon, ambassadeur de France à Bamako,

pour la qualité des programmes préparés à leur intention.

 

[Pour d'autres textes relatifs à l'Accord de "gestion concertée", voir catégorie: "Conventions Accords Lois Codes Règlements"]

 


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